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Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée?
Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée?
Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée?
Livre électronique357 pages5 heures

Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée?

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À propos de ce livre électronique

Vingt ans d'abus physiques et moraux, racontés avec émotions dans ses trois premiers livres entre 1985 et 1996, ont laissé Élisa T. démolie dans sa vie sociale, amoureuse et affective; jusqu'à ce qu'elle se décide enfin à porter plainte contre ses agresseurs en 2005. Pour que justice de fasse!

Ainsi, grâce à l'appui d'un frère et d'une sœur qui ont, eux, décidé d'avouer l'inavouable, elle rencontrera de nombreux professionnels qui l'épauleront durant un long et douloureux processus judiciaire qui durera près de cinq ans. Au terme de tout ceci, en 2009, sa mère et son conjoint seront accusés, jugés coupables et sentenciés, bouclant ainsi la boucle commencée dès la naissance d'Élisa. La justice déclarait ainsi haut et fort que des parents n'ont pas tous les droits et que nul n'est intouchable.

Et comme la vie suit invariablement son cours, pendant ces années tumultueuses, les enfants, parents, confrères et consœurs de travail, amies et amoureux d'Élisa croiseront son chemin, parfois brièvement, d'autre fois pour une plus longue période, mais tous de façon indélébile. Car l'existence est ainsi faite...
LangueFrançais
Date de sortie6 mars 2013
ISBN9782894318089
Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée?
Auteur

Élisa T.

Après seize années passées dans un climat familial de violence et d’abus de toutes sortes, il relève presque du miracle qu’Élisa T. n’ait pas sombré dans la folie, la délinquance et, voire, le suicide. Au contraire, très lucide et délivrée du milieu qui l’avait séquestrée, elle nous raconte avec simplicité et franchise sa vie mouvementée. Le bonheur, tant convoité par cette courageuse enfant, n’est malheureusement pas souvent au rendez-vous et sa route contiendra encore son lot important d’épines et de roses. Cette jeune martyre contemporaine, née au Québec en 1957, et dont le corps porte encore plus de cent traces de coups et de violence, continuera cependant de vouloir décrocher la lune en échange d’un tout petit peu d’amour, denrée qui lui a tant fait défaut. Mal préparée, fragile, ignorante, naïve, elle foncera, tête baissée, dans sa vie d’adulte, essuyant échec après échec et se relevant toujours avec beaucoup de peine. Des fleurs sur la neige, Un nœud dans le cœur et La Mal-aimée constituent beaucoup plus qu’une autobiographie ou qu’un témoignage-choc, c’est une remise en question de notre société, des droits et devoirs parentaux et de ceux des pouvoirs publics. Et après quarante ans d'abus physiques et moraux, Élisa T. décide enfin de porter plainte contre ses agresseurs, qui seront accusés, jugés coupables et sentencés en 2009. Le livre Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée? boucle ainsi la boucle commencée dès la naissance d'Élisa.

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    Aperçu du livre

    Pourquoi ne m'as-tu jamais aimée? - Élisa T.

    POURQUOI NE M’AS-TU JAMAIS AIMÉE?

    est le quatre cent trente-huitième livre

    publié par Les éditions JCL inc.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    T., Élisa, 1957-

    Pourquoi ne m’as-tu jamais aimée?

    (Collection Témoignage)

    ISBN 978-2-89431-438-8

    ISBN 978-2-89431-372-5

    ISBN du format epub 978-2-89431-808-9

    1. T., Élisa, 1957- . 2. Enfants maltraités - Québec (Province) - Biographies. 3. Enfants maltraités devenus adultes - Québec (Province) - Biographies. I. Titre. II. Collection: Collection Témoignage (Éditions JCL).

    HV745.Q8T332 2010    362.76092    C2010-941669-4

    © Les éditions JCL inc., 2010

    Édition originale : septembre 2010

    Première réimpression : octobre 2010

    Tous droits de traduction et d'adaptation, en totalité ou en partie, réservés pour tous les pays. La reproduction d'un extrait quelconque de cet ouvrage, par quelque procédé que ce soit, tant électronique que mécanique, en particulier par photocopie ou par microfilm, est interdite sans l'autorisation écrite des Éditions JCL inc.

    Version ePub réalisée par:

    www.amomis.com

    Amomis.comAmomis.comAmomis.com

    © Les éditions JCL inc.

    930, rue Jacques-Cartier Est, Chicoutimi (Québec) G7H 7K9 Canada

    Tél. : (418) 696 - 0536 – Téléc. : (418) 696-3132 – www.jcl.qc.ca

    ISBN 978-2-89431-438-8

    Amomis.comAmomis.com

    TÉMOIGNAGE

    Amomis.com

    DE LA MÊME AUTEURE:

    ÉDITIONS ORIGINALES:

    Des fleurs sur la neige, témoignage, Éditions JCL, 1985, 385 p.

    Un noeud dans le coeur, témoignage, Éditions JCL, 1990, 412 p.

    La Mal-aimée, témoignage, Éditions JCL, 1996, 358 p.

    ÉDITIONS DE POCHE:

    Des fleurs sur la neige, témoignage, Éditions JCL, 2002, 310 p.

    Un noeud dans le coeur, témoignage, Éditions JCL, 2002, 304 p.

    La Mal-aimée, témoignage, Éditions JCL, 2006, 314 p.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition. Nous bénéficions également du soutien de la Sodec et, enfin, nous tenons à remercier le Conseil des Arts du Canada pour l’aide accordée à notre programme de publication.

    Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC

    À tous ceux et celles qui ont cru en moi et qui m’ont suivie jusqu’au bout en fidèles lecteurs et lectrices.

    À mes enfants, Jessy et son conjoint Guillaume, ainsi qu’à leurs enfants Mathew et Lory, Jack et sa conjointe Nathalie, David et William.

    À mon frère Patrick, à sa conjointe Maryse et à leurs enfants.

    À Sylvie, à son conjoint Chantal Duchesne et à mes deux neveux.

    À ma très grande amie depuis presque treize ans, Lyne Paré, et son conjoint Raymond Laprise.

    AVERTISSEMENT

    Ce livre est autobiographique. Cependant, par souci de discrétion, certains prénoms, qui auraient permis l’identification des personnes concernées, ont été changés.

    Avant-propos de l’éditeur

    La violence faite à un enfant est la chose la plus perfide qui soit sur la terre. Comme elle laisse des traces indélébiles dans le cœur, elle le suivra, comme son ombre, toute sa vie durant.

    Dans ce quatrième et dernier livre, Élisa T. en fait ici la démonstration évidente.

    Quand je l’ai rencontrée, la première fois, en décembre 1984, elle portait déjà sur son dos une charge de peine et de misère difficile à croire et à concevoir, surtout. Tous les mauvais traitements qu’elle avait reçus l’avaient rendue allergique au bonheur. Toute joie, même éphémère, ne pouvait pas lui être destinée. Elle était née pour la souffrance et elle le croyait fermement.

    La lecture de son journal intime m’avait alors littéralement ébranlé et désarçonné. Tant et si bien que j’avais décidé, à l’occasion de l’Année internationale de la jeunesse, en 1985, de rendre publique cette histoire malheureusement vécue dans ses moindres détails.

    Il y a quelques années, Élisa T., étant témoin elle-même de gestes déplacés de son beau-père envers l’une de ses propres petites-filles, a pris la ferme décision de porter plainte officiellement contre lui et, par la même occasion, contre cette mère indigne qui l’avait mise au monde. Elle a alors convaincu un frère et une sœur de l’accompagner dans sa démarche pour dénoncer leurs bourreaux et ainsi que justice soit enfin rendue dans cette histoire d’horreur.

    La juge les a écoutés avec une grande compassion, les a crus et a condamné la mère et le beau-père à la peine la plus sévère qui ait été donnée au Québec pour ce genre de crime contre un enfant.

    Je sais très bien toutes les affres que doivent subir ceux et celles qui dénoncent leurs agresseurs, obligés alors de revivre, publiquement et devant des inconnus, leur cauchemar mille et une fois.

    À cet égard, je rends hommage à Élisa pour le courage qu’elle a eu de dénoncer le pire et ainsi de sauver quelques jeunes personnes d’outrages irréversibles. Également, pour avoir réussi avec succès à inverser le mouvement et à élever quatre enfants dans l’amour et la dignité, elle qui n’avait rien reçu de tel. Bien au contraire.

    J’ai été touché également par la fin de ce livre, où Lise Trottier, devenue grand-mère depuis, prend dans ses bras la petite Élisa T., esseulée et gelée, comme sur la page couverture de son premier livre, pour la bercer, la réchauffer et lui permettre à jamais de s’envoler dans la paix.

    Jean-Claude Larouche

    Éditeur

    Prologue

    Une décision difficile, mais nécessaire

    En janvier 2005, mon frère Patrick, ma sœur Sylvie et moi avons eu à prendre la décision la plus difficile de notre vie. Après plusieurs mois de réflexion, nous avons décidé de porter plainte contre notre mère et son conjoint.

    Nous le faisions pour nous, mais aussi pour tous ces enfants maltraités, peut-être en train de vivre en ce moment les mêmes sévices que nous avons vécus et qui ne savent pas encore qu’ils sont des victimes. Ceux-là croient que tout ce qui leur arrive est normal, mais ils réaliseront un jour que leur vie en aura été brisée à jamais. Ils auront alors à faire des efforts quotidiennement, à déployer des énergies surhumaines pour essayer de vivre comme des gens normaux.

    Chacun de nous avait été confronté à cette dure réalité : notre mère ne nous aimerait jamais. Moi, je l’avais déjà compris depuis bien longtemps. Mais mon frère et ma sœur avaient dû prendre conscience, à leur tour et à leurs dépens, du fait que notre mère ne changerait pas. Elle nous ferait toujours du mal, c’était inscrit dans ses gènes. Et personne n’y pourrait rien.

    Presque cinq ans d’attente

    La démarche que nous avons entreprise s’est avérée beaucoup plus longue que ce que nous avions cru au départ. Elle fut également parsemée d’embûches.

    Presque cinq longues années ont passé entre le dépôt de la plainte et le verdict de culpabilité qui a été prononcé le 11 août 2009. Il nous a fallu ensuite attendre encore de longs mois avant que les coupables ne reçoivent leur sentence. Enfin, le 28 octobre de cette même année, ils ont été condamnés à dix ans de pénitencier chacun.

    Cette attente a été, autant pour mon frère et ma sœur que pour moi, interminable et très dure à vivre. Pour ma part, je ne pouvais faire autrement que d’y penser tout le temps. C’était comme à nouveau ouvrir les portes de l’enfer. Tout ce temps-là, j’ai été à même de réaliser que j’étais encore très fragile et que certains souvenirs m’étaient tout simplement intolérables. Parfois, les faits que je devais réveiller dans ma mémoire me faisaient aussi mal qu’au moment où ils s’étaient produits. J’en rêvais même la nuit; c’était des cauchemars à répétition. Constamment tourmentée, chaque jour en attente de nouvelles par la poste ou par le téléphone, je me demandais avec anxiété comment tout ça allait se terminer.

    Quant à mon frère, il a aussi revécu son enfer. Au cours de ces cinq années et même avant, il a fait plusieurs crises de panique et d’angoisse et il lui a fallu beaucoup d’aide pour passer à travers. Ma sœur, elle, a connu des périodes de dépression grave avant et après le dépôt de la plainte et elle s’est sentie accablée par le doute, envahie par des hésitations et des scrupules très douloureux, et ce, quasiment jusqu’au procès. Tous les trois, nous avons été déchirés et démolis par ce passé insupportable que nous avons dû revivre.

    Il nous fallait souvent nous rappeler notre profond désir. Nous avions besoin que justice soit faite, et c’était jusque dans nos tripes que ce besoin se faisait sentir. Mon frère et ma sœur en avaient surtout contre cet individu, Arthur, et tout ce qu’il leur avait fait endurer. Moi, c’était aussi contre ma mère, qui m’avait martyrisée jusqu’à mes seize ans et avait gâché ainsi tout le reste de ma vie.

    Une démarche épuisante

    Souffrants comme nous avons pu l’être pendant ces cinq années, c’est un véritable exploit que nous ayons pu aller jusqu’au bout de notre démarche. Il ne faut pas oublier non plus toutes les années qui ont précédé cet épisode, au cours desquelles nous ne pouvions plus nous parler, en plus de celles où nous avons été contraints de nous revoir enfin pour préparer notre cause. Nous étions encore tellement hantés par notre enfance massacrée qu’elle nous sautait chaque fois à la figure. Un rien déclenchait des accès de colère et de frustration, des pleurs et des cris. Un venin en nous empoisonnait notre vie. Il fallait qu’il sorte!

    Et c’est ainsi qu’un lent cheminement nous a menés à la dénonciation. Un jour, il n’y a plus eu pour nous qu’une seule évidence, à savoir que ce ne serait qu’en nous rendant jusqu’au procès que nous allions pouvoir un jour nous libérer de notre passé maudit.

    La route a été longue, mais elle en valait la peine. Nous avons pu nous en rendre compte, l’amour nous unit malgré tout, cet amour fraternel qui nous a encouragés et rendus plus forts. Après plusieurs années de doutes et d’angoisses, notre victoire n’en a que plus de prix.

    La dénonciation

    Le courage d’agir

    C’est grâce à l’affection retrouvée de ma sœur Sylvie et de mon frère Patrick que je me suis sentie plus forte et prête à soulever des montagnes. Avec eux à mes côtés, plus rien ne me faisait peur, plus personne ne me mettrait des bâtons dans les roues. J’allais dénoncer enfin mes bourreaux. Il n’y avait plus rien pour m’en empêcher.

    Dès les premiers jours du mois de janvier 2005, j’étais à l’affût du bon moment pour agir. Ce lundi-là, j’attendais que mon fils William parte pour l’école. J’avais des sueurs froides dans le dos et les mains moites rien qu’à penser à ce que j’allais faire dans les minutes qui suivraient. Je me disais : « C’est le grand pas vers la guérison. C’est maintenant ou jamais; il faut que tu le fasses. » C’est vrai que j’attendais ce moment depuis si longtemps. Je ne pouvais plus reculer.

    Après le départ de mon fils, je n’ai pas pris une seule seconde pour réfléchir. Je ne voulais plus y penser ni tergiverser davantage. Je voulais procéder tout de suite. J’ai rassemblé tout mon courage et me suis dirigée vers le téléphone. J’ai composé le numéro sans savoir vraiment à quoi m’attendre. J’ai demandé à Dieu de m’aider à trouver les mots justes pour qu’on comprenne ce que je voulais dire. Ça a sonné. Une femme a répondu.

    — Sûreté du Québec.

    — Oui, bonjour! Je ne sais pas si je suis au bon endroit… J’appelle parce que… J’aurais une plainte à déposer contre ma mère et son conjoint.

    Je lui ai alors dit qui j’étais. Je me suis identifiée sous mes deux noms et ai raconté à ma correspondante une partie de ma vie, pour lui donner un aperçu de ce que mes bourreaux m’avaient fait subir pendant de longues années. Je lui ai indiqué que c’était conjointement avec mon frère et ma sœur que j’avais décidé de porter plainte contre eux. Après m’avoir écoutée, l’agente m’a répondu :

    — Je vais vous transférer au poste de Chicoutimi. C’est là qu’on pourra s’occuper de votre cas. Je vous souhaite bonne chance.

    — Merci! lui ai-je dit. C’est très gentil.

    Avant que j’aie le temps d’avaler ma salive, un autre agent m’a répondu.

    — Qu’est-ce que je peux faire pour vous?

    Je lui ai alors parlé sans hésiter. Ça sortait tout seul. Finalement, l’agent m’a dit :

    — Je vais noter votre adresse et vous envoyer quelqu’un pour prendre votre déposition. Ensuite, ce sont des enquêteurs qui s’occuperont de votre dossier.

    Il a ajouté :

    — Tout va bien se passer, vous allez voir.

    — Cela me rassure un peu. À vrai dire, je me sens plutôt nerveuse.

    — C’est normal. Ce n’est pas toujours facile de passer à travers ça. Je suis sûr que tout va bien aller. Un agent va passer chez vous dans le courant de l’avant-midi. Cela vous convient-il?

    — Vous êtes rapide. Bien sûr, que ça me convient! Je me sens prête.

    « Aïe! Plus rapide que ça, tu meurs! » me disais-je. Je pensais qu’ils seraient là dans deux heures. C’est à peu près le temps nécessaire pour parcourir la distance entre Chicoutimi et Dolbeau. Je croyais avoir un peu de temps pour me remettre de mes émotions avant qu’ils arrivent. Mais, à ma grande surprise, quinze minutes plus tard, j’ai vu une voiture de police s’engager dans l’entrée de ma maison. Un agent de police en est sorti, armé jusqu’aux dents. J’ai été un peu effrayée par cette irruption rapide et peu discrète. Je me demandais ce que les voisins allaient penser.

    C’est finalement une agente qui est venue frapper à ma porte. Je lui ai ouvert. Nous nous sommes dit bonjour et nous sommes présentées l’une à l’autre. Je l’ai ensuite amenée au salon et l’ai invitée à s’asseoir.

    — C’est à vous que je vais avoir affaire?

    — Oui. C’est à moi pour le moment. Je suis venue prendre votre déposition. Après, je vais remettre ça à mes supérieurs.

    Je me suis aussitôt lancée :

    — Je vais aller droit au but. Je vais vous dire tout de suite qui je suis réellement. Vous allez peut-être comprendre un peu mieux. Vous me connaissez peut-être. Je m’appelle bien L. T., mais j’ai aussi un pseudonyme qui est Élisa T. Je suis l’auteure de trois livres.

    Elle me regardait comme si j’étais une apparition, comme si elle vivait là la plus grande surprise de sa vie. En souriant, elle m’a dit :

    — Jamais je n’aurais pensé vous rencontrer un jour. J’ai toujours cru que vous restiez loin d’ici, à Montréal ou dans ces coins-là. Pas ici.

    — Le monde est petit, n’est-ce pas?

    — Faut dire que oui, je suis vraiment étonnée. J’ai lu vos deux premiers livres dans le temps où j’allais à l’école. Je les ai beaucoup aimés.

    Je l’ai remerciée et lui ai dit :

    — Je vous ai fait venir parce que je veux porter plainte contre ma mère et son conjoint. Ça m’a pris des années avant de me décider vraiment, même si j’y aspirais depuis longtemps, mais le support de ma sœur et de mon frère m’a finalement convaincue de faire le pas. Au fond, si je n’ai pas agi avant, c’est par respect pour mes frères et sœurs. Eux, ils n’étaient pas prêts à revivre tout ça. Pour ma part, ça fait bien longtemps que je suis prête à dénoncer nos bourreaux. Aujourd’hui, tous les deux croupiraient en prison. Maintenant, même s’ils ne sont pas tous d’accord avec ma démarche, je veux penser à moi. Les membres de ma famille sont plus âgés et ils sont responsables de leurs actes. En plus, ils ont toujours su qu’un jour je voudrais que justice soit faite. Ce que je fais là, je me le dois à moi-même si je veux vivre une vie normale un jour.

    J’ai pris le temps de respirer et ai lancé :

    — Avant de commencer, si tu veux bien, j’aimerais qu’on se tutoie. Il me semble que je me sentirais un peu plus à l’aise.

    — Pas de problème, on fait comme tu veux.

    — Par où veux-tu qu’on commence? J’ai seize ans de ma vie à te raconter avec eux. Même si tu connais toute mon histoire, je vais essayer d’en faire un résumé.

    — O.K. Je vais prendre des notes.

    J’ai commencé alors à raconter mon enfance.

    — Je suis une victime. J’ai été battue et violentée physiquement aussi bien que psychologiquement. J’ai été abusée sexuellement, brûlée, poignardée à deux reprises. J’ai subi des tentatives de meurtre, puisque mes tuteurs ont tenté de me tuer à quelques occasions…

    Et j’ai continué ainsi pendant plusieurs minutes. L’agente avait déjà pris quelques pages de notes. Comme je me taisais, elle m’a dit :

    — Je crois que nous en avons assez comme ça. Je veux que tu relises tout ce que j’ai écrit et que tu signes en bas si tout est conforme.

    J’ai lu ses notes et les ai signées sans hésitation. Elles correspondaient à la vérité. Elle s’est alors levée pour s’en aller.

    — J’ai été très heureuse de te rencontrer et je te souhaite bonne chance. Je suis sûre que tout va bien aller.

    — Je l’espère bien, moi aussi! Au revoir!

    Avant de partir, elle a ajouté qu’elle allait remettre ma déposition à qui de droit et que, dans les semaines à venir, un enquêteur m’appellerait. Il devrait aussi rencontrer mon frère et ma sœur.

    Une fabuleuse libération

    Je ne peux pas dire à quel point tout ça m’a libérée. J’avais réussi à faire ce grand pas et j’étais très fière de moi. Je me suis dit : « Ça y est! Mon Dieu! que j’aurais dû plonger avant! » Je me suis sentie légère, tout à coup. C’était comme si on m’avait enlevé un gros poids de sur les épaules. Je respirais de soulagement. En plus, cette agente avait été si gentille et si humaine avec moi! « C’est agréable de savoir qu’on connaît déjà mon histoire, songeais-je. Ils savent déjà de quoi je parle. » En tout cas, cela me facilitait les choses.

    Mais je savais que le plus dur était à venir. Les enquêteurs que j’allais bientôt rencontrer seraient-ils aussi humains? Tout de suite, j’ai pensé à communiquer la bonne nouvelle à Patrick et à Sylvie. Je voulais leur raconter tout ce qui s’était passé. Tout en parlant avec eux, j’ai réalisé que cette fois-ci c’était vraiment du sérieux. De leur côté, ils ne semblaient pas encore en prendre conscience.

    Un retour dans le passé

    En attendant que les enquêteurs prennent contact avec moi, je me suis mise à revivre le passé. Je pensais avoir oublié, mais je me suis rendu compte que c’était loin d’être le cas. Tous les démons de mon enfance ont recommencé à me hanter. Je redevenais la petite fille d’avant, cette petite fille sans défense qui avait si peur. À ce moment-là, j’ai compris qu’il serait loin d’être facile pour moi de passer à travers ce qui s’en venait. Mais plus rien maintenant ne pourrait m’empêcher de poursuivre mon objectif. Je voulais aller jusqu’au bout et obtenir enfin justice.

    Après tout, à part mes enfants qui sont encore ce que j’ai de plus précieux, je n’ai connu que peu de bonheur. Mes relations avec les hommes ont toujours été lamentables. Comment peut-on savoir aimer lorsqu’on n’a appris que la violence et la cruauté? Heureusement, je n’ai jamais fait subir à mes enfants le mal dont on m’a abreuvée. Jamais je n’aurais été capable de faire ça. J’en avais bien trop souffert. Mais, après cette dénonciation, j’avais besoin de reprendre le fil de mon histoire. Et je me rendais compte que ma vie avait été une longue suite d’échecs et d’erreurs. Je n’avais pas ce qu’il faut pour être heureuse. Au fond, j’étais restée une enfant.

    Une adulte figée dans l’enfance

    Ce que je crois maintenant, ce que la réflexion m’a amenée à penser, c’est que, lorsque je suis devenue adulte, j’avais une conscience de la vie d’une personne d’à peine six ans. En fait, à mon avis, les enfants d’aujourd’hui qui ont cet âge et qui ont vécu dans un milieu normal sont plus intelligents que moi à mon âge actuel. C’est horrible, pour moi, de savoir qu’on a refusé de me faire grandir et évoluer comme tout le monde. Lorsque j’étais jeune, je ne comprenais rien de ce que le monde me disait. Alors, soit je fuyais, soit je faisais semblant de comprendre. On pouvait me dire n’importe quoi, tous les mots étaient quasiment pareils. Ils n’avaient aucune signification. Même si on me répétait une chose plusieurs fois, je prenais seulement ce que je comprenais et, malheureusement, c’était très peu. Les seules personnes que j’étais capable de comprendre, c’était mes frères et mes sœurs.

    Je réalise aujourd’hui le nombre d’années que j’ai perdues. Je réalise qu’on m’a volé ma vie.

    Le temps m’a aussi fait prendre conscience de mon plus grand défaut : j’étais d’une naïveté stupéfiante. Je ne voyais rien. Je ne connaissais rien. Et ça, je le devais aussi à mes parents qui m’avaient élevée de cette façon. Ils ne voulaient pas que je voie plus loin que mon nez. J’étais dans ma bulle et il fallait que je reste là. Ainsi, je faisais trop confiance aux autres, surtout aux hommes. Je croyais à tout ce qu’ils me disaient. Je m’accrochais à eux, surtout à ceux qui avaient des problèmes. Sans le savoir, j’essayais toujours de les sauver, même si parfois je ne les aimais même pas. J’avais l’impression que cela était bon pour moi, alors que cela me détruisait.

    Même après mon histoire avec Dany, que je raconte dans La Mal-aimée, j’ai été à nouveau amoureuse, d’un homme qui était probablement pire que lui. En ce temps-là, en 1996, j’essayais encore de sauver les gars enracinés dans leurs problèmes. Je ne me rendais pas compte le moins du monde que j’aurais dû en réalité me préoccuper de moi exclusivement, que j’étais la seule et unique personne à devoir être sauvée.

    Mais, en 1996, sauver les autres, c’était la seule façon que je connaissais pour me sentir bien dans ma peau. Je me souviens très bien que j’étais follement amoureuse de Dylan. Je le croyais, en tout cas, et je refusais de voir la réalité en face. Une fois de plus, je croyais au miracle. Un tel gars pouvait changer et c’était moi qui l’aiderais à y arriver. Quelle naïveté! Même si je savais qu’il m’utilisait comme les autres, j’essayais de trouver quelque chose de beau en lui. Mais ce gars-là était le pire de tous ceux que j’avais connus. Comment ai-je pu être assez aveugle pour m’amouracher de ce genre d’hommes? Il m’a trompée et harcelée au téléphone jour et nuit durant une longue période. Un vrai cauchemar! Heureusement, j’ai fini par le sortir de ma vie et par l’oublier.

    Ma vie continuait et je ne voulais plus connaître la souffrance. Mais comment y arriver?

    Apprendre à vivre

    Avec le temps et bien de la patience, j’arriverai peut-être un jour à mieux comprendre les choses et à mieux vivre. En attendant, j’essaie quand même de me tracer une voie. Au fond, c’est grâce à mes enfants que j’ai pu arriver à grandir. J’ai refait le chemin avec eux, en progressant en même temps qu’eux. Ce qu’ils apprenaient à l’école, inconsciemment, je m’en servais aussi.

    Heureusement, pendant ces années-là, ma sœur Diane et moi étions très proches. Nous avons vécu ensemble de très bons moments. Finalement, Diane ne sera pas à mes côtés pour le procès. Mais, en 1996, là où je reprends le récit de ma vie, elle était beaucoup plus qu’une sœur. Elle était ma seule amie et mon unique confidente.

    Première partie

    De 1996 à 2004

    Chapitre 1

    J’apprends à grandir

    Une symbiose impossible

    Je demeurais dans le même immeuble que ma petite sœur Diane. Nous nous voyions souvent, nous étions devenues inséparables. Nous allions partout ensemble : magasiner, faire l’épicerie, passer du temps à la plage, faire des pique-niques et nous baigner avec nos enfants. Avec elle, j’apprenais des tas de choses. J’avais l’impression qu’elle n’avait peur de rien. Elle était sûre d’elle et avait ce que je n’avais jamais eu : la confiance. Diane était belle et elle plaisait beaucoup aux hommes. Elle en faisait tourner, des têtes. Avec elle, je me sentais en sécurité. Je ne faisais jamais rien sans m’assurer de sa présence. Elle était ma bouée de sauvetage. Au fond, je dépendais d’elle.

    Diane avait des enfants, maintenant adolescents. C’était eux qui venaient garder chez moi quand je sortais, car mes deux derniers, David et William, avaient seulement dix ans et quatre ans.

    Je me souviens d’un soir où nous étions tout excitées de sortir pour aller danser. Diane était si ravissante que j’étais émerveillée de la voir. Moi, j’étais habillée comme d’habitude. Été comme hiver, je portais toujours des manches longues avec des pantalons noirs. J’étais complexée et j’avais toujours peur qu’on remarque ma maigreur et ma laideur. Pourtant, je n’étais pas jalouse de la beauté de ma sœur. Au contraire, j’étais plutôt fière d’elle et heureuse de me retrouver à ses côtés.

    Ce qui comptait le plus pour moi, c’était de sortir avec elle pour pouvoir aller danser. C’était ma thérapie, ma libération. Danser me faisait me sentir si bien que j’aurais voulu m’adonner à ce loisir le reste de ma vie. Mais, pour aller danser, j’avais besoin de ma sœur. Sans elle, je ne faisais rien. J’étais beaucoup trop gênée. Comme j’étais terrorisée par l’inconnu, je me privais de bien des choses. J’aurais voulu avoir le quart du courage et de la confiance de Diane. J’aurais voulu lui ressembler, car elle pouvait, elle, affronter le monde. De l’audace, elle en avait pour deux. Elle parlait à tout le monde et prenait les devants dans toutes les situations. C’était mon idole. Moi, j’étais bien différente d’elle, j’étais son contraire en quelque sorte. Je ne savais pas comment me défendre, face aux événements auxquels la vie me confrontait. C’est même là une des raisons qui m’avaient fait perdre la garde de mes deux premiers enfants, Jessy et Jack.

    Ce soir-là, nous sommes allées à La Maison blanche. En entrant, nous nous sommes installées au comptoir. De cette place, nous pouvions voir tout le monde entrer dans l’hôtel. Diane surveillait un peu les hommes, pendant que moi, j’attendais que l’orchestre se mette à jouer pour aller danser.

    Quand la musique a commencé, ma sœur s’est mise à me montrer quelques pas de danse en riant un peu de moi. Selon elle, j’étais trop raide et je dansais comme un robot. Après deux danses, nous sommes retournées nous asseoir. Tous les yeux des hommes étaient posés sur Diane. Moi, j’étais là, mais personne ne me voyait. Je crois que j’étais si timide que j’en devenais transparente. Je faisais fuir les hommes. Au bout d’un moment, j’ai ressenti le besoin de me retrouver sur la piste de danse. Je l’ai invitée :

    — Viens, allons danser…

    Mais au même moment, un gars m’a devancée et elle est partie avec lui.

    Finalement, j’ai passé la soirée seule et triste. Ce n’était pas la première fois. Je ne connaissais jamais personne avec qui parler. Ce n’était pas parce que Diane n’essayait pas de m’intégrer. Ce soir-là, comme d’habitude, elle m’avait invitée à changer de place.

    — Viens, on va aller rejoindre

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