Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Hazel eyes - Tome 1: Dons
Hazel eyes - Tome 1: Dons
Hazel eyes - Tome 1: Dons
Livre électronique482 pages9 heures

Hazel eyes - Tome 1: Dons

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

                        Des êtres Humains évolués.

                                          A

                                           Z

                                           E

             La quête spiritueLle d’une âme en peine.

                                          E

                                          Y

                     Des destins Etroitement liés.

                                          S

Voici ce qui vous attend en ouvrant ce livre, mais un conseil :

Chaque détail a son importance, alors concentrez-vous.

La solution se trouve peut-être à portée de main.










LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie17 avr. 2024
ISBN9782386251696
Hazel eyes - Tome 1: Dons

Auteurs associés

Lié à Hazel eyes - Tome 1

Titres dans cette série (3)

Voir plus

Livres électroniques liés

Vie familiale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Hazel eyes - Tome 1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Hazel eyes - Tome 1 - Tarah Desert

    Prologue : Origine du monde et mythologie égyptienne

    « La science est une bénédiction pour qui la saisit et une malédiction pour qui la fuit, mais on ne doit jamais être orgueilleux de son propre savoir puisqu’il n’y a pas de limite dans la science et que personne ne peut arriver à la perfection. »

    Ptahhotep

    Au commencement, une étendue d’eau, ténébreuse, illimitée, impalpable et sans direction constituait le néant. Appelée le Noun, cette substance était personnifiée par quatre couples de divinités, masculines ou féminines, et chacune d’elles symbolisait l’un des quatre principes de la substance primitive. Elles étaient nommées l’Infini, l’Obscurité, l’Invisibilité et L’Errance. Cet océan primordial, inerte et paisible, effrayant, mais inoffensif, se complaisait dans son état d’inconscience en arborant avec modestie un équilibre parfait et éternel, à l’image de ses divinités originelles. Le Noun était pourtant d’une richesse incommensurable et disposait de tous les éléments nécessaires à la Création. Un jour, dans les tréfonds de son immensité, une variation minime et presque imperceptible le déstabilisa. Cette hypostase infinitésimale possédait l’essence des origines et la connaissance absolue du tout. En prenant conscience de son existence et par la force de sa volonté, elle se développa avec véhémence jusqu’à devenir le Tout-Puissant, le Démiurge. Cet être suprême prononça alors son nom et le monde comprit que le premier dieu primordial s’était réveillé. Atoum, dont la solitude lui pesait, cracha puis éternua, et par cet acte, il fit émerger du Noun deux dieux primordiaux, qu’il appela Shou et Tefnout. Le dieu de l’air et la déesse de l’humidité, nouvellement nés, décidèrent de partir ensemble explorer les eaux primitives, mais sans leur père, ils s’y perdirent. Atoum envoya à leur recherche son œil divin, une puissance brûlante et explosive, le dieu soleil Ré. L’intensité de la lumière qui jaillissait de son essence l’aida à retrouver les disparus et à les ramener auprès du Créateur. Soulagé de leur retour, Atoum versa des larmes dans le Noun.

    Shou et Tefnout s’unirent et de leur amour naquirent Geb et Nout. Ces progénitures divines étaient si étroitement enlacées que le néant lui-même ne pouvait circuler entre eux. Leur père voyait ses enfants infertiles et s’inquiéta, puis sous l’ordre d’Atoum, il décida de les séparer. Shou plaça son fils, le dieu de la terre, en dessous de sa fille, la déesse du ciel, et avec l’aide des divinités originelles, la magie opéra. La première planète naquit. Elle fut appelée la Terre. Puis de nombreux corps célestes apparurent jusqu’à former l’Univers tout entier.

    L’Infini devenu Fini.

    Lorsque la planète bleue émergea du Noun par le pouvoir des dieux, Atoum autorisa son œil divin à évoluer à distance, mais il obligea Ré à entreprendre une course bien définie dans le ciel. À bord de sa barque enchantée, il éclaira des astres nouvellement conçus qui se mirent à graviter autour de lui à une vitesse régulière et incroyablement rapide. Le premier système Réaire vit le jour.

    De l’Obscurité jaillit la Lumière.

    En signe de l’amour infini du Créateur envers ses enfants, les larmes d’Atoum apportèrent sur Terre le mouvement, la conscience et le temps, qui se manifestèrent de différentes façons. Une multitude de cellules microscopiques, au pouvoir extraordinaire, se développèrent pour se regrouper à leur guise et former deux familles interdépendantes : la flore et la faune. Parmi celles capables de se mouvoir selon leur propre volonté, une espèce animale fut vantée par le premier dieu primordial comme l’apogée de son expression créative et vivante. Elle fut appelée l’Homme.

    De l’Invisible émergea le Visible.

    Atoum hébergea ses créations complexes sur la planète bleue et Ré resta à proximité pour les guider. L’environnement dans lequel évoluait la vie devait représenter un lieu d’exploration infini, alors le Créateur demanda aux dieux primordiaux d’y établir les règles nécessaires à son équilibre et accepta en retour qu’ils y séjournent. Dès que la tâche fut terminée, les Humains sortirent de leur ville natale, Héliopolis, pour parcourir leur nouveau terrain de jeu. Or, seuls ceux qui en comprirent les rouages parvinrent à découvrir tous ses mystères, puis à transmettre leurs savoirs à leurs semblables. Grâce aux plus téméraires d’entre eux, les mortels purent, avec le temps, conquérir tout le territoire offert par leur Créateur.

    De l’Errance, la Direction apparut.

    Ainsi le Noun abritait l’Univers d’Atoum, la Terre recueillait les descendants du premier dieu primordial et l’œil divin Ré les protégeait.

    Une image contenant noir, obscurité, noir et blanc Description générée automatiquement

    Chapitre 1 : À la découverte de l’Angleterre

    « À partir de l’incertitude, avancer tout de même. Rien d’acquis, car tout acquis ne serait-il pas paralysie ? L’incertitude est le moteur, l’ombre est la source. Je marche faute de lieu, je parle faute de savoir, preuve que je ne suis pas encore mort. »

    Philippe Jaccottet

    Rhéa

    Vendredi 1er août

    Mon cœur se serre, mes pensées s’enfouissent et mon regard se perd à travers la vitre. Le temps est maussade et la pluie, tombant à grosses gouttes, incite les passants à déployer leur parapluie. Comme je le désirais, mon moral peut à présent s’aligner sur la météo estivale d’un mois d’août. Le savoir m’apporte un certain réconfort, mais la tristesse m’oppresse toujours autant, telle une chape de plomb m’étouffant à petit feu. Je prends alors une grande bouffée d’air et tente d’apaiser mon rythme cardiaque en contemplant à nouveau le paysage extérieur. Devant mes yeux fatigués se dressent quelques bâtiments dont la façade s’accorde aux tons grisâtres et menaçants du ciel orageux. La circulation se révèle, quant à elle, plutôt calme et organisée. Des taxis, garés sur le bas-côté, attendent patiemment que des voyageurs fassent appel à leurs services pour les mener à bon port et d’ailleurs, une queue commence à se former. Mon regard se porte soudain sur une femme, toute de noir vêtue, dont les traits tirés laissent percevoir un sentiment d’urgence et de désespoir. Cette quadragénaire traverse le passage piéton en hélant un chauffeur et quelques secondes plus tard, la voiture démarre sous les yeux exorbités de la foule. Mon allure actuelle ressemblerait-elle à la sienne ? Cette possibilité me déprime un peu plus et je soupire de lassitude en prenant conscience de mon piètre état mental. Sans crier gare, je suis sortie de mes pensées moroses par des cris stridents et mon corps se crispe aussitôt. Attirée par le vacarme, ma tête se tourne d’instinct vers la droite et mes épaules se relâchent en découvrant un enfant en pleine crise de nerfs. Cette vision incarne le résultat classique d’une mère refusant de céder aux caprices de son petit. Observer le trublion se rouler par terre, étire mes lèvres et tord mes entrailles à la fois. Il me fait penser à Agapé et cette évidence m’incite à m’éloigner au plus vite pour empêcher mes émotions de déborder.

    J’ai atterri à Londres il y a moins de quinze minutes et malgré ma peine, l’excitation commence à monter. Du coin de l’œil, je guette à présent l’arrivée de mon sac de randonnée sur le carrousel à bagages. J’ai essayé de partir légère et avec une certaine fierté, je suis parvenue à emporter avec moi dix-sept kilos en soute et sept kilos en cabine. Pour ce road trip d’un an, je me déleste finalement d’un poids incommensurable, celui de la routine meurtrière et du confort matériel, que je visualise comme des entraves à ma liberté déjà tant limitée. Aujourd’hui, je n’aspire plus à rien ou peut-être que j’attends tout de la vie, au contraire. Bien trop égarée pour poursuivre naïvement mon existence insipide, j’ai décidé de prendre une année sabbatique à trente-trois ans, dans le but de m’octroyer une pause bien méritée et penser à mon avenir. La démarche n’est pourtant pas courante à mon âge. La plupart du temps, les Humains la réalisent au cours de leurs études ou avant de démarrer dans la vie professionnelle, mais fidèle à mon statut d’être à part, j’ai tout laissé derrière moi. Huit années de bons et loyaux services m’ont en définitive amenée à tout perdre et ce rappel ravive ma douleur, dans une brûlure intense et profonde, presque impossible à soulager. Soudain, j’aperçois Grigris au loin alors sans attendre, je me fraye un chemin à travers la foule de vacanciers pour le rejoindre. Tel un animal de compagnie fidèle, j’ai baptisé de ce nom mon sac de randonnée afin de me sentir un peu moins seule au cours de ce périple. Le voir me réconforte et même si mon sentiment peut sembler absurde, il marque le début de mon voyage qui peut maintenant commencer sereinement. Je le récupère ainsi de justesse et me gratifie de ma pratique sportive régulière, car mon bagage, aussi léger soit-il, reste un poids lourd à soulever. Ces dernières semaines, j’ai couru chaque jour entre cinq et quinze minutes pour passer mes nerfs. Il m’est de même arrivé d’utiliser mon elliptique, en visionnant un film d’action ou de suspense, mais j’ai préféré bannir pour le moment les romances, incompatibles avec mes états d’âme. D’autre part, j’ai pris le temps de feuilleter des livres de développement personnel sur la gestion des émotions, sans résultat probant. Mes principales occupations de la semaine ont ainsi été de préparer mon sac, manger et pleurer. Enfin, pour être honnête, surtout les deux dernières. J’ai dû m’enrober de trois kilos depuis the Day avec toutes les tablettes de chocolat et les bonbons dont je me suis gavée à chaque crise de larmes. Or étant venue ici avec l’intention de laisser libre cours à ma déprime, mon apparence physique ne devrait pas m’importer outre mesure. D’ailleurs, les prochains jours remédieront rapidement à ce changement corporel et le savoir me met du baume au cœur.

    Sur cette note d’espoir, je me dirige vers la sortie et après avoir traversé plusieurs halls, j’atteins celui du Terminale Humain numéro un. Je prends dès lors le temps de désactiver le mode avion de mon téléphone portable, puis de constater avec tristesse l’absence de messages et mes yeux se posent un instant sur l’écran d’accueil. Il est onze heures cinquante en heure locale. Sachant qu’une personne doit venir me chercher devant les guichets de location de voiture dans dix minutes, je m’avance avec entrain vers la zone indiquée sur les panneaux d’affichage. J’ai prévu de commencer mon périple par un trekking organisé de quinze jours, afin de découvrir la région du Lake District, qui se situe à environ cinq heures de route de la capitale. Participer à un voyage all inclusive présente de nombreux avantages, dont le fait de ne rien avoir à penser avant le départ. Pour dire, je n’ai pas pris le temps de m’intéresser au programme ou au comté dans lequel nous allons randonner. Les informations dont je dispose se révèlent être limitées, mais je sais malgré tout que le parc national est réputé pour ses montagnes au relief accidenté et qu’il y pleut souvent. J’ai toujours recherché la paix intérieure ainsi que la sérénité dans la nature, alors mardi matin, cette activité m’est venue à l’esprit telle une évidence et sur un coup de tête, j’ai pris ma décision. J’ai trouvé une destination où mon moral serait aligné à la météo puis sur le site d’une agence de voyages recommandé par mon moteur de recherche, j’ai réservé la première proposition suggérée, sans réfléchir outre mesure. Même si me déplacer dans des zones peu peuplées m’est fortement déconseillée, je me suis autorisée une folie, car les risques sont limités auprès des Humains et puis j’ai pris mes précautions. Convaincue de mon choix, je dépose Grigris à mes pieds et patiente. Les minutes passent, les unes après les autres, puis un couple s’arrête à un mètre de moi et, sans même me regarder, les amants se retournent pour m’offrir leur dos. Une femme les rejoint, aussitôt suivie par un autre voyageur, et en quelques battements de cils, je suis entourée de huit individus dont les échanges ne me laissent aucun doute sur leur nationalité. Nous avons incontestablement pris le même avion en provenance de Marseille. N’ayant aucune envie de sociabiliser, je m’écarte de l’attroupement avec une certaine gêne, mais je me promets de faire bonne figure dès demain. Soudain, un homme, d’une trentaine d’années, arrive d’un pas décidé vers nous, en tenant d’une main une pancarte sur laquelle est écrit « Trekking Paradize ». Un sourire éclatant illumine ses traits masculins et sur un ton charmeur, l’individu prend la parole :

    Les épaules de certains voyageurs s’abaissent en signe de soulagement et mes lèvres s’étirent malgré moi. Considérant l’anglais comme ma langue maternelle, je la parle couramment depuis toujours et d’ailleurs, en passant la plus grande partie de ma vie en France, je suis parvenue à devenir bilingue bien avant ma majorité. Cette pensée ravive de vieilles émotions et sans y prêter attention, monsieur Watterson poursuit son discours avec la politesse caractéristique des Britanniques :

    Le guide sort à la fin de son discours un papier froissé de sa poche afin de vérifier nos identités. À l’appel de son nom, Marie Bonnet, la petite femme blonde aux cheveux tressés, du seul couple participant à l’aventure, s’avance d’un pas rapide et montre son passeport. Monsieur Watterson la gratifie de son beau sourire, puis appelle son mari, Arnaud Bonnet, au moment où un individu, vêtu d’un anorak kaki et dont la capuche couvre la totalité de son front, l’interpelle. L’importun chuchote à son oreille et à la seconde où il relève la tête, j’ai la sensation que ses yeux me sondent derrière sa paire de lunettes de soleil opaque. L’homme pointe alors la liste et trace avec son doigt une ligne imaginaire. Par ce geste, le guide frémit légèrement, mais acquiesce en affichant à nouveau une mine enjouée. Ce comportement étrange m’amène à croire que le perturbateur est l’un de ses supérieurs et par la suite, cette hypothèse s’installe dans mon esprit, en tournant en boucle, puis disparaît brutalement, dès que notre accompagnateur reprend l’appel :

    Monsieur Watterson marque un temps d’arrêt, fronce les sourcils et rive son regard vers le mien avant d’affirmer :

    J’acquiesce d’un signe de tête et le guide déclare :

    John Watterson me montre l’homme à l’anorak kaki et poursuit sur un ton d’excuse :

    Je réponds par la négative et le guide me remercie puis invite les voyageurs à le suivre. Après que le groupe soit parti, un silence malaisant s’installe entre nous. En effet, mon chauffeur s’est positionné à mes côtés et sans un mot, il a décidé de se concentrer sur la poubelle d’en face. Je lui jette quelques coups d’œil sans parvenir à capter son attention, alors embarrassée, un soupir m’échappe et mes yeux observent l’écran d’accueil de mon téléphone pour compter les secondes. Au bout de deux minutes, qui m’ont semblé durer une éternité, l’individu à l’anorak kaki saisit son portable d’une main, décroche et seuls des sons gutturaux traversent la barrière de ses lèvres pincées. L’importun termine en acquiesçant puis se tourne dans ma direction et d’une voix profonde, il me précise que l’heure est venue de partir. Je profite du fait que l’homme ait amorcé la conversation pour lui demander si Elijah Stoica est arrivé et monsieur Korhonen me répond par la négative. Dès lors, je m’abaisse, récupère les bretelles de Grigris, puis essaye de le remettre sur mon dos avec une certaine difficulté. Chose faite, j’observe, sidérée, mon accompagnateur déjà loin devant moi, mais tout à coup, il se retourne et me lance d’un ton sec :

    La froideur de ses paroles m’étonne et mes sourcils se froncent, mais par politesse j’avance vers lui d’un pas rapide, en lui offrant un sourire qui n’atteint pas mes yeux. J’espère de tout cœur ne plus revoir cet homme dès que nous aurons regagné Ambleside. Monsieur Korhonen a les mains libres et je suis offusquée qu’il ne me propose pas son aide, mais aussitôt, je me rabroue intérieurement. Pouvoir me débrouiller seule dans n’importe quelle situation devrait être un objectif en soi et d’ailleurs, je n’ai besoin de personne dans ma vie, enfin sauf d’Agapé. Ne souhaitant montrer aucune faiblesse à ce manant, je marche la tête haute et d’un pas déterminé. Nous passons une porte vitrée, puis une seconde, et lorsque je suis essoufflée et pleine de sueur, nous parvenons à sortir de l’aéroport. Sans crier gare, l’odeur du pétrichor me monte au nez et mes yeux se ferment quelques instants pour en apprécier la fragrance si particulière. À l’instant où mes paupières s’ouvrent, je constate que mon chauffeur a déjà atteint l’autre côté de la chaussée et, agacé, il me fait signe d’avancer vers l’une des voitures les plus chères au monde. Monsieur Korhonen grimpe dans un Range Rover Sentinel et la surprise me laisse sans voix. Des souvenirs d’un passé lointain me reviennent brusquement en mémoire et je peine à cacher mon trouble. Mon père possédait le même modèle de couleur noire, mais celui-ci, gris métallique, se révèle plus discret et je l’apprécie davantage. L’un de mes rêves d’enfant était de conduire le véhicule familial et pour cette raison, je jubile à l’idée de passer quelques heures à l’intérieur. Je me mentirais à moi-même si je réfutais mon faible pour les voitures de luxe et d’une manière générale pour les matériaux de qualité. Or, je n’ai plus le loisir d’en profiter depuis bien longtemps et en le réalisant, mon humeur maussade disparaît comme par enchantement. Je rejoins sans attendre monsieur Korhonen, afin d’admirer ce bijou de plus près, puis après avoir déposé Grigris dans le coffre, je m’installe à l’arrière du quatre-quatre. Un large sourire est accroché à mes lèvres, mais à regret, ce dernier meurt en prenant conscience qu’une vitre sombre me sépare de la partie conducteur. Observer le tableau de bord au cours du trajet me sera impossible, alors mes épaules s’affaissent et je soupire de lassitude. Moins d’une seconde après avoir pu boucler ma ceinture, le Range Rover Sentinel démarre en trombe et dans un crissement de pneu mon corps est plaqué contre le siège. Dès que nous rejoignons la M40, le conducteur adopte une allure plus régulière, ce qui me permet de me détendre un peu et de m’installer plus confortablement. Mes écouteurs en place, je lance avec plaisir ma playlist « Symphonie ». Gymnopédie No 1 d’Erik Satie retentit dans mes oreilles et aussitôt la douce mélodie réchauffe mon cœur et me fait oublier les secousses erratiques de la voiture. Je pose ainsi la tête contre la vitre et regarde avec attention le paysage environnant défiler. La nature est verdoyante et malgré les nuages sombres obscurcissant le ciel, quelques rayons parviennent à les traverser. Ils éclairent d’une lumière presque mystique les bosquets et je me demande si mon expérience sera à l’image de ce spectacle saisissant. Ma volonté d’exister pourrait-elle être assez forte pour repousser les ténèbres ? Cette interrogation bouscule mon esprit, mais mon rythme cardiaque s’apaise et je finis par m’endormir paisiblement.

    Une image contenant noir, obscurité, noir et blanc Description générée automatiquement

    Chapitre 2 : Trouver la cible

    « L’archer a un point commun avec l’homme de bien : quand sa flèche n’atteint pas le centre de la cible, il en cherche la cause en lui-même. »

    Confucius

    Ezékiel

    Vendredi 1er août

    Un peu plus tôt.

    Assis, seul, à une table ronde et bancale d’un des cafés londoniens de l’aéroport d’Heathrow, je fais le point sur la situation. Les randonneurs de la première session d’août doivent se présenter dans dix-sept minutes sur le lieu de rendez-vous, à une dizaine de mètres devant moi, et pour le moment, je n’en ai repéré aucun. Ma tête tourne à nouveau vers le tableau d’affichage installé à ma droite et je vérifie une énième fois l’heure d’arrivée du vol de la compagnie française. L’Airbus A319 s’est posé quinze minutes plus tôt et j’en ai obtenu la confirmation par mon équipe, alors à l’approche de l’heure fatidique, je redouble de vigilance. D’après les recherches du client, la cible devrait faire partie de l’arrivage du jour et je l’espère sincèrement. En effet, nous avons pour mission d’identifier l’individu, de le réceptionner en toute discrétion puis de le livrer aux forces de l’ordre humaines, de préférence avant la fin de la semaine. Toutefois, le peu d’informations dont je dispose m’amène à prendre un risque trop élevé à mon goût et le savoir augmente mon irritabilité. En sus, pressée par le temps, mon équipe n’a pu vérifier qu’en partie les données transmises par le client et dans ces circonstances, tous les scénarios sont à étudier, même les plus improbables. La cible pourrait être armée, violente et si elle possède une déficience mentale ou est simplement suicidaire, elle serait en mesure d’user de ses facultés en public. Or, aucun dommage collatéral n’est envisageable et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nos clients font appel à l’ACE. Je n’écarte pas non plus la possibilité que l’individu ne se présente pas aujourd’hui et ce scénario me déplaît au plus haut point. J’exècre perdre mon temps, mais malheureusement, même son genre nous est inconnu et ce constat ne me laisse qu’une seule envie : tout faire trembler. À l’accoutumée, je confie ces tâches aux membres de mon équipe et coordonne à distance les opérations. Ainsi, Aiden, mon second, aurait dû se trouver à ma place, mais à l’heure actuelle, même en étant borgne de l’œil droit, mon état de santé s’avère meilleur que le sien. Dans un soupir discret, je tourne en douceur ma cuillère dans le café noir qu’un serveur en uniforme rouge est venu m’apporter, puis le porte à mes lèvres. Le goût amer et puissant du breuvage envahit aussitôt mes papilles et m’amène à retenir un haut-le-cœur. Inutile d’insister, cette boisson humaine se révèle toujours aussi infecte pour mon fin palais, habitué à de meilleures saveurs. Finalement, cette expérience confirme ma vision sur ces bipèdes : des êtres à l’énergie comparable à une batterie non rechargeable essayant à tout prix de prolonger leur durée de vie, bien entendu sans succès. Dire que ces derniers dirigent le monde… Nous, au moins, n’avons besoin de personne.

    Je repousse ma tasse fumante au bord de la table circulaire et lève la tête au moment où une femme s’arrête au niveau des guichets de location de voiture. Le regard rivé sur la voyageuse, j’observe avec attention ses moindres faits et gestes en mémorisant chaque détail au cas où une traque devrait être lancée. L’Humaine est chargée de deux sacs. L’un, de petite taille, est positionné devant elle, tandis que l’autre, dans les tons blanc-gris et de cent litres, est installé sur son dos. La cible potentielle a revêtu une doudoune bleu marine, un jean brut et des chaussures de randonnée assorties. Un bonnet noir est enfoncé sur sa tête et m’empêche de distinguer la couleur ou même la texture de ses cheveux. Cette femme, pour parfaire sa tenue hivernale et totalement inadaptée à cette douce journée d’été, porte une imposante écharpe enroulée autour de son cou et qui cache à ma vue ses traits. Son accoutrement témoigne de sa nature fragile, car même si la température peine à dépasser les quinze degrés, ses vêtements étoufferaient n’importe quel Anglais. Dans ces conditions, observer son visage m’est presque impossible et pourtant, je suis positionné à une dizaine de mètres d’elle. Mes facultés à cette distance me permettraient de compter un à un les pores de sa peau, mais je parviens uniquement à contempler ses yeux, qui d’ailleurs sont de couleur noisette, tout à fait ordinaire. Sur ce constat intriguant, je balaye du regard le hall à l’affût du moindre mouvement suspect et patiente. En moins de deux minutes, le groupe composé de quatre hommes et cinq femmes se forme. Ces derniers discutent à présent les uns avec les autres dans une ambiance enjouée et chaleureuse. Toutefois, la première randonneuse à être arrivée sur les lieux reste en retrait et personne ne semble réaliser sa présence. Il faut croire que sa tentative de camouflage fonctionne à merveille. En écartant de ma conscience cette pensée absurde, je prends le temps d’observer chaque voyageur avec minutie afin d’identifier leurs signes distinctifs et les inscrire dans ma mémoire. Lorsque Watterson apparaît enfin, je laisse tomber quelques pièces sur la table, puis m’avance d’un pas lent et mesuré vers les guichets de location de voiture. Les membres du groupe rivent, sans le savoir, leurs regards dans ma direction pour écouter leur guide qui me tourne le dos. Je termine dès lors mon inspection visuelle sans le moindre effort puis, m’étant impossible de reculer davantage le dernier examen, j’entame avec une certaine appréhension mon analyse olfactive. J’expire tout l’air de mes poumons et après les avoir entièrement vidés, une profonde inspiration me permet de capter les fragrances propres à chaque Français. Brusquement, je suis pris d’une quinte de toux en recevant les effluves un peu trop prononcés du troisième voyageur. Avec un dégoût non dissimulé, je continue le test, mais ne perçois rien d’anormal et mes sourcils se froncent. Une odeur inhabituelle émane de la femme au bonnet noir. Son parfum sucré et floral m’intrigue sans que j’en comprenne la raison, mais comme les huit autres, elle est de nature humaine. Aucune anomalie n’ayant été détectée, j’approfondis malgré tout mon contrôle et frôle les esprits des randonneurs. Cette technique est l’une des facultés de notre espèce et peut être celle que je préfère. Elle me permet de communiquer par télépathie avec mes semblables, même si sur les Humains, je peux uniquement l’utiliser afin d’évaluer leur robustesse mentale. Mes yeux se ferment à cette pensée et mes pas m’approchent du groupe. Les secondes s’écoulent et aucune singularité n’apparaît, mais une sensation étrange m’incite à recommencer quand soudain mon pressentiment se confirme. Je perçois seulement huit consciences au lieu de neuf et une nouvelle fois, la femme frileuse attire toute mon attention. Je n’avais encore jamais observé ce phénomène sur un être humain et le constater m’incite à pousser mon inspection. Dès lors, je stoppe ma progression au niveau d’un des piliers du hall et me concentre sur cette mystérieuse personne. Au bout de trois secondes, j’abandonne ma tâche, car aucune de mes tentatives ne porte ses fruits. J’ai l’impression d’essayer de communiquer avec un lapin qui serait passé entre les mains de Kyo affamé et en pleine crise de nerfs. Finalement, même si le groupe est encore incomplet, je pense avoir identifié la cible. J’ordonne aussitôt à mon second de me fournir son nom et reste à couvert le temps d’obtenir une réponse. Ma demande me rappelle combien il est urgent de trouver une nouvelle recrue et un soupir m’échappe. Nous avons besoin de compter dans nos rangs un génie en informatique, qui aurait pour principale fonction la sécurité, l’analyse de données et le piratage, puisqu’à ce jour, ces activités sont réparties entre les différents membres de mon équipe. Dans ces conditions, notre organisation nous empêche de nous consacrer pleinement sur nos spécialités respectives et l’accident d’hier en est la preuve. Au moment où je me convaincs d’agir au plus vite, Aiden frôle mon esprit et me transmet son identité. Elle s’appelle Rhéa Soumaya et tel un signe de mauvais augure, mes poils se hérissent instinctivement. Dès lors, je me mets en marche et interpelle sans tarder le guide puis après avoir fixé avec insistance la jeune femme avec l’intention de percer ses secrets, je montre à John la ligne où son nom est inscrit.

    Comme chaque fois, Watterson tremble de tout son corps dès que je me trouve à moins d’un mètre de lui et sentir sa peur m’amuse intérieurement. Cet homme est le fils d’un vieil ami à mes parents. Je le connais depuis mon plus jeune âge, mais nous n’avons jamais été réellement proches. Quinze ans auparavant, je l’ai sorti d’une situation compromettante et ce souvenir m’amène à crisper les mâchoires. John avait mis enceinte une adolescente de quatorze ans nommée Tamara. Cette dernière se voyait fonder un foyer chaleureux, mais le lycéen ne partageait pas ses envies. Il refusait d’admettre son erreur et pour l’éloigner, il a commencé à dénigrer l’amour que la petite lui portait. Tamara l’a menacé d’en informer Stan Watterson, le père de l’Humain, et John a pris peur. Il était incapable d’assumer sa bêtise auprès de sa famille, alors il m’a supplié de l’aider. J’ai accepté par amitié pour Stan et parce que je suis son aîné d’un an. Je lui ai tout de même interdit de prendre contact avec la jeune Anglaise le temps de m’intéresser de plus près à sa situation, puis je suis parti la rencontrer dans sa ville natale. Après une longue discussion en tête à tête, Tamara a pris la décision de mettre fin à cette grossesse non souhaitée. Avec une certaine innocence, elle s’imaginait vivre un conte de fées, mais a rapidement compris que la réalité était bien différente. Je l’ai accompagnée à chaque étape du processus, dans le dos de la famille de John, de la sienne et de la mienne. Cette épreuve nous a permis de créer un lien et depuis nous avons gardé contact. D’ailleurs, Tamara s’avère être la seule Humaine qui détient une place particulière dans mon cœur. Par la suite, mon amie s’est concentrée sur ses études et les années ont défilé. Elle est devenue une brillante avocate en droit pénal humain et le savoir me gonfle de fierté. Cette femme mérite son succès et la vie trépidante qu’elle mène actuellement. Ma relation avec John s’est détériorée après cet évènement et depuis un sentiment de colère m’anime en sa présence. Ainsi, avec une certaine envie de vengeance, j’exploite cet homme à la moindre occasion. Pour cette mission, je lui ai falsifié un diplôme de guide de haute montagne et Cylian, mon ami d’enfance, lui a concocté un curriculum vitae d’exception. Mes pensées dévient vers la soirée d’avant-hier et je réprime un sourire en visualisant le document.

    Nous sommes partis dans un fou rire à nous tordre en deux lorsque Cylian a mis sous nos yeux le curriculum vitae de Watterson. Il faut savoir que depuis son adolescence, l’Humain fréquente la salle de musculation sept jours sur sept, mais malgré ses années de pratique, il ne peut à présent soulever qu’une trentaine de kilos par bras. Ce médiocre fait honte à ses origines, et ce, même si sa nature est humaine. Le pire est de constater que John s’acharne à prouver sa valeur dès qu’il en a l’occasion et ses efforts ne modifient en rien l’avis de mes semblables. Pour cette raison, il a répondu positivement à ma requête quand je lui ai proposé de me rendre un service deux jours plus tôt. Mes sourcils se froncent à nouveau en réalisant que mon ennui est tel qu’il m’est possible de divaguer sur le terrain. Pourtant mon comportement doit être irréprochable, alors je me rabroue intérieurement pour me reconcentrer sur la mission et prends une profonde inspiration. Trois minutes plus tard, le groupe est parti et une personne manque à l’appel : Elijah Stoica. Son absence m’amène à considérer cet homme comme une seconde cible potentielle et afin de vérifier mon hypothèse, je contacte mon second par esprit :

    Surpris par mon annonce, mon second m’interroge sur ma dernière affirmation et je lui indique qu’il sera en mesure de comprendre dans quelques minutes. Aiden, sans perdre une seule seconde, lance ses recherches et pour patienter, j’inspecte à nouveau l’esprit de la jeune femme, mais, tel un dead rabbit2, il se révèle toujours inexistant. En revanche, son parfum me captive davantage et je prends conscience qu’obtenir l’avis d’Aiden sur l’anomalie cérébrale de la randonneuse est devenu ma priorité. La sonnerie de mon mobile vient soudain interrompre mes pensées et après avoir décroché, mon second me rabroue :

    Sans prendre ombrage de sa réprimande, je l’interroge par télépathie sur l’avancée de ses recherches, mais Aiden ignore mes questions et me pousse à mimer une conversation téléphonique normale. Agacé, je grogne et le laisse percevoir mon humeur massacrante. Mon second se concentre instantanément sur ma demande initiale et me transmet les informations récoltées :

    En appréciant le professionnalisme mêlé à l’optimisme d’Aiden, je le rassure en lui précisant que notre venue pourrait nous être utile puis sans ajouter un seul mot, je coupe les communications, téléphonique et télépathique, en même temps. Je me tourne aussitôt vers la jeune femme et m’apprête à lui empoigner le bras pour l’attirer vers la voiture, mais me ravise à la dernière seconde, au moment où les propos d’Aiden me reviennent en mémoire. Je l’interpelle à la place et sur un ton sans équivoque, elle apprend que l’heure du départ a sonné. Je lui précise aussi, à sa demande, qu’Elijah Stoica n’est pas ici puis je me dirige vers la sortie. Dix secondes plus tard, je n’entends toujours pas le bruit de ses pas marteler le sol, alors je marque un temps d’arrêt pour me retourner et peste. La jeune femme installe son sac sur son dos avec la lenteur d’un paresseux et la force d’un môle. Je fulmine et à l’instant où elle me foudroie du regard, je l’oblige à se dépêcher, sans prendre en considération son mépris. Sortir de l’aéroport se révèle être une délivrance et mes épaules se relâchent. J’inspire hâtivement plusieurs bouffées d’air, plus ou moins fraîches, et me régale de l’absence d’émanations chimiques. Je ne parvenais plus à supporter ces dernières qui sont d’ailleurs principalement utilisées par les Humains. Les effluves des parfums, des crèmes hydratantes, des déodorants, et de tout autre produit cosmétique porté par les voyageurs ont saturé mon nez et m’ont déclenché un début de migraine insoutenable. Enfin, j’exagère peut-être un peu, car notre espèce n’est pas sujette aux maux de tête et ne tombe jamais malade. Cependant, une gêne s’installe quelques minutes après chaque exposition de ce genre et perturbe notre humeur, le temps d’évacuer les molécules olfactives. Avec une certaine fierté pour notre condition si particulière, j’atteins la voiture en quelques enjambées et sans attendre, je m’assois sur le siège conducteur, au côté d’Aiden. Je me tourne en silence pour vérifier la position de la vitre et un sourire étire mes lèvres. Sans même le savoir, dès que les portes se fermeront, la cible potentielle sera emprisonnée. En effet, cette voiture blindée s’avère être un bijou de technologie. Le 4x4 Range Rover Sentinel peut résister à des attaques en tout genre, en provenance de l’extérieur et de l’intérieur. Or, une illusion modifie son apparence et aucun être humain non autorisé ne perçoit sa réelle utilité. De plus, les personnes assises sur la banquette ne peuvent avoir recours à leurs facultés hors du commun, bloquées par des mécanismes de protection. En outre, une bombe qui exploserait à l’arrière du véhicule serait absorbée par l’habitacle sans générer de dommage à l’avant. Mon entreprise fructueuse m’a permis d’acquérir ce modèle récemment. Il vient à présent compléter la collection sommaire mise à disposition des membres de mon équipe et j’en suis ravi. Brusquement, le coffre se ferme puis la porte arrière gauche se verrouille et sans demander mon reste, je démarre le pied au plancher. Après avoir dépassé Langley Corner, situé à une quinzaine de minutes de l’aéroport, mes nerfs

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1