Ce que j'ai vu m'interroge
Par Patrick Talom
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Aperçu du livre
Ce que j'ai vu m'interroge - Patrick Talom
Teresa
PREMIERE PARTIE : CE QUE J’AI VU M’INTERROGE
I. CE QUE J’AI VU
J’ai vu la souffrance, j’ai entendu crier la souffrance, j’ai touché la souffrance. J’ai été frappé par les souffrances. Et je me suis posé une question : pourquoi tant de souffrances ? La problématique de la souffrance reste l’une des plus grandes énigmes de notre humanité. Quelle que soit sa forme, la souffrance déconcerte. Elle nous fait peur rien qu’à y penser, et c’est normal ! Normal car lorsqu’elle vient frapper à notre porte, la souffrance hôte la dignité et vole le sourire presque toujours à 90 %. Il faut avoir eu à fréquenter le monde de la souffrance ou des personnes souffrantes pour mieux comprendre dans presque sa totalité ce qui s’y passe et ce qu’on y ressent. Chacun de nous a côtoyé la femme seule sans enfant, la famille avec enfants délaissés, le jeune couple privé de procréation, le chef de famille ayant perdu épouse, enfants et trésor familial ! Il y en a encore.
J’ai vu une jeune femme perdre son époux le jour même du mariage !
J’ai vu un vieux couple perdre son premier bébé trois mois après sa naissance !
J’ai vu des balles perforer les reins d’un chef de famille rentrant du travail !
J’ai vu un homme abandonné dans une maison de retraite et y mourir seul, sans visite familiale pour l’entourer dans ses vieux jours !
J’ai vu des adolescents agresser violemment un vieillard dans la rue !
J’ai vu une fiancée pleurer car trahie et tenter de suicider !
J’ai vu un homme aller en prison à la place du coupable !
J’ai vu pleurer des parents privés du respect de leurs enfants !
J’ai vu une épouse hospitalisée sous les coups quotidiens de son mari saoul !
J’ai vu une famille dormir dans la rue faute de maison !
J’ai vu une jeune fille digne perdre sa virginité sans pouvoir se défendre face à des agresseurs !
J’ai vu un médecin pleurer faute de moyens pour sauver son patient !
J’ai vu des familles vivre dans des marécages !
J’ai vu un jeune être refusé à un concours auquel il avait réussi !
J’ai vu toutes ces personnes avoir en commun une seule chose : la souffrance.
Et Surtout ne me dites pas que vous n’étiez pas au courant de tout cela !
Et Surtout ne me dites pas que ce n’est rien du tout par rapport à d’autres situations !
Et Surtout ne me dites pas que vous avez vécu pire que cela car :
Aucune souffrance n’est désirée par personne !
Aucune souffrance ne peut faire l’objet de notre indifférence !
Aucune souffrance ne peut faire l’objet d’un fou-rire !
Aussi petite que soit une souffrance, elle reste une souffrance.
La souffrance vole à celui qui la vit une partie de son bonheur. Et même si vous avez été un roc face aux drames qui vous ont frappé, ne vous moquez pas de celui qui a du mal à s’en sortir, car moi aussi je vous dirais :
Je connais une personne qui n’avait ni pied ni main, mais qui était heureuse.
Je connais une personne privée d’eau et de lumière mais toujours propre et en santé.
Je connais un monsieur vivant avec un cancer mais plein de chaleur.
Je connais une veuve abandonnée de ses enfants mais rayonnante.
Oui, je connais des souffrances heureuses.
Face à la souffrance, chaque être est unique et on ne se relève pas de la même manière. Certaines personnes ont des prédispositions naturelles pour faire face à toute éventualité, d’autres ont besoin d’un coup de pouce, d’autres encore ont besoin d’être accompagnées toute leur vie. C’est pourquoi mon expérience de la souffrance me pousse à essayer de mieux comprendre les différents visages de la souffrance et comment aider les autres à les affronter.
II. QU’EST-CE QUE LA SOUFFRANCE ?
Voici comment le dictionnaire numérique Encarta 2008 définit la souffrance.
Souffrance : nom commun - féminin (souffrances).
1. Douleur morale ou peine extrême.
Exemple : la souffrance de la solitude.
2. Fait (pour quelqu'un) d'avoir mal ou d'endurer une chose pénible.
Exemple : soulager la souffrance des démunis
3. Douleur physique.
Exemple : sa fracture lui cause des souffrances abominables
En somme, il ne faut pas lire la souffrance de l’homme à travers le seul critère de la peine physique que tout le monde voit. Beaucoup de personnes traînent dans leur vie des traumatismes purement moraux qui conduisent les plus faibles à des actes de désespoir tels que le suicide. Quand on sait comprendre ces catégories de personnes, on peut les aider à avoir confiance en l’existence. Essayons donc de comprendre des cas majeurs.
III. DIFFÉRENTS TYPES DE SOUFFRANCES
1. La souffrance physique
Dans la souffrance physique, on voit immédiatement le corps physique, la douleur générée par l’effort de notre organisme. Lorsque notre corps est touché, la douleur est instantanée. La femme qui enfante en salle d’accouchement souffre. Le cultivateur souffre physiquement pour labourer son champ. L’individu qui vient de voir sa jambe broyée par un accident souffre. Celui qui se réveille en pleine nuit par la douleur atroce d’une dent malade souffre. Le cardiaque, le cancéreux, le drépanocytaire, l’obèse et l’autiste portent des douleurs qui nous bouleversent. La souffrance physique montre que nos nerfs ont été touchés dans un choc ou bien que le corps fait face à une situation étrangère à notre organisme. Qu’en est- il lorsque la souffrance ne peut se voir des yeux nus ?
2. La souffrance psychologique
Elle a trait à notre état d’âme, aux mouvements de notre esprit. Celui qui souffre moralement ou psychologiquement vit un vrai déchirement intérieur que très souvent les simples calmants des hôpitaux ne peuvent traiter. Le problème est intérieur. Il étouffe en lui et cherche des choses qui ne sont pas forcément visibles pour soulager sa peine. La perte d’un conjoint, la perte d’un emploi, la rupture d’une liaison amoureuse, la trahison d’un ami, l’abandon de toutes les relations, des souvenirs mauvais, le refus de pardonner à des personnes qui nous ont fait du tort. Ce sont autant de situations qui peuvent déclencher une douleur dans l’âme et l’esprit. On verra parfois que les personnes qui souffrent sur le plan psychologique auront tendance à être agressives, déprimées, très pensives et voire repliées sur elles-mêmes ou hyper-concentrées sur quelque chose qui occupe l’esprit. La souffrance psychologique est surtout liée aux blessures intérieures, à l’incompréhension de notre entourage immédiat ou de l’être aimé, l’incapacité à pourvoir transcender des situations quotidiennes ou encore à un attachement excessif à de choses matérielles de telle manière que la forte dépendance nous empêche de nous réaliser en autre chose.
3. La souffrance matérielle
La souffrance matérielle est l’incapacité de subvenir à ses besoins élémentaires quotidiens. Pas facile quand on n’a rien à manger ni où se loger. Nombreuses sont les personnes qui vivent sans eau ni électricité, sans savon ni médicament. Combien de fois n’a-t-on vu des enfants arrêter l’école faute de moyens financiers ! Que de chefs de famille incapables d’agir à l’hôpital face à la maladie de l’épouse ou des enfants car totalement démunis. Tout cela ce sont des souffrances de chaque jour.
4. La souffrance spirituelle
Le domaine spirituel de la souffrance est une lutte mentale pour être en harmonie avec l’Être Suprême dont nous dépendons et auquel nous devons nous soumettre. On cherche une réponse divine à nos malheurs et on n’obtient aucune réponse. Le « pourquoi » et les « pour quoi » se heurtent à un mur de silence. Alors, profitant de notre faiblesse mentale, gourous, guérisseurs, voyants et tous les charlatans du bonheur nous embarquent dans leurs univers d’illusions. Nous nous retrouvons à pratiquer de la prostitution spirituelle en embrassant tour à tour telle ou telle église, tel ou tel groupe de prière, tel ou tel cercle mystique, puis nous finissons dans l’anéantissement psychologique, social et physique. Généralement ce sont les souffrances multiples de la vie ou la recherche de la facilité ou encore le désir de la gloire et de la domination qui conduisent à cet engrenage du malaise spirituel.
IV. LE PARADOXE DE LA SOUFFRANCE VU D’EUROPE
Lydie François, vice-présidente de l’Association PALYROM, nous fait part dans cet article-témoignage, inédit, de l’autre visage caché de la belle Europe. C’est un point de vue d’un quotidien que parfois on ignore ou l’on fait semblant de ne pas voir tout simplement. On fait tout pour que cela ne soit pas connu. Nous sommes habitués aux Champs Elysées, au bon fromage, aux belles plages, au très bon niveau de vie. Le paradoxe, c’est qu’effectivement derrière ce standing élevé de vie matérielle apparent se cachent aussi souvent de grandes blessures intérieures, sources de souffrances.
Elle le dit si bien : « Ce ne sont pas de réflexions scientifiques, ni sociologiques j'en serai incapable, juste des observations et du ressenti face au vécu… La souffrance est un état qui dérange en Occident. Les gens n’aiment pas souffrir, le niveau de vie et les progrès technologiques nous poussent vraiment à cela. Cinq minutes de retard d’un avion sont un drame. Une pluie qui nous surprend et alors que la météo l’avait prévue fait bouder toute la journée. Un invité surprise à l’heure d’un repas, c’est impensable. Des adolescents sans téléphone, c’est presque introuvable. Une douleur lors d’une injection curative est tout aussi dramatique. Un changement de programme brusque fait rouspéter. Un travail pénible est une mortification. Des vacances annulées, une catastrophe pour l’équilibre intérieur. S’imaginer vieillir et mourir alité n’est plus tolérable et pire ne plus jouir des plaisirs de la vie est insupportable et poussent certains à demander l’euthanasie. Les gens au fil des années ont eu une file d’acquis sociaux auxquels ils sont devenus dépendants pour ne pas dire « accros ». Tout est mis en place pour limiter au maximum la souffrance à différents niveaux de la société. Souffrir n’est plus dans nos pensées et pourtant la souffrance est là chaque jour autour de nous dans les endroits insoupçonnés. Elles se manifestent par l’anxiété, le stress, la dépression, le rejet de l’autre, l’indifférence face à la situation d’autrui ou la liberté devenue libertinage. Les plus grandes souffrances des pays développés ne sont plus d’ordre matériel mais beaucoup plus psychologique, affectif, moral et mental.
Les personnes âgées.
Devenir une personne âgée est devenu source de souffrances dans beaucoup de pays développés. Les progrès scientifiques et la bonne qualité de vie nous permettent de vivre plus longtemps sans pour autant réussir à arrêter le vieillissement. Nous vivons de plus en plus vieux, le nombre de centenaires est en progression constante. On pourrait s'en réjouir, dire magnifique
. Hélas ! On est vite rattrapé par la réalité. Contrairement à d’autres pays ou vieillir vous met au cœur de la société comme source de sagesse et de respect, vieillir est devenu une souffrance pour beaucoup de personnes dans les pays développés. Outre l'aspect financier qui est déjà à lui seul récurrent (paiement des retraites, prise en charge des maladies, etc..), la vieillesse des personnes âgées cache de grandes