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Conquise: Parce que tu m'appartiens
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Livre électronique456 pages5 heures

Conquise: Parce que tu m'appartiens

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À propos de ce livre électronique

Alors qu’Aimy, une jolie professionnelle en marketing, travaille ardemment à se tailler une place au soleil, Bryan, un ancien agent double, refait difficilement surface après une épineuse mission. Tous deux sont forcés de revoir leurs plans quand une menace imprévue vient bouleverser leur existence.

En effet, lorsque la fougueuse blonde tombe dans la ligne de mire d’un désaxé, Bryan se voit contraint de reprendre du service pour assurer sa protection… Or, la partie est loin d’être gagnée, et de lourds secrets planent au-dessus de leur tête.

La tension monte encore d’un cran tandis que le passé de l’agent le rattrape, mettant Aimy en péril davantage. Plus le danger s’intensifie, plus la garde de Bryan se fait rapprochée. Entre le protecteur et la femme traquée, un désir explosif gronde. Quelle proie sera véritablement conquise ? Et par qui ?

Après nous avoir offert Annabel et Max : Adultes consentants, Sonia Alain met sa plume aguerrie au service d’un nouveau roman envoûtant à souhait, lequel saura conquérir les cœurs avides de suspense et d’érotisme.
LangueFrançais
ÉditeurLes Éditeurs réunis
Date de sortie30 janv. 2019
ISBN9782897830694
Conquise: Parce que tu m'appartiens
Auteur

Sonia Alain

Sonia Alain écrit dans différents genres littéraires. Ces romances se veulent un mélange de passion, de suspense et d’émotions. Elle récidive ici avec Cléopâtre, une romance historique exaltante et envoûtante.

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    Aperçu du livre

    Conquise - Sonia Alain

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et

    Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Alain, Sonia, 1968- , auteure

    Conquise : Parce que tu m’appartiens / Sonia Alain

    ISBN 978-2-89783-069-4

    I. Titre.

    PS8601.L18C66 2019 C843’.6 C2018-942497-4

    PS9601.L18C66 2019

    © 2019 Les Éditeurs réunis

    Image de la couverture : Shutterstock

    Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    ReconnaissanceCanada.tif

    Édition

    LES ÉDITEURS RÉUNIS

    lesediteursreunis.com

    Distribution nationale

    PROLOGUE

    prologue.ca

    LogoFB.tif Suivez Les Éditeurs réunis sur Facebook.

    Imprimé au Québec (Canada)

    Dépôt légal : 2019

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    Titre.jpg

    De la même auteure chez Les Éditeurs réunis

    Annabel et Max : Adultes consentants, 2016

    L’amour au temps de la guerre de Cent Ans

    1. La tourmente, 2012

    2. L’insoumission, 2013

    Pour suivre l’auteure :

    facebook.com/soniaalain.auteure

    Ce roman est pour les femmes de ma famille, toutes aussi inspirantes les unes que les autres.

    Je vous souhaite un beau moment de lecture… chaud.

    Prologue

    Les coups puissants d’une hache que l’on abattait sur une bûche retentissaient dans l’air frais du matin. La journée s’annonçait chaude pour un mois de mai, c’était pourquoi Bryan s’efforçait de fendre les morceaux trop gros avant le repas du midi. La neige avait entièrement fondu, les bourgeons commençaient à éclore dans les arbres, signe que la nature se réveillait enfin de son long sommeil. Des oiseaux sifflaient une sérénade de séduction à l’abri, sous le couvert des aiguilles des sapins qui bordaient la cabane en bois rond.

    Bryan avait trouvé refuge dans la forêt, loin de toute civilisation. Son seul lien avec le monde extérieur était la vieille radio émettrice qui traînait sur son bureau défraîchi et qui pouvait servir en cas d’urgence. Aucun fil électrique ne se rendait sur place ni réseau mobile. Il était environné par un paysage sauvage, ne survivant qu’avec une génératrice, et c’était tout ce dont il avait besoin pour reprendre pied.

    Lors de sa dernière mission d’infiltration, il s’était perdu en chemin dans des sentiers beaucoup trop pervertis. Jamais il n’aurait cru s’enfoncer si profondément dans les ténèbres, comme si celles-ci se tapissaient déjà au fond de lui, n’attendant qu’une occasion pour émerger.

    Habité par une rage sourde, il frappa une bûche du tranchant de sa lame avec une force démesurée. Le morceau de bois se fendit en deux, faisant éclater des copeaux autour de lui. Dans un grognement éloquent, il banda les muscles saillants de ses avant-bras pour extraire la hache de la souche dans laquelle elle venait de se ficher.

    — Saloperie de merde ! jura-t-il en essuyant son front en sueur du revers de la main.

    Il devait modérer ses ardeurs. Il avait trouvé refuge dans cette oasis de paix six mois plus tôt pour oublier… Mais il lui était impossible d’expulser de son corps ses vieux démons. Il avait goûté aux plaisirs vicieux d’un monde dépravé, s’en était délecté, et il n’arrivait plus à s’en détourner. Comment se bâtir un avenir sain dans ces conditions ?

    — J’espère que tu pourris en enfer, Nathan Harvey ! cracha-t-il avec rancœur.

    Il eut un rire dérisoire à son intention. Nathan avait eu ce qu’il méritait. Cette crapule était morte, emmenant avec lui son épouse. C’était malheureux pour cette dernière, mais c’était mieux ainsi. Le mal était fait. Si elle avait survécu aux traitements infligés par son mari et ses compères, elle n’aurait été qu’une poupée désarticulée, sans aucune substance.

    Un rictus amer déforma ses traits au souvenir de Nathan. Cet homme d’affaires psychopathe avait eu le temps de briser trop de vies avant d’être éliminé par l’inspecteur Lallier sept mois plus tôt. Lui et les membres de sa société privée avaient agi en toute impunité pendant de nombreuses années, trempant dans le trafic sexuel et le monde du BDSM¹ hard. Durant son infiltration au sein de ce groupe, Bryan avait été corrompu à son tour, au point qu’il lui était impossible dorénavant de faire l’amour à une femme ; il baisait de manière brutale, faisant souffrir ses partenaires. Sa dernière tentative pour se comporter autrement avait avorté, lui laissant un goût âcre dans la bouche. Depuis, il se terrait au fond des bois avec pour seule compagnie les animaux sauvages.

    Il plaça une nouvelle bûche sur le billot, leva la lame tranchante dans les airs, puis suspendit son geste au moment de l’abattre. Le bruit du moteur d’une automobile lui parvint au loin. Retrouvant ses vieux réflexes, il rejoignit sa cabane pour y prendre son pistolet qu’il glissa ensuite dans son pantalon et attrapa au passage le manche de sa hache. Dûment armé, il se dissimula derrière le couvert des arbres, dans l’ombre des ramures. De cette façon, il serait en mesure d’observer l’arrivée de l’intrus sans qu’on le remarque.

    Une voiture apparut au détour d’une courbe, puis s’immobilisa devant sa maison. Un homme d’une quarantaine d’années en sortit. Bryan réprima un juron furieux en le reconnaissant. Que vient faire cet emmerdeur ici ? se demanda-t-il avec irritation. Nullement désireux d’entamer une discussion avec le nouveau venu, il demeura en retrait, le visage dur.

    — Je sais que tu es là, Marchant. Alors, montre-toi, déclara l’étranger après avoir scruté les environs.

    — Allez vous faire foutre, Lallier ! lâcha Bryan avec rudesse en émergeant des bois.

    Il dévisagea avec animosité l’inspecteur. Ce dernier ayant fait partie d’un commando spécial de l’armée avant d’occuper ce poste, il aurait dû se douter qu’il ne serait pas aisé de le berner.

    — Fichez le camp de ma propriété ! Nous n’avons plus rien à nous dire. J’ai rempli ma part du contrat…

    Lucien détailla avec attention l’allure sombre de son ancien agent de terrain. Bryan endossait une tenue négligée et arborait une barbe de plusieurs semaines, ce qui n’était pas dans ses habitudes. L’homme de trente-quatre ans était beaucoup plus soigné en temps normal. Était-ce parce qu’il peinait à remonter la pente et à contenir ses plus bas instincts ? D’une certaine manière, Lucien l’appréhendait. Poussant un soupir, il passa une main lasse sur son visage. Il était en partie responsable de ce désastre. Pris de remords, il fixa Bryan droit dans les yeux.

    — Je n’aurais jamais dû exiger autant, s’excusa-t-il avec maladresse.

    Bryan cilla en se rembrunissant davantage.

    — Nul besoin de vous flageller, inspecteur. Je suis le propre artisan de mes malheurs, lâcha-t-il dans un rire caustique.

    — Je suis conscient…

    — Vous ne savez rien, Lallier, le coupa Bryan avec hostilité. J’ai pris plaisir à ces séances sadiques, à cette domination brute des femmes de la confrérie.

    Lucien grimaça à ces paroles. Il était au courant que Bryan avait peu à peu perdu de son humanité au contact de Nathan Harvey dans le cadre de sa mission, mais, contrairement à son ancien agent, il croyait sa rédemption possible. Du moins, il le souhaitait de tout cœur. Et il était certain que demeurer tapi dans les bois n’aiderait pas à sa réintégration dans le monde civilisé. D’où la raison de sa présence aujourd’hui dans son repaire secret.

    — J’ai besoin de toi sur le terrain, déclara-t-il de manière abrupte.

    Bryan eut un rire cynique à cet énoncé. Il fallait que Lallier soit désespéré pour venir le relancer jusqu’ici.

    — N’y pensez même pas ! répondit-il d’un ton mordant.

    — Attends ! Tu ignores tout des tenants de cette mission.

    — Le seul fait que vous soyez là est assez révélateur. Je refuse de replonger dans cet univers.

    — Ce serait différent cette fois-ci, tenta Lucien.

    Ce fut en vain, car Bryan, lui ayant tourné le dos, se dirigeait déjà vers un sentier qui conduisait au cœur de la forêt. Déterminé à le ramener à la raison, Lucien éleva la voix.

    — Il s’agit d’Aimy Desjardins…

    La réaction de Bryan fut instantanée. Il se retourna d’un bloc vers Lucien, le regard mauvais, les poings serrés.

    — Que vient-elle faire dans cette histoire ? l’apostropha-t-il avec rudesse.

    — Caleb Cyr s’apprête à reformer une confrérie de dominants triés sur le volet. Il veut poursuivre l’œuvre de Nathan, dépasser le maître, répondit Lucien d’un ton lugubre.

    — NON ! rugit Bryan en fichant brutalement la lame de sa hache dans la souche.

    Le bruit sourd de l’impact combiné à la puissance démesurée du geste arracha un tressaillement à Lucien. Ainsi, il avait vu juste. Mais avant qu’il ne puisse s’en féliciter, Bryan fonça sur lui tel un taureau enragé. Furieux, l’ancien agent l’empoigna à la gorge pour l’acculer au mur de sa cabane avec une force colossale.

    — C’est quoi, ce foutoir ? attaqua-t-il en resserrant son emprise sur le col du veston de Lucien.

    Celui-ci verrouilla son bras pour se dégager, se libérant d’un coup sec.

    — Merde, Marchant ! grogna-t-il en le repoussant.

    Bryan recula de deux pas sans quitter l’autre du regard. Il fulminait. Des trois femmes qui avaient été les cibles désignées par Nathan Harvey il y a un an, seule Aimy Desjardins l’avait remué jusque dans les tripes. Rien à voir avec Annabel Leblanc², qu’il avait sauvée des griffes de Nathan, ou Ambre Messier, une personne aux mœurs dissolues. À cette époque, Aimy Desjardins avait été abordée par le groupe de Nathan à l’aide d’une demande d’entretien d’embauche à un poste fictif. Dès que ses yeux s’étaient posés sur elle, il avait redouté le pire, car cette fille le touchait d’une manière dérangeante.

    Jadis, dans une autre vie, il aurait pris plaisir à l’aborder, à faire preuve de délicatesse envers elle dans un lit, mais ce n’était plus le cas ; il avait changé. L’homme intègre qu’il avait été avant sa rencontre avec Nathan avait disparu dès lors qu’il lui avait fallu montrer qu’il pouvait être brutal, sadique et corrompu pour être accepté dans la confrérie. Par chance, c’était sur Annabel Leblanc que s’était porté le choix de Nathan, sinon il ignorait quelle aurait été sa réaction s’il s’était agi d’Aimy Desjardins.

    Prenant une profonde inspiration pour retrouver ses esprits, il revint au moment présent.

    — Où en est la situation ? siffla-t-il entre ses lèvres pincées.

    Lucien nota les poings qui se serraient et se desserraient tout comme les épaules crispées de Bryan. Il s’attendait à une réaction en mentionnant le nom d’Aimy Desjardins, mais pas d’une telle ampleur. Ainsi, son agent n’était pas insensible à la belle.

    — Caleb fait surveiller la fille en douce. Parallèlement, il tente de recruter d’anciens partisans du groupe de Nathan.

    Il prit un temps d’arrêt pour scruter l’expression implacable de son vis-à-vis.

    — Je ne te demande pas de rallier le groupe, poursuivit-il. Je refuse de te replonger dans cet enfer. Cependant, je voudrais que tu évolues dans l’entourage d’Aimy Desjardins, que tu veilles sur elle, mieux, que tu te rapproches d’elle pour assurer sa protection.

    — C’est hors de question ! s’emporta Bryan en frappant le mur de son poing. Bordel ! jura-t-il de plus belle en se détournant, une main ébouriffant sa tignasse en bataille.

    — Il te suffirait de reprendre les rênes de ta compagnie, de renouer avec ton existence passée. Ton entreprise pourrait communiquer avec celle qui engage Aimy Desjardins, et le reste s’ensuivrait…

    Bryan plissa les yeux avant de se retourner vers l’inspecteur.

    — Que croyais-tu, Marchant ? Tu ne pourras fuir tes responsabilités indéfiniment. La compagnie que gérait ton père est sans PDG depuis son décès. C’est à toi que revient de diriger cette affaire familiale. Ta mère et tes deux sœurs t’en seraient d’autant plus reconnaissantes.

    Pour toute réponse, Bryan croisa les bras sur sa poitrine en signe de défi. Il était bien placé pour savoir ce que l’on attendait de lui. Son paternel l’avait formé dès son entrée à l’université, mais, au bout de trois ans, il s’était rebellé contre cette vie toute tracée, préférant de loin rejoindre l’armée pour y subir un entraînement intensif afin de pouvoir participer à des missions risquées. Son entourage en avait été dévasté, en particulier son père qui avait forgé de grands espoirs pour lui.

    À l’aube de ses trente ans, Bryan avait cependant repris contact avec les siens. Son père était malade ; un cancer du foie incurable. Impossible de l’opérer, ses jours étaient comptés. Le fils était donc rentré dans les rangs, reprenant peu à peu les rênes de la compagnie familiale, renouant avec des hommes d’affaires puissants. C’était lors de l’une des soirées mondaines auxquelles il assistait qu’il avait fait la connaissance du charismatique Nathan Harvey et qu’il s’était rapproché de lui. Ce dernier avait été prompt à déceler la fêlure en lui et à l’exploiter. Sous sa gouverne, Bryan avait découvert l’univers plus vicieux du BDSM, d’un groupe privé influent avide de sensations extrêmes. Il avait exploré cette avenue avec une certaine ouverture d’esprit. Toutefois, il avait vite compris que cet univers n’était pas pour lui, que celui-ci était à l’opposé des valeurs qui lui avaient été inculquées par les siens.

    Il était d’ailleurs sur le point de se retirer de ce cercle lorsque Lucien Lallier avait pris contact avec lui. Ses antécédents dans une unité spéciale de l’armée, tout comme ses entrées dans certaines sphères, avaient attiré l’attention de l’inspecteur. Il l’avait dès lors abordé pour l’informer des dessous cachés de la confrérie. En découvrant la teneur obscure du noyau auquel appartenait Nathan Harvey, Bryan avait été révolté. De fil en aiguille, il s’était retrouvé impliqué jusqu’au cou dans cet enfer, infiltré pour le compte de l’enquêteur qui cherchait à coincer ces salauds, délaissant du même coup ses obligations auprès de l’entreprise familiale, au grand dam de sa mère.

    Reportant son regard sur Lallier, demeuré silencieux depuis quelques secondes, il fronça les sourcils. Il n’était pas nécessaire que ce dernier lui rappelle ses devoirs auprès des siens. Il s’était assuré avant son départ de laisser un homme de confiance à la tête de la compagnie. De plus, l’administrateur qui gérait leur effectif travaillait pour eux depuis de nombreuses années. Ses proches n’étaient donc pas dans le besoin et pouvaient profiter de la vie en toute quiétude. Néanmoins, il savait pertinemment que, tôt ou tard, il lui faudrait refaire surface.

    — Quel est votre plan ? lâcha-t-il avec morgue, le regard implacable.

    1. Bondage, discipline, sadomasochisme.

    2. Voir, dans la même collection, Annabel et Max : Adultes consentants, de Sonia Alain.

    1

    Aimy paya son chocolat chaud avant de prendre place à l’une des tables du restaurant, face à Chrystina, sa frangine. Elle était en retard à ce rendez-vous matinal, comme c’était souvent le cas.

    — Je suis désolée, s’empressa-t-elle de dire en s’assoyant.

    — J’ai l’habitude, la taquina amicalement sa sœur.

    Aimy fit une grimace peu élégante en guise de réponse. Chrystina arborait encore aujourd’hui une tenue chic et raffinée qui lui allait à ravir, à l’image de sa personnalité. Comment était-ce possible ? Elles étaient jumelles identiques, mais leur ressemblance s’arrêtait à leurs traits communs, la couleur de leurs prunelles ainsi que celle de leurs cheveux. Pour ce qui était de leurs caractères, ils ne pouvaient être plus différents l’un de l’autre, à croire que les sœurs ne partageaient pas les mêmes chromosomes. Chrystina était plus posée, réfléchie et rangée. D’ailleurs, celle-ci observait Aimy en ce moment avec une indulgence toute maternelle au fond du regard, ce qui avait le don de l’agacer. Depuis qu’elle était mère de deux magnifiques bambins, sa sœur ne cessait de la traiter comme l’un de ses enfants. Aimy soupira de manière exagérée.

    — Quoi ? demanda-t-elle en faisant la moue.

    — Ta veste, eut Chrystina pour toute réponse en levant un sourcil moqueur.

    Aimy baissa les yeux et réfréna un mouvement d’humeur en prenant conscience qu’elle s’était boutonnée de travers. Et merde ! Il fallait qu’elle soit tête en l’air pour sortir de chez elle ainsi. Visiblement, la réunion à laquelle elle devait assister au bureau la mettait dans tous ses états. Ce n’était pas qu’elle souffrait d’insécurité, c’était plutôt qu’elle était sur des charbons ardents. Elle préparait cette rencontre depuis deux semaines avec son équipe. Tous avaient travaillé d’arrache-pied à mettre au point un concept de publicité à la hauteur des attentes du PDG de la compagnie internationale Procaste. Comme à son habitude lorsqu’elle était stressée, elle pianota sur la surface lisse de la table. Chrystina recouvrit sa main de la sienne.

    — Tout ira bien. Cesse de t’angoisser de la sorte.

    Aimy poussa un autre long soupir. Elle aurait voulu se sentir confiante comme sa frangine. À vrai dire, elle ne savait que penser de l’homme à la tête de l’entreprise familiale Procaste. Elle avait fait des recherches à son sujet sur le Web, sans résultat probant. Tout laissait penser que ce type n’avait aucune vie sociale en dehors du boulot, pas une seule photo de lui, ce qui était inusité étant donné le milieu dans lequel il évoluait.

    Sans porter attention à ce qu’elle faisait, elle se pencha pour chaparder un morceau de bagel dans l’assiette de sa sœur, puis se redressa, un sourire taquin sur les lèvres. Elle sentit aussitôt une lourdeur sur le devant de sa veste, la freinant dans son élan. En baissant les yeux, elle constata avec horreur que le rebord du couvercle de son chocolat chaud s’était accroché à l’un des boutons du vêtement. Lorsqu’elle se releva, le verre au complet suivit son mouvement, suspendu désormais dans le vide, et ne tenant que de peu. Elle eut un moment de stupeur avant de réagir, ce qui lui fut fatal. Sous la pression, le dessus lâcha et le gobelet retomba sur la table sans qu’elle puisse le retenir, éclaboussant tout sur son passage. Aimy poussa un cri d’épouvante en reculant prestement sur sa chaise, imitée par sa sœur.

    — Non, non, non, gémit-elle en tentant d’éponger le liquide sur le devant de sa veste.

    Mais la mince serviette de papier ne lui fut d’aucun secours devant l’ampleur du désastre. Les larmes au bord des yeux, elle se plaignit de nouveau. Elle ne pouvait pas refaire quarante-cinq minutes de route pour retourner se changer, car elle devait être au bureau à neuf heures et il était déjà huit heures cinquante-cinq. La visite du client étant prévue dans trente-cinq minutes, c’était d’autant plus impossible.

    — C’est pas vrai…

    Au même moment, une main charitable se tendit vers elle, une pile de serviettes de papier entre les doigts.

    — Épongez le plus gros sans frotter, lui recommanda l’homme qui se tenait désormais à côté d’elle.

    Aimy releva la tête, bouche bée pendant quelques secondes, à la vue du spécimen viril qui la surplombait de toute sa hauteur. Plus vif qu’elle, ce dernier entreprit de tamponner le tissu souillé sans tenir compte de la rougeur qui lui montait aux joues. Elle fut parcourue d’un délicieux frisson lorsque la paume entra en contact avec son sein droit, épousant sa forme arrondie. Sidérée par ce geste impudique, elle demeura sans voix.

    — Retirez votre veste, lui intima l’étranger d’un ton de commande qui ne souffrait aucune contestation.

    Avant de prendre conscience de ce qu’elle faisait, Aimy s’exécuta d’une main tremblante qui ne passa pas inaperçue au regard bleu-gris perçant de l’inconnu.

    — Mieux vaudrait tenter de faire disparaître le plus gros avec de l’eau, poursuivit-il en désignant la salle des toilettes du menton.

    Trop stupéfaite pour réagir, elle resta figée, les yeux rivés sur les épaules larges et la mâchoire volontaire de l’homme.

    — Mademoiselle Desjardins ! la ramena à l’ordre l’individu.

    Il fallut quelques battements de cœur effrénés avant qu’Aimy se rende compte qu’il s’était adressé à elle par son nom de famille. Aussitôt, toute léthargie la quitta. Mais comme elle s’apprêtait à interroger l’étranger à ce propos, celui-ci se retourna, la laissant en plan avec sa sœur tout aussi étonnée qu’elle. Aimy le vit sortir du restaurant d’un pas vif, puis tourner le coin d’un immeuble.

    Elle reporta d’emblée son regard sur sa jumelle. À quoi rimait cette histoire, au juste ?

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    Lorsqu’elle arriva au travail dix minutes plus tard que prévu, les membres de son équipe l’attendaient au pied de la porte de son bureau, inquiets. Elle eut un claquement de langue agacé en levant la main dans les airs pour réfréner le flot de questions qu’elle devinait sur leurs lèvres. Elle n’était pas d’humeur à subir un interrogatoire et n’en avait pas le temps. Déjà qu’elle peinait à se remettre de sa mésaventure…

    Malgré les efforts de sa sœur, il leur avait été impossible de nettoyer les dommages sur sa veste. Par chance, le tube de Tide to go que traînait Chrystina dans son sac à main était venu à bout des deux petites taches sur sa blouse. Elle était tout à fait présentable, son pantalon ayant été miraculeusement épargné. Toutefois, son chemisier ajusté l’incommodait. Elle avait l’habitude de porter des vêtements plus décontractés normalement. Pour camoufler en partie sa poitrine moulée par le fin tissu, elle ramena sa longue tresse d’un blond doré devant elle.

    N’ayant plus le temps de tergiverser, elle gagna la salle de réunion d’un pas nerveux, ses coéquipiers sur les talons. Elle était agitée. Malgré toute sa bonne volonté pour oublier l’incident au restaurant, le contact de la main calleuse de l’étranger sur son sein continuait de la perturber. À ce souvenir, son pouls s’emballa derechef. Et merde…, marmonna-t-elle pour elle-même en tentant de reprendre contenance.

    Ce n’était ni le lieu ni le moment pour de tels égarements. Résolue à laisser ce malheureux incident derrière elle, Aimy carra les épaules, puis releva la tête avant de franchir le seuil de la pièce. Son patron se trouvait sur place avec certains de leurs collaborateurs. En notant la présence de visages inconnus, elle tressaillit. Leur client était en avance, ce qui la mettait, elle, en position de retard, un élément à son désavantage. Son employeur, lui, l’observa avec mécontentement à son entrée. Elle s’empressa de taper le cadran de sa montre pour indiquer qu’elle était à l’heure. Ce n’était pas sa faute si le PDG faisait preuve de zèle en se pointant au rendez-vous plus tôt que prévu.

    Alors que ses coéquipiers s’assoyaient autour de la table, elle parcourut la salle de réunion du regard, à la recherche du PDG de Procaste. Un homme lui tournait le dos, faisant face à la grande baie vitrée. Sans doute avait-il perçu sa présence, car il se retourna vers elle, ses prunelles d’un bleu-gris rivées sur son visage. Aimy éprouva la désagréable sensation de perdre tous ses moyens en le reconnaissant. Devant elle se tenait l’étranger du restaurant. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais aucun son n’en sortit.

    L’homme s’avança dans sa direction d’une démarche féline qui l’amena à reculer d’un pas prudent. Arrivé à sa hauteur, il eut un sourire prédateur à son intention.

    — Mademoiselle Desjardins, c’est un plaisir de vous revoir, déclara-t-il d’une voix envoûtante en lui tendant la main.

    Comme elle ne réagissait pas, il la scruta avec plus d’attention, poussant l’audace en baissant les yeux vers le sein qu’il avait pressé plus tôt. Aimy rougit de plus belle. Zut ! Pourquoi cet homme la déstabilisait-il autant ? C’était à n’y rien comprendre. À sa décharge, le mec dégageait une énergie brute et une attitude dominatrice qui faisait vibrer chacune des fibres de son corps.

    — Monsieur… Marchant…, parvint-elle à balbutier avec peine en glissant sa paume moite dans celle de Bryan.

    Des doigts se refermèrent autour des siens, les emprisonnant dans une étreinte ferme. De manière subtile, Bryan attira la jeune femme vers lui, l’obligeant à faire un pas dans sa direction. Ce faisant, elle se retrouva environnée par son odeur. Il la sentait fébrile, sensible à sa présence. Elle avait la réputation de se montrer franche et sans artifices au travail, des qualités qui la rendaient vulnérable face à un prédateur tel que lui, mais elle offrait également un rafraîchissement délectable. Quel plaisir il aurait à faire naître différentes émotions sur son joli minois !

    Sans doute dut-elle percevoir la férocité derrière son masque d’impassibilité, car elle eut un hoquet de stupeur à peine visible, et son corps se raidit sous la menace sous-jacente qu’il représentait. Elle possédait une remarquable intuition, ainsi qu’un instinct de survie qui l’aiderait peut-être à s’en sortir. Il se rembrunit aussitôt. L’inspecteur Lallier l’avait joint plus tôt pour l’informer des derniers faits concernant Caleb Cyr. Des rumeurs commençaient à circuler à son sujet. Bryan ignorait quelle était la nouvelle source de renseignements de Lallier au sein de la confrérie, mais il espérait que cette personne savait dans quel foutoir elle mettait les pieds. Il plaignait cet informateur infortuné, quel qu’il soit.

    — Si ma compréhension est bonne, vous avez déjà fait la connaissance de notre directrice du marketing, l’interrompit le chef de la boîte, l’extirpant de ses réflexions.

    Bryan relâcha la main de la jeune femme, puis lui indiqua de passer devant lui avant de répondre à l’homme.

    — En effet, mais c’est une longue histoire…

    Sans plus de précision, il s’installa sur la chaise qui lui était destinée. Oh oui, il avait éprouvé un plaisir pervers lors de leur rencontre dans le restaurant. En épongeant le liquide sur sa veste, il avait senti sous sa paume la courbe voluptueuse d’un sein, une tentation à laquelle il n’avait pu résister. Depuis le début, il l’avait dans la peau, et son esprit dominateur tout comme la bête vicieuse tapie en lui réclamait son dû. La côtoyer allait être un supplice de tous les instants. Il lâcha un juron dans sa barbe en maudissant Lallier pour la énième fois de le placer dans une position aussi explosive.

    Reprendre les rênes de l’entreprise familiale, renouer avec ses proches et le monde des affaires requérait toute son énergie, mettant sa patience à rude épreuve. Toutefois, son emprise sur ses appétits charnels demeurait précaire, au point où il avait préféré s’abstenir de toute relation avec une femme pour le moment, ce qui ne l’aidait pas dans le contexte actuel. Bordel ! Ce n’était pas l’envie qui lui manquait d’enlever cette fille et de l’emmener dans l’un des clubs privés de la ville pour étancher sa faim insatiable. Les choses qu’il lui ferait alors subir dans l’une des pièces aménagées avec soin pour ce genre de débauche !

    Il serra les poings sous la table, s’obligeant à se concentrer sur les idées de marketing que lui proposait la cause de tous ses tourments.

    Aimy faillit s’étouffer avec sa salive lorsque l’homme d’affaires reporta son attention sur elle. Ce dernier avait semblé égaré dans ses pensées pendant un court instant, ce qui lui avait permis de se contrôler. Cependant, la lueur sauvage qui était apparue brièvement dans ses prunelles quand leurs regards s’étaient à nouveau croisés fut près de lui faire perdre tous ses moyens. D’autant plus que sa mâchoire s’était contractée de manière notoire, tout comme ses épaules. Elle n’y comprenait rien. Cet homme agissait d’une étrange façon avec elle, comme s’il la connaissait depuis longtemps. Pourtant, elle était sûre de ne l’avoir jamais rencontré auparavant. Elle s’en serait souvenue.

    Lançant un coup d’œil mitigé vers les membres de son équipe, elle les invita à parler à tour de rôle et en profita pour regagner sa chaise avec un empressement à peine dissimulé. Elle n’osa pas tourner la tête vers leur client ; néanmoins, elle était certaine qu’il la fixait. De plus en plus mal à l’aise, elle se racla la gorge avec discrétion, s’efforçant de suivre le fil de la réunion.

    Bryan écouta d’une oreille distraite. Mine de rien, il surveillait la jeune femme. Le profil qu’elle lui offrait était attirant, surtout que le chemisier ajusté ne cachait rien de la forme arrondie de son sein. Il aurait volontiers changé de place avec la longue tresse qui se nichait dans la vallée affriolante. Des images d’elle attachée à une poutre, les bras suspendus en l’air, s’imposèrent de force à son esprit. Dans un grommellement, il s’arracha à cette vision. Le moment était mal choisi pour laisser libre cours à ses fantasmes. Il devait assurer la sécurité de cette dernière, pas en faire une proie pour assouvir ses plus bas instincts.

    Aimy se trémoussa sur sa chaise dans l’attente d’un commentaire du client. La présentation était terminée depuis quelques secondes, et Bryan Marchant ne s’était toujours pas exprimé. Le patron d’Aimy lui lança un regard impatient. Il n’avait pas les moyens de perdre ce contrat qui s’annonçait lucratif. Si, pour satisfaire le PDG de Procaste, il fallait que l’équipe retourne à ses planches à dessin, il n’hésiterait pas un seul instant. Consciente de l’enjeu, Aimy retint de justesse un soupir contrarié. Rien n’allait comme prévu, à croire que l’homme d’affaires se moquait d’eux. Pourtant, ils avaient travaillé si fort à ce projet, ne comptant pas les

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