L’école est morte, vive le cirque !
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Auteure de plusieurs ouvrages singuliers, Véronique Scherèdre, docteure en philosophie et enseignante dans le supérieur, analyse ici la décadence de l’école française du XXIe siècle.
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Aperçu du livre
L’école est morte, vive le cirque ! - Véronique Scherèdre
De la même auteure
– La fin de vie d’Emmanuel Kant, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– Napoléon ou « L’âme du monde », Le Lys Bleu Éditions, 2023 ;
– Famille, éduque-moi, Le Lys Bleu Éditions, 2023.
Laura Dupas, Héléna, Maëlle, X
Introduction
En 1985, J-P Chevènement, alors ministre de l’Éducation nationale, soutient le projet de propulser 80 % d’une classe d’âge au niveau du bac, d’ici à l’an 2000. Peu après, son successeur L. Jospin inscrit l’objectif dans sa « loi d’orientation ». Mais alors, dans l’opinion publique, à la notion de niveau s’est substituée celle d’obtention, cependant que le nouveau ministre, conscient du caractère illusoire de pareille ambition, s’empresse prudemment d’en changer la donne : ce qu’il faut, c’est qu’aucun élève ne quitte le système éducatif sans y avoir décroché un diplôme, au moins égal au… CAP ou au BEP (apprécions la virtuosité de la pirouette) ! Quoi qu’il en soit, la machine est déjà lancée, et tout est mis en œuvre pour que -coûte que coûte- 80 % des candidats se présentant à l’examen soient victorieux. À cet effet, deux mesures seront édictées, susceptibles de garantir le pourcentage fixé : la simplicité des sujets (dans les matières dites « scientifiques », plus spécialement), et le laxisme désolant de la correction des copies, un laxisme qui, en vérité, confine carrément à la perversion de l’acte consistant en propre à estimer une production. Les enseignants nommés jurys au bac ne tardent pas à en faire le constat et, pour certains, les frais, en termes de sentiment de trahison pédagogique : lors de la délibération finale, quand les moyennes sont calculées, et quand le nombre de recalés et de lauréats est objectivement connu, comme le quota de réussite n’est évidemment pas atteint, le président (un universitaire) procède à un tour de table, dans le but que pression soit faite sur l’un ou l’autre des correcteurs, afin qu’il monte sa note. De cette façon, l’État pourrait remporter trois batailles :
– La première, économique, supposée restreindre le nombre de demandeurs d’emploi, dès lors que les jeunes, une fois bacheliers, poursuivront des études.
– La deuxième, idéologique, visant à disqualifier le diplôme, en destituant la méritocratie, ce pour quoi il serait désormais donné, en lieu et place d’être conquis (il faudra attendre plusieurs décennies pour percer à jour l’intention guidant une telle entreprise : en l’occurrence, la distillation progressive et sournoise d’une politique éducative inclusive médicalement, et mixte socialement et ethnologiquement).
– La troisième, également doctrinale, et faisant office de moyen pour la précédente, s’employant à désidentifier la culture française, en dépréciant son école et ses enseignants ; en troquant des méthodes qui avaient pourtant fait leurs preuves contre d’autres, dont l’improductivité reléguerait la France en mauvaise place dans le classement des systèmes scolaires européens et de l’OCDE ; ainsi qu’en dénaturant les programmes, dans l’objectif qu’ils instruisent le moins possible, qu’ils s’abstiennent impérativement d’éveiller l’esprit critique de la jeunesse, bref, qu’ils soient au service, non plus de la science objective, mais de l’idéologie politique véhiculée par le pouvoir en place (d’où la pénalisation des enseignants qui continuent de « transmettre » un savoir : l’élève -dont on veut persuader la masse que, par la grâce du nouvel esprit du temps, il est génial par innéisme- sera, pour cette raison, l’unique agent et moteur de son apprentissage (sous-entendu : il s’autosuffit. Au fait, à quoi joue-t-on ?)).
Il s’avère que, si ce que visait J-P Chevènement n’a pas été réalisé en 2000, ce sera chose faite en 2012 : cette année-là, cocorico, la France pourra se vanter d’avoir couronné de lauriers (ce que signifie en propre, le « bacca laurea ») 80 % de ses postulants au grade. Pour autant, elle se gardera bien de révéler que la moitié d’entre eux ne savent, ni lire correctement, ni compter sans calculatrice, ni se connecter à leur histoire, ni se repérer dans leur espace, ni s’exprimer (fut-ce maladroitement) autrement que dans un français défiguré, ni même imaginer quel poids et quel prix peut avoir, non seulement un cursus scolaire en général, mais celui qu’ils viennent d’achever, cahin-caha, en particulier.
Nous en sommes là, aujourd’hui, à ceci près que le fardeau s’est alourdi de deux boulets brandis par le système, tels des trophées : le pédagogisme et la démagogie. C’est dire à quel point l’appareil instructif français est en souffrance ; c’est attirer l’attention sur ce mouvement de précarisation de notre patrimoine intellectuel, lequel mouvement est repris, intensifié et prorogé à chaque mandat présidentiel, depuis plus de quarante ans ; enfin, c’est alerter qui veut bien prendre le risque de voir plus loin que le pas de sa porte, sur l’inquiétant devenir de la nation française. Cependant, « incertain » n’a jamais signifié « vaincu », de la même manière que « bataille » n’est pas « guerre ». Car, pour un sain entendement gaulois, l’idée d’impossible est vide de sens.
Chapitre 1
Promenons-nous… dans les concepts
Il n’y a encore qu’une bonne trentaine d’années, parler de l’école était relativement accessible à n’importe quel citoyen, puisque pour désigner l’objet en question -l’école-, cinq ou six mots emblématiques suffisaient : l’enseignant, l’élève, la classe, le tableau, le livre et la note. Aujourd’hui, l’affaire est moins rondement menée, parce que, de gouvernement en gouvernement, et de réforme en réforme, les néologismes se sont reproduits à la vitesse de la lumière, ad libitum et à l’envi