À propos de ce livre électronique
est une idéaliste engagée. Alors qu’elle participe à une manifestation
pour la liberté d’expression interdite par les autorités locales, elle est
sauvée de justesse par Noah, un militaire séduisant au passé obscur
et aux émotions contradictoires.
De l’agitation des rues de Douala aux plages paisibles de Kribi, une
idylle naît lentement, se tissant au fil des rencontres et des silences
partagés. Secrets, blessures et attirance impossible mettent Amélia
à l’épreuve. Saura-t-elle protéger ses convictions et sa sécurité ou
succombera-t-elle à un amour aussi dangereux qu’irrésistible ?
Sonia Alain
Sonia Alain écrit dans différents genres littéraires. Ces romances se veulent un mélange de passion, de suspense et d’émotions. Elle récidive ici avec Cléopâtre, une romance historique exaltante et envoûtante.
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Aperçu du livre
Une vie de secrets - Sonia Alain
PROLOGUE
Edéa, Cameroun – 22 juillet 2023
Amélia se promenait d’un pas léger dans l’allée principale de la cité française en rêvassant. Il y avait plusieurs années qu’elle et sa famille vivaient au Cameroun… une région fascinante, à la beauté sauvage et unique en son genre. Un pays ancestral hors du temps. Quant à la ville d’Edéa, elle se trouvait en bordure du fleuve Sanaga, au sud-est de Douala.
Combien de fois, quand elle était jeune, Amélia avait-elle traversé le vieux pont décrépit qui reliait les deux rives, les paupières fermées, terrorisée par le grincement des chaînes qui résonnaient contre les planches mal équarries, lors de leur passage ? Il y avait également les chemins en terre battue, de la couleur du cuivre et jonchés d’ornières, sur lesquels il n’était pas aisé de se déplacer.
En symbiose avec la nature environnante, Amélia huma avec bonheur l’air ambiant, saturé d’humidité. Elle aimait déambuler dans les rues silencieuses à cette heure matinale, car, dès que les gardes relèveraient la barrière interdisant l’accès aux locaux pendant la nuit, une frénésie contagieuse gagnerait la cité. Les habitants du village avoisinant se rendraient à leur travail pour vaquer à leurs occupations quotidiennes dans les maisons des ressortissants étrangers.
D’un geste mécanique, Amélia consulta sa montre intelligente afin d’y vérifier la quantité de pas qu’elle avait effectués au cours de sa promenade, et constata du coup que l’heure était venue pour elle de rebrousser chemin. La journée s’annonçait chaude et humide ; d’ailleurs, un filet de sueur perlait déjà sur son front moite. En temps normal, elle aurait profité de l’occasion pour se dorer au soleil sur la plage de Kribi et plonger dans les vagues impressionnantes de l’océan Atlantique avec son amie d’enfance, Juliette, au lieu d’aller à Douala. Mais voilà, toutes deux jugeaient qu’il y avait des enjeux capitaux plus importants à défendre que le simple fait de se prélasser sur le sable fin. Un débat public se préparait et, comme plusieurs Camerounais, elles avaient prévu de se rendre à l’une des nombreuses marches pacifiques organisées ce jour-là. Amélia était au courant que le gouvernement avait émis des avertissements à ce sujet. Aucune manifestation ne serait tolérée, à plus forte raison si elle était soutenue par des partis de l’opposition.
Le visage d’Amélia s’assombrit. Elle savait ses parents préoccupés par la situation. L’instabilité dans un pays n’était jamais souhaitable, en particulier pour les ressortissants étrangers. Mieux valait, durant de telles périodes, se tenir à l’écart au cas où les événements dégénéreraient. Amélia avait eu des discussions houleuses avec eux à ce propos. Au demeurant, ils lui avaient interdit de prendre part à cette polémique, arguant que ce conflit ne les concernait pas, mais elle s’y refusait. Les Camerounais l’avaient accueillie à bras ouverts sur leur terre. Elle devait en retour défendre leur liberté d’expression. C’était la moindre des choses, quoi qu’en pensent ses parents. À vingt-trois ans, elle était en mesure de faire ses propres choix et de suivre ses convictions les plus profondes.
Un soupir lui échappa. Risquait-elle de mettre les siens dans une position instable en s’impliquant de la sorte ? Car même s’il était prévu qu’elle et Juliette rentrent au Québec dès le mois prochain pour y entreprendre des études universitaires, leurs familles respectives resteraient sur place. L’espace d’une seconde, Amélia douta de sa décision. Si elle était arrêtée durant la manifestation, les autorités iraient-elles jusqu’à expulser ses proches du Cameroun en guise de représailles ou à l’empêcher de quitter le pays ? L’emprisonnerait-on, telle une criminelle ? La situation n’était pas à prendre à la légère, elle devait se montrer prudente. Mais la cause était juste. Tout un chacun avait droit à l’égalité et au libre arbitre. C’étaient des droits fondamentaux défendus à travers le monde entier, auxquels elle croyait fermement.
Déterminée à faire entendre sa voix, elle releva la tête. Ses parents n’avaient pas besoin de savoir qu’elle se rendait à Douala. Qu’ils la pensent en sécurité à la plage de Kribi avec ses amis pour fêter son départ imminent ; ainsi, ils ne seraient pas inquiets. De toute façon, Amélia envisageait de revenir avant la fin de la journée.
Soucieuse malgré tout, elle poursuivit son chemin d’un pas moins vif. Y aurait-il une intervention musclée des forces de l’ordre ou de l’armée, en dépit du fait que les marches seraient pacifiques ? En réalité, c’était ce qui la tracassait le plus. S’arrêtant, elle fixa le bungalow aux murs de stuc blancs de sa demeure, puis elle ferma les paupières le temps de reprendre ses esprits et de se préparer mentalement à affronter le regard scrutateur de sa mère.
Consciente, cependant, que l’heure tournait et qu’il ne lui servait à rien de tergiverser davantage, elle inspira brusquement en se secouant. Tout en plaquant un faux sourire sur ses lèvres, elle s’ébranla. Dès qu’elle pénétra à l’intérieur, ses yeux survolèrent les environs. Du bruit provenait de la buanderie, signe que sa mère s’y activait. Afin de ne pas trahir sa présence, Amélia traversa le salon à pas feutrés avant de se diriger vers sa chambre située à l’une des extrémités de la maison, à l’écart du reste des pièces principales. Avec d’infinies précautions, elle ouvrit son placard, puis s’empara d’un pantalon en coton léger et d’un fin chemisier à manches courtes, qu’elle enfila en vitesse. Elle prit soin de chausser des souliers de marche confortables. Elle fourra ensuite un maillot de bain, des sandales, un tube de crème solaire, un roman et une serviette dans un sac à bandoulière pour donner le change si elle croisait sa mère. Sa longue chevelure brune, nouée en une queue de cheval, et ses lunettes fumées remontées sur le sommet de sa tête, elle repartit en douce en laissant une note sur la table pour indiquer à ses parents qu’elle allait à la plage avec Juliette.
Au moment de refermer la porte derrière elle, Amélia éprouva une pointe de remords. Elle n’aimait pas mentir, mais elle n’avait pas le choix. Elle devait se rendre à cette marche…
1
À deux coins de rue de la demeure d’Amélia au même moment
Juliette éprouvait quelques soucis, et peinait à se soustraire au regard affûté de son frère, Zack. Elle adorait son frangin et l’enviait, lui qui, à vingt-sept ans, menait sa vie comme il l’entendait, voyageant partout à travers le monde dans le cadre de son travail. Cependant, depuis un moment, il n’était pas rare qu’il reste de longues périodes éloigné d’eux sans donner de nouvelles, ce qui inquiétait ses parents et elle, par la même occasion. D’autant plus que, mis à part le fait qu’elle savait qu’il servait dans l’armée canadienne, Juliette ignorait tout du type de travail et des tâches qu’il effectuait en tant que militaire, car un véritable mystère entourait les missions qu’il exécutait sur le terrain.
D’ailleurs, elle avait remarqué que Zack se montrait beaucoup plus alerte qu’autrefois, qu’il avait l’esprit plus affûté et le regard vif. Il lui était donc plus difficile d’agir en catimini et à sa guise lorsqu’il était présent. Un problème de taille, étant donné la conjoncture actuelle. Surtout qu’en temps normal, il n’aurait pas dû être au pays. Mais voilà, deux jours plus tôt, il leur avait fait la surprise de revenir à la maison. Ce qui signifiait que tromper sa vigilance allait se révéler plus ardu pour Juliette.
— Tu vas quelque part ? s’informa justement Zack en surgissant à l’improviste derrière elle.
Juliette sursauta et faillit laisser tomber le sac qu’elle avait préparé à la va-vite. Contrariée de s’être fait surprendre, elle eut un claquement de langue agacé. Zack se déplaçait si discrètement que c’en était déconcertant. Amélia devrait la rejoindre d’une minute à l’autre, et Juliette ne désirait pas risquer une rencontre fortuite entre elle et Zack. À coup sûr, son frère comprendrait que quelque chose clochait en avisant la nervosité que ne manquerait pas d’afficher Amélia. Tout en triturant son trousseau de clés, Juliette se dirigea vers la porte d’entrée d’un pas vif.
— Juliette ? l’interpella Zack en la voyant prendre la poudre d’escampette.
— Amélia et moi, nous allons à la plage avec les filles, lui réponditelle sans même daigner lui jeter un coup d’œil.
Pressée de lui échapper, elle poursuivit sa route comme si de rien n’était. Suspicieux, Zack la rattrapa en trois enjambées. Il connaissait sa sœur par cœur, et était prêt à parier qu’elle cherchait à l’éviter, pire, qu’elle lui dissimulait quelque chose. Les sourcils froncés, il s’interposa entre elle et le battant, l’obligeant à s’arrêter.
— Ce n’est pas prudent de sortir aujourd’hui, commença-t-il d’un ton appuyé. Des manifestations ont été annoncées dans toutes les grandes villes du pays, ce que les autorités en place réprouvent. Il risque d’y avoir du grabuge. Il serait plus judicieux de rester à l’intérieur des murs de la cité.
Juliette se braqua, et dut se retenir pour ne pas afficher de manière ouverte son mécontentement.
— Les gens ont le droit de s’exprimer, Zack ! déclara-t-elle malgré tout avec mordant.
— Tu as raison ! Mais là n’est pas la question. Tu ferais mieux de demeurer loin de ces manifestations pour ta propre sécurité. Je suis sérieux, sœurette ! insista-t-il en avisant son air buté.
— Ça ne te regarde…
— Détrompe-toi ! la coupa-t-il. Je suis peut-être absent la plupart du temps, comme tu te plais souvent à me le reprocher, mais je tiens à toi. Si tu promets d’aller directement à la plage et de rester à l’écart de ces marches, je te laisserai partir sans faire d’histoire.
Juliette se révolta d’emblée. Elle détestait quand son frère la prenait de si haut, tout comme cela la rebutait de lui mentir, mais elle savait que Zack ne lui permettrait pas de sortir si elle se montrait honnête avec lui. Il pouvait se révéler têtu et inflexible à un tel point que, par moments, c’en était exaspérant.
— Nos copines nous attendent là-bas, rétorqua-t-elle avec un aplomb puisé à même ses convictions.
Elle croyait à la liberté d’expression plus qu’à toute autre chose, se sentait portée par cette cause et était déterminée à la défendre. Hors de question que Zack régente sa vie, et l’empêche de poursuivre ses idéaux ! Après tout, elle n’était plus la fillette de jadis, qui se cachait derrière lui pour chercher sa protection lorsque les garçons de l’école menaçaient de lui glisser des lézards vivants à l’intérieur du chandail. Elle était devenue une jeune femme de vingt-trois ans et, qui plus est, en pleine possession de ses moyens.
— Amélia est arrivée, continua-t-elle en apercevant, par la fenêtre, son amie d’enfance qui s’engageait dans l’allée.
Là-dessus, elle contourna Zack d’un pas précipité. Dès qu’elle parvint à la hauteur de sa copine, elle lui signifia d’un simple regard de se dépêcher de grimper dans la Jeep. Ce qu’Amélia s’empressa de faire en voyant Zack sortir de la maison à son tour, une expression suspicieuse sur le visage. Avec raideur, elle lui envoya la main pour le saluer avant d’ouvrir la portière du côté passager et de monter à bord.
— Juliette, attends ! décréta Zack en venant vers elles.
Mais à peine Amélia eut-elle le temps de boucler sa ceinture de sécurité que déjà, Juliette mettait le moteur en marche et reculait promptement. Dès qu’elle embraya, Amélia aperçut Zack, qui prenait son cellulaire dans sa poche. Une sonnerie retentit dans l’habitacle, mais Juliette l’ignora.
— Penses-tu qu’il a deviné où nous allons ? demanda-t-elle à son amie.
— Il y a de bonnes chances, déclara Juliette avec dureté. Il s’est montré plutôt insistant.
— Il a dit pourquoi ? s’enquit Amélia d’un ton hésitant.
— Il voulait me prévenir des risques que nous encourions en participant à l’une des manifestations annoncées dans les grandes villes aujourd’hui.
— Tu crois qu’il a raison et que c’est dangereux de s’y rendre ? s’informa-t-elle, préoccupée.
— Je ne sais pas… Zack semble en être convaincu…
— Et toi ?
— Si ta question est si j’ai l’esprit tranquille, eh bien non ! Mais d’un autre côté, je veux me tenir debout pour ma patrie d’accueil. Mais si tu préfères te désister, je ne te jugerai pas…
La ferveur de Juliette résonna en écho dans le cœur d’Amélia. Elle aussi refusait de se défiler.
— Il faudra nous montrer prudentes…, lâcha-t-elle.
Nul besoin d’en dire plus, Juliette comprenait. Mais ce n’était pas comme si elles allaient dans un soulèvement violent. Il s’agissait uniquement d’une marche pacifique.
Zack eut un mouvement d’humeur en voyant la Jeep disparaître au coin de la rue, d’autant plus que son appel demeurait sans réponse.
— Bordel !
Il était prêt à parier que Juliette et Amélia se rendaient à l’une des manifestations annoncées, probablement la plus proche, celle ayant lieu à Douala. Furieux, il jura de nouveau. Il n’avait aucun moyen de les suivre, n’ayant pas de voiture à sa disposition. Ne revenant au Cameroun qu’à l’occasion, il avait pris l’habitude de voyager avec Noah, son ami de longue date, qui louait une chambre à Edéa lorsqu’ils étaient tous deux en ville.
Tout comme lui, Noah avait passé une partie de sa jeunesse au Cameroun, mais la famille de Zack habitait dans une cité à Edéa alors que celle de Noah résidait dans la capitale. À l’époque, le père de ce dernier travaillait à l’ambassade du Canada basée à Yaoundé, dans le département dédié à la promotion du commerce international. Noah et Zack s’étaient rencontrés à l’université lors de leurs études en ingénierie, et avaient noué des liens de franche camaraderie, et cela, en dépit de leurs deux années d’écart. Au moment de l’obtention de leur diplôme, Noah s’était engagé dans l’armée canadienne sans prévenir, et Zack le rejoignait un an après.
Le regard rivé sur la direction qu’avait empruntée Juliette, Zack se frotta la nuque. Plus que jamais, il était certain que sa cadette lui mentait, ce qui était loin de le rassurer. Quelle que soit l’idée que sa sœur et Amélia avaient en tête, les événements risquaient de dégénérer si elles se rendaient à l’une de ces maudites marches au lieu d’aller à la plage. Il se devait donc d’agir. N’écoutant que son instinct, il fit défiler la liste de contacts de son cellulaire et appuya sur le seul nom inscrit à la lettre « M » : Noah Marchal.
Une main sur le cadre de la porte, Noah laissa glisser avec lenteur une gorgée de bière fraîche dans son gosier. Les traits tirés, il survola des yeux la cour de la maison qu’il louait. Le regard perdu sur la végétation environnante, il offrit son visage à la brise chaude, le silence ambiant rompu par les bruits apaisants de la faune locale. Ce moment lui était vital, car il avait besoin d’une pause afin d’évacuer la pression après la mission particulièrement difficile qu’il venait de terminer.
Encore perturbé par les derniers événements survenus sur le terrain, il avala une seconde rasade en rejetant la tête vers l’arrière. Il avait une envie folle de se soûler pour oublier ce qu’il avait vu, mais il savait que cela ne ferait qu’empirer les choses, car seul le temps finirait par estomper les images troublantes qui le hantaient. De toute façon, il détestait manquer de contrôle et se retrouver avec des facultés affaiblies.
De sa main libre, il se frotta les paupières avec vigueur. Il se sentait usé, mais il se connaissait suffisamment pour savoir qu’il s’accrocherait en dépit de tout. Les hommes placés sous son commandement avaient une confiance aveugle en lui, hors de question de les laisser tomber. Comme il se faisait cette réflexion, son cellulaire vibra dans la poche arrière de son jeans.
Noah ne décolérait pas depuis qu’il était passé chercher Zack après son appel, et agrippait le volant de sa Jeep avec une force démesurée en serrant les dents. Selon les données du GPS de Juliette, les deux filles se dirigeaient vers Douala au lieu de Kribi, et elles les devançaient d’une bonne quinzaine de minutes. Un écart qu’il s’efforçait de diminuer, mais avec les routes cahoteuses, ce n’était pas aisé.
— Elle m’a menti ! tempêta Zack en frappant la portière de son poing.
— Tu t’attendais à quoi ? grommela Noah en jetant un coup d’œil rapide à son compagnon d’armes. Ta sœur te connaît. Elle savait pertinemment que tu l’aurais empêchée de partir si tu avais été informé de sa véritable destination.
Il comprenait la frustration de Zack. Lui-même aurait volontiers ficelé Amélia pour la contraindre à rester chez elle. Une émotion étrange le gagna alors que lui venait cette réflexion, de celles qui le perturbaient.
— Eh merde, murmura-t-il en crispant la mâchoire.
Il songeait un peu trop souvent à la jeune femme depuis quelques mois, sans mentionner le sentiment d’urgence qui lui comprimait la poitrine depuis l’appel de Zack. Amélia avait le don de le faire tourner en bourrique, de brouiller son esprit quand il s’approchait d’elle. « Qu’est-ce qui a changé, nom d’un chien ? » marmonna-t-il pour lui-même. Il la connaissait depuis plusieurs années. Amélia ne se démarquait pourtant pas de Juliette, la sœur de Zack. Faux ! le contredit aussitôt une voix intérieure avec impétuosité. Il se mentait à lui-même, et savait qu’agir de la sorte risquait de le desservir s’il ne prenait pas garde. Qu’il le veuille ou non, force lui était de reconnaître qu’il avait toujours éprouvé de l’intérêt pour Amélia. Toutefois, depuis le début, il s’efforçait de réfréner cet élan.
De toute façon, il n’était pas le genre de mec à entretenir une relation amoureuse, pas avec le métier qu’il exerçait. Mais la situation avait changé huit mois plus tôt, lors de son dernier passage à Edéa. Amélia l’avait surpris en l’embrassant avec une passion débridée, faisant bouillir son sang. Submergé par son désir, il avait répondu à son baiser avec la même urgence et, s’oubliant, il l’avait plaquée rudement contre un mur. Au son de sa plainte étouffée, il avait reculé en vitesse, comme s’il venait de se brûler, et l’avait abandonnée sur place sans même lui dire un mot d’au revoir, furieux de s’être laissé gouverner par ses sens. À la suite de cet événement, il avait choisi de ne plus se pointer au Cameroun afin d’éviter de croiser sa route. Mais à bien y penser, il comprenait qu’il n’avait pas agi par prudence, mais bien par lâcheté, et c’était un constat difficile à avaler.
Son torse se souleva d’un coup lorsqu’il prit une brusque inspiration, qu’il relâcha par la suite. Il croyait que cet incident ne deviendrait qu’un vague souvenir avec le temps, qu’il pourrait revenir au pays sans souci. Mais encore une fois, il s’était voilé la face. À preuve, il était sur les dents depuis que Zack l’avait informé que la jeune femme et Juliette étaient en route pour Douala, où se déroulerait l’une des marches prévues pour défendre la liberté d’expression des Camerounais.
Il connaissait les autorités en place et était certain que ces manifestations seraient réprimées, et pas nécessairement de façon pacifique. Nombre de fois, il était intervenu dans des circonstances similaires à travers le monde. Il se doutait du genre de débordement qui risquait d’en découler, et il n’était pas rassuré. Zack non plus !
— Saloperie de merde ! rugit ce dernier en frappant de nouveau contre la portière.
Tirant parti du passage de leur aîné dans la région, les parents de Zack en avaient profité pour entreprendre un voyage en France. De cette manière, ils quittaient le pays l’esprit tranquille, sachant Juliette en sécurité avec son frère. Et voilà que deux jours après leur départ, la situation dérapait. À sa décharge, Zack n’aurait jamais cru que Juliette irait jusqu’à lui mentir de cette manière éhontée. Par chance, il y avait un an, leur père avait eu la brillante idée de se donner les moyens de géolocaliser sa fille en tout temps via un traceur installé à même son GPS. C’était d’ailleurs grâce à ce système que Zack était en mesure de la pister.
— Bordel ! J’aurais dû suivre mon instinct et me méfier en réalisant que Juliette évitait de croiser mon regard.
Quelle tête de mule ! pesta-t-il intérieurement. Connaissait-elle le danger auquel elle s’exposait en allant à cette manifestation ? Les autorités avaient été très claires dans leurs directives : toute forme d’activisme serait considérée comme de la trahison. Et que Juliette soit une Blanche n’arrangerait pas la situation, au contraire ; sa présence serait perçue comme une preuve de l’ingérence de pays étrangers dans les affaires internes. Si elle se faisait prendre, qu’adviendrait-il d’elle dans ces conditions ? Elle risquait d’être emprisonnée, voire malmenée ou, pire encore, torturée. L’estomac de Zack se retourna à cette seule perspective. Il avait vu son lot d’horreurs au cours de ses missions, ce qui le rendait malade d’angoisse.
— Quelle sotte ! tempêta-t-il à voix haute, sous le coup de l’émotion.
Noah abondait dans le même sens que Zack, et cela, malgré qu’il comprît les motivations qui poussaient les deux filles. Elles défendaient leurs idéaux, et se sentaient suffisamment impliquées pour être interpellées, mais elles n’étaient pas des Camerounaises et ne le seraient jamais. Qu’elles le veuillent ou non, elles demeuraient des ressortissantes étrangères.
Amélia perçut d’emblée l’électricité qui flottait dans l’air quand elle sortit de la Jeep. En temps normal, il régnait une ambiance festive dans le marché à ciel ouvert du centre-ville. Mille couleurs explosaient sous la lumière chaude du soleil le long des rues bondées de tissus, d’objets hétéroclites, de fruits variés et d’épices. Mais aujourd’hui, c’était tout l’opposé. Il n’y avait personne dans l’artère principale pour vendre des articles. Les gens ne flânaient pas sur place. Ils s’étaient regroupés et marchaient d’un pas tranquille. Certains brandissaient des drapeaux qu’ils tenaient entre leurs mains et les agitaient, alors que d’autres levaient les poings en scandant « Libérez le Cameroun ! » Un peu partout, des manifestants chantaient en chœur, solidaires à leur cause commune.
D’une certaine manière, une détermination similaire pulsait dans le sang d’Amélia. Pressée d’unir sa voix à la leur, elle attrapa Juliette et l’entraîna à sa suite. Heureuse de partager ce moment avec ses compatriotes, elle sourit à la femme qui se tenait sur sa droite. Avec simplicité, celle-ci lui tendit un bout de son étendard afin qu’Amélia puisse le secouer avec elle. Juliette lui serra le bras sur sa gauche, galvanisée par l’atmosphère qui régnait. Les chants redoublaient d’intensité autour d’elles, tout comme la clameur générale qui répétait « Libérez le Cameroun ! » ce qui empêcha Amélia et Juliette d’entendre la sonnerie du portable dans le sac en bandoulière de cette dernière et les sirènes qui retentissaient au loin.
Son cellulaire entre les mains, Zack jurait sans retenue. Juliette ne réagissait à aucun de ses appels ni textos. D’un air sombre, il observa la foule compacte agglomérée devant lui. Noah avait dû se résigner à stationner sa Jeep à cinq coins de rue du centre du rassemblement. Il y avait tellement de monde qu’il leur avait été impossible de continuer d’avancer avec la voiture.
— Toujours aucune réponse, constata Noah en durcissant le regard.
Des coups de sifflet résonnaient avec vigueur sur sa gauche, beaucoup trop près à son goût. D’ailleurs, il entrevoyait par-delà l’attroupement des policiers ainsi que des soldats armés qui commençaient à débouler sur place. Ce n’était qu’une question de temps avant que ceux-ci prennent les manifestants d’assaut. Le plus préoccupant, c’était que tous ces gens ne prenaient pas encore conscience de la menace qui pesait sur eux.
— Où sont-elles ? s’impatienta Zack, qui peinait à garder son calme face au danger imminent qu’encourait sa sœur.
Tout aussi agité que lui, Noah chercha à percer des yeux la masse compacte. Les filles ne devraient pas être difficiles à repérer avec la blancheur de leur peau, qui contrastait avec celle d’ébène des Camerounais. Il jura à son tour. Il avait beau se targuer de posséder des nerfs d’acier normalement, en cet instant, il s’agissait de la sécurité d’Amélia et de Juliette, pas de celle d’étrangers aux traits impersonnels.
— Selon les données GPS de Juliette, elles devraient se trouver juste devant nous, souligna Zack d’une voix tendue.
Déterminé à retrouver les deux imprudentes, Noah abandonna toute réserve, et commença à pourfendre la foule avec rudesse, bousculant et jouant des coudes afin de se frayer un chemin jusqu’à Amélia, et cela, avant que la police et l’armée ne se décident à intervenir. Son air sinistre et son regard meurtrier durent contribuer à décourager les plus récalcitrants, car Zack et lui furent en mesure de progresser rapidement vers leur objectif.
2
Quand Amélia commença à percevoir le changement qui se produisait autour d’elle, il était trop tard ; les forces de l’ordre avaient investi les lieux et les encerclaient, munies de leur chapeau antiémeute, de boucliers, de matraques et d’armes. Leur présence menaçante échauffa les esprits, soulevant un vent de panique et de colère dans la foule. Résolus à faire entendre leur voix, les gens resserrèrent leurs rangs afin de tenir leur position, provoquant ainsi l’ire de la gendarmerie nationale et des agents de police.
Nullement rassurée, Amélia stoppa net en retenant le bras de Juliette. La Camerounaise qui lui avait offert de tenir son drapeau avec elle poursuivit sa route et Amélia la perdit bientôt de vue, comme si cette dernière avait été avalée par une lame de fond. Puis, un inconnu bouscula Amélia au passage et un autre lui donna un coup de coude involontaire en la percutant de côté. Au même instant, des sifflets stridents retentirent à répétition, rejoints par des cris de femmes et des imprécations d’hommes. Amélia réalisa que la situation venait de se dégrader. La peur au ventre, elle tourna sur elle-même. Des gens couraient dans tous les sens, comme pour échapper à une menace invisible. Certains étaient mouillés, d’autres se déplaçaient à l’aveuglette, les paupières fermées. Elle n’y comprenait plus rien. Comment une manifestation pacifique avait-elle pu dégénérer à ce point en un battement de cils ? Que s’était-il passé ? Au moment de se poser cette question, elle aperçut des Camerounais s’asperger les yeux avec des bouteilles d’eau. Puis, simultanément, un espace se dégagea sur sa droite, et Amélia sut pourquoi lorsqu’elle vit un groupe de contestataires faire l’objet d’arrestations musclées.
Dépassée par la situation, elle tourna la tête de droite à gauche, à la recherche d’une aide quelconque. Elle devinait d’instinct qu’il lui fallait fuir les lieux, mais son cerveau refusait de fonctionner. Non loin d’elle, d’autres personnes tentaient d’échapper à l’assaut donné depuis un camion surmonté d’un puissant canon à eau. Un peu plus loin, des manifestants toussaient, leur t-shirt plaqué sur leur bouche et leur nez, alors que des gaz lacrymogènes étaient lancés dans leur direction. Une petite poignée de résistants tenaient bon et s’opposaient farouchement à cette descente injustifiée. Toutefois, aucun de ces malheureux ne faisait le poids. Ce n’est pas possible ! songea Amélia. Tout ceci était surréaliste. Ces gens avaient le droit de s’exprimer. Ils ne faisaient rien de mal.
— Amélia…, gémit Juliette à ses côtés en s’agrippant à son bras. Amélia…
Cette dernière prit quelques secondes avant de se rendre compte que Juliette l’appelait. Son amie avait les yeux écarquillés d’effroi et le teint aussi pâle qu’une morte. Amélia s’accrocha à son tour à Juliette avec fermeté en voyant une femme être renversée au sol, puis piétinée.
— Il faut retourner à la voiture, chuchota-t-elle d’une voix blanche, horrifiée par tout ce déploiement de violence.
Mais au lieu de s’ébranler, Juliette se cramponna avec plus de force à elle en sanglotant.
— Amélia…
La terreur qui émanait de Juliette était contagieuse et fit monter d’un cran supplémentaire le sentiment de panique qui habitait Amélia. Une faible plainte franchit ses lèvres. À l’instar de Juliette, elle avait perdu tous ses repères et ne savait plus quelle direction prendre. Puis, un flash de lucidité traversa son esprit.
— Où est la Jeep ? cria-t-elle à l’attention de Juliette.
Pour toute réponse, cette dernière s’effondra au sol, en larmes. Le premier réflexe d’Amélia fut de vouloir la relever, mais au même instant, elles furent toutes deux bousculées avec violence par un groupe d’hommes en fuite. Amélia se sentit projetée vers l’avant, mais vit sa chute être freinée par un autre corps au dernier moment. Puis, un bras sorti de nulle part l’attrapa par la taille et la ramena brusquement derrière un mur de briques, la protégeant d’un jet d’eau puissant.
Affolée, elle chercha à se défaire de la poigne qui la retenait. Un individu à la carrure athlétique la maintenait plaquée si étroitement contre son torse qu’elle n’arrivait même pas à tourner la tête pour distinguer ses traits. Dans un cri de terreur, elle se débattit de plus belle, le frappant au hasard.
— Amélia ! Arrête ! tonna une voix inflexible à son oreille.
Elle figea net en reconnaissant cette intonation rude. Croyant que son esprit lui jouait des tours, elle repoussa les mèches retombées devant ses yeux et put enfin croiser le regard sombre de celui qui la surplombait quand elle fut retournée en un clin d’œil comme un fétu de paille. Elle eut un choc en apercevant les prunelles d’un bleu acier, mais elle n’eut pas le temps de s’interroger davantage, car une détonation retentit non loin d’eux, l’extirpant de sa torpeur passagère.
Réagissant d’instinct, Noah empoigna Amélia par la main et l’entraîna à sa suite dans une course effrénée. La revoir dans ces conditions le déstabilisait, mais il devait se concentrer sur son environnement pour la sortir de cette situation précaire. En ce qui concernait Juliette, Noah avait pu constater que Zack l’avait atteinte avant que le canon à eau soit pointé sur Amélia. Il avait cru que son cœur allait cesser de battre quand cette dernière fut visée, ce qui ne lui avait laissé qu’une fraction de seconde pour réagir.
Les oreilles bourdonnantes, Amélia avait de la difficulté à garder le rythme derrière Noah. Elle avait l’impression d’évoluer au ralenti, que son esprit s’était déconnecté. Malgré tout, elle sentait le sentiment d’urgence qui émanait de Noah avec une acuité effrayante, percevant le danger dans chacune des fibres de son corps. C’était juste que ses pensées n’arrivaient pas à s’éclaircir, comme si elle était assommée.
De son côté, Noah s’efforçait de rester focalisé sur son objectif : sortir Amélia de cette impasse afin de pouvoir la mettre en lieu sûr. Et pour ce faire, il devait l’extraire de cette foule en déroute, mais la débandade générale rendait sa tâche ardue. Se fermant aux hurlements des manifestants affolés, il se concentra sur Amélia, qui le suivait avec peine et trébuchait à l’occasion. Par chance, il connaissait la ville pour l’avoir arpentée à maintes reprises durant sa jeunesse. Conscient qu’il ne pourrait pas rejoindre sa Jeep à travers cette cohue, il bifurqua dans une ruelle. Étant donné la gravité de la situation, chaque minute qui passait était cruciale. Habitué qu’il était aux missions de terrain, un flot d’adrénaline se déversa en lui, aiguisant ses sens. Même si la situation dégénérait davantage, il s’efforcerait de garder le contrôle sur les événements. Des gens étaient blessés, arrêtés et peut-être tués dans la foulée, mais il devait la préserver d’un sort similaire. Comme pour lui donner raison, une balle siffla à son oreille, arrachant un cri de terreur à Amélia. Par réflexe, il la força à se pencher vers l’avant et n’hésita pas à la recouvrir de son corps massif afin de lui garantir une protection sommaire. Il devait l’extirper de ce bourbier rapidement.
Avisant une porte close devant eux, il s’y dirigea à toute vitesse. Amélia se sentit soulevée du sol. Elle était dépassée, et peinait à s’y retrouver. Elle avait le ventre noué par la peur et n’arrivait pas à aligner la moindre pensée cohérente. C’était comme si son univers entier venait de basculer dans un cauchemar dont elle ne réussissait pas à s’extraire. Un bruit sourd retentit, l’arrachant de son état catatonique. Noah s’acharnait
