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D'Artagnan
D'Artagnan
D'Artagnan
Livre électronique335 pages4 heures

D'Artagnan

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À propos de ce livre électronique

C’est l’histoire de la vie de D’Artagnan, d’après les archives militaires et récits de ses compagnons, loin du récit de Dumas : Athos mort en 1643, Aramis et Porthos ont quitté les mousqutaires assez tôt, le dernier en 1650. D’Artagnan a servi les rois Louis XIII et Louis XIV au détriment d’une vie privée étant toujours par monts et vaux loin de sa famille et de ses enfants.
LangueFrançais
Date de sortie23 juil. 2012
ISBN9782312003610
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    D'Artagnan - André Goineaud-Bérard

    cover.jpg

    D’Artagnan

    André Goineaud-Bérard

    D’Artagnan

    Le vrai capitaine

    des Mousquetaires du Roi

    LES ÉDITIONS DU NET

    70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux

    À Nicolas et Thomas.

    Du même auteur

    Une page d’histoire de maquisard en Périgord. Prix Saint-Exupéry, médaille d’or (Gloria) de l’Académie Internationale Francophone, Jeux floraux Aquitains, 1996.

    Tendre jonessa chas menina (en langue d’Oc). Prix de la félibrée au concours littéraire 1996. Le Bornat du Périgord.

    Maquisard en Périgord.

    Préface d’Yves Guéna, Imprimerie Moderne, Périgueux. Prix « hors concours » du jury, Médaille d’argent de la ville de Bordeaux aux Jeux floraux Aquitains 1998.

    Les fiancés de Nha Trang. Éditions du Sablier, Coutras, Tome XII, 2000. Médaille de bronze de la ville de Toulouse.

    Templiers périgordins (du Périgord ou en Périgord).Templiers incarcérés à Domme (70 Templiers amenés de Paris en 1311)

    In Bulletin de la Société Historique et Archéologique du Périgord, tome CXXVII, 2000.

    Templiers et Hospitaliers en Périgord.

    PILOTE 24 éditions, Périgueux, 2003.

    FORTON de BRESSAC chevalier périgordin du temple, gardien du Saint Graal (1276-1321) .PILOTE 24 édition, Périgueux, 2003.

    INDO 46 (C’était encore l’Indochine Française). PUBLIBOOK Paris, 2003. Réédition 2008.

    Maquisards à 17 ans. Préface Yves Guéna.

    La Lauze, Périgueux, 2005.

    Sur les pas de JÉSUS AU CACHEMIRE le grand secret de Yuz Asaf. Éditions Trajectoire, Paris 2010.

    © Les Éditions du Net, 2012

    ISBN : 978-2-312-00361-0

    N’est pas Gascon qui veut
    img1.png
    D’ARTAGNAN

    Avant-propos

    Encore un ! Direz-vous en voyant le titre de ce livre, oui encore, mais c’est suite a une étude approfondie de cette période, que j’ai décidé d’écrire la vie de d’Artagnan et de ses compagnons.

    Alexandre Dumas, s’inspirant des premiers livres sur le sujet[1] nous a enchanté avec Les Trois Mousquetaires, mais la réalité est un peu différente, les compagnons de d’Artagnan, Aramis, Athos et Porthos, ont quitté la Compagnie des Mousquetaires assez tôt : Athos entré en 1641 est mort dans un duel en 1643. Aramis entré lui aussi en 1641, a quitté la Compagnie en 1650. Porthos entré aux Gardes en 1642, fut blessé et fut affecté à la citadelle de Navarrenx comme garde des munitions.

    Mais Artagnan, Besmaux et Tréville ont bien marqué leur passage dans les mousquetaires et Dumas les a peints criants de vérité. Les dates ne correspondent pas toujours à la réalité, faisant rajeunir les mousquetaires dans le siècle. Henri Clouard un des biographes de Dumas a pu dire avec justesse :

    « La solidité littéraire des romans historiques, d’Alexandre Dumas leur vient des destinées et des croisements de destinées qui font de la vie regardée à travers les récits du romancier un théâtre merveilleux. Dumas a réalisé son œuvre grâce à un génie de l’assemblage et de la construction. »

    Il aurait pu ajouter : et surtout avec l’aide de son « nègre » Auguste Maquet qui en a revendiqué une grande paternité, ce qui est reconnu.

    Les Trois Mousquetaires furent publiés en feuilleton dans le journal Le Siècle du 14 mars au 14 juillet 1844 ; puis édités en volume la même année, avec le succès que l’on connaît.

    Nous ne visons pas si haut, mais simplement à vous faire connaître qui étaient en réalité nos mousquetaires.

    De Loupiac à Paris

    C’est à la fin du printemps 1632, que nous prîmes la route de Paris, nous étions trois drôles de dix-sept ans qui voulions être mousquetaires : Charles de Batz de Castelmore, François de Montlezun, et moi Amanieu de Lectoure.

    J’étais formé au maniement des armes par mon père qui était un fin bretteur et bon moniteur, ayant fait ses armes avec Henri IV dans la compagnie de ses gardes et à la célèbre et courte bataille de Coutras. Pour les lettres je me défendais à peu près, Le précepteur nous avait appris tout ce qu’il savait, et la « vie » nous avait apporté le reste de connaissances.

    Nombres de nos aînés avaient été mousquetaires et leurs récits avaient enflammés notre jeunesse. Je ne comprenais toujours pas comment on avait pu donner un tel sens au mot mousquetaire, alors que chez nous en notre midi, mosquetaire veut dire : endroit plein de mouches. Il est certain que la plume, cette accoucheuse de l’esprit, ne voit pas les mêmes définitions ici qu’à Paris.

    Nous étions pressés de partir, car dans la région on n’assistait plus qu’à des enterrements, suite à l’épidémie de peste.

    Le 25 mars une grande procession avait été organisée, pour pouvoir (pensai t’on) obtenir la régression. On commençait seulement maintenant apercevoir une éclaircie.

    Charles de Batz avait décidé d’emprunter le nom de sa mère, Françoise de Montesquiou d’Artagnan. Car la famille Montesquiou d’Artagnan est mieux introduite à la Cour que la famille de son père, à laquelle Artagnan une seigneurie de Bigorre appartient.

    Nous avions pu bien nous harnacher parce que, avec tous ces décès le matériel ne manquait pas, et même les chevaux nous furent vendus à un bon prix, sans vider nos bourses.

    Notre relâchement à Agen, est à marquer d’une pierre blanche car, nous étions dans une bonne auberge, où l’on nous servit un cassoulet maison aux haricots et pruneaux. Nos chevaux eurent droit à de l’avoine et de pruneaux dénoyautés.

    C’est vous dire, qu’à la sortie d’Agen, c’était un tonnerre de ventelement, même les chevaux aiguillonnés par les bruits, y allaient eux aussi dans la musardaille.

    Après la traversée en barque de la Dordogne, en arrivant à Bergerac, nous fûmes chahutés par des jeunes gens qui nous lancèrent des pierres, nous prenant pour des nervis de Louis XIII qui venaient de détruire les remparts et la forteresse des calvinistes.

    Théobon de Pardaillan, gouverneur de Monflanquin, que nous rencontrons à l’auberge, nous dit que le problème de l’église est à nouveau reposé par les catholiques qui contestent l’arrêt du 22 mars 1603 trop favorable aux protestants, selon eux. Sujet de controverse d’autant plus vif que la proximité du temple et de l’église fait que les uns et les autres sont ordinairement interrompus en faisant le service tant par les chants que par le son des cloches

    À Périgueux, où nous étions deux jours plus tard, en fin de jour, il n’y avait plus de problèmes religieux. La cité a bien changé depuis le temps des Pétrucores, unie en 1251 avec le Puy Saint-Front, elle est devenue la capitale du comté du Périgord, nous dit l’aubergiste : « Vous savez que cet hiver il y a eu de très grandes maladies, si bien que les médecins firent défense de tenir des pourceaux et pigeons en ville et de tenir les rues nettes, il n’y eut pas de suite car la maladie cessa, heureusement ! ».

    Après ces « bonnes paroles » et l’appétit assouagé nous avons fait le tour de ville, et nous rentrions en tantolant, après de nombreux brindes, par la rue Aubergerie bordée d’hostaux, de boutiques closes et de gargotes.

    Des puterelles nous interpellent :

    – Venez galapians, nous allons vous racoler et mignoter.

    Nous passons devant elles les joues en feu, il n’est pas question de dépenser nos maigres pécunes. Nous accélérons notre marche pour tomber à l’angle de la rue, sur un groupe de trois garçons de notre âge, mais malonests, ils nous traitent d’estoufets et demandent de leur donner nos surcots en montrant leurs costels. Les malheureux, ils ne savaient pas à qui ils s’adressaient. En un Randon, nos épées à la main nous les plaquons contre le mur, ils n’en mènent pas large et lâchent leurs maigres armes.

    – On voulait seulement vous lutiner, dit le plus âgé, on n’est pas malvoisiés.

    – C’est bien, mais ne vous retrouvez pas sur notre chemin.

    Ils sont partis à vau déroute.

    Tôt le lendemain, nous avons repris la route, sur l’ancienne voie Romaine, chevauchant sans fin dans de denses forêts, où nous avions seulement que des sangliers et cervidés qui nous accompagnaient un bout de chemin, quelques loups nous suivaient un moment, mais sans s’approcher.

    Nous avons fait escale à Châlus, au pied de la tour dominant la haute vallée de la Tardoire. J’eus une pensée pour Richart Côr de Lion (Richard Cœur de Lion) mort ici en 1199. L’aubergiste nous déclama les vers que Richard écrivit lors de sa captivité en Germanie :

    Sai Ja nuls hom pres non dira sa razon

    Adrechament, si com dolens non,

    Mas per conort deu hom faire canson ;

    Pro n’ay d’ami, mais paure son li don,

    Anta lur es, si per ma rezenson

    Soi dos yvers pres !…

    Jamais nul homme captif ne dira sa raison

    Adroitement, ainsi que l’homme affligé, non !

    Mais pour consolation on doit faire chanson.

    D’amis, j’en ai assez, mais pauvre sont leurs dons

    Honte à eux, si pour payer rançon,

    Je suis ici deux hivers, prisonnier ! …

    Nous avons quitté ce lieu en finissant la bréjaude avec un boudin de châtaignes en faisant un bon chabrot, offert par l’hôtelier versefieor.

    Puis, ce fut Limoges où nous logeâmes dans l’ancienne commanderie du Temple, dans le quartier de la Boucherie, en montant vers l’église Saint-Pierre du Queroix. Maintenant c’est un hôtel de l’ordre de l’Hôpital, dépendant du prieuré de Toulouse, dont le grand prieur est Alexandre de Vendôme, fils d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrée, qui a été nommé général des galères de la religion.

    Nous apprenons que Richelieu s’est emparé le 29 mars, jour de Pâques de l’importante place de Pignerol. D’Artagnan (c’est ainsi maintenant que je l’appellerai) dit : cela nous laisse froid, aucun de nous ne sait où est ce Pignerol, c’est peut-être le nez du cardinal.[2]

    On se traînât ensuite jusqu’à Orléans à l’hôtel des Trois Maures, où nous restâmes trois jours. Là, un nommé Voiture, nous rabâchât ses poèmes, sur les voyages :

    « Dans Orléans cent harangues, se firent au chancelier

    Et l’on vint supplier, en dix-huit sortes de langues :

    Les trois mores furent pleins de maires et d’échevins.

    Belles l’honneur de notre âge, et le but de nos souhaits

    Sur l’air du branle de Metz, apprenez notre voyage,

    Mais pleurez en le chantant, car nous en faisons autant.

    Nous vîmes dedans la nue, la tour de Montlhéry

    Qui pour regarder Paris, allongeait son col de grue.

    Et pour y voir vos beaux yeux, s’élevait jusques aux cieux ».

    Mais on n’en resta pas là car il y avait aussi à l’hôtel un gars un peu de chez nous : Goudouli de Toulouse, qui nous serina son chant royal : Les oiseaux de Tydore. Bien sûr, le tout en cette belle langue d’Oc.

    Nous arrivons à Chartres, en pleine foire des chevaux, les nôtres sont dépareillés et assez fatigués, mais ils ont encore belle allure. Avant de les faire examiner par le charron pour le ferrage, nous les proposons à la vente. Ici aussi après la peste, les prix sont trop bas et ne trouvant pas de chevaux gris (couleur de ceux des mousquetaires du roi) dont aucun de nous n’en possède, le mien est tacheté de marron, celui de François est blanc noir, et le cheval de d’Artagnan est un mélange d’arabe et d’andalou, avec une robe tachetée de marron rouge et les paturons blancs.

    Nous décidons de les garder et allons dans le Grand-Faubourg, loger à l’Hôtel du Chapeau-Rouge, qui a de grandes écuries.

    Devant l’hôtel un groupe de clients se disputent, mais s’arrêtent net en nous voyant. L’un d’eux au nez fleuri, se plante devant le cheval de d’Artagnan.

    – Quel est cet animal ? Voyez mes amis, il ressemble au commencement à une grande biche, et à l’arrière à un baudet, dont on aurait modifié la queue pour en faire un balai.

    – Ah ! Vous croyez que l’on peut se moquer de mon cheval, sans attaquer le cavalier, en garde monsieur que je vous démontre ce que l’on peut faire avec une bonne lame.

    D’Artagnan avait dégainé son épée.

    – Bigre ! Voyez ce morveux, il se prend pour un homme, avec son cheval de cirque.

    Il n’eut pas le temps d’arrêter de rire que son chapeau et sa perruque volaient de l’autre coté de la rue, d’un tournemain d’Artagnan l’avait décoiffé, avec son épée.

    – Mon cheval se cabre et m’aide à vous débarrasser de cette vilaine perruque qui cache un mauvais melon, ajouta d’Artagnan.

    – Tu veux te battre, mordiou ! Viens demain matin avec trois témoins, à six heures Place des Halles, c’est à coté.

    – Nous y serons, je ne voudrais pas que monsieur de Tréville, apprenne que je me suis dégonflé. (D’Artagnan avait une lettre d’introduction pour monsieur de Tréville, lieutenant de la Compagnie des Mousquetaires du Roi).

    Le décoiffé, s’adressant à ses compagnons spectateurs : Vous avez entendu, ce morveux, qui se vante de connaître de Tréville, ce n’est pas bon pour nous, mais je ne crois pas qu’il a commandé à ce jeunet de nous surveiller. Jehan prépare les chevaux et prévient Milady, il ne faut pas qu’elle se retarde.

    A l’hôtel, on discutait de ce prochain duel, on ne pensait pas que le décoiffé viendrait.

    D’Artagnan regardant autour de lui, dit : il faudrait trouver un troisième témoin.

    Un homme à la table à coté, se leva :

    – Je suis vôtre homme, il faut bien s’entraider entre gascons, je me présente : Hilaire Pierre Marcadé de Blinval, écuyer, mousquetaire du roi (1e compagnie),

    – Un mousquetaire ! C’est un honneur, pour nous qui rêvons de le devenir, mais il faudra être matinal.

    – Cela ne me dérange pas, j’ai l’habitude des levers tôt, et d’autant plus, que demain matin, je marie ma sœur Louise avec Claude Henri de Vigny, en la chapelle du Château de Bissy dans la paroisse de Bonnelles, ce n’est pas trop loin. Il ne faudra pas traîner pour envoyer ces maroufles vers d’autres cieux. Le mariage aura lieu à onze heures, vous y serez les bienvenus.

    – D’accord, nous viendrons après avoir fait ravaler sa langue à ce malotru.

    Dès six heures, nous attendions la venue du voyageur hypocrite, nous étions à coté du pilori où un individu venait d’être mis en arcane, je lui demande : Il y a longtemps que vous êtes ainsi ?

    – Depuis un quart d’heure, on attend l’ouverture du marché pour que je sois puni par les clients.

    – Qu’avez vous fait ?

    – J’ai vendu des œufs dont certains n’étaient pas frais, on doit m’arroser d’œufs pourris pendant toute la matinée.

    – Quelle belle omelette ! Nous avons rendez vous, pour un duel, vous n’avez pas vu le groupe que nous devons affronter ?

    – Si c’est celui qui était là tout à l’heure, ils sont à l’auberge, je les ai entendus dire qu’ils allaient donner une bonne leçon à ces gascons, faîtes attention car ils ont de gros bâtons.

    – Bigre ! Mais les voilà : un groupe de six personnages hargneux.

    Le décoiffé, s’adressant à d’Artagnan :

    – Eh bien ! Jeunot, vous faîtes moins le fier maintenant, devant nos bâtons, allez les gars tapez sans merci.

    A ce moment j’aperçois trois mousquetaires en grande tenue (ils portent une casaque bleue agrémentée d’une grande croix d’argent) qui s’avancent, alors que les nervis bâtons levés foncent sur d’Artagnan, je crie : à nous mousquetaires !

    Le décoiffé rigole encore, mais se fige en entendant derrière lui : Mousquetaires nous voilà ! Ils foncent vers les nervis qu’ils écorchent ou égratignent, qui d’un bras, deux autres aux jambes, Les deux derniers ont filé ventre à terre.

    D’Artagnan qui a reçu un coup de bâton, se frotte le dos, planté devant le décoiffé, encadré par les mousquetaires, il lui dit (la pointe de son épée sur la gorge) : tu fais moins le fier, maintenant, en garde, nous devons nous battre, tu l’as dit.

    L’autre soulève mollement son épée, d’Artagnan a reculé, mais quand le décoiffé se place, il feinte et manque de peu le visage de d’Artagnan (qui se souvenant des leçons de son père : sur des courtes distances, c’est la rapidité qui prime sur la précision) d’un geste de bas en haut, il découpe la moitié de l’oreille gauche de son adversaire.

    – Te voilà puni maintenant, si un jour tu te plantes devant moi, je te découpe là droite.

    Il s’enfuit la joue en sang, en fulminant.

    – Bravo ! dit le mousquetaire Pierre Marcadé, vous préfigurez bien votre engagement parmi nous. Je vous présente mes camarades, ils ne sont pas tous gascons : Pierre de Bergerac, Jean de Gressey, Raoul Labarthe.

    – Nos noms sont trompeurs, dit Bergerac, je suis de Limoges. Et moi, ajouta de Gressey : de Houdan.

    – Ce n’est pas le moment des parlotes, ajoute Marcadé, allons déjeuner et prenons la route, nous avons encore dix lieues à parcourir.

    En ressortant de l’hôtel, nous croisons une belle femme, qui fait dire à François de Montlezun : bien que je sois encore vert, necaudant, j’aimerai assez lui conter fleurette à cette princesse.

    – Cette princesse, c’est celle que le décoiffé appelait Milady, ajoute Marcadé, maintenant tous en selle et suivez nous au grand galop.

    L’arrivée se fait une demi-heure avant la cérémonie. Marcadé nous présente les jeunes devant s’épouser : sa sœur Louise Françoise de Marcadé et Claude Henri de Vigny[3].

    Il y a foule devant la chapelle du château, des enfants avec leurs familles, des mousquetaires avec leur chef de Tréville.

    La messe dure plus d’une heure, nous allons saluer les mariés, et faire nos adieux.

    – Comment ! Vos adieux, vous n’y pensez pas, dit Marcadé, vous restez pour assister au repas, et ce sera une bonne occasion de vous présenter à monsieur de Tréville, et vous pourrez faire connaissance avec les familles et invités.

    Nous restons à une tablée de jeunes de nos âges, où les filles n’ont de regards que pour les beaux mousquetaires.

    D’Artagnan réussit néanmoins d’attirer l’attention d’une belle blonde, qui riait à gorge découverte, en écoutant ses fastrasies en mauvais vers (mélange de franc et d’oc).

    François a pour compagnie la fille du gouverneur de la Bastille, ironie du sort, il aura le temps d’y penser plus tard.

    Après le repas, Marcadé nous présenta à Arnaud de : Tréville.

    – Voyez ces intrépides gascons, qui veulent être mousquetaires.

    – Où les avez-vous trouvés ? Ce sont encore des gamins, Bigre ! Il va falloir modifier les actes d’engagement, Marcadé m’a raconté vos déboires à Chartres, et comment vous en êtes sortis, c’est bien, vous faîtes honneur à la Gascogne. Je connais un peu vos familles, venez me voir mardi prochain à sept heures, on avisera comment vous employer, à bèn-lèu (bientôt).

    Le repas se termine assez tard, nous sommes invités avec les mousquetaires par la duchesse de Chevreuse à passer la soirée et de coucher au château de la Madeleine. Là nous avons été gâtés et dorlotés par cette charmante duchesse, en l’absence de son mari le duc de Guise.

    Nous avons repris la route le lundi matin, notre tropelet réchauffé par un soleil printanier, avançait rapidement dans la campagne verdoyante, soudain, Marcadé nous fait stopper au sommet d’une colline et nous dit : avancez encore un peu et regardez…

    – Là, devant en contrebas, c’est Gentilly avec une rivière qui va au pied de Notre-Dame, à droite les tours, sont celles de la Bastille, plus loin à gauche c’est l’enclos du Temple, reconnaissable avec ses quatre tours pointues, en avant sur le bord de la Seine c’est la Tour de Nesle, c’est à côté que nous avons nos casernements. Vous trouverez une hostellerie à proximité, à la halle du Pré aux Clercs et n’oubliez pas demain matin sept heures de Peyré vous attend.

    – De Peyré ?

    – Arnaud-Jean de Peyré : de Tréville, comme on l’appelle ici, je serai là.

    Nous entrons par la Porte Saint Jacques et descendons vers la Tour de Nesle.

    A Paris, la première compagnie a son hôtel au 15 rue du Bac et la seconde au faubourg Saint-Antoine.

    Marcadé nous conduit dans la halle des Prés aux Clercs, qui jouxte le casernement des mousquetaires.

    – Ici, vous serez bien traité, je vais donner des instructions à l’aubergiste, emmenez vos chevaux, ils seront soignés avec les nôtres, à demain.

    Bien avant sept heures, nous étions devant un groupe de mousquetaires, qui attendaient la première revue. Pendant ce temps c’est nous qui formions le point de mire et du rigolage de la troupe : voyez ces malvais, il va falloir les mettre nus pour qu’ils se dépouillent. Ces railleries durèrent un bon moment, en d’autres occasions, nous aurions tiré l’épée à la première pique.

    Heureusement ! De Tréville arriva et se planta devant nous : Je vois que vous amusez la compagnie, encara mai dels gascons (encore plus de gascons) et vous voulez être mousquetaires ?

    – Oui ! Répondis-je, nous le désirons tous les trois.

    – Suivez-moi, qu’on en discute.

    C’est seulement lui, de Tréville qui en discuta. Tout d’abord il lut nos lettres de recommandations, s’adressant à d’Artagnan :

    – Charles de Batz de Castelmore, pourquoi avoir ajouté Artagnan ?

    – C’est ma mère qui l’a demandé, car elle est une Montesquiou d’Artagnan, et elle pense que les d’Artagnan sont plus connus.

    – Ton frère Paul qui est mousquetaire, en campagne en Italie, n’a pas fait ce choix, peu importe, on t’appellera Artagnan. Toi, François de Monlezun, je connais bien ta famille et j’espère que tu auras conscience de lui faire honneur.

    Et le troisième larron : Amanieu de Lectoure, ton père indique que tu serais mieux d’être orienté vers les lettres que vers les armes, on n’a pas besoin ici d’un nouvel Ovide, qu’en dit tu ?

    – Que de bien savoir se servir d’une épée, n’empêche pas d’aimer les lettres. Ovide était le chantre de la nature, de la vie en plein air et de l’art d’aimer.

    – Il est vrai qu’il va falloir vous y mettre et au franc, lo patés (le patois) est mal vu, évitez aussi les gasconnades. Quant à « L’Art d’Aimer », ici c’est l’art de combattre qu’il va falloir apprendre, et d’attendre sous la pluie le ventre vide. Nous allons vous affecter chez les Cadets des Gardes-françaises à la compagnie de Vielchastel à Fontaine Belleau[4]. C’est une bonne école pour se former au métier des armes et de se préparer à devenir mousquetaire. Vous partirez jeudi après avoir touché vos tenues, prenez en soin et soyez toujours nets. Faîtes que l’on n’est pas à regretter vos engagements. Allez aux écuries, Marcadé va vous guider pour l’affectation des chevaux, les vôtres seront mis en garde, vous pourrez les retrouver plus tard.

    L’après-midi, nous sommes allés dans les boutiques du quartier latin pour regarnir notre affiquet qui de parure n’en porte plus que le nom. Mais nos bourses sont plates, heureusement que celle de François de Montlezun est encore bien garnie, et qu’il n’hésite pas à nous avancer quelques pécunes.

    Ensuite nous allons voir le Pont Neuf qui a des passages surélevés que l’on appelle trottoirs.

    – Vous savez, nous dit Marcadé, que dès la nuit tombée, il faut éviter de venir ici, car c’est la Cour des Miracles, un lieu rêvé pour les coupe-bourse qui font la loi, et l’on risque de perdre ses affaires et même parfois la vie.

    Ecoutez ce poème qui relate :

    Les filouteries du Pont-Neuf :

    Vous, rendez-vous des charlatans,

    Des filous, des passe-volants

    Pont-Neuf, ordinaire théâtre…

    Des fripiers, libraires, pédants…,

    De coupe-bourse, d’argotiers

    De maîtres de sales métiers…

    Une curiosité est le bâtiment de la pompe qui élève l’eau jusqu’au Louvre[5], Il est construit sur la première arche.

    img2.jpg

    Le Pont-Neuf, avec à gauche le bâtiment de la pompe.

    Note : On doit la statue d’Henri IV, élevée à la demande de Marie de Médicis par Jean de Bologne

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