Mon chef, ce zéro, mon héros
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Gillette Crevisse s’est lancée dans l’écriture pour faire face à l’état de mal-être qui s’est installé en elle à la suite d’une période intense de travail. Dénonçant les injustices qui sévissent en milieu professionnel, Mon chef, ce zéro, mon héros lui a permis de renaître.
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Aperçu du livre
Mon chef, ce zéro, mon héros - Gillette Crevisse
Décembre 2021
J’enfile mes baskets, il fait froid. Je me couvre de la tête aux pieds, j’ai besoin d’aller courir. On est en décembre 2021. Le matin frais et brumeux de l’hiver est là.
Je rumine, je pleure, je sens que ma tête doit s’aérer. Je pars au bord du lac. L’eau est quasiment imperceptible ce matin, il y a énormément de brouillard. À croire que le temps et mon état d’esprit sont identiques.
Je vis dans l’entre-deux lacs, en Auvergne. La vie est chantante ici, dans ma petite bourgade calme et ancrée dans la nature.
J’essaie de ne pas glisser, de ne pas pleurer.
Cela fait plus de dix ans que je pratique la course à pied de manière si intense, je ne m’arrête jamais. S’arrêter, pour moi, c’est comme accepter de ne pas y arriver, ou lever le pied trop facilement ! Ce n’est que mon avis, mais ma routine est telle que, lorsque je sors pour m’entraîner, je fonce selon l’objectif du jour, et je ne m’arrête que lorsque ce dernier est atteint !
Mais ce matin, c’est différent. Je remonte le long de l’eau, sentant sur ma peau l’humidité et la fraîcheur. Seul le chant des oiseaux me tient compagnie. Tout à coup, je m’arrête net devant ce spectacle fabuleux que m’offre la vie : le brouillard sur l’eau, les arbres dénudés, le son de l’eau et des oiseaux.
J’éclate en sanglots. Je m’approche de l’eau, je pourrais facilement tomber. La terre est mouillée, je commence à croire que c’est ce que je veux. Je regarde le courant en m’approchant, et réalise que je suis en train de me demander si j’arriverais à couler rapidement. Me faudrait-il un poids à la cheville pour raccourcir le délai ?
Je pleure, je regarde autour de moi, je suis près du gouffre. Je n’en peux plus d’avoir du mal à respirer, j’étouffe sans cesse. Je ne vois pas la fin de ce cercle vicieux du mal-être. Je repense à ce que m’a dit mon oncle il y a plusieurs années : « Tu es différente des autres. » Je suis une vraie gentille. D’où je sors ? Pourquoi je n’arrive pas à trouver ma place ?
Je pense à mes enfants, je vais si mal. Je me demande s’ils ne seraient pas plus heureux sans une incapable comme moi. Ils sont trois, ils ne seraient pas seuls après tout. Mon compagnon, lui, arrivera facilement à m’oublier, ça ne fait que trois ans qu’il me connaît.
Je vais mal, très mal. Je craque complètement ce matin-là… Ma vie est trop compliquée. Seul mon travail me donnait cette sensation d’utilité.
Aujourd’hui, je suis en burn-out et j’ai envie de me suicider. Du moins, l’idée me traverse souvent l’esprit depuis des mois. Avant de craquer, j’ai prévenu. Plusieurs fois. Je ne comprends pas que personne ne réagisse…
Au commencement
Octobre 2016
J’arrive dans cette entreprise par le biais d’une agence d’intérim. Depuis ma reprise d’études en alternance en 2012-2013 – j’ai 32 ans et trois enfants en 2012 –, je veux intégrer cette société. J’ai des idées comme cela parfois, et ce depuis ma plus tendre enfance. Comme si, à l’intérieur de moi, je savais à l’avance ce qu’il va se passer ou ce que je dois faire. Certains disent que c’est de l’intuition, personnellement je l’appelle « ma boussole intérieure ».
Après une petite période de chômage, l’occasion se présente lors d’un stage avec Pôle Emploi, et j’annonce que je veux intégrer cette entreprise. Elle a une réputation « ambiance familiale », il est difficile d’y entrer. Mais je vais réussir ! Environ quinze jours après la fin de mon stage, la formatrice me recontacte afin de m’informer qu’elle a eu au téléphone la secrétaire RH : actuellement, la société ne recherche personne, cela dit selon l’évolution des besoins, il se peut que cela soit amené à changer. Elle m’invite à m’inscrire auprès d’une agence d’intérim qui, de vous à moi, m’était complètement inconnue.
Lors de l’entretien avec cette agence, elle me demande si je souhaite me positionner sur des postes similaires. Pour la première fois dans le monde du travail, j’ose dire « non » ! Ce sera là ou nulle part pour le moment. En ressortant, j’ai un coup de chaud. Et si je venais de me griller dans le monde du travail pour avoir osé ce refus ? Je ne peux cependant pas effacer mes propos. Je reste confiante.
Deux semaines plus tard, un poste se libère. Il ne correspond pas tout à fait à celui que je recherche, mais je fonce. Le jour de l’entretien, je dis « oui » à tout ! Je veux intégrer cette entreprise, peu importe le reste. Et c’est ainsi que j’intègre cette belle entreprise en activité depuis plus de 150 ans ! Je suis tellement fière, malgré le fait que ce soit de l’intérim, et que je sois sur deux postes en même temps ! Les deux combinés m’offrent un temps complet et je ne stagne pas toujours au même bureau, finalement je trouve cela parfait !
L’un des deux postes est celui d’hôtesse d’accueil. J’apprécie énormément d’ouvrir l’entreprise, de représenter la première image renvoyée aux clients. Les collègues sont au top, je reçois un accueil de toute beauté. J’adore aller au travail et on apprécie mon savoir-être. Je suis vraiment très heureuse.
Février 2017
On me propose une embauche définitive à temps complet au service client. J’accepte avec une fierté non dissimulée. Je ne serai plus en poste à l’accueil, mais j’ai appris à connaître tout le monde, et je me sens bien intégrée, comme sur un petit nuage.
Les mois passent, l’été est là, et nous sommes à l’aube de grands changements, avec la création d’un nouveau service. Je ne me sens pas concernée. Premièrement, dans ce type d’entreprise il faut plusieurs années avant de pouvoir changer de service. Je viens juste d’arriver, je n’ai pas encore fait le tour de mon poste. Deuxièmement, les postes à pourvoir sont beaucoup plus axés sur l’aspect commercial, et cela ne m’intéresse aucunement. Dans mon ancienne entreprise, j’occupais un poste similaire, et j’ai préféré changer !
Cette création de service fait beaucoup parler d’elle, il y a plusieurs candidatures. Notre secteur d’activité se densifie énormément, nous devons devenir acteurs de notre réussite. À titre personnel, je suis tout à fait d’accord avec cette création de service, et avec ce nouveau fonctionnement d’entreprise. Je déplore uniquement le manque de communication entre la direction et les employés…
La première équipe est constituée, mais très vite, il y a des désaccords entre les personnes sélectionnées. Une des équipières demande à revenir sur son ancien poste. Je dois dire que j’admire sa décision, car la responsable de service est plutôt redoutée, et comme c’est elle qui avait réalisé les entretiens, elle n’apprécie pas du tout ce retour en arrière. Cet évènement fait quelques vagues, mais je reste à ma place sans dire un mot – je suis nouvelle, ne l’oubliez pas.
La création de ce service est très inquiétante pour les titulaires. Certains collègues travaillent ici depuis plusieurs années. Le changement peut être particulièrement stressant pour une personne qui ne connaît que cette entreprise, et qui est en quelque sorte dans un cocon. Imaginez : une femme de 50 ans, active dans une entreprise depuis la sortie de l’école. Elle n’a aucune information particulière de la part de sa hiérarchie, et elle entend que la concurrence devient très forte. Ceci implique une inquiétude, des questionnements : « Vais-je perdre mon travail ? » Créer un nouveau poste, c’est changer le travail que cette femme citée en exemple exerce depuis 30 ans ! L’une des collègues ayant fait marche arrière, cela ajoute de l’inquiétude…
En réalité, ce nouveau service commercial fait beaucoup parler, il inquiète énormément et finalement, lorsqu’une des filles quitte le navire, plus personne ne postule !
Un matin, la responsable de service me convoque. Je ne suis pas très à l’aise avec elle, elle est très gentille avec moi mais elle me fait peur, et je me méfie ! Il n’est pas rare de voir un collègue pleurer à cause d’elle. Je ne suis encore témoin de rien à ce moment-là, mais un collègue qui pleure, cela ne s’invente pas, et chez nous, ça parle beaucoup !
Je ne suis pas très commérages, mon éducation fait que je m’occupe de ce qui me regarde, je n’écoute pas les on-dit. Et je me fiche du qu’en-dira-t-on, je me fais mon idée de chaque situation, par ma propre expérience.
Je me présente à son bureau, mais j’ai déjà une idée de ce qu’elle veut. Ma responsable d’équipe m’a plus ou moins laissé entendre que la responsable de service (que tout le monde appelle Cruella) va me proposer de rejoindre le nouveau service ! Je m’installe, la peur au ventre, les mains moites. J’écoute ! Il semble que ce soit le cas, elle me parle du nouveau service.
Elle me dit que j’ai un très bon sens commercial, et que j’ai un excellent discours. Je suis une plus-value et il est évident que je suis la personne adéquate pour ce poste vacant, selon