Lettre sur le commerce de la librairie: La propriété littéraire au XVIIIe siècle
Par Denis Diderot
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Denis Diderot
Denis Diderot (1713-1784) was a French philosopher, art critic, and writer of erotic fiction. Born into wealth, he studied philosophy at a Jesuit college before attempting to enter the clergy. In 1734, tiring of religion, he declared his wish to become a professional writer, and was disowned by his father. From this point onward, he lived as a bohemian in Paris, writing anonymous works of erotica, including The Talking Jewels (1748). In 1751, he cofounded the Encyclopédie, a controversial resource on the sciences that drew condemnation from the church and the French government. Despite his relative obscurity and lack of financial success, he was later recognized as a foundational figure in the radicalization of French society prior to the Revolution.
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Lettre sur le commerce de la librairie - Denis Diderot
Denis Diderot
Lettre sur le commerce de la librairie
La propriété littéraire au XVIIIe siècle
EAN 8596547435709
DigiCat, 2022
Contact: DigiCat@okpublishing.info
Table des matières
La première de couverture
Page de titre
INTRODUCTION.
LETTRE ADRESSÉE A UN MAGISTRAT SUR LE COMMERCE DE LA LIBRAIRIE.
00003.jpgINTRODUCTION.
Table des matières
Nous connaissions déjà l’existence de ce mémoire de Diderot, en faveur des droits intellectuels, au moment où paraissait notre volume de La Propriété littéraire au dix-huitième siècle. Nous eussions désiré vivement alors le joindre aux pièces réunies dans ce recueil, car ce document n’eût été inférieur aux autres ni en intérêt ni en autorité. En lisant les indications que donnait à ce sujet M. Renouard dans son savant Traité des droits d’auteurs (t. Ier, p. 99 et 162), en voyant qu’il avait eu ce manuscrit entre les mains, qu’il l’avait consulté à la bibliothèque du roi, en parcourant les quelques passages qu’il en a cités, nous avions pensé qu’il nous suffirait d’aller à la bibliothèque impériale pour trouver ce précieux manuscrit, pour publier ces pages inédites de Diderot, et donner son opinion dans cette question si vivement débattue. Mais quelle fut notre contrariété lorsqu’on nous déclara à la bibliothèque que ce manuscrit était introuvable! Et en cette circonstance, ce ne fut certes point la complaisance des conservateurs qui nous fit défaut; nous la mîmes largement à contribution. M. Renouard lui-même voulut bien nous donner le signalement du manuscrit. Mais malgré tout, nos recherches restèrent infructueuses, et il fallut nous résigner. Cependant, même alors, nous n’avions point perdu tout espoir; nous savions qu’à la bibliothèque impériale, si l’on ne trouve pas toujours ce que l’on cherche, on trouve quelquefois ce qu’on ne cherche plus. Le manuscrit s’est enfin rencontré au département des imprimés. Comment est-il arrivé jusque-là ? c’est ce qu’on n’a jamais pu savoir; mais que le manuscrit reste aux imprimés ou qu’il retourne aux manuscrits, peu importe; l’essentiel pour nous, c’est qu’il est entre nos mains et que nous pouvons enfin le livrer au public.
Nous croyons assez volontiers, avec M. Renouard, que ce manuscrit est inédit; il ne figure point dans les œuvres complètes de Diderot, et nous ne pensons même point qu’il ait été imprimé à part. Pour les événements qui précèdent et suivent ce plaidoyer en faveur des droits intellectuels, nous renverrons aux éclaircissements déjà donnés dans le volume de La Propriété littéraire au dix-huitième siècle (p. 41 et 121). Par sa date (1767), il se place trois ans après le mémoire présenté au garde des sceaux par les syndic et adjoints de la librairie, et il précède de dix ans les fameux arrêts du conseil de 1777, qui furent la ruine du principe de la propriété littéraire, jusqu’alors reconnu et pratiqué.
En lisant le travail de Diderot on doit se souvenir que c’est un mémoire fait à la demande des libraires de Paris, pour défendre leurs droits menacés. Le droit des libraires s’y trouve donc placé au premier rang, celui des auteurs n’apparaît que subsidiairement. Il ne pouvait en être autrement pour Diderot, dans la situation qu’il avait acceptée. Les libraires sont ici ses clients, il est leur avocat, c’est leur cause qu’il plaide, c’est leur intérêt qu’il doit mettre en relief. Mais ce qu’il faut avant tout chercher ici, c’est la reconnaissance des droits de l’intelligence tels qu’ils résident dans la personne des auteurs, tels qu’ils peuvent se concevoir en eux dans leur essence la plus pure et la plus absolue.
Que Diderot, sur la demande des libraires, ait bien voulu faire un mémoire où il établit comme entiers et inviolables les droits qu’ils tiennent des auteurs; rien de plus facile que d’établir cette conséquence, pourvu qu’on remonte au principe, c’est-à-dire au droit qui préexiste dans l’auteur, qui prend sa source dans son intelligence et dans son travail. Mais surtout qu’on n’oublie point que sans le droit de l’auteur, le droit du libraire n’existe pas.
Diderot avait dans son mémoire à s’élever aussi contre beaucoup d’abus qui régnaient alors et dont le temps a fait justice; ces abus sont désormais de l’histoire ancienne, et l’on n’a plus besoin de s’en occuper de nos jours qu’à titre de renseignements sur le passé. Toutefois, dans ces abus disparus, nous voyons pour notre part un grand motif d’encouragement. Si le temps a pu avoir raison de tant de préjugés, si, sur tant de points, une notion plus claire du droit a pu l’emporter enfin, n’y a-t-il pas lieu d’espérer grandement que nous verrons arriver aussi le jour du triomphe pour la cause que nous défendons, et que la propriété littéraire finira par être traitée comme toute autre propriété ?
La spoliation qu’on exerce à l’égard des écrivains est des plus iniques. L’auteur a des besoins tout comme un autre; tout comme un autre, il serait fier d’avoir une propriété qui serait l’honorable et juste récompense de son travail. Qu’on lui assure la récompense qui lui est due, qu’il puisse par son travail, par son intelligence, se créer un bien aussi durable, aussi solide que la maison ou que le champ légués par d’autres à leurs enfants; et alors on n’aura pas fait seulement une bonne action, mais, en étant juste, on aura consacré un acte de haute politique et d’intelligente administration.
LETTRE
HISTORIQUE ET POLITIQUE
ADRESSÉE A UN MAGISTRAT
SUR LE COMMERCE DE LA LIBRAIRIE
SON ÉTAT ANCIEN ET ACTUEL,
SES RÈGLEMENTS, SES PRIVILÉGES, LES PERMISSIONS TACITES, LES CENSEURS,
LES COLPORTEURS, LE PASSAGE DES PONTS
ET AUTRES OBJETS RELATIFS A LA POLICE LITTÉRAIRE.
(Juin 1767)
(Juin 1767.)
M. de Sartine ayant demandé à M. Diderot un Mémoire sur la librairie, ce dernier lui donna celui-ci, qu’il n’a sûrement composé que d’après le consei. des libraires et des matériaux que M. Le Breton, ex-syndic de la librairie, lui a fournis, et dont les principes sont absolument contraires à la bonne administration des privilèges et des grâces dont ils doivent faire partie.
LETTRE ADRESSÉE A UN MAGISTRAT SUR LE COMMERCE DE LA LIBRAIRIE.
Table des matières
Vous désirez, monsieur, de connaître mes idées sur une affaire qui vous paraît être importante et qui l’est. Je suis trop flatté de cette confiance pour ne pas y répondre avec la promptitude que vous exigez, et l’impartialité que vous êtes en droit d’attendre d’un homme de mon caractère. Vous me croyez instruit, et j’ai en effet les connaissances que donne une expérience journalière, sans compter la persuasion scrupuleuse où je suis que la bonne foi ne suffit pas toujours pour excuser des erreurs. Je pense sincèrement que dans les discussions qui tiennent au bien général il serait plus à propos de se taire que de s’exposer avec les intentions les meilleures à remplir l’esprit d’un magistrat d’idées fausses et pernicieuses.
Je vous dirai donc d’abord, qu’il ne s’agit pas simplement ici des intérêts d’une communauté. Eh! que m’importe qu’il y ait une communauté de plus ou de moins, à moi, qui suis un des plus zélés partisans de la liberté, prise sous l’acception la plus étendue, qui souffre avec chagrin de voir le dernier des talents gêné dans son industrie, des bras donnés par la nature et liés par des conventions, qui ai de tout temps été convaincu que les corporations étaient injustes et funestes, et qui en regarderais l’abolissement entier et absolu comme un pas vers un gouvernement plus sage?
Ce dont il s’agit, c’est d’examiner dans l’état où sont les choses, et même dans toute autre supposition, quels doivent être les fruits des atteintes que l’on a données et qu’on pourrait encore donner à notre librairie, s’il faut souffrir plus longtemps les entreprises que des étrangers font sur son commerce, quelle liaison il y a entre ce commerce et la littérature, s’il est passible d’empirer l’un sans nuire à l’autre et d’appauvrir le libraire sans ruiner l’auteur, ce que c’est que les privilèges de livres, si ces privilèges doivent être compris sous la dénomination générale et odieuse des autres exclusifs, s’il y a quelque fondement légitime