Féministe ta mère
« Parmi les plaisirs volés au veuvage, ma mère pratique : 1) Le bain très chaud jusqu’à pas d’heure 2) France Culture très fort jusqu’à plus soif 3) Le coup de fil à une de ses filles – et pourquoi C’était donc l’une des rares fois où j’allais comprendre que ma mère, aussi punk soit-elle, était, comme tout le monde, imbibée de culture judéo-chrétienne – celle qui, entre autres, divise les femmes en deux catégories : les saintes, celles qui ont vraiment refusé les assauts du mâle en rut, quitte à en payer le prix de leur vie; et les autres, celles qui ont survécu, qui donc, au fond, ne se sont pas vraiment défendues. En tout cas, pas jusqu’au bout, puisque ça s’est produit. Pratique: une fois de plus, on détourne le regard de celui qui viole pour le braquer sur celle qu’il viole. Et on pense qu’on n’aura qu’à ne pas faire comme elle pour que ça n’arrive pas. Mieux pour dormir, moins bien pour la lucidité. Parce qu’on a toutes dit mais que ce a été piétiné, et que c’est bien ce qui constitue le viol. Que celles à qui il n’est rien arrivé de ce genre n’ont été ni plus malignes ni plus fortes que les autres: elles ont eu de la chance – et c’est heureux. Que les autres n’ont pas eu le choix entre “être ou ne pas être violées” – sinon je vous laisse deviner ce qu’elles choisiraient… Mais bien entre “vivre ou crever” – de peur ou sous les coups. Celles qui sont debout aujourd’hui n’ont jamais consenti. À rien. Ce mec-là, ce sexe-là, elles n’en voulaient pas. Mais ce qu’elles ont voulu et plus que tout, c’est en sortir vivantes. Alors elles ont cédé… Se collant du même coup l’odeur poisseuse de la culpabilité, dont il leur faudra des années, ensuite, pour se débarrasser. Remettre les choses à l’endroit, les coupables à leur place et les martyres bibliques aux oubliettes. Alors, elles pourront respirer, aimer et rire de nouveau. 50 Pour ça, oui, Mam, il faut du courage. »
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