Meurtres bucoliques: Roman policier
Par Daniel Guenand
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À propos de ce livre électronique
Suite à l’appel de son ami proche et capitaine de gendarmerie de la Brigade de Lusignan, Loïc Maudy lui vient en aide pour résoudre en enquête compliquée par ses liens familiaux et amicaux qu’il a sur place. Un des cousins éloignés de Franck, capitaine de la gendarmerie de Lusignan, est tombé d’une échelle. On pourrait penser à un accident mais de petites traces de sciure sont révélées sur les barreaux. Deux autres habitants de Lusignan, cousins de la première victime, sont retrouvés morts. Ce ne peut pas être un hasard.
Daniel Guénand nous fait voyager à Lusignan, où les liens familiaux sont parfois plus complexes que ce qu'ils semblent être.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel Guénand est né à La Rochelle dans une vieille famille protestante. Après des études classiques et un baccalauréat scientifique, il s'inscrit à la faculté de médecine de Bordeaux. À l'issue de ses études de chirurgie dentaire, il s'installe dans sa ville natale. Parallèlement à son activité libérale, il occupe un poste hospitalo-universitaire à la faculté de Bordeaux.
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Avis sur Meurtres bucoliques
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Aperçu du livre
Meurtres bucoliques - Daniel Guenand
CHAPITRE 1
Nerveusement les doigts couraient sur les feuilles du petit cahier d’écolier.
Les mots jaillissaient, brutaux, précis, glacés sans peur d’éclabousser la sensibilité d’un possible lecteur. Pour une fois l’inconnu qui écrivait était lui-même. Le vide de son existence avait rempli plus sûrement sa vie que ne l’aurait fait un destin plus clément.
Le danger, l’urgence l’avaient tiré de son univers glacé. Pour les choses de la vie son autre lui-même, son avatar, l’avait fidèlement servi mimant depuis des décennies les mots, les émotions, les rires qui font la vie des autres. Les évènements des derniers mois l’avaient fait revenir parmi les vivants. Il n’était plus possible de rester un simple spectateur, il fallait revenir sur le devant de la scène et se passer de sa fidèle doublure.
Je n’ai pas de haine, j’ai oublié, peut-être pardonné. La vengeance est un sentiment qui ne m’habite pas. À quoi bon d’ailleurs lorsque les rêves d’une vie sont brisés, salis…pour toujours.
Il est dit dans la Bible : « tu ne tueras point ». C’est même l’un des premiers commandements. Lorsque j’étais enfant ces mots bibliques me semblaient irréels, pourquoi ôter la vie, de quel droit ? Il me semblait alors que ces mots trop convenus, trop éloignés de mon paisible univers n’étaient là que pour donner de la solennité à la parole divine.
Et pourtant j’ai tué, oui j’ai ôté la vie. TUE, trois simples lettres presque anodines, mais qui lorsqu’on les relie entre elles prennent une dimension et un sens qui les dépassent. Leur contenu mortifère coule comme un suc vénéneux charriant pêle-mêle : haine, fureur, angoisse. En les écrivant je frissonne, cela ne me ressemble pas c’est comme si c’était un autre, un étranger qui les avait écrites.
Tous les matins en m’éveillant il me faut plusieurs minutes pour réaliser ce que j’ai fait. J’ai tué. Je regrette d’avoir dû le faire mais s’il le fallait je recommencerais, car je n’ai pas commis cet acte abominable pour me venger ou pour assouvir dieu sait quelle pulsion malsaine. Non, j’ai pris la vie d’un homme parce qu’il n’y avait pas d’autre solution.
Pendant des semaines j’ai tourné dans ma tête tous les éléments du problème. Tous les soirs en m’endormant j’espérais que la nuit me porterait conseil et qu’un matin au réveil je serais frappé par l’évidence d’une solution à laquelle je n’avais pas pensé. Ce fut d’ailleurs ce qui s’était produit. Tandis que le café s’écoulait une idée fulgurante m’avait traversé l’esprit : il fallait tuer. Aussi brutal et définitif que cela paraisse c’était la seule solution. Il n’y avait rien d’autre à faire… rien. Cette évidence m’avait glacé et je l’avais tout d’abord repoussée avec horreur. Insidieusement l’idée meurtrière m’avait poursuivi jour et nuit pendant plusieurs semaines. L’idée faisait son chemin, se faufilant dans les méandres les plus secrets de ma conscience. L’épuisement ou l’évidence avaient fini par vaincre ma résistance et mes pitoyables scrupules.
Une fois l’hypothèse admise il m’avait encore fallu plusieurs semaines pour échafauder un plan. Il était impératif que mon crime ait toute l’apparence d’un accident. Non pas pour échapper aux conséquences de mes actes, non, cela je l’avais accepté dès qu’était née l’idée du meurtre, mais pour que les soupçons ne se portent pas sur moi tant que je n’aurai pas mené à bien la mission que je m’étais fixée. Car je dois encore tuer, aussi monstrueux que cela puisse paraître je dois encore ôter la vie.
J’accepte avec sérénité la responsabilité de mes actes, que ce soit devant Dieu comme devant les hommes. Le moment venu je ne me déroberai pas, cela n’est pas dans ma nature, j’accepterai avec soulagement ce qu’il adviendra de moi. Ce qui est certain c’est que je ne commets pas ces meurtres pour en tirer quelque profit que ce soit mais parce que le temps presse et que je n’ai pas trouvé d’autres moyens pour être en règle avec moi-même.
CHAPITRE 2
Depuis la fenêtre de son bureau Loïc Maudy contemplait pensivement le magnifique parc de Blossac. Après avoir été retardé pendant plus de dix jours par la résistance acharnée de l’hiver le printemps était enfin là. Avec l’arrogance de la jeunesse la nouvelle saison avait revêtu ses plus beaux atours, inondant parcs et jardins de parfums oubliés.
Cela faisait seulement un mois que Loïc avait accepté la direction par intérim de la P. J poitevine. Le commandant Perrier blessé au cours d’une intervention mouvementée avait demandé à bénéficier d’une retraite anticipée. Le ministère pris de court avait fait appel à la bonne volonté de certains de ses officiers pour assurer la transition. Plusieurs adjoints du commissaire Perrier pouvaient prétendre à ce poste mais la hiérarchie toujours tatillonne avait préféré se donner le temps de la réflexion. Loïc Maudy qui depuis un an traversait une période difficile avait accepté, presque avec soulagement ce changement de vie.
Depuis son enfance, Loïc avait compris qu’il était différent des autres. Il aurait été bien incapable de dire à quel âge il avait réellement pris conscience de ce sentiment de mal-être, diffus, indéfinissable auquel il n’avait jamais pu donner un nom. Au tout début il avait pensé qu’il s’agissait là de quelque chose de normal et que tout le monde était logé à la même enseigne. Par discrétion ou pudeur personne ne parlait de cette ombre inquiétante avec laquelle il allait falloir vivre et composer. Très vite il avait compris que ce n’était pas la vérité. En fait, il s’agissait essentiellement d’un problème d’inné. Tout comme pour les mathématiques, le dessin ou la musique on pouvait ou non être doué pour le bonheur. Le problème n’était pas simplement manichéen : blanc ou noir, non il y avait bien sûr des gradients comme pour tous les dons. Pour lui le constat était sans appel, il n’avait pas une grande aptitude au bonheur. Du fait de sa personnalité réfléchie et opiniâtre ce constat ne l’avait pas abattu mais au contraire stimulé. Il lui fallait apprivoiser le bonheur puisqu’il ne l’avait pas en lui. Partager un regard, provoquer un sourire lui avait permis de donner l’impression d’être un homme joyeux, ouvert aux autres. Ce qui d’ailleurs était tout à fait vrai. En contrepoint de son mal-être, Loïc avait développé un don d’écoute et d’analyse qui lui permettait de se mettre très rapidement au diapason de son interlocuteur. Pour un policier il s’agissait là d’un atout indéniable et il en était bien conscient. Un regard qui s’évade, un sourire à contretemps, une imperceptible cassure dans la voix lui en apprenaient souvent beaucoup plus que ne l’aurait fait un long interrogatoire.
Loïc avait pris l’habitude de respecter la fêlure psychologique qui l’habitait. Jusqu’à l’année précédente il avait toujours réussi à maîtriser cette fragilité en la banalisant comme on le fait pour une difficulté d’élocution vaincue à force de volonté mais toujours prête à revenir en force. Au cours d’interrogatoires, Loïc avait souvent remarqué que les personnes interrogées, poussées dans leur dernier retranchement retrouvaient sous le coup de l’émotion, l’accent du nord ou les intonations méridionales qu’elles avaient mis des années à gommer par coquetterie ou pour simplement se fondre dans la masse. Cela avait été un peu la même chose pour lui mais dans un autre registre. La tragédie de l’année précédente lui avait fait redoubler de prudence car ce sentiment diffus qu’il avait presque oublié était revenu en force et l’avait fait vaciller.
Claire, l’épouse de Loïc l’avait encouragé dans sa décision d’accepter une mutation temporaire à Poitiers. Elle était bien consciente que son mari n’allait pas bien. À son retour de La Rochelle, après un remplacement d’un an, Loïc avait retrouvé son bureau dans les mythiques locaux du quai des Orfèvres, le même que celui que son père avait occupé pendant plus de vingt ans. Les évènements tragiques de l’année précédente¹ étaient encore trop présents dans l’esprit de Loïc pour que ce retour soit anodin. Lorsqu’il avait franchi pour la première fois depuis un an les grilles de la P.J. parisienne il avait compris que cela serait très difficile de reprendre ses activités comme si rien ne s’était passé.
Ses collègues conscients de son mal-être avaient pourtant tout fait pour l’épauler et le réconforter avec discrétion et amitié. Hélas, ce bureau qu’il avait tant aimé avec sa vue magnifique sur la Seine était habité par un fantôme, celui de son père. Même si cela attristait sa femme de le voir partir, elle l’avait encouragé dans sa décision d’accepter le poste qui lui était offert. Parmi les arguments avancés par Claire il y