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En route pour la gloire
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Livre électronique487 pages7 heures

En route pour la gloire

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À propos de ce livre électronique

Récemment diplômé, Alexandre recherche un emploi.
Rêvant de vie parisienne et d’une situation professionnelle à la hauteur de ses études, il aborde cet exercice avec un optimisme déconcertant. Alexandre affiche ses objectifs, et ceux-ci sont sérieux.
Depuis sa campagne normande, Alexandre va prendre conscience de la difficulté de la tâche, face à un système intransigeant mais curieusement bipolaire.
Dans un monde en crise, il se trouve rapidement condamné à sous évaluer ses qualités pour entrer dans le monde du travail.
Toutefois, le jeune homme n’a pas dit son dernier mot…
LangueFrançais
Date de sortie3 avr. 2019
ISBN9782312065847
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    Aperçu du livre

    En route pour la gloire - Vincent Darlème

    cover.jpg

    En route pour la gloire

    Vincent Darlème

    En route pour la gloire

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2019

    ISBN : 978-2-312-06584-7

    Première partie

    Un stage de fin d’étude aboutit souvent, quand on s’y prend bien, sur une offre d’emploi.

    On me l’avait rappelé lors de mon entretien final chez Storm & Spray, entreprise leader de l’insecticide : « Ici on ne recrute pas en pensant que vous nous quitterez dans six mois. Vous faites partie de ce qu’on appelle les jeunes talents et nous souhaitons construire quelque chose avec vous. »

    En tant qu’analyste marketing, je réalisais des études de consommation sur les produits destinés aux insectes volants. Je m’occupais uniquement de la gamme guêpes, mouches et moustiques. Les « volants », comme on les appelait, c’était le summum pour un stage chez Storm & Spray. Car les volants sont majoritairement perçus comme plus dangereux et moins répugnants que les rampants. Des insectes nobles, presque. Annoncer que l’on travaillait dans la division des volants était la meilleure manière d’attirer à soi un apriori positif. À l’inverse, ceux qui œuvraient pour les rampants évitaient de le mentionner directement dans la conversation.

    J’adorais ce métier d’analyste et en l’espace de quelques mois j’étais devenu relativement compétent sur les tendances de marché, pour ne pas dire incollable. Quelles ventes pour les attrape-mouches au mois de Juin ? Dans quels magasins se vendaient le mieux les anti-moustiques ? Quelles innovations sur le marché des aérosols 600mL ? Aussi insolites que pouvaient être les questions, j’apportais clarté et précision dans mes réponses. J’étudiais les problématiques de A à Z et vérifiais à deux fois avant d’avancer quoi que ce soit. Je commençais à être estimé pour la qualité de mon travail. En quelques semaines j’avais obtenu confiance et légitimité auprès de toute l’équipe.

    Cela me valut le droit d’élaborer des recommandations, de creuser des investigations sur les différents leviers de développement. Je réfléchissais à l’avenir de notre gamme, à ce que nous pouvions améliorer l’année suivante et l’année d’après encore. De simple stagiaire censé assurer du reporting de base j’étais devenu un maillon de la division marketing, statut impensable avant de commencer. J’eus même l’honneur de présenter au comité stratégique une analyse sur le potentiel des anti-guêpes en présaison. Pour tout cela je redoublais d’efforts. C’était pour mon bien, je progressais, je le sentais. Je ne comptais plus mon temps passé dans l’entreprise. Je dépassais allégrement les 35 heures dans l’optique d’achever mon travail dans les délais. Je restais plus longtemps au bureau que certains employés. J’avais tous les atouts pour rester à mon poste.

    Trois semaines avant la fin, la responsable RH de Storm & Spray me convoqua à son bureau :

    – Vous avez des qualités indéniables pour ce poste, m’avança-t-elle, malheureusement nous ne recrutons pas en ce moment.

    Storm & Spray n’avait plus envie de « construire quelque chose » avec moi. Les plans de l’entreprise avaient changé.

    – Nous allons utiliser les ressources de l’entreprise autrement m’avait –elle confié, au cas où je m’inquiétais.

    Traduction : on s’était rendu compte qu’embaucher un nouveau stagiaire pour accomplir des tâches identiques n’était pas une si mauvaise idée.

    J’aurais pu être touché par cette nouvelle ; je ne le fus pas. J’étais optimiste. On nous l’avait assez répété depuis la classe primaire : avec la génération du baby-boom qui part à la retraite, c’est mathématique, on n’aurait pas à s’inquiéter. D’une année sur l’autre, au collège, au lycée, à l’université, nos professeurs qui n’avaient jamais mis un pied dans le privé nous le resservaient ce discours. Je n’avais aucune raison de m’inquiéter.

    Mon maître de stage, Thierry, un cadre taciturne de quarante-deux ans, décida une fois la nouvelle de mon départ répandue de ne plus s’occuper de moi. Il fut subitement pris par des réunions auxquelles je n’étais plus convié. Il était comme ça Thierry, un peu fumier. Du jour au lendemain je n’étais plus bon à servir des recommandations, à exprimer mon point de vue, à partager mes idées sur les améliorations des produits anti-guêpe. Il s’attela à me trouver un remplaçant afin de procéder à une « passation » dans les règles de l’art. Ce fut là son unique préoccupation. J’étais redevenu un jeune, immature et jetable. Je ne méritais plus de bonjour en arrivant le matin. Je n’avais été qu’une parenthèse de plus dans sa carrière de chef de marque. Des stagiaires, il en avait connu des dizaines, je complétais la série.

    Peu importe. Ce qui comptait, c’était de me relever le plus vite possible de cette expérience. Thierry en réunion, aucune passation en vue, cela signifiait avoir du temps libre sans être surveillé. Du temps libre à convertir… J’en profitais dès lors pour initier ma recherche d’emploi depuis mon poste de travail. Je n’allais pas me gêner. Avec un accès Internet non bridé je pouvais postuler à plusieurs offres d’emplois par jour. Je prenais le temps de peaufiner mon CV. Tout ce qui était susceptible d’accroître la curiosité du recruteur avait été rajouté. J’avais mis en gras les termes les plus prisés dans mon secteur d’activité, un chef d’œuvre. Si je m’écoutais à ce moment-là, en l’espace de quelques semaines j’étais embauché. Tout serait vite bouclé.

    J’étais confiant. Confiant dans le marché, confiant en mon diplôme, confiant dans le monde.

    On s’était fixé plusieurs objectifs avec Juliette.

    Tout d’abord si je voulais la rejoindre, il fallait trouver à Paris. Elle habitait Paris, comme toute Parisienne. Paris intramuros. Naturellement, il était plus simple qu’autre chose pour elle de me voir habiter Paris. Hors de question de quitter la capitale… ! Paris me plaisait pour le weekend, mais y travailler, je n’y avais jamais songé. Pourquoi pas je me disais… pourquoi pas… Je focalisais mes recherches sur Paris et sa banlieue.

    Le salaire devait être justifié pour un bac et cinq ans d’études. Il serait également suffisant pour vivre dans la capitale. Mon université se trouvant des complexes d’école de commerce nous avait prescrit les fourchettes de salaires en vigueur dans le monde du travail. Sur la brochure en papier glacé on retrouve toutes les statistiques par filière. Avant de spéculer sur ce que j’allais gagner, je regardais surtout ce que j’allais avoir à dépenser. Pour un Bac +5 non assisté par des parents riches et généreux, il convient de retirer des contraintes comme celles d’un prêt étudiant (500 € par mois) et celle d’un loyer. Grosso modo, on atteint 1000 € de dépenses par mois, en supposant (petit miracle) qu’on arrive à louer pour moins de 500 € à Paris. 1000 € net, on est d’accord. J’estimais ainsi qu’avec quelque chose comme deux mille euros par mois net, je devrais en avoir assez pour vivre à Paris et tenir le rang de mon université.

    Notre doyen, un sexagénaire tout à fait respectable l’avait dit lors de la remise de diplômes :

    – Le salaire sera une passionnante affaire à négocier.

    On en avait les yeux qui brillaient…

    Enfin j’étais à la recherche d’un métier, pas d’un job. Un véritable emploi qui me permettrait de vivre en toute décence. Ma vie étudiante officiellement enterrée, les jobs de subsistance pour payer les petites factures étaient de l’histoire ancienne, j’allais goûter à la liberté. Pour la première fois je ressentais l’intérêt des sacrifices effectués au fil de mes années d’études. Je n’avais pas étudié par hasard. Sans parler du besoin soudain de convertir cet investissement en quelque chose de concret. J’allais pouvoir avancer.

    ***

    Premier email. Premier coup de téléphone.

    – Je suis encore en stage, Madame, mais je suis disponible !

    J’avais décroché du bureau…

    – Très bien, Monsieur, nous vous enverrons l’offre par email. Il s’agit d’un poste de business developper. Nous avons trouvé votre CV sur la Halle du CV, et celui-ci correspondrait à nos attentes.

    Et ben voilà je m’étais dit ! Ça ne prendrait pas beaucoup de temps ! L’affaire de deux/trois jours et mon CV attirait déjà les recruteurs… Facile !

    La Halle du CV est un site relativement fiable, un peu fourre-tout mais néanmoins leader du CV en ligne. J’avais déposé mon CV sur La Halle comme j’en avais déposé sur d’autres sites tout aussi similaires. Si elle m’avait dit « j’ai trouvé votre CV sur www. leroiducv. com » cela m’aurait procuré le même effet.

    Je m’intéresse à l’entreprise qui vient de me contacter, et à leur poste de Business Developper. Une entreprise de consultants-conseillers en je-ne-sais quoi, qui recherche des business developper. Ça a l’air sérieux. Je veux dire, sur le principe, ça à l’air attrayant. Après, je ne sais pas ce que c’est une entreprise dans le conseil, qui emploie des consultants, c’est assez vague. Elle n’a pas précisé au téléphone. Quand j’ai lu l’offre, j’ai cru saisir ce qui se cachait derrière le terme de « Business Developper », mais derrière le terme « cabinet de conseil en management », je n’ai pas encore eu de réponse claire.

    Sur la page d’accueil de l’entreprise, on tombe sur une photo de tondeuse à main en pleine action sur un gazon déjà tondu. En restant suffisamment longtemps sur cette page, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un diaporama. La deuxième image qui défile étant une main féminine s’apprêtant à saisir avec délicatesse des baies, probablement des myrtilles. L’image suivante se focalise sur des grains de blés. Si la connotation agro-alimentaire est très présente, ce n’est pas la spécialité de ce cabinet. La tondeuse à main reste une énigme.

    N’empêche, business developper, ça doit bien passer dans les conversations :

    – Tu fais quoi dans la vie, man ?

    – Je suis business developper.

    Yeahh !

    Concentrons-nous un peu sur les tâches à accomplir : il les remplit comment ses journées, le cow-boy du développement ? Concrètement ? Il développe des affaires ? Il déroule des stratégies diverse et variées, scrute les marchés potentiels, glane des contrats par-ci par-là, surmonte les barrières du quotidien. Le business developper est-il un athlète complet ? C’est le candidat qui doit imaginer à quoi peut être bon un business developper. Ne jamais mettre trop de détails sur l’offre, ça risquerait d’éveiller la concurrence. D’ailleurs c’est une offre confidentielle, ils sélectionnent les candidats eux-mêmes sur La Halle du CV. L’offre est publiée nulle part, communiquée uniquement aux cibles potentielles.

    Elle m’avait dit de la recontacter quand mon stage serait fini, que j’avais le temps d’étudier l’offre entre temps pour voir si elle me plaisait. Elle serait là pour me répondre, elle souhaitait me rassurer sur ce point. Elle était à mon entière disposition.

    On s’inquiétait de l’offre, et on se demandait si elle allait me faire plaisir, je planais.

    La visibilité de mon CV en ligne dépassait de loin toutes les espérances. Les statistiques de mes multiples profils pouvaient l’attester : des gens, potentiellement des recruteurs, cliquaient sur mon CV, plusieurs fois par jour. Cela me galvanisait, rien qu’en me connectant. Je savais que des personnes avaient été séduites par mon titre de profil « Jeune diplômé en marketing à la recherche d’emploi ». Je considérais une bonne journée quand dans l’ensemble une demi-douzaine de personnes avait consulté mon CV.

    ***

    La plupart des sites se ressemblent quand on recherche un emploi. Tous proposent les mêmes critères de sélection. Qui je veux être ? Dans quoi ? Où ? Pour combien ? Tous ces éléments discriminants offrent par la suite la possibilité de retenir telle ou telle offre, et de lire enfin l’intitulé de poste en entier.

    J’ai pu constater que seul le critère du lieu est globalement le plus respecté. Et encore. J’ai pu parfaire ma géographie en apprenant que Lyon se situait dans le Sud de la France, que l’Alsace se trouvait en Allemagne et que Genève était une ville de Haute-Savoie. Passé un âge la carte de France ne s’apprend plus. Pour bien brouiller les pistes, on ne met parfois que le nom des régions : Ile de France, Bourgogne, PACA. Or l’Ile de France, c’est grand, j’ai besoin de précision. Je refuse systématiquement les postes basés dans le 93. Les recruteurs l’oublient, ou peut-être font-ils semblant. S’ils espèrent secrètement me convaincre que c’est extrêmement vivifiant sur le plan spirituel de travailler à Saint-Denis ils se trompent.

    Pour le reste, c’est pareil, à la puissance dix : seul le sens commun permet de détecter l’offre correcte de l’offre charlatane. Une fois le travail d’élagage effectué, en utilisant tout le sens commun dont on est pourvu, le seul moyen d’en savoir plus est de faire appel à un medium. Heureusement, un site aux apparences plus sérieuses existe. Un site offrant plus que de la mise en ligne de CV, un site possédant une exclusivité de diffusion avec les annonceurs, un site facturant en centaines d’euros sonnants et trébuchants chaque micro annonce déposée par une entreprise. Un site organisant un filtrage des offres sans précédent, avec plus de douze critères applicables et 36 sous-critères pour le lieu. Chaque annonce est contrôlée par deux administrateurs, gage de sûreté.

    Ce site aux allures de Pôle Emploi amélioré porte le doux nom d’« Association pour l’Intégration des Cadres », l’Assintec.

    L’Assintec est une institution en France : toute entreprise recrutant au vingt et unième siècle diffuse ses offres sur l’Assintec. C’est une sorte de passage obligé. Ne pas diffuser d’offres sur l’Assintec c’est se tirer une balle dans le pied. Le rapport qualité prix d’abord : diffuser une offre coûte cher, il convient d’avoir un retour sur investissement des plus conséquents. L’Assintec vous fournira 3000 CV, juste comme ça, en guise de bienvenue. Ensuite l’image de l’entreprise, c’est bon de la soigner de temps en temps. Un petit logo, une description dans la rubrique des « entreprises qui recrutent », une interview, l’Assintec remonte votre côte de popularité d’un claquement de doigt. Enfin, un service : l’Assintec n’est pas uniquement un catalogue de prêt-à-recruter, c’est aussi de l’humanité, de la sensibilité client avec un suivi personnalisé.

    Quand je me suis connecté pour la première fois, l’Assintec m’a demandé de prendre une heure pour compléter mon profil en ligne. Ça m’a pris deux heures et demie. Il manquait systématiquement des précisions au niveau de certains champs : quel était mon troisième numéro de téléphone, quel était mon numéro professionnel (champ obligatoire) ou encore quel était le chiffre d’affaires de la dernière entreprise pour laquelle j’avais travaillé.

    On demande à la fin de signer la Charte Assintec, charte censée responsabiliser l’individu qui crée son compte, en lui rappelant qu’il faut veiller à ne mentionner que des informations vraies et vérifiables, que la photo d’identité n’est pas obligatoire mais aide sensiblement les recruteurs à effectuer leur choix, que l’on certifie être majeur, etc. etc.

    Pour tout cela je dois cocher « Je suis d’accord », sinon la procédure est annulée.

    Je suis d’accord avec tout, je n’ai pas le temps de lire 18 pages en police 4.

    Des offres « Jeunes Diplômés » scintillent alors sur mon écran, et la section « Emplois Cadres » disparait. Stupeur ! L’Assintec a pris la décision de ne montrer uniquement les offres « Jeunes diplômés ». Les offres « cadres » n’étaient pas adaptées à mon profil. J’étais trop jeune pour pouvoir les comprendre. Car 24 ans, c’est trop jeune, c’est écrit dans la Charte : Tous les candidats âgés de moins de 30 ans sont authentifiés « Jeunes » et ne peuvent consulter les autres offres.

    On m’indique, en guise de consolation, qu’une carte Assintec va m’être envoyée en tant que jeune demandeur d’emploi. On me rappelle également que je dispose d’un identifiant spécial, à rappeler pour chacune de mes candidatures. De cette manière je suis repéré à chaque fois que je me connecte.

    Pour inaugurer mon inscription j’ai postulé aux offres cadres réservées aux jeunes diplômés. C’était assez rapide, deux offres actives : une de la semaine passée et une autre (du jour) sur laquelle j’ai littéralement sauté. Il y avait également une quantité d’offres caduques, vieilles de plus de deux mois. Ces offres-là ne valent pas le coup. Deux mois qu’elles trainent… Ils s’en servent pour les statistiques. Ils n’ont pas pris la peine de les retirer, je ne prendrai pas la peine de postuler. Le reste des offres, peu convaincantes, possédaient le statut « agent de maitrise ». À première vue elles ne me correspondent pas. Je regarde quand même, on ne sait jamais.

    On notera qu’à côté de ce site de recrutement, l’Assintec est en partenariat avec l’Association pour la Réintégration des Cadres, La Réintec, qui aide les cadres pendant leurs éventuelles périodes de vache maigre à retrouver des droits, récupérer des indemnités, toucher les allocations et le reste. Sans cette dimension « cœur sur la main », le portrait de l’Assintec ne serait pas complet.

    ***

    Une entreprise de cosmétique me contacte. Il me reste encore une semaine de stage à tirer, attendez-moi, recruteurs ! Ne soyez pas trop impatients !

    Pas de coup de téléphone cette fois-ci, juste deux emails :

    – Nous avons reçu votre candidature et nous souhaiterions vous rencontrer.

    – Rendez-vous le 23 Octobre à 15 h.

    Deux emails, et c’était réglé ! Avec le poste de Business Developper, il suffisait que je rappelle et j’avais déjà deux rendez-vous la première semaine qui suivrait la fin de mon stage.

    Juliette était fière de moi, elle me le répétait chaque jour : Tu es le meilleur ! Je t’aime si fort !

    C’était intense, tout simplement.

    ***

    Entre stagiaires on s’était fait un pot de départ.

    On avait échangé nos coordonnées pour rester en contact, en sachant pertinemment qu’on se rappellerait pas. Dans le lot il y avait Fred. Il avait déserté l’armée pour se retrouver chez Storm & Spray. Il m’avait dit : « c’est une drôle de période, on est peut-être sûr d’avoir du travail mais on devra s’habituer à la précarité ». Il avait lâché ça avec une insouciance déconcertante. C’était un débrouillard. Sa phrase me trotte quelquefois dans la tête.

    À l’époque j’étais parti pour être dans la cosmétique ou être business developper alors la précarité je ne m’en souciais pas.

    Mon stage à Paris terminé, je rentrai à la maison, chez les vieux.

    On habite depuis toujours près de Caen, une petite bourgade, Carpiquet. À Carpiquet il ne se passe pas beaucoup de choses. C’est relativement calme. Carpiquet, c’est la campagne avant tout, quelques routes et quelques bistrots. La mer est à vingt minutes. Le climat océanique offre généralement un ciel chargé, de là en découle une architecture prévue à cet effet : de la pierre sans style avec des ardoises sur le toit pour accueillir la pluie. L’ensemble de la commune s’est entendu pour bâtir sur ce modèle, et si ce n’est pas de la pierre, c’est du parpaing à pavillons. Une maison à colombages risquerait de mettre trop de gaîté. Je préfère dire ce qui est, Carpiquet c’est spécial. Si on n’aime pas la pluie et le vent, si on n’aime pas la campagne, ce n’est pas la peine de s’arrêter.

    Mes parents étaient contents que je revienne, cinq mois qu’ils ne m’avaient vu. Je leur manquais plus qu’ils ne me manquaient je dois le reconnaître… C’est la faute à notre capitale, elle sait retenir les gens qui veulent la quitter. Quand on ne connait pas Paris, on a de quoi se perdre pendant des semaines, chaque rue à son identité, son histoire. Alors que Carpiquet, ma foi, on en a vite fait le tour.

    À peine mes affaires déballées, j’appelais le cabinet de consultants qui voulait m’élever au très convoité rang de business developper, mais aucune réponse à part une mise en attente indéfinie sur le standard. La chargée de recrutement ne décrochait pas, elle ne regardait pas ses emails non plus. Qu’est-ce qu’elle foutait, je n’en savais rien. Elle n’était même pas en vacances.

    J’étais donc parti pour ce géant de la cosmétique qui n’avait pas pris le temps de tergiverser. Le rendez-vous avait lieu à Paris. J’aurais pu rester chez Juliette tout le temps de ma recherche mais son appart rue du chemin vert était de la taille d’une chambre de bonne et le trop de promiscuité, de confinement, rendait la tâche difficile. On s’en était aperçu rapidement et c’est pourquoi j’avais décidé de rester chez mes parents pour le reste de ma recherche, en profitant de mes déplacements réguliers et des weekends pour la visiter.

    Après une nuit aux petits oignons, cajolé comme il faut, je débarque avec mon costume et ma cravate chez les rois de la cosmétique. Ils cherchent un chef de produit junior pour le département marketing… Enfin j’arrive à mettre un visage sur la chargée de recrutement. Jusque-là, je n’avais eu de contacts que par email avec la secrétaire, c’était par conséquent la première personne que je rencontrais de la société… D’emblée, j’ai senti comme une pression. Son chignon la rendait extrêmement dédaigneuse. Et je ne parle pas de son maquillage. Une lectrice assidue de Figaro magazine probablement. Manquait juste le serre-tête.

    Elle veut m’inviter dans une salle de réunion. Comme d’habitude, rien n’est préparé.

    – Je dois voir avec un appariteur… un instant je vous prie.

    – Pascal, on a une salle de libre pour un entretien ? hurla-t-elle à un type qui passait.

    – La 203 est libre, répondit l’homme.

    On entre dans la 203. On s’assoit. On se prépare. On se regarde.

    Elle commence par couper net mon élan de jovialité :

    – Aujourd’hui nous sommes en phase de pré-entretien, il s’agit d’une session exploratoire, destinée à évaluer si l’offre correspond à vos attentes.

    Évaluer si l’offre correspond à mes attentes, c’est quoi cette connerie ? Je ne viens pas faire causette dans un salon de thé, putain !

    Puisque c’est le principe, et que tout le monde passe par là… « Une tradition » elle avait ajouté… Des traditions, comme c’est facile de s’en trouver des traditions ! Tout le monde s’en invente des traditions, mon boulanger le premier… Enfin, puisque je ne peux pas y couper…

    Je passe la phase de présentation, celle de mes stages, de mon université, du pourquoi du comment je possède une maitrise en marketing.

    Arrivent les questions plus ciblées :

    – Pourquoi la cosmétique vous intéresse ?

    J’avais là plusieurs choix.

    L’option 1 :

    – Les insecticides m’ennuyaient, alors je me suis dit « vas-y » travaille dans les cosmétiques ça te changera les idées.

    Ou bien l’option 2 :

    – La cosmétique est un marché innovant, qui demande de l’investissement et qui offre une dynamique que d’autres secteurs ne connaissent pas.

    Je pris l’option 2, interchangeable selon l’entreprise et l’industrie visées. C’est une technique acquise à la suite de nombreux entretiens pour obtenir un stage. Quand on demande la motivation pour un poste, toujours répondre en incluant les mots « Innovation », « Investissement » et « Dynamique ». J’avais en plus ajouté « Marché » et « Secteur », le grand chelem du verbiage moderne.

    Ce fut tout à mon honneur, elle me dévorait des yeux, la chargée de recrutement.

    Elle me pria ensuite d’analyser une publicité placardée derrière moi :

    – Vous avez 30 secondes, puis vous vous tournerez vers moi et sans la regarder vous me direz ce que vous aurez retenu.

    J’exécute un ¾ en soulevant mon siège et me concentre. En toute objectivité, la publicité est mal conçue. L’accrocher à un mur c’est trop d’honneur. Cependant je ne dois pas être perturbé, il faut que j’analyse la structure : un visage masculin, le produit au milieu et le soleil dans un coin. Elle regarde ses pieds en attendant… Le produit agit tel un paratonnerre pour protéger ce qui est censé ressembler à un agent secret. Niveau couleur les concepteurs ne se sont pas trop cassé la tête : de l’orange, du rouge et du noir. Pour ce qui est du sens de la pub, je pense que la solution est dans le produit en lui-même, qu’une fois acheté il règle tous nos problèmes avec les UV.

    Après avoir entendu ma description, elle se met à me questionner :

    – C’est quel produit, vous vous en rappelez ?

    – Il y avait la marque et le mot rétinol, pour homme.

    – Oui, c’est exact, mais le nom entier ?

    – Rétinooo… lux Smartpro 400, je répondis honteusement. Le message m’était resté mais pas le nom exact du produit.

    – « Rétinolux Smartpro 500 Bio pour Homme » précise-t-elle en se passant une fois de plus la main pour ajuster son chignon dédaigneux.

    Sans transition comme c’est souvent le cas, elle me propose de tester une crème pour les mains.

    Une crème pour fille. Je n’avais jamais rien mis sur mes mains de ma vie, je devais avoir l’air maladroit. Elle me demande ce que je ressens…

    Les mots qui sortirent de ma bouche furent les suivants :

    – C’est très intéressant comme produit, on perçoit tout de suite les effets. On a l’impression de gagner en aisance dans le toucher…

    Histoire de faire un peu de Marketing elle précise avec un sourire forcé :

    – Gardez-le, il est pour vous.

    Moi je me disais, c’est Juliette qui va être contente.

    Elle me dévoila la suite du processus de sélection pour finalement m’asséner le traditionnel « Avez-vous des questions ? ».

    Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’en n’avais pas. Tout était clair pour moi, je capte vite ce qu’on me dit. Pendant trente secondes je réfléchissais afin de montrer que le sujet de la cosmétique m’enthousiasmait, et j’eus l’idée de poser une question sur l’avenir de la cosmétique puis une autre sur les évolutions possibles dans l’entreprise.

    L’entretien était terminé, quarante-cinq minutes s’étaient écoulées, et je me sentais bien. Le feeling était passé comme on dit. Elle me tendit la main, que je dus serrer en deux fois à cause de la crème, et elle me congédia de façon très cordiale.

    Sur la route du retour, en me dirigeant chez Juliette, j’avais pris le temps de faire mon débriefing et le résultat était quand même positif, à part le nom du produit que j’avais oublié et le serrage de main que j’avais malencontreusement raté, tout était au vert.

    Juliette était radieuse. Je lui racontais toute mon histoire, elle rigolait, elle me rassurait aussi. Elle me précisa juste que, quand on teste un produit cosmétique, on le teste sur le poignet, pas sur ses pognes, même si c’est un produit pour les mains.

    ***

    Les services RH proposent régulièrement des offres de commercial aux jeunes diplômés en marketing, en précisant que cela leur est indispensable pour une carrière dans leur spécialité. Ils promettent monts et merveilles, leur assurent que c’est l’eldorado qui les attend après, et pas n’importe quel eldorado, el eldorado del marketing ! Du rêve, encore du rêve, donnez-leur du rêve ! Plus ils sont paumés, mieux ça ira. Cette pratique tellement courante aujourd’hui est devenue une condition sine qua non : le jeune diplômé en marketing doit commencer vendeur.

    – Non, madame, je ne souhaite pas être commercial, cela ne m’intéresse pas, je suis désolé.

    Je sais que le pays est en crise, mais quand même. Ce n’est pas en constituant des bataillons entiers de vendeurs payés au lance-pierre que la situation s’améliorera. D’ailleurs je le sais, je ferai un piètre vendeur.

    – Comment ? Tout le monde peut devenir chef de secteur ?

    – Mais je ne veux pas l’être, madame.

    – Ma spécialité c’est le marketing, et je ne sais pas pourquoi vous me contactez, je ne recherche qu’en marketing, je l’ai précisé sur tous les sites où j’ai mis mon CV : « ne pas me contacter pour des offres de chefs de secteur », c’est ce que j’ai écrit.

    – Pourquoi je ne veux pas être vendeur en grande distribution ?

    Parce que je dois rendre des comptes maintenant ?

    Responsable de secteur, chef de secteur, représentant, technico-commercial, ingénieur commercial. Sous toutes ces appellations se cache un type qui doit vendre des produits ou des services à un client et faire en sorte que ses produits ou ses services soient mieux positionnés que ceux des concurrents. Derrière ces termes se cache un type qui déambule avec son PC dans les rayons de supermarché, à compter le nombre de produits présents, à ramasser les produits qui tombent par terre, à graisser la patte aux employé, à taper aux portes des maisons…

    Devrais-je justifier mon manque d’enthousiasme à la vente ?

    Outre le fait que je n’ai pas étudié la vente, je déteste purement le démarchage. Une allergie probablement. Je jette toujours la pub de la boite au lettre, je n’achète jamais les produits en promotion parce qu’il s’agit d’arnaques et je raccroche toujours quand on m’appelle à midi pour savoir si j’ai envie de nouvelles fenêtres en bois dans mon appartement.

    Du terrain, tout le monde doit faire du terrain ?

    Terrain (n, m) : terme définissant pour un recruteur, le plus souvent parisien, tout ce qui ne concerne pas Paris. Au-delà de Paris. Synonyme : jungle.

    Cela doit être vécu comme une épreuve d’aguerrissement. C’est comme ça qu’on devient un homme. Il n’y a pas plus terrible que de devoir quitter Paris. La seule chose à laquelle il pense, le Parisien, quand il quitte la capitale, ne serait-ce que deux heures, c’est d’y retourner. Dans l’entreprise d’aujourd’hui, où le tout numérique l’emporte sur le reste, il n’y a aucune raison d’aller sur le terrain. Ce discours « d’apprendre au contact du client », en ayant pour objectif de travailler au siège sans avoir de contact client est une fausse excuse. Typique des entreprises franciliennes. Une semaine suffit à comprendre les tenants et les aboutissants de la plupart des marchés en grande distribution.

    Ce qui serait plus sain et plus raisonnable, en revanche, serait d’y aller régulièrement quand on travaille au siège pour voir comment l’activité se développe, pour ne jamais perdre pied avec le réel et rester en contact avec la cible. Cela épargnerait les lancements de produits délurés comme des yaourts dermo-actifs et des boissons hydro-nutritives hors de prix. Les créateurs de ces produits anti-marketing, ceux-là mériteraient d’être sur le terrain, à vie. L’économie en profiterait.

    Négocier avec des chefs de rayons ?

    Avec nos bac+5 ? Ils vont nous mépriser. La plupart sont piégés dans un univers de routine où tout est rythmé par le son des palettes. Qu’est-ce que je peux leur raconter ?

    Comment ? Votre offre de chef de secteur n’est pas une offre comme les autres ? C’est dommage.

    Si j’ai choisi la voie du marketing, c’est parce qu’elle fait appel à une qualité que je pense posséder : se mettre à la place du client. Quand on arrive à imaginer à l’avance ce qu’il pense, comment il réagit, on est plus à même de répondre à ses attentes. Le comprendre est une chose, l’écouter en est une autre. Dans la vente l’écoute est rarement sincère. Elle est orientée, active, pour vendre, évidemment. C’est là que se sépare le chemin. Le marketing recherche la satisfaction du client. Parce qu’un client fidèle vaut 100 fois mieux qu’un client non fidèle. Alors que pour un vendeur un client est un client, même s’il n’est pas fidèle à la marque. Et pour être capable de repérer les clients à fidéliser, il faut être capable de cerner les tendances du marché. C’est ce qui me plait dans le marketing, la collecte de données à convertir en informations, potentiellement stratégiques, sur le client. J’ai donc tous les atouts pour être recruté en marketing et toutes les raisons de ne pas commencer vendeur.

    ***

    La vente n’entrait pas en ligne de compte dans mes calculs et j’avais raison. Malgré la restriction « Jeune » de l’Assintec, je n’avais pas assez d’une journée de recherche pour classer les toutes les offres. À vrai dire, à la lecture d’une annonce, je me souciais plus de connaître la nature du contrat. Les cdd ne m’intéressaient pas, je voulais construire quelque chose, et par-dessus tout fuir la précarité menaçante d’un contrat limité dans le temps. C’était aussi une influence de Juliette. Elle m’avait convaincu de l’importance d’un contrat à durée indéterminée. CDD de trois mois, six mois, neuf mois, oust !

    Mes recherches étaient donc parfaitement ciblées : Paris, CDI, Marketing, salaire décent, statut cadre.

    À quelques variantes près j’arrivais à de nombreux résultats satisfaisants : Paris est la capitale du marketing en France, aussi vrai que Paris est la capitale de la finance ou des ressources humaines. 90 % des offres « cadre » se trouvaient à Paris, je ne pouvais pas me tromper, les calculs étaient bons, je tapais aux bonnes portes.

    Au total, en incluant mes dernières semaines de stages, je devais avoir postulé à une trentaine d’offres en l’espace de quelques semaines seulement. En incluant à chaque fois une lettre de motivation. Et même si je ne les personnalisais pas beaucoup, elles contenaient toujours le nom de l’entreprise visée. C’était déjà une attention particulière qui me prenait beaucoup trop de temps. Car écrire une lettre de motivation est selon moi une sorte d’épreuve se situant entre le mensonge, l’exagération et la flatterie. Vous pouvez dire : « J’ai attendu X années ce moment magique pour postuler au sein de votre société, et c’est d’ailleurs la seule candidature que j’effectuerai au cours de ma vie », vous récolterez au mieux une réponse automatique de la part d’un robot, mais aucune garantie. La lettre de motivation a perdu toute son essence depuis qu’elle est devenue obligatoire pour tout type de poste. Une lettre de motivation pour être éboueur, fossoyeur ou balayeur, de qui se moque-t-on ? La Nécessité n’est plus suffisante. Ne parlons pas d’exercice littéraire permettant de déceler les candidats aux profils originaux ; la lettre de motivation ne fait appel à aucune créativité et à aucun style.

    Partant de ce principe, je n’avais pas ajouté de fioritures aux lignes sobres et sérieuses mises à plat par l’ex-étudiant en quête d’un stage, aujourd’hui en quête d’un emploi. Je mettais du synthétique, « Votre société m’a l’air potable » (partie1) et « Voici qui je suis et ce dont je suis capable » (partie 2). Je finissais ensuite par une petite pirouette en conclusion, en préconisant un entretien : ma personnalité hors du commun et l’entreprise hors du commun pour laquelle je postulais ne pouvaient que s’entendre sur une embauche à très court terme.

    C’est ce genre de lettre hors du commun qui attira l’attention d’un responsable de recrutement pour une enseigne de Hard Discount. Le poste était celui qui me convenait le mieux : Chargé d’Études Marketing.

    Objet : Convocation pour un entretien

    Date : Début novembre.

    Lieu : banlieue parisienne

    À chaque fois c’est la même histoire, je prends un train la veille et passe la soirée chez Juliette. Je reste deux ou trois jours et je continue mes recherches depuis Carpiquet.

    N’ayant pas de nouvelles de l’entreprise de cosmétique, encore moins du cabinet de consultants, j’allais très déterminé chez ce distributeur de produits bons marchés situé dans le Sud Est parisien.

    La motivation excellente, le moral aussi affûté que celui d’un champion olympique, pas grand-chose ne pouvait m’arrêter.

    Le RER était le passage obligatoire. Dégueulasse comme jamais, ce train de banlieue pouvait désoler le plus mélancolique des poètes. Des tags sur toutes les surfaces, des sièges cassés, des crachats en veux-tu en voilà, des cadavres de bière extraforte, une désolation à l’état pur. Le ticket que j’avais composté me donnait droit à tout cet étalage de la décadence. Les Parisiens sont habitués à composer avec cette horreur quotidienne, c’est aussi un peu de leur terroir, mais pour un provincial c’est intenable. Je regarde à travers une vitre brumeuse pour concentrer mon esprit sur autre chose que de la laideur et constate avec effroi que dehors c’est pire. De la rouille partout, des usines qui ne fonctionnent plus, des camions poubelles errant sur une avenue délabrée, des bouteilles en plastoc partout dans les bas-côtés, des bidonvilles miniatures composés de taule froissée, de branchages divers et de sacs à ordures. Et bien sûr des tag et des tags sur des kilomètres : « KREVET », « Sol4rium », « THOR », « HEL », « KREVET », « KREVET », « LOKI », « Unifrom », « Tik », « KREVET », « KREVET »… La misère intellectuelle de toute une nation me sautait à la gueule, et pour égayer le tout, il pleuvait. Je me demandais à quoi KREVET passait ses journées aujourd’hui. Est-il en prison ? Vit-il de la drogue ? Attend-il son RSA bien sagement dans ses charentaises ? Ou bien travaille-t-il à la chaîne ? Peut-être est-il chef de service ?

    Voilà mon arrêt, à quelques kilomètres de Paris. Je suis dans un no man’s land : ce n’est pas vraiment la ville, ce n’est pas vraiment la campagne, ce n’est pas vraiment rien, mais c’est le chaos.

    « Ekimoz94 », « RAPPA » et « S3rV » me souhaitent la bienvenue.

    Pour me fondre dans le décor, j’étais mal parti. Je devais avoir oublié mon kamis ou mon sarouel. Il me manquait quelque chose. Avec mon costume je devais avoir l’air d’un extra-terrestre. J’avais du mal à considérer que j’étais encore

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