L'ascenseur social fonctionnerait-il encore en France ? Né dans une famille vosgienne modeste, Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 avec Leurs enfants après eux, se décrit comme un « transfuge de classe » qui a d’abord « eu honte de ses origines » avant « d’avoir honte d’avoir eu honte. » Intimidé à l’idée d’écrire, il a débuté comme rédacteur de comptes rendus pour un cabinet de conseil. Assistant dans l’ombre à des heures et des heures de réunions qu’il devait retranscrire, il a pu observer ce monde, ses façons de faire, ses stratégies et intrigues. Une matière première dont il s’est servi pour imaginer la trame de Connemara, son quatrième roman, paru début 2022 et vendu à plus de 150 000 exemplaires. Un succès rassurant pour celui qui avoue avoir eu peur de ne pas réussir à se remettre à écrire après avoir été récompensé du Goncourt. Et qui craignait que le succès ne « brise » ses antennes, avec lesquelles il parvient, plus que n’importe quel autre auteur actuel, à capter l’air « social » du temps.
Certains ont dit que, dans Leurs enfants après eux, on pouvait voir une forme d’anticipation de la crise des Gilets jaunes. Et, dans Connemara, la mise en scène des consultants fait écho à l’affaire McKinsey. Est-ce jouissif, quand on écrit, d’être rattrapé par le réel ?
La réponse est oui ! Quand on essaie comme moi de faire une littérature qui parle du monde tel qu’il est et que nos intuitions, parce qu’après le Goncourt j’avais la hantise de décrocher du réel, de me retrouver dans une bulle.