Claude Sirois: Pour l'amour de la musique
Par Michel Brûlé
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À propos de ce livre électronique
Claude Sirois, virtuose de la guitare classique, refusa l’étiquette classique proprement dite. Il préféra mélanger les styles en faisant des arrangements de nos compositeurs québécois et des chansons du répertoire des Beatles, des Rolling Stones et des mélodies qui nous bercent depuis toujours. L’auteur relate comment il s’est sorti seul de l’enfer de la drogue en s’imposant rigueur et discipline. Il y raconte les dessous de l’industrie du disque, un monde pas toujours évident. En somme, un parcours intime raconté tout en mettant en perspective l’histoire de certains moments fatidiques de la société québécoise de la deuxième moitié du XXe siècle.
Michel Brûlé
Michel Brûlé est né en octobre 1955 dans le quartier Ahuntsic à Montréal, plus précisément dans ce que l’on appelait autrefois le Sault-au-Récollet. Il a travaillé dans l’industrie alimentaire, mais il se passionne pour la musique, la peinture, les arts, l’histoire, l’archéologie, l’astronomie et l’écriture, mais c’est la nature et la botanique qui demeure sa plus grande passion. Mélomane, amoureux de la musique, il composera plusieurs chansons et pièces instrumentales. Il rencontre Claude Sirois dans le milieu des années quatre-vingt, qui lui fera découvrir les dessous de l’industrie de la musique, du spectacle, mais surtout les multiples facettes de la guitare, et particulièrement la musique classique. Il nous présente son premier livre, la biographie du guitariste classique québécois Claude Sirois.
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Avis sur Claude Sirois
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Aperçu du livre
Claude Sirois - Michel Brûlé
Prologue
J’ai découvert Claude Sirois en 1977. J’avais vingt-deux ans.
Lorsque les fins de semaine arrivaient, avec le peu d’argent que j’avais à ma disposition, j’avais l’habitude de faire le tour des disquaires rues Ste-Catherine et St-Hubert à Montréal, afin de passer en revue toutes les nouveautés musicales qui sortaient sur le marché.
C’est ainsi qu’un jour j’achetai un disque de Claude Sirois, intitulé «Guitare Seule», un mélange d’interprétations d’auteurs québécois et de compositions originales de Claude Sirois. Entre autres, parmi les interprétations, il y avait la célèbre «Complainte du phoque en Alaska» de Michel Rivard et «L’hymne au printemps» de Félix Leclerc. Un nouveau son, une nouvelle couleur de par la guitare à cordes de nylon et les différentes techniques classiques.
Ce disque fut pour moi une révélation. C’était quelque chose de différent. Le premier disque de guitare classique à sortir au Québec. Il me fit découvrir le son de la guitare à l’état pur, comme un retour aux sources.
Grâce à Claude Sirois, beaucoup de guitaristes de l’époque des années soixante-dix délaissèrent leurs guitares électriques (avec leurs pédales d’effets), au profit de la guitare acoustique à corde de nylon. Je fus l’un de ceux-là.
Claude Sirois fut le premier guitariste à commercialiser la guitare classique au Québec.
Virtuose de haut niveau à son époque, il refusa toutefois l’étiquette classique proprement dite, préférant abolir les frontières entre les styles de musique afin de les unir. Claude Sirois demeurera toujours dans son âme un rockeur… un rockeur classique!
Michel Brûlé
Duvernay, Laval
Introduction
Paul McCartney brandit le manche de sa guitare basse et, par saccades, compta «One-two-tree-four» en regardant ses comparses, avant de donner le coup d’envoi de la chanson «All my loving». Précis comme une horloge suisse, le groupe en veston cravate s’exécuta avec classe, mais surtout, avec une énergie électrifiante. Au même moment, à travers l’Amérique, rivées devant leur téléviseur, des millions de personnes, dont moi-même qui écris ces lignes, furent magnétisés.
En cette soirée du 9 février 1964, à l’Ed Sullivan Show, les Beatles, tel un gigantesque tsunami, allaient révolutionner la deuxième moitié du XXe siècle. Il faut dire qu’à cette époque au Québec, il n’y avait pas beaucoup d’émissions de variétés et l’Ed Sullivan Show entrait dans presque tous les foyers québécois francophones.
Dans ma famille, c’était un moment magique durant lequel nous avions le droit de passer au salon, de connaître le confort du divan et d’apprécier l’image en noir et blanc de la grosse télévision à lampes RCA dans son meuble de bois.
Pour Claude Sirois qui, en 1964, n’avait que quinze ans, ce fut le coup de foudre. Cela faisait quelques semaines que tout le monde chantait «She loves you, yeah, yeah, yeah» dans la cour de l’école, sans trop savoir d’où venait cette chanson et surtout, qui la chantait. Le passage à l’Ed Sullivan Show, consécration suprême, vint éclairer le dilemme. À partir de ce jour, tout était clair, net et précis dans l’esprit de Claude Sirois. Il allait consacrer sa vie à la musique. Il allait devenir musicien.
Le petit gars de Duvernay venait de trouver sa voie…
1
All my loving – L’enfance
Né d’un père gaspésien et d’une mère montréalaise, Claude Sirois vit le jour le 30 janvier 1949, à l’hôpital Christ-Roi de Verdun. À l’époque, le couple Sirois demeurait sur la rue Irène à St-Henri, l’un des quartiers les plus pauvres de Montréal.
Sans le sou, ils demeuraient en fait chez les parents de la mère de Claude Sirois. Ils y restèrent six mois, le temps de gagner un peu d’argent.
Le père de Claude Sirois, Ludger Sirois, originaire de Grande-Rivière en Gaspésie et joueur de violon, rencontra la femme de sa vie, Thérèse Laperrière, une fière Montréalaise, lors d’une fête à Montréal. Il remarqua cette jolie chanteuse et lui joua du violon pour la faire chanter, dans tous les sens du terme! Ainsi allait naître un fils unique, fort de ses racines gaspésiennes imbues de musique.
Après un bref séjour à ville St-Laurent, Claude Sirois allait vivre les dix premières années de sa vie au 4629 de la rue Marquette à Montréal, à jouer dans la ruelle comme tous les enfants de son âge. Entre-temps, Ludger Sirois, indomptable mélomane, s’acheta un accordéon. Le jeune Claude fut bercé par le violon, l’accordéon de son père, et les chants de sa mère. Sa sensibilité musicale lui valut même d’être retenu par son professeur de première année pour chanter en solo au spectacle de fin d’année. C’est donc à l’école Notre-Dame-du-Bon-Conseil, en 1954, que le jeune Claude fit sa première prestation sur scène. Pour l’occasion, il interpréta en solo «Le petit enfant au tambour».
La musique était toujours très importante chez les Sirois, et chaque fête un prétexte pour sortir le violon et l’accordéon. Aussi, c’est à l’âge de cinq ans que Claude Sirois se vit offrir sa première guitare. Une acoustique usagée, à cordes de métal, que Ludger Sirois avait rafistolée. Instrument qui, un peu trop gros pour le jeune Claude, passa plus de temps dans le fond du placard qu’entre les mains du futur musicien.
À vrai dire, lorsque Claude voulait accompagner son père au violon, celui-ci avait beau lui montrer quelques accords, il finissait toujours par retourner la guitare pour taper dessus comme sur un bongo. Moins compliqué, et plus agréable… Ainsi passèrent les années 1956 à 1958, entre les bancs de l’école St-Stanislas et l’harmonie musicale du foyer.
En 1959, les Sirois décidèrent de s’établir au 1150 Montcalm, qui deviendra par la suite la Place D’Aiguillon à Duvernay, à Laval, encore en campagne à l’époque, mais où les maisons poussaient comme des champignons à un rythme fou depuis 1955. Le jeune Claude ne tarda pas à s’y faire de nouveaux amis. Juste au coin de la rue, près du boulevard de La Concorde, il s’amusait déjà à cache-cache avec les sœurs Michaud et un certain Serge Fiori qui, comme vous le savez, allait devenir, lui aussi, un adepte de la guitare et … de l’Harmonium! (d’ailleurs, tout au long de ce livre, vous découvrirez que ce fameux quartier Duvernay fut une vraie pépinière d’artistes et de personnalités publiques)
Pour Ludger Sirois et son épouse Thérèse, l’achat de la maison de Duvernay allait enfin leur permettre de concrétiser un vieux rêve: l’acquisition d’un piano. Enfin ils étaient chez eux et pouvaient faire du bruit à leur guise, sans déranger personne. C’est alors que Benjamin Claude se vit offrir des cours de piano, qu’il suivit rigoureusement pendant deux ans avec son professeur, Monsieur Carl Duplessis, de 1961 à 1962.
Les Sirois ne furent pas les seuls à profiter de cette maison pour s’émanciper musicalement. Parfois, le son de saxophone provenant du voisin d’en arrière, sur la rue Champlain, vient rebondir aux oreilles des Sirois qui, avec leurs oreilles musicales, apprécient. Celui qui en est à l’origine est un certain Paul Houde, un saxophoniste invétéré, qui s’avère être le père de Pierre Houde (qui deviendra un très talentueux et sympathique animateur et commentateur sportif) et de Paul Houde, qui porte le même nom que son père. Ce dernier deviendra non seulement un animateur de radio très apprécié et populaire, mais également un comédien à la télévision, au cinéma, animateur et co-animateur d’émissions télévisuelles, commentateur sportif doté d’une mémoire phénoménale et hors du commun, ainsi qu’un grand érudit. Deux frères très talentueux.
C’est donc dans ce coin du quartier Duvernay, où la musique est à l’honneur, que le jeune Claude fut bercé pendant toute son enfance entre la musique western, le folklore, et la chanson française. Sans s’en rendre compte, il allait développer l’oreille musicale de ce qui allait devenir le prélude d’une carrière exceptionnelle.
George Harrison n’avait que douze ans et déjà, aussitôt revenu de l’école, il s’efforçait de reproduire les accords des chansons de Carl Perkins.
Vers l’âge de douze ans, Claude Sirois sortit finalement sa guitare de la garde-robe. Le jeune Claude avait grandi, et celle-ci lui paraissait moins grosse. Néanmoins, après un certain temps à essayer de tirer des sons de l’instrument archaïque donné par son père, Ludger Sirois se rendit à l’évidence qu’il fallait un meilleur instrument. Devant l’intérêt musical suscité par leur fils, les parents Sirois n’hésitèrent pas, et lui achetèrent une belle guitare Harmonie à cordes de métal. Ainsi, entre violon, accordéon, piano et guitare, le jeune Claude n’avait que l’embarras du choix. Ne manquaient que les percussions, pour lesquelles le jeune éprouvait une attirance indéniable: marches militaires, fanfares, et tout ce qui avait du rythme… la «beat generation» s’éveillait!
En 1963, au Québec de la Révolution tranquille, la musique prenait de plus en plus de place au quotidien. Les arts plastiques et la musique avaient désormais une place prépondérante à l’école. L’époque du Refus global était terminée. Le Québec pouvait enfin s’ouvrir aux arts sans limites, sans subir les foudres du clergé. Révolution en santé, en éducation, et un certain René Lévesque, Ministre des richesses naturelles, qui milite de façon… électrique! Grand bien nous fasse!
Il y avait toujours un disquaire dans chaque arrondissement et les 45 tours en vinyle étaient abordables pour toutes les bourses. Le palmarès musical était suivi religieusement, et ce, tant francophone qu’anglophone. Tout le monde avait sa petite radio transistor et son tourne-disque, communément appelé «pick-up» à la maison, et dont les aiguilles ne faisaient pas long feu. Pour ce qui est du tourne-disque à lampes, quand celui-ci ne fonctionnait plus, il s’agissait d’emporter les lampes à la pharmacie la plus proche et de les vérifier sur une machine spéciale… rien de plus simple. Voilà donc le jeune Sirois, dans ce contexte d’époque, écoutant religieusement ses 45 tours et essayant de reproduire le plus fidèlement possible ses morceaux favoris. Déjà à quatorze ans, il impressionnait ses amis par sa capacité à reproduire certaines pièces que ceux-ci lui suggéraient. C’est ainsi qu’une fois de plus, il se retrouva à chanter au concert de fin d’année, pour sa septième année, à l’école St Victor, tout en s’accompagnant au piano. Il surprit l’auditoire en interprétant la chanson «Fait un vœu».
En 1964, à l’âge de quinze ans, arrivèrent les Beatles. Un véritable coup de foudre! (en bon jargon québécois: Pt’ i-Claude a capoté! Complètement viré s’ul top!) Ce même soir, le 9 février 1964, alors que les Beatles se produisaient pour la première fois au Ed Sullivan Show, Claude Sirois tomba en transe et déclara solennellement à ses parents:
«Voilà ce que je vais faire dans la vie… Je serai musicien…»
Le phénomène Beatles - Rolling Stone engendra le phénomène d’association.
Tout d’un coup, la jeunesse de cette époque – qui voulait faire de la musique comme leurs idoles – formait des groupes par centaines. Claude Sirois embarqua à pieds joints dans ce courant culturel. Avec ses amis, Robert Guiristante à la batterie, Guy Thifault à la guitare basse et Daniel Cloutier à la guitare rythmique, un premier embryon de groupe sans nom allait voir le jour.
2
She loves you - Les Georgia
De 1964 à 1966, on comptait plus de quatre cents groupes au Québec. Tout ce beau monde s’exécutait dans les sous-sols des églises, les salles communautaires et les écoles. Les magasins d’instruments de musique, quant à eux, roulaient à pleine vapeur. Ainsi, à Montréal, il n’était pas rare de voir des membres de groupes connus tels que les Classels, Bel Canto, Michel Pagliaro des Gants Blancs, dans les deux magasins d’instruments de la rue St-Hubert, soit La Tosca et Marazza Musique. Les gros centres commerciaux fermés n’existaient pas encore et la rue St-Hubert était la principale artère commerciale du nord de Montréal. Les «pawnshops» de l’ancienne rue Craig, aujourd’hui devenu le boulevard St-Antoine, vendaient leurs camelotes. Donc, quand il s’agissait de remplacer ses cordes de guitare et d’avoir un choix plus vaste en instruments, une incursion sur les rues St-Hubert ou Craig était incontournable.
Voilà donc le jeune Claude avec ses amis devenus apprentis musiciens et, comme ses parents avaient l’esprit ouvert, c’est dans le sous-sol des Sirois qu’ils se réunissaient pour faire de la musique. Robert Bobby Guiristante n’avait pas encore de batterie. Il utilisait donc la caisse claire et la cymbale des Sirois. Hé oui! Les percussions, l’élément manquant à la panoplie d’instruments des Sirois. Encore un cadeau de Noël des parents Sirois que cette fraction de batterie. C’est pour dire toute l’ouverture d’esprit des parents Sirois que de donner un tel cadeau à leur fils à Noël. S’ensuivit un joli tintamarre, où Claude Sirois accompagnait les disques de marches militaires, fanfares et autres, sans jamais que ses parents ne disent le moindre mot. Au contraire, Ludger Sirois aimait voir son fils développer son côté musical. Voir son Claude taper sur sa caisse claire et cymbale, ça le faisait bien rire.
Mais la guitare était plus intéressante. La caisse claire trouva donc preneur avec Robert Guiristante. À ce moment-là, notre musicien en herbe utilisait sa fameuse guitare acoustique Harmonie. Il s’en accommodait pour le plaisir de jouer en groupe, lors de ces premiers moments informels. Puis un jour, par un pur hasard, probablement le destin, arriva un fait étrange qui allait être