Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L'Africain Blanc: Roman
L'Africain Blanc: Roman
L'Africain Blanc: Roman
Livre électronique271 pages3 heures

L'Africain Blanc: Roman

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Aventure Africaine

Tout en repassant l’histoire, on aborde lentement la côte africaine, la zone tropicale mystérieuse, magique, mal connue. On rencontre les peuples, le tribalisme, le particularisme. On découvre des coutumes indigènes, le charme, les couleurs, les senteurs de la jungle et de la savane. On s’imprègne de l’atmosphère particulière, du climat politique incertain, cruel de l’époque. Un paradoxe avec la douceur de vivre, la légèreté des mœurs qui se mêlaient bien souvent à l’horreur. Pour enfin comprendre pourquoi «L’Africain Blanc» d’alors, aventurier anticonventionnel, fasciné par l’exotisme, par l’érotisme qui s’en dégage, attiré par l’appât du gain, à su s’adapter, s’intégrer, aimer les peuples qui le lui ont bien rendu.

Fiction historique, ce roman jette un regard sur une époque post coloniale, sans faire preuve d’afro-centrisme, de comparaisons hasardeuses, ni d’interprétations fortuites, qui procèdent bien souvent d’une incompréhension des peuples et d’une méconnaissance du continent :

L’aimer c’est le comprendre !
LangueFrançais
Date de sortie6 juin 2017
ISBN9791029006975
L'Africain Blanc: Roman

Lié à L'Africain Blanc

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L'Africain Blanc

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L'Africain Blanc - Philippe Gasnier

    cover.jpg

    L’Africain Blanc

    Philippe Gasnier

    L’Africain Blanc

    Roman

    Les Éditions Chapitre. com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    À Elisabeth, Lauren, Alix grâce à qui ce roman trouve son sens. Vifs remerciements.

    © Les Éditions Chapitre. com, 2017

    ISBN : 979-10-290-0697-5

    « Un conquérant est un homme que les dieux, irrités contre le genre humain, ont donné à la terre dans leur colère, pour ravager les royaumes, pour répandre partout l’effroi, la misère, le désespoir, et pour faire autant d’esclaves qu’il y a d’hommes libres. Un homme qui cherche la gloire ne la trouve-t-il pas assez en conduisant avec sagesse ce que les dieux ont mis dans ses mains ! »

    Fénelon, Les aventures de Télémaque.

    « Tant que les lions n’auront pas leurs propres historiens, les histoires de chasse continueront de glorifier les chasseurs ! »

    Proverbe Africain

    L’Afrique a une grande diversité, des richesses culturelles, naturelles, un sens artistique développé, qui la rendent magique, mystérieuse, attachante, attirante. Terre d’empires et de royaumes éteints, son histoire s’est enfouie au gré du temps, dans les méandres de la modernisation. Les tentatives d’édification d’une grande Afrique qui auraient pu forger l’unité, établir un consensus, ont toutes été démantelées par les rivalités belliqueuses ethniques, souvent attisées par la convoitise des conquérants impérialistes, aussi par faute de légitimité politique. Pourtant elle est belle cette histoire, les africains peuvent s’en saisir, s’ils veulent retrouver l’âme de leurs ancêtres, faire jaillir des racines profondément ancrées. En évoquant un peu de cette histoire, ce livre tente de réveiller simplement une période passée, moment pathétique où l’Afrique jusqu’alors colonisée, accédant à l’indépendance, se trouve confrontée à une forme de néocolonialisme : une aliénation, un assujettissement politique, militaire et économique. Cet ouvrage rend hommage à cette époque charnière à l’aune des indépendances, période qui a propulsé ces pays dans le modernisme. Il fait revivre ces années cruciales « d’Histoire Africaine », ces moments de transition mal connus, parfois décriés à tort, où les jeunes nations se déshabillaient du carcan du colonisateur. Il rappelle dans quel état d’esprit se trouvaient les populations européennes, ces « Aventuriers des temps modernes » détachés de la métropole, le rôle majeur qu’ils ont joué en participant à la création, au développement de ces nouveaux états. L’africain blanc incarne bien ici certains traits caractéristiques de l’aventurier type, qu’évoque André Malraux dans sa préface au Démon de l’absolu : « Un homme qui cherche l’aventure, suscitant le scandale, la perversité, l’intérêt personnel et financier. Il ne veut ni connaitre de contrainte sociale, ni devoir de solidarité mais vivre des péripéties et du risque de la mort… »

    Dans ce roman, à la fois politique, civilisationnel, historique, sentimental, où la fiction rejoint l’histoire, se mêlent alors à l’aventure : passion, érotisme et amour passion.

    « L’introduction de l’élément érotique, donne de la profondeur aux personnages, et rend l’aventurier plus complexe… »{1}

    Tout en repassant l’histoire, on aborde lentement la cote africaine, la zone tropicale mystérieuse, magique, mal connue, on rencontre les peuples, le tribalisme, le particularisme, on découvre des coutumes indigènes, le charme, les couleurs, les senteurs de la jungle, et de la savane. On s’imprègne de l’atmosphère particulière, du climat politique incertain, cruel de l’époque, un paradoxe avec la simplicité, la douceur de vivre, la légèreté des mœurs, qui se mêlent bien souvent à l’horreur, pour enfin comprendre pourquoi l’Africain blanc d’alors, aventurier anti conventionnel, fasciné par l’exotisme, attiré par l’appât du gain, a su s’adapter, s’intégrer, aimer la population de ce continent qui le lui a bien rendu.

    Ce roman n’a pas été écrit par simple nostalgie d’un continent aux multiples facettes, ni pour tomber dans une polémique primaire sur les effets de la colonisation, pas plus pour juger de responsabilités sur des évènements insupportables, encore moins pour entamer quelque joute sur les relations Franco Africaines d’alors. Fiction historique, il jette un simple regard sur l’époque. On peut toutefois arguer, sans vraiment faire preuve d’afro-centrisme, que les critiques, les comparaisons hasardeuses, les interprétations fortuites, procèdent bien souvent d’une incompréhension des peuples, et d’une méconnaissance du continent :

    L’aimer, c’est le comprendre.

    img1.jpg

    Chapitre I

    L’AFRIQUE, UNE HISTOIRE RICHE

    Devenus indépendants vers la fin des années cinquante, les jeunes états d’Afrique, libres, peu préparés, souvent désemparés, ont accepté ex nihilo, la main tendue, la tutelle des grandes puissances qui les avaient colonisés. Lindépendance… Et après ? Sans moyens financiers, militaires, et faute de personnel d’encadrement, ils ne pouvaient s’assumer seuls sans risquer le chaos, ni faire face aux nombreux problèmes sociaux, politiques, économiques, dont ils venaient d’hériter.

    L’héritage était lourd :

    – Un découpage géographique du continent, mal ficelé durant « la conférence de Berlin », faisant fi des nombreuses ethnies, du tribalisme, du particularisme en place.

    « Le tribalisme est inscrit dans nos racines ! » dira des années plus tard le Président du Gabon Léon M’Ba alias Honero, le vieux sage.

    – Une compétition interne, émanant de jeunes intellectuels politisés revenus au pays après des études en Europe, tous prêts à bousculer pour le pouvoir.

    – Une monnaie pénalisante.

    – Un manque cruel de personnel qualifié.

    Tel était : « Le prix de la liberté ! ».

    Mais il fallait faire face. Cette indépendance proposée, discutée, parfois imposée, ne pouvait se concevoir sans l’appui, l’aide, la tutelle d’une grande puissance. Avides d’énergies et de matières premières, ces dernières ne voulaient pas non plus se défaire totalement du contrôle de leurs anciennes colonies, parfois largement convoitées par l’Est en pleine guerre froide.

    C’est ainsi qu’une « collaboration » politico-commerciale intense fut mise en place entre l’Europe et l’Afrique. La France du Général lâchait ses quatorze colonies, et organisait un système tutélaire de substitution : la France en Afrique laissait la place à « La Francafrique ».

    « Ils nous demandent notre aide et notre concours ! Pourquoi les donnerions-nous, si ça n’en vaut pas la peine ? »{2}

    Cette période charnière pour les nouveaux états a vu alors arriver une importante immigration venue d’Europe : techniciens de tous poils, cadres, ingénieurs, conseillers, militaires, politiques, mercenaires…

    En France on les surnommait : « Les expats ! »{3}

    En Afrique c’était « les Africains blancs »

    Cette population attirée par l’exotisme et par les avantages pécuniaires, a apporté « le coup de fouet » nécessaire à l’économie, imposé une certaine sécurité, contribué à la naissance des nouveaux états. On lui doit, cette période florissante qui a permis le décollage des jeunes nations vers la maturité politique et le modernisme. Bien qu’il faille préciser que le produit financier généré à cette époque fut bien inégalement réparti par les gouvernements en place.

    La « Colonisation » était morte, place à la « Coopération » !

    Mais comment en était-on arrivé là ?

    Depuis le XVème siècle, le golfe de Guinée était parcouru par des marins européens. Des navigateurs qui s’arrêtaient lorsque le permettait un abri côtier. Ils y reconstituaient leurs réserves en eau et en nourriture. Rapidement les missions d’évangélisation firent place au négoce. Au commerce de l’or, de l’ivoire, de la malaguette, de l’huile de palme s’ajoutait celui du bois. Le cadeau de quelques esclaves à leurs visiteurs européens par les rois côtiers se muait lentement en un marché lucratif pour les uns et pour les autres. L’idée d’utiliser des esclaves africains ne fut pas longue à venir. Pour travailler les terres vierges conquises dans les Amériques et les Antilles, il fallait des gens solides, habitués à un climat chaud et humide. En 1679, la Cie d’Afrique obtint le monopole de la traite sur la cote de l’or (Ghana aujourd’hui) et la cote des esclaves (Togo). En 1848 l’abolition de l’esclavage en Europe et la révolution industrielle portèrent un coup aux dynasties négrières. Pour les Anglais, l’enjeu devenait principalement économique, pour les Français il était politique :

    La création d’un grand empire !

    Ce fut l’ère des traités « d’alliance », des missions, et des conflits entre grandes puissances dans la course aux territoires : les prémices de la colonisation ! On passait alors des expéditions commerciales aux expéditions coloniales, jusqu’à la conférence de Berlin en 1884 qui mit un terme à la compétition impérialiste, laissant la place au dépeçage du continent. L’Afrique nouvelle était créée, fondée, partagée, depuis l’Europe, sur du papier, et par des politiques qui n’en savaient rien ! Chacun prenait alors sa part du gâteau ! Les conflits entre impérialistes étaient évités, c’était le principal !

    La vie coloniale allait durer jusque dans les années cinquante, traversée par deux guerres mondiales. Les empires allaient se déchirer, s’anéantir, et ouvrir les portes à « l’indépendance ». Une nouvelle population gagnait alors l’Afrique, venue d’Europe, des expatriés, envoyés pour combler les besoins d’encadrement, pour garder le contrôle, pour éviter le chaos :

    Les Africains blancs !

    Chapitre II

    LE RÉSEAU FOCCART, UN SYSTÈME PARALLÈLE

    La France avait donné l’indépendance à ses anciennes colonies. Mais, elle était partie, pour mieux rester !

    Toute la magie de la politique du Général de Gaulle consistait à conserver le contrôle économique et politique tout en donnant cette prétendue souveraineté. Le système Foccart, « Monsieur Afrique », système parallèle, souterrain, relativement totalitaire, allait contribuer à maintenir dans le giron français tous les éléments de la vie politique, économique, sociale et financière de ces pays :

    Au plan économique, la France achetait souvent au-dessus des prix mondiaux, et quand les créances des pays africains étaient trop élevées, elle les effaçait à chaque remise de dette ; une façon détournée de subventionner. En passe de perdre sa principale source d’énergie, dans la guerre d’Algérie, son enjeu était « le pactole énergétique ». On savait combien l’or noire était présent dans le Golfe de Guinée. Encore peu exploités, les gisements principalement off-shore étaient bien répertoriés par les milieux spécialisés. Ordre était donc donné de garder le contrôle.

    Au plan politique, en pleine guerre froide, elle voulait conserver ses anciennes colonies dans l’orbite occidentale. Le choix était simple, un alignement à l’est ou à l’ouest. Cachée derrière des régimes, à « parti unique », qu’elle avait bien souvent installés, consolidés, la France étouffait ainsi, les éventuelles tentatives d’opposition, et tirait les ficelles. Elle avait formé l’embryon de l’administration qui permettait à chaque pays d’avoir son gouvernement. Elle avait multiplié les postes honorifiques. Les présidents, étaient placés par Paris sous couvert d’élections plus ou moins discutables. Protégés et cajolés, ils étaient souvent qualifiés de fantoches, dès lors qu’ils gardaient la ligne pro française qui leur était dictée. Cette théorie du « parti unique » faisait bien souvent tache dans la construction de ces nouvelles démocraties. Alors menacées d’être asphyxiées, renversées, de ne plus être protégées, elles devaient en cas d’insurrection, faire taire tous ceux qui dans leur pays s’opposaient au système, en faisant appel à leur protecteur pour assurer leur longévité politique.

    Ainsi on empêcha volontairement des initiatives judicieuses, qui auraient pu conduire à une forme d’unité Africaine. Les tentatives de fédération étaient mises à mal : Au Soudan Français (l’AOF), la velléité de fédérer des états en Fédération Mali (du nom de l’ancien empire), fut très rapidement réprimée. La fédération « Tchad, Oubangui, Gabon, Congo » avorta également. Pour mieux contrôler, la France préférait placer des hommes choisis, qui naturellement se contentaient d’être des « petits premiers » plutôt que des « grands seconds ». On avait balkanisé l’Afrique. La guerre froide battait son plein, de part et d’autre de l’équateur. Les grandes puissances s’intéressaient bien sûr au pactole que représentait ce continent. Elles pointaient leur nez, attendaient le moment propice pour intervenir. Pour tenter de récupérer un morceau du gâteau. Parfois elles attisaient le feu en sous-main, tout prêt à tirer profit d’une situation précaire, en constante mutation. Les ambassades US regorgeaient de collaborateurs de la CIA, des spécialistes, des fomenteurs de coups d’états en tout genre, déguisés dans des fondations à but dérivé tel le « Peace Corp. ». L’Amérique qui avait tant fait pour démembrer les empires coloniaux, au nom de la doctrine Monroe, « du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes… », elle avait tout à coup oublié ces grandes théories libérales. L’aigle guettait les proies, voulait prendre place ! Quant à l’ours (le Russe), il tendait les bras devant les pots de miel, déversant des centaines de miliciens cubains, tchèques, promettant monts et merveilles. À cet égard la France, jouait son rôle. Entre l’est et l’ouest, elle empêchait l’Afrique de basculer dans l’idéologie Marxiste. Pour contrer les convoitises, il fallait agir rapidement, maitriser la situation, ne pas laisser faire, pallier aux débordements éventuels. L’instabilité de ces jeunes états était grande. C’est ainsi que s’installa : une coopération dirent certains ; un néocolonialisme raillèrent d’autres ; une « Francafrique »{4} rectifiera le président de la cote d’ivoire !

    À Paris, Jacques Foccart « l’homme Afrique » du Général de Gaulle, fort de ses connaissances outre-mer, de son réseau acquis dans les milieux commerciaux, allait devenir le chef d’orchestre de cette politique africaine, qui faisait et défaisait les présidents, à sa guise. Il mettait en place toutes les dispositions utiles, pour assurer la longévité de la France dans l’ex AOF et AEF. Pour conforter son efficacité, il avait besoin d’informations, de nouvelles fraiches, rapides, sures, permettant des réactions immédiates, tant cela sentait la poudre. À cette époque, l’Afrique était très éloignée de la France. Les liaisons directes n’existaient pas ou peu, le téléphone souvent mal utilisé, était peu fiable et rarement fonctionnel dans l’hinterland. Seul le télex pouvait rapprocher avantageusement. Il fallait donc rapidement consolider un réseau. Alors on recrutait localement « d’honorables correspondants » disait Paris, qui installait tous azimuts des postes de liaison et organisait un tentaculaire organe de renseignement. Ancien héros de la résistance, Jacques Foccart s’était entouré de ses amis compagnons de la libération. Aidé de responsables de la cellule du Sdece Afrique, ils organisaient alors le fameux réseau « Jimbo », un service s’appuyant sur des officiers venus d’horizons divers, des hommes d’affaires de tous poils, bien établis localement dans des multinationales. Il était composé d’un tissu hétéroclite, qui permettait d’assister, de renseigner, de répondre à des missions occultes, de contrôler les situations les plus diverses. Ces corsaires de la république confortaient les ambassades, et rendaient compte directement à l’Elysée, des francs-tireurs bien souvent utilisés pour ce qui était inavouable.

    C’est dans ce climat politique instable, en totale mutation que Ben allait approcher la côte africaine pour se rendre à Douala, au Cameroun, où la France avait installé le Président Ahidjo, un Haoussa du nord du pays de confession musulmane. Elle se débattait sur deux fronts : Une guerre tribale contre les Bamilékés à l’ouest soulevés depuis plusieurs années ; un maquis d’opposition en pays Bassa, qui voulait renverser le pouvoir en place. Ben, engagé dans la « coopération », intégré dans ce fameux « Réseau », allait être un acteur à part entière de ces pages épiques d’histoire d’Afrique ! Officiellement détaché à la Socam de Douala, une multinationale dans le transport maritime, il dépendait avant tout de la cellule du Sdece et du Ministère de la Coopération à Paris. Il avait été formé, par les services spéciaux et les commandos de l’air (le fameux corps d’élite des bérets noirs) spécialisé en explosif et en déminage sur la base aérienne de Bremgarten en Allemagne. Son dossier avait été présenté au « manitou » de la cellule Afrique, par Bobby, son instructeur avec lequel il s’était lié d’amitié. Une belle rencontre fortuite sur un court de tennis, la providence ! Héros de la résistance, ancien des SOE de Sir W. Churchill, nageur de combat, agent de « la piscine », Bobby avait été chargé, par l’éminence Afrique du « Général », de la création du réseau de renseignements sur la zone Equatoriale.

    img2.png

    Chapitre III

    L’EMBARQUEMENT, LADIEU

    « Welcome Sir ! Laissez ! Je vais me charger de vos bagages ! » Ben obtempéra machinalement, non sans lancer un regard à Mamie.

    Attentive, l’œil inquisiteur, elle scrutait les moindres détails, émue, fascinée, émerveillée, car le s/s Général Leclerc, fameux navire des Chargeurs Réunis emmenait Ben, son petit-fils, à Douala.

    Avec le s/s Mermoz et le s/s Général Mangin, il composait la flotte qui cabotait le long des côtes africaines, depuis Bordeaux jusqu’à Pointe Noire. Mamie était impressionnée, elle venait de monter à bord d’un paquebot ! Cet endroit représentait beaucoup pour elle ! Le rêve de sa jeunesse ! Tout ce qu’elle avait imaginé dans sa vie, lu, appris par les journaux sur l’épopée des transatlantiques, se trouvait matérialisé tout à coup. Ce rêve de jeune fille qui l’avait habitée si fortement, se rappelait à elle brutalement, ce rêve qu’elle n’avait jamais pu assouvir, et qui était resté ancré dans sa tête.

    Alors elle se disait : « Voilà, je suis enfin à bord. »

    Le Stewart impeccablement vêtu de noir et blanc s’empara des bagages et se mit à arpenter les longs couloirs du navire pour rejoindre la cabine N°2. Mamie et Ben lui emboitèrent le pas. Ils s’y rendirent au travers d’un dédale de couloirs feutrés ou même Thésée ne s’y serait pas retrouvé ! Les murs étaient richement décorés de motifs africains très colorés, de larges branches de palmiers cachaient des couchers de soleil éclatants. Un parfum tropical se dégageait déjà des entrailles du navire. Mamie, très émue restait sans voix, et suivait consciencieusement le bagagiste. L’épaisse moquette rouge foncé aux motifs fleuris, dans laquelle ses talons s’enfonçaient, rappelait déjà la jungle, et donnait l’impression de marcher sur de la mousse. Un vrai délice !

    Arrivés à la porte de la cabine, un détail attira l’attention de Ben, le Stewart portait un gilet à rayures vertes et noires, le même que celui de Nestor, le majordome du capitaine Haddock, curieuse coïncidence, lui, qui avait nourri son atavisme pour l’Afrique, au travers des albums d’Hergé, lus et relus les aventures de Tintin au Congo, baigné son imagination dans les intrigues, les découvertes des explorateurs. Il s’interpella, comment ne pas y voir, un signe du destin qui le guidait sur sa nouvelle route.

    Mamie était venue accompagner son protégé, l’aider à affronter ce départ vers l’inconnu, vers l’Afrique, mais aussi vers une nouvelle vie ! Elle appréhendait cette séparation, qui allait lui causer beaucoup de chagrin, à contrario se félicitait aussi de voir Ben heureux et épanoui ! Allait-elle le revoir ? Etait-ce un adieu ? Autant de questions inquiétantes qui trottaient dans sa tête. Comme elle n’était pas femme à se laisser aller à ce genre de sentiments, oubliant sa tristesse, délaissant ses angoisses, elle s’appliqua à réconforter son protégé, et plutôt à profiter de cette opportunité de passer un court moment à bord. Armée d’un caractère à toute épreuve, d’un naturel optimiste, elle ne voulait pas gâcher cette chance inespérée qui lui était donnée de faire naitre un instant son rêve d’enfant tant désiré, trop longtemps attendu. Elle ne l’avait malheureusement jamais réalisé, sinon vécu qu’au travers de récits et d’échos de membres de sa famille. Jeune fille, elle avait été éprise de désirs d’évasion, de vie d’aventure ; elle s’en était nourrie au travers des lectures de la Comtesse de Ségur. Durant sa jeunesse, en pleine révolution industrielle, à la fin du XIXème siècle, elle avait été fascinée par les grandes inventions, l’expansionnisme des empires, par le nouveau monde qui se découvrait, qui en quelque sorte pointait son nez vers la modernité. Malheureusement en ces temps, les femmes ne votaient pas, et dans son milieu bourgeois, elles n’apparaissaient que pour conduire la famille. L’éducation et les tâches ménagères leurs étaient réservées. Les études étaient « chasse gardée » du genre masculin. Mamie, à son grand regret n’avait pu se présenter au diplôme du baccalauréat ! Cela ne se faisait pas ! Les femmes ne participaient pas encore aux grandes transformations de la société. La vie active était largement réservée aux hommes qui jalousement se l’accaparaient. Alors, résignée, elle avait choisi, par devoir ou obligation, une vie casanière et équilibrée de bonne ville de province. Elle conservait en elle, malgré tout, les rêves de voyages et d’exotisme, gardés précieusement dans son imaginaire. En

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1