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Sentes charbonnières: Du bois à la lisière
Sentes charbonnières: Du bois à la lisière
Sentes charbonnières: Du bois à la lisière
Livre électronique194 pages2 heures

Sentes charbonnières: Du bois à la lisière

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À propos de ce livre électronique

Ernst Junger a écrit: "Le recours aux forêts - ce n'est pas une idylle qui se cache sous ces mots. Le lecteur doit bien plutôt se préparer à une marche hasardeuse, qui ne mène pas seulement hors des sentiers battus, mais au-delà des frontières de la méditation."
Promenons-nous dans les bois à la rencontre de ceux qui les ont habités et des rebelles qui s'y sont cachés et s'y cachent encore. Territoire de l'imaginaire, la forêt forge les désirs d'émancipation de l'être humain au travers de rites, fables, récits et teste son altérité et sa perméabilité avec la frontière sauvage, là où se conjuguent l'insurrection guerrière et la sacralité des marges.
LangueFrançais
Date de sortie26 avr. 2023
ISBN9782322563296
Sentes charbonnières: Du bois à la lisière
Auteur

Philippe Lenoir

Passionné d'histoire (notamment l'age du bronze, les civilisations méso-américaines et la période révolutionnaire) je suis un républicain convaincu, défenseur d'une citoyenneté active pour le bien commun. Ornithologue amateur, je parcours ma belle région autour de Montpellier pour observer et photographier les oiseaux.

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    Aperçu du livre

    Sentes charbonnières - Philippe Lenoir

    Lorsqu’un Guêpier veut nous parler en Maître

    Et nous braver d’un air audacieux, A quinze pas laissons venir le traître, Et frappons-le droit entre les deux yeux : Mais si le faible a besoin d’assistance Pour l’affranchir d’un pouvoir inhumain, Sans balancer volons à sa défense Et donnons-lui la main."

    Chansons nouvelles dédiées aux Bons Cousins Franc-Charbonniers (1835)

    Sommaire

    Le Bois

    De l’arbre à la forêt

    Aperçus sur les rites Forestiers et la Charbonnerie

    Du Fendeur au Charbonnier

    L’imaginaire forestier

    Le grade de Forgeron

    Le forgeron et le culte des Cabires

    Transformations

    Transformations et crises

    Théâtre Chymique avec Antonin Artaud

    La Lisière

    Au sortir de la forêt

    L’orée du bois

    Les Maîtres des passages

    Veille

    Bibliographie

    LE BOIS

    De l’arbre à la forêt

    La forêt a toujours été pour l'homme le lieu des plus grandes frayeurs, des craintes les plus insensées et de ce fait elle a marqué son empreinte dans les rêves et les rumeurs, dans les récits fantastiques et les contes. Le bruissement des feuilles, le balancement des arbres, la rendent vivante, animée d'une profonde spiritualité. Mais s'il fallait aborder ce qu’il faut entendre de la spiritualité liée à la forêt, cela nécessiterait un guide éprouvé parce que ce domaine est vaste et englobe aussi bien une recherche mystique que la recherche d’une sagesse philosophique. Mon guide sera pour le moment l’imaginaire, l'intuition, parce que la mystique ou la spiritualité ne me préoccupent pas tant aujourd'hui que ce que je pourrai appeler le bricolage de l'imaginaire, cette capacité de s’adapter à toutes les situations par l'invention et la poésie …

    Ce chemin forestier, cette sente sous la frondaison, je l’imagine marqué de jalons, de repères, qui tel le fil d’Ariane ou les cailloux du Petit Poucet, accompagneront mon parcours. Ces jalons ce seront avant tout des arbres :

    - celui de la vie, riche de prodigalité, puisant ses ressources dans la nature sauvage.

    - celui de la liberté.

    - celui de l’égalité, et par conséquent du rebelle.

    - celui, enfin, de la fraternité, car en mettant ces arbres ensemble, en symbiose, on crée une forêt et en les ordonnant, en mettant au centre l'arbre de vie, l’arbre du monde, on réalise les conditions pour constituer un enclos sacré. Les Celtes en faisaient un lieu de culte.

    Mais aussi, s'agissant de nos Bons Cousins Fendeurs ou Charbonniers des siècles précédents, ce lieu sans culte, mais non inculte, et restant initiatique, constitue ce que l’on appelle une Vente forestière.

    L’arbre de vie

    Il a fait l’objet de culte dès la plus haute antiquité. Je ne donnerai qu’un exemple, celui de la Crète. J’ai été sensible aux différentes représentations telles celles que nous pouvons voir sur des bagues ou des sceaux présentés au musée d’Héraklion.

    Ces gemmes et anneaux Minoens et Mycéniens représentent des danses extatiques de femmes près des enclos d’arbres sacrés. Tenant en main des serpents elles sont assimilées à des ménades. On lie en effet ces cultes à Ariane qui fut une ancienne déesse de la végétation dans le monde Égéen, associée très tôt à Dionysos.

    Mais on pense surtout à la Grande Déesse. Un anneau de Mycènes sur lequel est gravée une scène cultuelle nous montre la déesse, la main sous sa gorge nue se reposant sous l’Arbre de Vie. Car l’arbre est l’endroit de repos de la Grande Déesse minoenne.

    Les scènes extatiques représentent des théophanies dionysiaques (bague d'Isopata) où se matérialise devant les adeptes l’essence même de la divinité. Parmi ces arbres sacrés figure le figuier, représentation de l'arbre cosmique, choisi non seulement parce qu’il vit très vieux, mais surtout à cause de son lait qui constitue une connexion avec la mère, la fécondité. Bien sûr, figure aussi en bonne place l'olivier dont l'exceptionnelle valeur nutritive le rend précieux aux méditerranéens. Il représente par son feuillage toujours vert et l’abondance de ses récoltes la puissance de la végétation de porter fruit par inspiration du sacré.

    L’arbre de Vie est le prototype de toutes les plantes miraculeuses qui guérissent les maladies, soulagent les souffrances, apportent le réconfort. La raison en est que ces plantes ont été considérées comme des substituts de la déesse de la végétation et, à ce titre, représentées par les artistes crétois de l'antiquité dans leurs œuvres peintes ou en relief. Aujourd’hui encore on trouve dans des monastères des arbres à loques ou à ex-voto, arbres souvent exceptionnels, montrant la pérennité de ces manifestations antiques de piété populaire, de ces rites de dédicaces par lesquels on demande aux dieux, aux saints, par l’intermédiaire de l’arbre, d’intercéder pour obtenir une guérison ou pour répondre à un vœu

    Bague dite de Minos (Héraklion museum)

    Bague d’Isopata (Crète)

    Arbre avec ex-voto monastère de Palliani (Crète)

    Très souvent, la Grande Déesse figurée par l’arbre l’est également par ses dérivés, le mât et la colonne, images de l’arbre ébranché. L’arbre préfigure la colonne du temple et pour les rites forestiers dont nous parlerons plus loin, l’orme et le chêne seraient ainsi équivalent aux colonnes J et B de la Maçonnerie de la pierre.

    Dans son étude sur L'arbre mycénien et le culte du pilier, le célèbre archéologue Sir Arthur Evans reconstitue les rituels par lesquels on transférait l'âme d'un arbre dans une colonne.

    Cette association temple – forêt, on la retrouve dans ces vers de Baudelaire:

    La Nature est un temple où de vivants piliers,

    Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

    L' homme y passe à travers des forêts de symboles

    Qui l'observent avec des regard familiers.

    Le monde sauvage (salvaticus) procède étymologiquement du monde forestier (silvaticus). Dante nous a laissé entrevoir au chant premier de l’Enfer dans sa Divine Comédie, l’obscurité de la forêt où règne la sauvagerie, où on perd le véritable chemin. Celui peut être de la foi.

    L’arbre de vie s’enracine dans la terre et fait lien avec le ciel. Les cultes animistes en font un couloir privilégié, mat ou totem, pour que l’esprit appelé puisse descendre près des hommes. Ce sont les Chamans, ces Maîtres du Désordre, qui assurent l'intermédiaire, la médiation, avec les divinités ou les esprits et les hommes afin que l’ordre soit maintenu. C'est une constante des cultes animistes que l'on retrouve sur tous les continents: arbre de Mai en occident, arbre-fétiche en Afrique, totem amérindien, potomitan aux Antilles (Vaudou).

    Nous avons souvent opposé la sauvagerie à la culture ce qui est contestable. Car elle est aussi une facette de la culture et je rejoins Antonin Artaud quand il écrit: " Et toute vraie culture s’appuie sur les moyens barbares et primitifs du totémisme, dont je veux adorer la vie sauvage, c'est à dire entièrement spontanée. "

    Et lorsque la lumière éclaire la futaie, elle permet de continuer son cheminement forestier dans la sécurité et procure cette bienveillance qu'on peut ressentir autour de soi.

    Costume de Sourvaskar (Bulgarie) Exposition les Maîtres du désordre Musée du Quai Branly

    Je cite ici un texte trouvé dans un rituel forestier antérieur à 1780 parlant en ce qui les concerne ‘’ d’une confrérie nombreuse d’hommes qui, quoique bien établis dans les villes par la fortune et les autres commodités de la vie, cherchent les bois, aiment les forêts les plus épaisses, s’y répandent pour y faire régner la lumière, le travail et l'humanité, pour y rendre les chemins praticables et assurés pour tous les voyageurs ‘’.

    De là mon deuxième repère qui est l’arbre de la liberté.

    L’abbé Grégoire dans son Essai historique et patriotique sur les arbres de la liberté avait parié sur le chêne qui représentait l’emblème de la liberté car il en possédait les caractéristiques que Grégoire avait préalablement définies :

    Qu'il soit assez robuste pour supporter les plus grands froids, sans quoi un hiver rigoureux pourrait le faire disparaître du sol de la République...

    2° II doit être choisi parmi les arbres de première grandeur..., car la force et la grandeur d'un arbre inspirent un sentiment de respect qui se lie naturellement à l'objet dont il est le symbole.

    3° La circonférence doit occuper une certaine étendue de terrain..., ce qui le rendra plus capable de remuer les sens et de parler fortement à l'âme.

    4° l'ampleur de son ombrage doit être telle que les citoyens trouvent un abri contre la pluie et les chaleurs sous ses rameaux hospitaliers.

    5° II doit être d'une longue vie ...

    6° II faut enfin qu'il puisse croître isolément dans toutes les contrées de la République. Or le chêne, le plus beau des végétaux d'Europe, réunit toutes ces qualités ... etc. "

    Et en conclusion : L'arbre de la liberté croîtra ; avec lui croîtront les enfants de la patrie ; à sa présence ils éprouveront toujours de douces émotions... Là les citoyens sentiront palpiter leurs cœurs en parlant de l'amour de la patrie, de la souveraineté du peuple...

    La tradition nous est resté et la plupart des municipalités d’aujourd’hui plantent l’arbre de la Liberté et lui font honneur en lui conférant une si noble vertu.

    Vient ensuite l’arbre de l’égalité, qui en se groupant donne à la forêt son statut de refuge pour les opprimés et de ressourcement pour les rebelles.

    Parmi ces derniers, David Thoreau, penseur américain né en 1817 et mort en 1862, s'efforça en permanence de mettre en accord sa vie avec cette proximité intime et quasi fusionnelle avec la Nature. Grâce à un terrain que lui offre son ami et mentor Emerson, il construit une toute petite cabane en bois de pin au milieu des bois près du lac de Walden où il restera près de trois années, cultivant ses légumes, chassant et pêchant, se baignant nu en toute saison dans les eaux du lac ou des rivières, faisant de la nature sa véritable maîtresse. De cette expérience, il tirera un livre qui le rendra célèbre Walden ou la vie dans les bois . La forêt l’a invité, dit il, à une vie de simplicité, d’indépendance, de magnanimité et de confiance , une sorte d’hédonisme dépouillé de tout superflu, un exemple dans lequel on ne manquera pas de voir par la suite une condamnation de la société de consommation. Écologiste avant l’heure, marcheur infatigable malgré une santé fragile, il continuera d’arpenter les forêts de l’État du Maine.

    Il est un de ces forestiers tel que Jean Richepin les décrit dans un poème :

    " Regardez-les passer eux ce sont les sauvages

    Ils sont où leur désir le veut par dessus monts

    Et bois et mer et vent et loin des esclavages … "

    Lui, David Thoreau, qui disait en apprendre plus d’une conversation avec un bûcheron que de la consultation d’une vaste bibliothèque, se livre dans ce texte devenu célèbre la désobéissance civile à une réflexion toute personnelle, dans laquelle il appelle à la Résistance au gouvernement (en fait le titre initial de son opuscule) lorsque celui-ci perd sa légitimité par des lois injustes, le maintien de l’esclavage et

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