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Origo - Tome 1: Piégé sous la glace
Origo - Tome 1: Piégé sous la glace
Origo - Tome 1: Piégé sous la glace
Livre électronique592 pages6 heures

Origo - Tome 1: Piégé sous la glace

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À propos de ce livre électronique

L’aventure commence pour Scarlett Henderson le jour du lancement du Landsat 8 par la NASA. Cette jeune assistante à l’USGS, responsable de l’analyse des données du programme Landsat, se voit confier une étude approfondie sur la fonte des glaces. À la suite d’une découverte étrange sur une photo satellite, elle sera envoyée en mission en Arctique afin de mesurer et de comprendre d’où provient cette fluctuation magnétique et quels en sont les dangers. Pour elle qui est frileuse, une expédition scientifique au pôle Nord ! Comment va-t-elle survivre ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Michel K. Simon, auteur romancier à la plume très éclectique, a débuté sa carrière d’écrivain en 2013 lorsqu’il a été invité par Victor Dixen à participer à un concours d’écriture sur le thème des contes revisités. Son amour pour tous les genres littéraires qu’il explore au gré de son inspiration se concrétise une nouvelle fois avec la publication du premier tome de la trilogie, mêlant thriller et science-fiction, intitulée "Origo".
LangueFrançais
Date de sortie3 janv. 2024
ISBN9791042209421
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    Aperçu du livre

    Origo - Tome 1 - Michel K. Simon

    Prologue

    L’aventure avait commencé par une mission des plus banales. Remettre cette étude était le premier vrai travail qui m’avait été confié depuis mon incorporation à l’USGS¹.

    Il n’y avait rien d’urgent, rien ne pressait, la tempête faisait rage. Pourquoi n’ai-je pas attendu le retour au calme ?

    Froid. J’ai tellement froid.

    Impossible de savoir où je suis ! Au milieu de nulle part, le blizzard empêche toutes possibilités de venir me sauver.

    Un piège fatal !

    Glaçant.

    Personne ne peut se douter que je suis sortie seule.

    Le froid me mord la chair, me glace le sang, m’envahit ; mon corps s’engourdit et je me sens lâcher prise. Pourquoi lutter, alors que je sais que tout est perdu, que personne ne me retrouvera ici, pas avant que… ?

    Que le froid a gagné.

    C’est quand tout est fini que l’on voit sa vie passer devant ses yeux. En tout cas, c’est ce que l’on affirme ! Mais moi, je n’aperçois rien, je n’entends plus rien, à part le souffle de la tempête qui balaye violemment la surface immaculée, m’enterrant, effaçant toute trace de mon passage, me recouvrant d’une couche de neige ; un tombeau de glace sous lequel je reposerai à jamais. Tout est si obscur. J’ai envie de pleurer. Je vais mourir et aucune image ne me vient, aucune larme ne coule. Comme si je n’avais jamais vécu ni aimé.

    Glaçant mon cœur, le froid prend ma vie jusqu’à mon dernier souffle.

    Un silence éternel.

    Mon corps n’est plus qu’une masse froide, presque insensible, un fourmillement. Je ne sens plus mes extrémités. C’est donc aujourd’hui que ma vie prend fin.

    Couchée en position fœtale, j’attends que les ténèbres m’emportent.

    Éternel silence².

    1

    Lundi 11 Février 2013, 6 h

    Base Aérienne Vandenberg, Californie, États-Unis.

    34° 45' 01,7 N 120° 31' 16,1 W

    Le réveil sonne

    À moitié endormie, je m’étais retournée après avoir tapé sur le bouton snooze de mon réveil. Pour rien au monde, je n’aurais quitté la douce chaleur de la couette, serrant contre moi l’oreiller, prolongeant au maximum ce moment de douceur que je chérissais tant.

    Dehors, le soleil tardait à faire son apparition. Enroulée dans mon édredon, au chaud, j’étais merveilleusement bien, les yeux à moitié ouverts, en attendant la sonnerie suivante. J’apercevais, entre les rideaux, les nuances bleutées de l’aurore sur l’horizon montagneux, annonçant l’arrivée de l’astre divin, le soleil.

    Ce qui me vint en tête, à ce moment-là, ce fut le réveil de Cendrillon, la chanson Tendre rêve.

    Cette sonnerie, encore ! Quel rabat-joie, celui-là, alors que j’étais si bien !

    Le mien s’était tu, le temps de reprendre son souffle, le temps d’une trêve dans cette bataille journalière des lendemains de nuits trop courtes. À l’exception des jours où mon père m’emmenait à la pêche.

    Mais que j’aimais la Californie ! Sa lumière naissante décolorait progressivement le ciel encore légèrement étoilé de cette fin de nuit hivernale.

    La tête toujours posée sur l’oreiller moelleux, j’admirais ce spectacle dans une version panoramique verticale qui se déroulait dans cet espace séparant les deux lourdes tentures anthracite de la petite chambre que j’occupais, le temps de mon séjour. Le visage défait, encore froissé par cette nuit trop courte à mon goût, j’avais du mal à garder mes yeux ouverts. Mes paupières lourdes et le corps engourdi, mon estomac, lui, commença à crier famine. La lumière naissante et aveuglante me soumettait à la dure réalité : la nuit était finie et il fallait que je m’active un peu. Pourtant, je n’avais pas envie de me lever.

    Je remontai l’édredon sur moi. Je me prélassai encore quelques instants dans ce nid moelleux, confortablement installée sous ce tas de plumes soyeuses, légères et si chaudes qui composaient mon duvet.

    Après seulement cinq minutes de répit, la sonnerie recommença son BIP, BIP, BIP infernal, strident et réprobateur qui me perforait les tympans.

    Allez, debout, Scarlett ! m’encouragea ma petite voix intérieure en pensant à cette pauvre Cendrillon réduite en esclavage par sa belle-mère. Tu vas être en retard. C’est le grand jour, lève-toi, Cendrillon.

    Mais je n’irai pas au bal, pas aujourd’hui !

    C’est avec ce petit air en tête que finalement je me levai, quittant la chaleur bienfaisante de mon lit. Je pris nonchalamment la direction de la salle de bains en traînant des pieds.

    Le carrelage est froid.

    Cela faisait une semaine que j’étais arrivée sur la base aérienne Vandenberg, fraîchement sortie de l’université de Washington, ma ville natale.

    J’affectionnais les sciences, la biotechnologie³ et l’étude de l’impact environnemental, thème que j’avais choisi pour mon mémoire. Fille unique de Sandy Cox et de Walter Henderson, j’avais toujours vécu à Washington. Mon ambition était de sauver notre planète, trouver des alternatives qui ne nuiraient plus à l’environnement et améliorer la vie des êtres humains.

    Petite, j’avais rêvé d’être institutrice, comme la plupart des gamines de mon âge, tandis que les garçons, eux, se voyaient souvent policiers, pour arrêter les voleurs, ou astronautes pour aller dans l’espace, sur la Lune ou même Mars.

    Ce fut également mon second choix ! Non, pas agent de police, mais astronaute : la première femme dans l’espace ! Un vrai rêve ! Mais je devais me faire à l’idée que j’allais devoir garder les pieds sur Terre, ce qui n’était pas si mal.

    D’autant plus que cette place avait déjà été prise, en 1963, par Valentina Terechkova, originaire de Russie et, vingt ans après, par l’Américaine, Sally Ride, en 1983. Je ne pouvais plus qu’envisager d’être la première femme sur Mars, et cela, à bord d’un vol scientifique. Depuis la découverte de traces d’eau par la sonde Gravity Probe, en 2006, je caressais ce rêve fou. Mais, il ne sera techniquement pas vraiment réalisable avant minimum 2030.

    Les probabilités pour être sélectionnée pour ce type de mission sont tellement infimes que je n’osais imaginer partir un jour pour une autre planète. Je gardais donc les pieds sur terre et la tête sur les épaules.

    Quand on commence à étudier notre planète sous toutes ses coutures, on remarque très rapidement qu’un mal la ronge : l’homme ! Héritage d’une planète en sursis : la Terre, c’était le titre de mon mémoire, une vision différente de celle que laissaient entendre les hommes politiques qui se voulaient plus rassurants :

    « Tout va bien ! Pas la peine de s’alarmer ! »

    Je connaissais mon texte sur le bout des doigts et, lors de ma soutenance, j’avais exposé mon point de vue avec force et conviction.

    Mais n’oublions jamais une chose : SI nous parvenons un jour à coloniser la planète Mars, les premiers à fuir la Terre seront ceux qui pourront s’offrir le ticket d’embarquement, un passe en or pour une nouvelle vie. Seule une population aisée pourra s’embarquer pour regarder, de loin, la Terre mourir, polluée, vidée, par la faute de l’humanité tout entière. Tout cela à cause de l’industrialisation et des besoins bien souvent démesurés des consommateurs.

    Et je dis bien SI, car aller sur Mars, c’est comme tirer des plans sur la comète. Projeter une mission de telle envergure l’objectif Mars ne demande pas qu’un aspect technique, bien qu’à l’heure actuelle, une mission sur trois est un échec dû à la vitesse d’arrivée sur la planète rouge. Ce projet demande également au corps humain de s’adapter sur du long terme. L’homme a besoin d’apesanteur pour survivre et c’est là le premier problème. Viennent ensuite les radiations solaires, les dégradations osseuses et, finalement, l’état mental de confinement : six mois aller, un mois sur place et quinze mois pour le retour. Si tout se passe bien pour les premiers cobayes envoyés…

    C’est beau de rêver.

    Un ticket d’embarquement pour l’espace, pour une autre planète ou simplement pour survivre. Quelle est la valeur d’une vie, d’un être humain ? Cela me rappelle une scène du film 2012, dans laquelle seuls les détenteurs d’un billet d’embarquement chèrement payé pouvaient accéder aux arches, afin de survivre au déluge, sans parler de la violence entre les hommes avant de monter à bord. Une population qui perpétuera probablement les mêmes erreurs sur Mars ou ailleurs ! Il n’y a pas de miracle, c’est dans la nature humaine ! L’homme n’apprend pas de ses erreurs ! Il suffit de s’intéresser à notre histoire pour s’en rendre compte !

    Dès la fin de mes études et grâce à mon fameux mémoire, jeune diplômée, je fus engagée par Monica Holmes au Centre américain de Géophysique (USGS), un coup de chance énorme pour une jeune fille commençant à peine sa carrière.

    J’avais encore du mal à réaliser comment j’en étais arrivée là. Déjà six mois que j’avais été affectée comme assistante au bureau de Denver qui était en partie responsable de l’analyse des données du programme Landsat (LDMC⁴). À Denver, on traitait principalement des problèmes géologiques.

    Ce programme existait depuis le milieu des années soixante, bien avant ma naissance, et avait été développé par l’agence spatiale américaine, la NASA. Ce n’était pas un secret d’État classifié « Secret Défense » comme ils l’affichaient à l’aide d’un gros cachet à encre rouge sur les dossiers sensibles. Ici, ce n’était pas le cas et, au vu des circonstances, c’était le moindre de mes problèmes.

    Le premier satellite fut mis sur orbite en 1972 et six autres ont suivi. Le programme constituait une source d’information unique pour l’étude des changements climatiques, la cartographie, la géologie, l’agriculture… Je l’avais vraiment étudié sous toutes ses coutures pour rédiger mon mémoire.

    Par contre, je m’étais aperçue avec effroi que l’économie avait plus d’importance dans les décisions des gouvernements et des grandes industries que l’impact environnemental. L’homme se donne bonne conscience en l’étudiant.

    Mais à quoi bon, si c’est juste pour savoir combien de temps il lui reste avant la fin de l’humanité telle qu’on la connaît ?

    Nous étions le 11 février 2013 et c’était une première pour moi, le début d’une nouvelle aventure. Mon travail était vraiment génial. Assistante de projet, je travaillais pour une agence gouvernementale. Mais, en vérité, je n’avais jamais quitté mon bureau et, non, je n’allais pas être envoyée en orbite. Mais je participais à quelque chose d’aussi gratifiant : trouver une solution, un remède pour la Terre, la comprendre et la gérer au mieux.

    J’allais donc assister au lancement du huitième satellite Landsat, la dernière génération de satellite d’observation terrestre. Si on m’avait annoncé que je travaillerais un jour sur un programme associé à la NASA – depuis mon bureau –, je ne l’aurais jamais cru ! Mais il faut rester réaliste ; Landsat allait être au centre de toute l’attention et les personnes qui œuvraient derrière resteraient de complets anonymes. Qu’importe ! Ce qui comptait, c’était le résultat final : apporter sa pierre à l’édifice.

    Avec mon père, j’avais suivi maintes fois la diffusion télévisée des lancements de la NASA. Que ce soit de jour ou de nuit, voir une navette spatiale sur l’aire de lancement de Cap Canaveral restait une image impressionnante.

    Les retransmissions télévisées avaient leurs avantages : on pouvait voir plusieurs plans proches avant le décollage, ce qui se passait dans la salle de contrôle et les gens qui attendaient de l’autre côté de la baie de Futch Cove en Floride. C’était là qu’avaient été installés des gradins, à côté du centre Apollo/Saturn V et de Banana Creek.

    Tout commence au décompte ; c’est là que l’on arrête de plonger la main dans le seau de popcorn, que toute notre attention est portée sur le petit écran et que l’on retient notre respiration. C’est le moment où l’on redoute qu’une personne imprévue vienne sonner à la porte, interrompant notre rituel familial, sabotant notre lancement.

    Premier plan : le compte à rebours géant d’une hauteur de trois mètres sur au moins neuf mètres de long, au milieu d’une pelouse, devant la baie. Il affiche moins huit minutes. De l’autre côté de cette étendue d’eau, derrière des arbres, on distingue l’aire de lancement qui se découpe sur l’horizon. Des personnes se massent sur l’herbe, portant leurs enfants sur les épaules, les gradins se remplissent de spectateurs armés d’appareils photo et de caméras. En haut d’un mât, le drapeau étoilé flotte fièrement au vent. Des hélicoptères blancs tournent autour de la base, pour sécuriser le site, mais aussi pour nous transmettre des images aériennes. Cette île est le départ de la conquête spatiale américaine.

    Second plan : la navette, magnifique. Gros plan sur le bras articulé qui libère la coiffe de remplissage du réservoir extérieur qui contient l’hydrogène et l’oxygène liquide, nécessaires au fonctionnement des trois moteurs principaux. Ensuite, zoom arrière. Il ne reste que deux minutes avant le décollage, on voit la navette de profil. Un domino imposant qui a l’air en équilibre parfait sur sa base.

    Une vue de l’intérieur où les astronautes, vêtus de combinaisons rouge orangé, se préparent au décollage, assis, sanglés sur leur siège.

    Le lancement commence toujours par un gros plan des réacteurs qui fument, au décompte de moins douze secondes, avant de s’enflammer. Un claquement, des gerbes d’étincelles bruyantes, l’allumage des propulseurs d’appoint et c’est parti. La puissance développée est phénoménale et pousse la navette lentement dans les airs, l’arrachant à la gravité terrestre. Elle est suivie de flammes et d’un nuage de fumée grossissant à vue d’œil et qui engloutit l’aire de lancement.

    La navette s’élève et se retourne sous les applaudissements du public présent. Les gens sont debout et suivent la progression de l’oiseau blanc. Au sol, le gros cumulus se dissipe progressivement, tandis que la navette se libère des deux roquettes qui retombent dans la mer, suspendues à leur parachute. Seule la lumière persiste, de la taille d’une grosse étoile ; la navette est déjà bien loin.

    Zoom sur l’engin perçant les nuages qui disparaît dans le ciel, laissant derrière elle une traînée de fumée blanche !

    J’aurais aimé devenir astronaute, comme en rêvaient des millions d’enfants, et, à bien y réfléchir, peut-être plus qu’institutrice, finalement. L’exploration spatiale, voyager jusque sur Mars, qui sait ? Découvrir de l’eau ou l’existence d’une vie antérieure ? Toutes ces idées saugrenues, c’est probablement à cause de mon père, qui a fait un peu de moi un garçon manqué.

    Mon père, qui avait vécu en direct le premier pas sur la Lune, demeurait un inconditionnel de la conquête spatiale, un de ces grands enfants aux yeux remplis d’étoiles. Je savais qu’il serait au rendez-vous, derrière son petit écran de télévision, pour regarder décoller la fusée Atlas depuis la côte californienne.

    Au premier contact de l’eau sur ma main, réticente à l’idée de découvrir un jet froid ou même glacé, je fus agréablement surprise : l’eau était chaude. Je me glissai avec empressement sous le pommeau de la douche, je m’appuyai contre le mur et profitai de cette eau qui jaillissait comme une pluie bienfaitrice sur le sommet de ma tête. Elle s’écoulait en filets le long de mes cheveux noirs, sillonnant sur ma peau, réchauffant progressivement ma chair encore endormie et fourmillante. La douce caresse de l’eau revigora mon corps et mes muscles froissés, engourdis par la nuit.

    Le week-end avait été chargé, entre le sport et les sorties, je n’avais eu que peu de moments de répit et j’avais eu du mal à m’endormir.

    Je fis glisser contre ma peau la douce éponge qui, d’une simple pression des doigts, libéra la mousse parfumée aux mélanges d’odeurs paradisiaques.

    Telle une douce caresse des îles éveillant progressivement mes sens.

    J’ai toujours eu besoin de bouger, je n’ai jamais aimé rester au même endroit sans rien faire. J’étais probablement un peu hyperactive. Après m’être séchée, c’est les cheveux enroulés dans une serviette de bain que je retournai dans ma chambre.

    J’enfilai un ensemble de lingerie en dentelle noire que j’avais sorti d’un des tiroirs de la commode et j’ajustai mon soutien-gorge en glissant mes doigts le long des fines bretelles.

    Retour dans la salle de bains, devant le miroir encore embué, pour finaliser ma coiffure.

    C’est vêtue de mon tailleur noir à la coupe classique – une copie du modèle que portait la princesse Kate Middleton lors d’une cérémonie officielle –, tenue que j’avais expressément choisie de porter le jour du lancement.

    Dans la chambre, devant mon miroir, j’achevai de me préparer. La touche finale fut mon maquillage : fond de teint, mascara, ombre à paupières, le tout savamment assorti et un léger trait d’eye-liner au crayon, remontant légèrement sur le côté de mes yeux, ce qui intensifiait mon regard céladon. Une couleur peu commune, probablement un savant mélange entre la teinte de ceux de ma mère et de ceux de mon père.

    Je glissai sur mon nez ma paire de lunettes Michael Kors, plus par coquetterie que par nécessité. Cela me donnait un air plus sérieux.

    — Miroir, miroir, répétai-je à haute voix, comme une formule magique, en tournant sur moi-même pour procéder à une dernière vérification.

    Je n’eus pas besoin d’attendre la réponse de celui-ci, j’étais plutôt satisfaite et ne pus m’empêcher de me féliciter :

    — Parfaite !

    J’enfilai mon manteau Victoria’s Secret noir, pris mon sac en cuir, en partie imprimé python, assez grand pour avoir pu y glisser des magazines, et mes gants également en cuir dans l’autre main. Le chauffeur n’allait pas tarder à venir me chercher. Je quittai donc ma chambre, heureuse.

    7 h. Je venais d’arriver dans le hall quand le sergent arrêta la Jeep juste au bas des marches de l’entrée du bâtiment. Une fois à l’extérieur, je remarquai que le ciel était d’un bleu azur, dégagé. Un vent doux me caressait le visage, jouant en douceur avec mes fines boucles d’oreilles pendantes. Moi qui étais plutôt frileuse, le climat californien me convenait parfaitement.

    Je me dirigeai vers le sergent. Celui-ci était plutôt petit et souriant, assez ordinaire, un mini GI Joe, toujours habillé en tenue de camouflage, probablement chez lui aussi, quand il était de repos. Avec sa casquette et ses lunettes de soleil style aviateur, au volant de sa Jeep, il me faisait penser à Papy Boyington, une autre référence à mon père, avec qui je regardais, à l’époque des rediffusions, la série Les Têtes brûlées qu’il avait regardée avec son père bien avant ma naissance. Ma mère, quant à elle, était une grande fan de Dallas.

    Je n’avais pas de type d’homme précis, je n’en ai jamais eu. Mais mon rêve, l’homme idéal, était loin de ressembler au sergent, et pour cause, il ne ressemblait en rien à ceux du calendrier des pompiers sexy de New York.

    À l’école, déjà, lorsque j’étais cheerleader, je n’ai jamais été attirée par les joueurs de football comme la plupart de mes copines. Tous des frimeurs ! Il faut m’imaginer avec mes pompons, adorable, et déjà une vraie peste avec les garçons !

    — Bonjour, Sergent, prononçai-je en replaçant du bout des doigts une mèche rebelle derrière mon oreille, ce qui ne manquait jamais d’attirer le regard d’un homme.

    — Mademoiselle Henderson, me salua-t-il en venant à ma rencontre. Belle journée pour le lancement. Le thermomètre indique déjà 9 degrés Celsius, ce qui nous garantit un temps excellent pour cet après-midi.

    — Oui ! Effectivement, c’est une très belle journée. Même si la température est douce pour la saison, je ne serais pas contre quelques degrés supplémentaires.

    — Si je puis me permettre, mademoiselle, vous êtes ravissante, déclara-t-il en m’ouvrant la porte. Vous êtes mon rayon de soleil sur cette base, ajouta-t-il.

    Si je puis me permettre… Une phrase qui sonnait faux dans sa bouche, un truc sorti d’un livre sur les bonnes manières, intitulé Guide du savoir-vivre ou Comment réussir un bon plan drague.

    — Vous êtes un grand charmeur, Sergent ! Merci, mais je lui souriais uniquement par politesse.

    Quel dragueur ! Toute la semaine, il n’y avait pas eu une journée sans un petit compliment ou une allusion. Sans oublier sa proposition d’une visite guidée de la ville by night, le tour des clubs et un coucher de soleil sur l’océan Pacifique.

    J’avais pu admirer ce fameux coucher de soleil, mais seule, en allant courir au crépuscule. Heureusement, demain ma mission ici arriverait à son terme et ce serait mon dernier jour sur cette base. Non que j’aie hâte de partir, mais Denver me manquait et mon petit chez-moi aussi !

    — Je vous emmène au briefing ? Vous devez être impatiente !

    Excitée était plutôt le terme exact, mais ça, je ne le lui avouerais pas. Il aurait probablement sauté sur l’occasion pour placer une blague salace.

    J’aimais entretenir cette image de fille sérieuse, calme et pondérée, mais aussi, secrète. Les hommes aiment quand on laisse planer le mystère, quand on leur laisse espérer certaines choses. Le plus amusant, c’est quand ils n’arrivent plus à articuler deux mots. J’aimais beaucoup jouer à cela et j’en abusais parfois. C’est très amusant, le pouvoir de séduction.

    — Oui, effectivement, impatiente, lui répondis-je simplement.

    Les hélicoptères tournaient au-dessus de la base et les mesures de sécurité avaient été renforcées pour le lancement. Quelques minutes de route suffirent pour arriver au poste de garde d’Arguello Boulevard.

    Il nous fallut encore dix bonnes minutes de route pour arriver devant le bâtiment principal du complexe de lancement 3 Est où se situait la salle de contrôle. Je remerciai le sergent et descendis de la Jeep. Au-dessus du bâtiment, on pouvait apercevoir le haut de la fusée. Difficile de croire que, d’ici quelques heures, elle serait envoyée dans l’espace.

    À l’intérieur, la salle était surchauffée. J’ôtai mon manteau d’une façon élégante et calculée, bien consciente que tous m’avaient vue entrer. Une attitude maîtrisée afin de feindre mon jeune âge. J’étais joueuse et j’aimais ce jeu de séduction, comme beaucoup de femmes, et, souvent, on le reproduit d’une façon naturelle.

    Je m’avançai d’un pas lent, sûr et déterminé, faisant claquer délicatement mes talons au sol, jusqu’à la table où se trouvait le buffet du petit déjeuner. À vingt-quatre ans, la silhouette élancée, j’aurais pu être mannequin, si ce n’est que je ne dépassais pas le mètre soixante-dix.

    Monica Holmes m’attendait près des autres personnes conviées au lancement. Elle était la directrice de l’USGS. Géophysicienne, blonde, dynamique, bien qu’elle ait déjà soixante ans. Je la trouvais très belle, attirante même ; elle ne paraissait vraiment pas son âge. Je l’admirais beaucoup, surtout pour son charisme et sa détermination, un modèle pour moi. Si je pouvais être comme elle à son âge, j’en serais ravie. Mais j’avais encore le temps.

    — Bonjour, Scarlett. On n’attendait plus que vous !

    — Bonjour, madame. Oui, je pense que je suis la dernière sur la liste du chauffeur, m’excusai-je en souriant. À moins qu’il le fasse intentionnellement, vous connaissez les hommes.

    Avec certaines personnes, on peut avoir une certaine complicité, un bon feeling.

    — Oui, me répondit-elle en me faisant un petit clin d’œil discret.

    Je me servis une tasse de café noir. J’avais besoin de caféine, car cette journée allait être longue et, vu le peu d’heures que j’avais dormi, il ne fallait pas me laisser attendrir par le somptueux canapé que je voyais là, juste devant moi.

    — Et votre week-end ? me questionna-t-elle en me sortant de la contemplation du sofa.

    — Rien qui sorte de l’ordinaire. Samedi soir, je me suis rendue à Santa Barbara, pour danser au Tonic Club. Et hier, je suis allée courir le long de la côte. J’aime vraiment beaucoup la région.

    — Un week-end bien chargé, alors !

    — Oui, effectivement. J’ai eu beaucoup de mal à fermer l’œil, cette nuit.

    — Nous y sommes finalement, me dit-elle. Encore une journée, après le lancement, et nous repartirons à Denver. Je suis certaine que vous avez hâte de retrouver votre chez vous.

    Mon chez-moi n’était réellement qu’un petit appartement dans un quartier tranquille de la ville de Denver, proche du bureau. Un vieil immeuble en briques rouges avec un escalier de secours en façade ; rien de vraiment exceptionnel.

    À cinquante mètres du portique qui l’avait protégée, la fusée Atlas V se dressait fièrement vers le ciel, seule sur l’aire de lancement, impressionnante, prête à prendre son envol.

    Et sous sa coiffe de plus de deux tonnes se cachait le Landsat 8. Ce nouveau satellite était complètement différent de ceux de la génération précédente. Il était équipé d’une plateforme stabilisée par trois axes, un contrôleur d’altitude avec trois viseurs d’étoiles, douze senseurs solaires, deux GPS, trois magnéto-coupleurs et huit moteurs de fusée. Et beaucoup d’autres choses encore dont je ne connaissais pas l’utilité.

    D’après le communiqué de presse sur le potentiel du satellite, les attentes étaient nombreuses. Il pourrait à terme évaluer l’évolution des forêts, des cours d’eau et des terres agricoles, mais également contrôler la fonte des glaciers.

    Il fallait les voir, tous, le cou serré dans leurs chemises cravates, les écouteurs sur les oreilles, hypnotisés par leurs petits écrans sur leurs bureaux anthracite.

    Nous avons appris, lors de la visite guidée, que le premier rang s’appelait la tranchée, ou groupe de dynamique de vol ; ils s’occupent principalement des manœuvres qui demandent une grande précision. Les contrôleurs du second rang, appelés le groupe des opérations système, surveillent les différentes données en cours de mission. Ces deux rangs dépendent du directeur de mission qui se trouve au troisième rang, celui sur lequel tout repose. Les techniciens et les ingénieurs, eux, travaillent derrière la vitre du centre de contrôle, comme des fourmis ouvrières, tous s’attelant avec passion à leur charge.

    Monica et moi étions du côté des invités, à l’opposé de la grande baie vitrée. J’observai avec un certain amusement toute cette fourmilière que je n’avais vue qu’à la télévision, tous ces gens qui applaudissaient lors des lancements réussis. Les deux rangées de sièges étaient encore vides, elles étaient destinées aux invités et à la presse et faisaient face à cette grande salle.

    Monica passait son temps l’oreille collée à son téléphone. L’heure n’avançait pas, les minutes s’éternisaient sur les horloges correspondant aux fuseaux horaires des différentes capitales du monde. La matinée devenait de plus en plus longue, interminable. Je me demandai pourquoi on ne nous conviait pas uniquement au moment du décollage. De toute façon, même s’il y avait eu un problème, ce n’était pas moi que l’on solliciterait pour trouver une solution. Tout était passé en revue : contrôles de sécurité, commandes de chaque module, connexions, carburant... Je n’en pouvais plus de rester debout. Alors, discrètement, je m’assis sur le sofa et je regardai ma montre.

    En une semaine, on nous avait expliqué toute la procédure et la préparation nécessaire au décollage, le jour « J ». C’était aujourd’hui ! Mais avant, nous avions eu droit à une information sur la sécurité, car beaucoup de civils tentaient de pénétrer sur le site en longeant la côte. Nous avions également fait une visite des installations, un tour sur la base, côté entraînement, et l’Air Force Strategic.

    Ce que j’avais retenu de la visite, c’était que ce programme coûtait des millions de dollars. Je trouvais la somme exorbitante, voire carrément indécente. Quand on sait que cet argent pourrait servir à aider les plus démunis, améliorer et développer leurs conditions de vie, leur alimentation… Et, lorsque j’ai osé aborder ce sujet avec mes collègues, on m’a répondu : « Ce n’est qu’une broutille comparée à la somme octroyée annuellement par le gouvernement des États-Unis pour l’armement. »

    Les derniers tests se répétaient, étage par étage, avec un contrôle visuel des techniciens, que l’on pouvait voir passer devant les caméras en place au sol, sur la rampe de lancement et sur le corps de la fusée.

    J’étais toujours assise dans mon petit canapé en cuir où je me serais bien allongée un petit moment ; mais, l’effervescence du moment ne s’y prêtait guère. Je feuilletais les magazines people que j’avais achetés, une semaine avant, à l’aéroport pour m’occuper et patienter lors de mon vol.

    La voix dans le haut-parleur m’empêchait heureusement de m’endormir et je me concentrais, réunissant toute ma volonté pour ne pas bâiller en feuilletant une nouvelle fois le magazine que j’avais déjà lu.

    À mon grand désarroi, cela s’éternisait.

    Au bout d’un moment, soudain, tout s’accéléra. Le personnel de la salle de commande s’activa, animé d’une nouvelle énergie. Tout le monde passa à la vitesse supérieure, comme s’ils avaient pris du retard.

    Les contrôles étaient toujours en cours. On entendait chaque check et, sur les écrans de contrôle, on pouvait suivre les derniers préparatifs. Une dizaine de fourmis, sur le moniteur, s’activaient encore autour de l’engin. Il était presque 10 h et de la fumée commençait à s’échapper du socle du lanceur.

    — Début de séquence d’allumage ! lança un homme, debout dans l’allée centrale, devant l’écran géant de la salle de contrôle.

    — Compte à rebours. Moins quinze secondes, prononça la voix, d’un grand calme.

    — Attention pour le décompte final.

    — Dix, neuf, huit, sept, six, cinq, quatre, trois…

    Je me redressai soudain, réveillée par un intérêt nouveau. La voix continuait d’énumérer les derniers contrôles. Je me levai et avançai de quelques pas pour me rapprocher des deux rangées de fauteuils face à la vitre, surplombant la salle de commande.

    — Allumage !

    Des vibrations se ressentirent partout dans le sol, jusqu’à la salle de contrôle, parcourant mon corps, comme des milliers de fourmis sous ma peau.

    — … Deux, un, zéro, décollage !

    10 h 02. La terre se mit à vibrer sous la pression déployée par les moteurs pour arracher la fusée du sol.

    — Les roquettes sont OK ! annonça le haut-parleur.

    Debout, je n’entendais plus rien. Mes yeux fixaient l’écran principal. Je sentais tout mon corps frémir en même temps que la poussée soulevait lentement la fusée, entourée d’un nuage de fumée compact, formant un gros cumulus autour du pied de celle-ci. Un nuage énorme au milieu duquel je la vis s’élever lentement, dans un vrombissement lourd, sourd.

    J’avais la gorge serrée par l’émotion. J’entendais des applaudissements et les cris de joie des techniciens. Je me joignis à eux en frappant des mains à mon tour, heureuse. C’était bien plus impressionnant que ce que j’avais imaginé, devant ma télévision.

    C’était pourtant toujours un moment unique que mon père et moi partagions. Il était sûrement devant son écran, chez lui, et j’étais là, face à ce spectacle grandiose, magique.

    Si j’avais pu, je serais sortie à l’extérieur du bâtiment, pour voir le spectacle à l’air libre, admirer l’élévation de la fusée, poussée par une telle puissance que tout mon être chancelait avec elle. Mes orteils se contractaient dans mes escarpins comme pour m’élever aussi, prendre mon envol. Je suivais la progression de la fusée sur les écrans, avec Monica, à côté de moi, qui avait posé sa main sur mon épaule, histoire que je garde les pieds sur Terre. Une des caméras embarquées montrait la Californie qui s’éloignait au fur et à mesure que l’engin prenait de l’altitude, de plus en plus haut, de plus en plus loin.

    J’avais déjà pu admirer un spectacle similaire, lors du lancement de la navette spatiale Endeavour, grâce à la caméra qui était placée sur le réservoir extérieur. C’était en 2009.

    En quelques secondes, la fusée disparut des écrans qui la suivaient depuis la terre ferme, laissant derrière elle un long panache de fumée dans le ciel ; bien déterminée, elle avait quitté l’atmosphère terrestre.

    Se séparant de sa coiffe, elle continua sa progression dans l’espace. Le satellite était à présent bien visible. Exposé aux rayons solaires, il brillait comme une couronne en or étincelante.

    — C’est magnifique, exprimai-je à voix haute en tournant la tête vers ma boss.

    — Je suis d’accord avec vous, me répondit Monica.

    J’en oubliai instantanément cette matinée d’attente et mon envie de m’abandonner à la sieste sur ce fauteuil tellement accueillant qui n’était qu’à quelques pas de moi.

    Nous suivîmes sur un des écrans les manœuvres de mise en orbite, une simulation en temps réel ; altitude, vélocité, poussée, tout était indiqué sur le moniteur. Sur un autre écran, on pouvait suivre sa course sur un planisphère géant. Encore des contrôles de pression. La voix annonçait que tout le système était normal.

    Le petit point vert clignotant était à présent au-dessus de l’océan Pacifique et passerait bientôt le pôle Sud, avant de remonter vers l’Afrique et l’Europe. Sur une des caméras, on voyait le satellite toujours en position, trônant au sommet de la fusée.

    Quatre-vingts minutes plus tard, à sept cent cinq kilomètres d’altitude, Landsat 8 fut placé en orbite polaire, se séparant irrémédiablement du corps du lanceur, pour évoluer seul dans l’espace. C’était comme une naissance, la séparation entre la mère et l’enfant qui devra apprendre à se débrouiller seul dans la vie. Les techniciens, comme tout bon parent, vont l’aider à évoluer, résoudront des problèmes et l’orienteront tant bien que mal.

    Dans les semaines qui suivraient, le satellite tournerait autour de la Terre en quatre-vingt-dix-neuf minutes, soit quatorze fois par jour.

    Bzzz… Bzzz… Bzzz…

    Mon téléphone vibra dans mon sac. La photo de mon père était affichée sur l’écran de mon smartphone. Je répondis, mais je savais déjà pourquoi il m’appelait ! Et,

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