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Les élections présidentielles en France depuis 1848: Essai historico-politique
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Livre électronique232 pages3 heures

Les élections présidentielles en France depuis 1848: Essai historico-politique

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Zoom sur 170 ans de course à la présidence !

Entre 1848 et 2017, la France a connu vingt-quatre présidents de la République et vingt-neuf élections présidentielles.
L’élection de 1848 se déroule au suffrage universel masculin, mais l’heureux élu, Louis-Napoléon Bonaparte, tire parti de cette légitimité pour justifier le coup d’État du 2 décembre 1851.
Dès lors, le modèle républicain classique consiste sous les Troisième et Quatrième Républiques à faire élire le chef d’État par les parlementaires et à faire de la présidence une simple fonction arbitrale.
En 1958 et 1962, de Gaulle fait du président la clé de voûte des institutions. Sa désignation au suffrage universel direct renforce l’autorité du chef de l’État.
Les élections se succèdent et le système change peu à peu de nature. Aujourd’hui, il semble évident que le système des primaires qui se généralise modifie une nouvelle fois la physionomie de l’élection présidentielle, en confortant la démocratie d’opinion et l’emprise des sondages.

L’ouvrage de Jean-Louis Rizzo nous invite à réfléchir sur l’évolution de la culture politique en France. Il nous permet aussi de redécouvrir les candidats, les enjeux et les moments forts d’un scrutin présidentiel devenu un rite républicain.

EXTRAIT

Les 23 avril et 7 mai 2017, les Français éliront leur président de la République. Alors que sous les IIIe et IVe Républiques, le chef de l’État était choisi par les parlementaires réunis à Versailles, Charles de Gaulle a souhaité que la magistrature suprême résulte du vote populaire. Suite à la réforme constitutionnelle de 1962 adoptée par référendum, neuf élections présidentielles au suffrage universel ont déjà eu lieu entre 1965 et 2012. Il conviendrait d’ajouter l’élection de 1848, au suffrage universel masculin dans le cadre de la IIe République, pour donner un tableau complet de ces scrutins populaires. En comparaison, 16 élections présidentielles avec comme seul corps électoral un millier de parlementaires ont eu lieu entre 1879 (première élection de Jules Grévy) et 1953 (René Coty élu à la suite d’un scrutin complexe et indécis). Trois cas échappent aux deux modes de scrutin précédents, les élections de Thiers (1871) et Mac Mahon (1873) se déroulant hors du cadre constitutionnel et l’élection de Charles de Gaulle en 1958 résultant d’un mode de scrutin particulier expérimenté une seule fois. Au total, cela nous fait 28 élections présidentielles qui vont être rappelées dans le présent ouvrage.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Professeur agrégé d’histoire, Jean Louis Rizzo a enseigné au lycée de Montargis et à l’Institut d’études politiques de Paris. Il a publié sous son nom deux ouvrages sur Pierre Mendès France, ainsi qu’une biographie d’Alexandre Millerand.
LangueFrançais
ÉditeurGlyphe
Date de sortie2 mars 2017
ISBN9782369340799
Les élections présidentielles en France depuis 1848: Essai historico-politique

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    Aperçu du livre

    Les élections présidentielles en France depuis 1848 - Jean-Louis Rizzo

    978-2-35285-100-4

    Préface

    La fonction de président de la République est mise pour la première fois en place par les constituants de 1848. Ces derniers font le choix du suffrage universel direct (alors seulement masculin) pour élire le chef de l’État. Mais l’élu de novembre 1848, Louis-Napoléon Bonaparte, s’appuie en partie sur la légitimité populaire pour justifier le coup d’État du 2 décembre 1851 qui conduit au second Empire. Dès lors, pour les républicains des Troisième et Quatrième Républiques, il convient de réserver l’élection du Président aux seuls parlementaires, le système électoral de 1848 servant de repoussoir. Du centre droit au centre gauche, le modèle « plébiscitaire » fait peur. Ainsi, seize élections présidentielles se déroulent à Versailles entre 1879 et 1953, avec leurs rites spécifiques.

    Tant que le pouvoir du Président restait limité, le système pouvait perdurer. Mais Charles de Gaulle, dans le droit fil du discours de Bayeux, fait du chef de l’État la clef de voûte des institutions de la Cinquième République. C’est pourquoi, après le mode d’élection transitoire inscrit dans la Constitution de 1958, de Gaulle fait ratifier par référendum en 1962 le principe de l’élection du président de la République au suffrage universel direct.

    Très vite, comme le montre Jean-Louis Rizzo, l’élection présidentielle devient le moment décisif de la vie politique : la participation électorale est forte, les carrières se font et se défont, les reclassements s’opèrent. Jusqu’aux années 1980, les partis dits de gouvernement drainent la quasi-totalité des suffrages, alors que l’électeur se trouve confronté à des choix décisifs : le choix du modèle politique (1965 et 1969), l’orientation économique et sociale (1974 et 1981). La bipolarisation semble en marche. Puis, peu à peu, le système change de nature. Les partis de gouvernement se trouvent presque en accord sur les grandes questions (institutions, défense, politique étrangère, Europe et économie libérale), les formations extrémistes et populistes progressent fortement, le paroxysme étant atteint en 2002 avec 30 % des voix pour les extrêmes conjuguées et la présence de Jean-Marie le Pen au second tour.

    La médiatisation croissante privilégie la forme sur le contenu. Alors que de Gaulle avait imaginé l’élection présidentielle comme un contrat passé directement entre un homme et le pays, les partis politiques ont repris la main sur le scrutin et le système actuel des primaires ne fait que renouveler.

    Il n’est pas certain non plus que le quinquennat ait abouti à la « respiration démocratique » vantée par ses thuriféraires.

    Désormais, de présidentielle en législatives, précédées un an avant des primaires présidentielles, le mandat de président de la République semble réduit à quatre ans et étroitement lié au comportement de la majorité parlementaire. Retournement des institutions ?

    Néanmoins, les Français restent profondément attachés à l’élection directe d’un président de la République responsable de la définition des grandes orientations de la politique pour cinq années et considéré par eux comme le véritable chef de l’exécutif.

    L’historien Jean-Louis Rizzo – spectateur et acteur de notre vie politique – dresse, avec rigueur et lucidité, l’histoire bien française de cette « présidentielle ».

    Jacques Toubon

    Défenseur des Droits, ancien ministre

    Introduction

    Les 23  avril et 7  mai 2017, les Français éliront leur président de la République. Alors que sous les III e et IV e  Républiques, le chef de l’État était choisi par les parlementaires réunis à Versailles, Charles de Gaulle a souhaité que la magistrature suprême résulte du vote populaire. Suite à la réforme constitutionnelle de 1962 adoptée par référendum, neuf élections présidentielles au suffrage universel ont déjà eu lieu entre 1965 et 2012. Il conviendrait d’ajouter l’élection de 1848, au suffrage universel masculin dans le cadre de la II e  République, pour donner un tableau complet de ces scrutins populaires. En comparaison, 16 élections présidentielles avec comme seul corps électoral un millier de parlementaires ont eu lieu entre 1879 (première élection de Jules Grévy) et 1953 (René Coty élu à la suite d’un scrutin complexe et indécis). Trois cas échappent aux deux modes de scrutin précédents, les élections de Thiers (1871) et Mac Mahon (1873) se déroulant hors du cadre constitutionnel et l’élection de Charles de Gaulle en 1958 résultant d’un mode de scrutin particulier expérimenté une seule fois. Au total, cela nous fait 28 élections présidentielles qui vont être rappelées dans le présent ouvrage.

    En octobre 1962, le général de Gaulle propose par référendum que le prochain président de la République soit élu au suffrage universel direct. Dans leur immense majorité les juristes, comme d’ailleurs le Conseil d’État, condamnent l’usage de l’article 11 (le peuple se trouve directement saisi), l’article 89 (De la Révision) s’imposant. Mais l’article 89 supposait qu’avant le référendum, les deux assemblées se prononçassent à la majorité simple et en termes identiques en faveur du texte gouvernemental. Étant donné la rupture croissante entre Charles de Gaulle et les partis du « système », compte tenu également du poids de la tradition républicaine qui assimilait l’élection directe du chef de l’État à des tentations bonapartistes, le texte n’avait aucune chance de passer le cap de l’Assemblée nationale et du Sénat. De Gaulle a forcé le destin et a triomphé sur tous les tableaux. En premier lieu, le référendum a été gagné contre tous les partis avec 62 % de Oui. Un mois après le référendum du 28 octobre 1962, les Français confortent le pouvoir en place en donnant au chef de l’État une très confortable majorité à l’Assemblée nationale. Dès 1963, une partie de ceux qui avaient appelé à voter Non l’année précédente, entament leur ralliement à la nouvelle procédure, à l’image du socialiste Gaston Defferre. François Mitterrand, en acceptant de concourir au scrutin de 1965, accepte sans le dire ouvertement que le chef de L’État bénéficie de l’onction populaire. Il saura s’en souvenir en 1981. Certes, un Mendès France, un Antoine Pinay ou encore quelques radicaux incompatibles avec la Ve République, restent attachés à l’élection par le Congrès, mais ils apparaissent très vite comme des survivants d’une époque surannée. L’élection au suffrage universel de décembre 1965, la première du genre, car les femmes ne votaient pas en 1848, attire un très important taux de participation. Régulièrement, on découvre au fil des scrutins que les élections présidentielles demeurent, avec les élections municipales, les scrutins les plus prisés par les électeurs. Ces derniers choisissent leur maire responsable de leur vie quotidienne et ils optent pour un Président qui fixe pour sept d’abord, puis cinq ensuite, les lignes directrices pour le gouvernement du pays.

    Pour les Français, l’élection présidentielle demeure le scrutin qui structure la vie politique, qui permet les recompositions et les ralliements, qui vaut engagement pour le pays. En 2000, le référendum sur le quinquennat voulu par le Premier ministre socialiste Lionel Jospin, avec la bénédiction du Président Jacques Chirac, est vendu aux Français sur le thème de la « respiration démocratique », à savoir qu’il est plus sain dans une démocratie de choisir les grandes options tous les cinq ans que tous les sept ans. En fait, le souci des dirigeants est de conforter l’élection présidentielle comme scrutin décisif, de renforcer la présidentialisation du régime avec un chef de l’État qui devra agir plus vite, de réduire le risque de cohabitation puisque, par un hasard du calendrier, les élections législatives et présidentielles doivent intervenir la même année en 2002. Pour compléter le nouveau dispositif, Lionel Jospin fait adopter une décision lourde de conséquences. Alors qu’en principe les législatives sont prévues pour mars 2002 et les présidentielles pour avril-mai, une inversion du calendrier est mise en place, tuant définitivement le peu de parlementarisme qui restait dans nos institutions. En élisant un Président au mois de mai, puis une Assemblée nationale en juin, les dirigeants politiques considèrent qu’à un mois d’intervalle, les citoyens confieront une majorité parlementaire au Président en raison de l’état de grâce dont celui-ci bénéficie dans l’opinion. Jusqu’à présent, cela s’est révélé exact : réélection de Jacques Chirac en 2002 et majorité de droite à l’Assemblée, élection de Nicolas Sarkozy en 2007 et nouvelle Assemblée à droite, victoire de François Hollande en 2012, suivie de celle de la gauche lors du scrutin législatif. L’élection présidentielle renforce ainsi son rôle de catalyseur de la vie politique, de seul catalyseur pourrait-on dire.

    C’est pourquoi prédomine le sentiment de campagne électorale permanente en ce qui concerne le scrutin présidentiel. En outre, la quasi-généralisation des élections primaires à droite comme à gauche oblige encore à prévoir l’échéance plus tôt car le candidat issu des primaires doit avoir le temps de faire campagne. En vue du scrutin de 2017, c’est Europe – Écologie – Les Verts (EELV) qui débute le cycle des primaires en octobre et novembre 2016. Pour voter, il convient de s’inscrire au préalable et de verser une participation de 5 €. Yannick Jadot s’impose au deuxième tour face à Michèle Rivasi. Les 20 et 27 novembre 2016 se déroule l’élection primaire de la droite et du centre, marqué par l’élimination au premier tour de Nicolas Sarkozy et la victoire au second de François Fillon sur Alain Juppé. Pour participer à cette élection primaire, il suffisait de figurer sur les listes électorales, de signer une déclaration d’­adhésion aux valeurs de la droite et du centre, enfin de verser une contribution de 2 €. Plus de quatre millions d’électeurs ont participé à ce scrutin. Le calendrier des élections primaires se termine les 22 et 29 janvier avec le choix du candidat qui représentera la gauche de gouvernement, sans le Président sortant François Hollande qui a déclaré forfait le 1er décembre. Benoît Hamon, situé à la gauche du PS, triomphe aisément de l’ancien Premier ministre Manuel Valls. Avec des millions de citoyens votant aux primaires, le Président élu au mois de mai 2017 pourra arguer d’une forte légitimité démocratique.

    L’accélération du temps politique et notre forte capacité d’oubli rejettent les élections présidentielles précédentes dans un passé qui apparaît très vite lointain. Le présent ouvrage cherche à remettre en perspective tous les scrutins précédents en les inscrivant à la fois dans la continuité historique et dans leur contexte particulier. Ne faut-il pas donner tort à Adolphe d’Houdetot qui écrivait au milieu du xixe siècle :

    « La mémoire est une ingrate, quand elle nous apprend un nom, elle nous en fait très vite oublier un autre. »

    La première élection présidentielle au suffrage universel direct (10-11 décembre 1848)

    De 1792 à 1804, la Première République ne connaît pas de Président. Les souvenirs funestes laissés par la monarchie absolue poussent les conventionnels à envisager la mise en place d’un exécutif collégial. Ainsi, la Constitution du 24 septembre 1793 prévoit-elle un comité exécutif de 24 membres, comité renouvelable par moitié tous les ans. Puis, la Constitution du 22 août 1795 instaure le régime connu sous le nom de Directoire, car le pouvoir exécutif appartient à cinq directeurs, élus par les 750 membres du corps législatif. La faiblesse de l’exécutif à l’époque du Directoire demeure dans les mémoires. Ballotté par les différents coups d’État, le Directoire finit par s’effondrer au mois de brumaire an VIII (novembre 1799) face à l’épée de Bonaparte. C’est ce dernier qui fait rédiger la troisième Constitution de la Première République, celle de l’an VIII, le 13 décembre 1799. La fiction de l’exécutif collégial est maintenue puisque ce pouvoir relève de trois consuls, même si la réalité du pouvoir appartient au Premier consul (« la décision du Premier Consul suffit » dit le texte). Cinq années plus tard, la République disparaît et Bonaparte devient Napoléon I.

    Le 25 février 1848, la révolution parisienne chasse le roi Louis-Philippe et la République revient après un demi-siècle d’éclipse. Une assemblée constituante est élue en avril de la même année. Dès le 17 mai, une commission de 18 membres, désignée par l’assemblée constituante commence à travailler sur le projet de Constitution de la IIe République. Alors que la période révolutionnaire constitue un contre-modèle, la nouvelle démocratie américaine offre un modèle de stabilité et d’équilibre, avec un Président doté de réels pouvoirs, mais pouvoirs tempérés à la fois par le Congrès et par les États de la fédération. Le livre de Tocqueville De la démocratie en Amérique est encore en 1848 une référence pour la connaissance de la société et des mentalités du nouveau monde. C’est Tocqueville, membre des 18, qui fait admettre par ses 17 collègues l’idée d’un mandat de quatre ans et la nécessité d’avoir un Président élu par une majorité absolue résultant d’un collège électoral large. Les débats relatifs au président de la République se déroulent en séance plénière les 5 et 6 octobre. On ne peut les dissocier du contexte politique. En effet, le mois précédent, le prince Louis-Napoléon a été élu député et ses amis ne cachent pas leur intention d’en faire un candidat à la présidence. Certains républicains se montrent hostiles à l’existence d’un Président, a fortiori élu au suffrage universel direct masculin. Le 5 octobre, Félix Pyat, élu dans le Cher, parle de l’élection du chef de l’État au suffrage universel comme d’un « sacre ». Mais nombre de républicains modérés acceptent ce possible sacre électoral. Ils sont d’ailleurs persuadés que l’un des leurs, en l’occurrence le général Cavaignac, chef de l’exécutif en place, qui incarne l’ordre et la stabilité, triomphera lors d’un tel scrutin. Sans être favorable à Cavaignac car il se verrait bien lui-même Président, Lamartine intervient le 6 octobre en faveur d’un Président élu au suffrage universel direct pour donner au peuple « son droit tout entier ». Comment dessaisir le peuple du droit de vote après lui avoir accordé le suffrage universel au mois de février ? Lamartine pense encore que le peuple est incorruptible, qu’il saura faire le bon choix en écartant les candidats monarchistes et plébiscitaires car « la République a rallié tous les cœurs ». Les interventions de Tocqueville le 5 octobre et de Lamartine le 6 sont décisives pour l’adoption des articles relatifs à la fonction présidentielle. C’est par 643 voix contre 148 que les députés valident l’élection directe par le peuple du président de la République.

    La Constitution du 4 novembre 1848 traite du pouvoir exécutif de l’article 43 à l’article 70. Cela constitue le titre V de la Constitution, alors que le pouvoir législatif, jugé prééminent, en forme le titre IV. En 1848, les constituants ont souhaité tenir compte des opinions hostiles à l’élection directe par le peuple. Si au premier tour, aucun candidat n’obtient la majorité absolue et avec au moins deux millions de suffrages, le deuxième tour se déroulera à l’Assemblée où les parlementaires devront choisir entre les cinq candidats placés en tête par le suffrage universel. En tant que chef de l’exécutif, le président de la République nomme et révoque les ministres qui ne sont pas responsables devant les députés. C’est encore la séparation des pouvoirs calquée sur la Constitution des États-Unis. Il nomme à tous les hauts emplois de l’État, il négocie et ratifie les traités et dispose de la force armée. Par rapport aux lois, il peut faire présenter un projet par un ministre, ne dispose pas de droit de veto, mais peut exiger une deuxième délibération, avant de promulguer et de faire exécuter lesdites lois. Ce président de la République est loin d’être tout-puissant. La durée du mandat n’est que de quatre années et surtout il n’est pas immédiatement renouvelable. Il dispose bien de la force armée, mais il ne peut la commander en personne. Il ne peut déclarer la guerre sans l’assentiment de l’Assemblée. Il nomme bien les ministres, mais leurs attributions sont fixées par le pouvoir législatif. Il négocie et ratifie les traités, mais l’approbation des textes par l’Assemblée nationale est obligatoire. En outre, le Président doit, une fois par an, adresser un message aux députés pour exposer l’état général des affaires de la République. En ajoutant le serment de fidélité à la République que le Président doit prêter dans l’enceinte de l’Assemblée, il n’est pas faux d’évoquer en 1848 un pouvoir exécutif subordonné au législatif. On notera enfin que le texte constitutionnel institue un vice-président de la République qui supplée le chef de l’État en cas d’empêchement. Ce vice-Président n’émane pas du suffrage universel. Il est désigné par l’Assemblée­ nationale sur une liste de trois noms transmise par le président de la République.

    La Constitution est définitivement adoptée le 4 novembre 1848 et l’élection présidentielle est fixée aux 10 et 11 décembre. Mais la campagne électorale avait déjà commencé car les principaux candidats s’étaient fait connaître. Le général Cavaignac, chef du ­gouvernement en exercice, entend disposer de quatre années de stabilité pour poursuivre le rétablissement de l’ordre. Les républicains modérés se regroupent derrière sa candidature, à l’exception de Lamartine qui entend tenter sa chance. À gauche, il n’est pas question de soutenir Cavaignac, le « fusilleur » du peuple au mois de juin. Ledru-Rollin, souvent présenté comme l’ancêtre du courant radical-socialiste en France, annonce sa candidature au nom du courant démocrate et socialiste. Mais les socialistes révolutionnaires préfèrent se tourner vers Raspail. Enfin et surtout, c’est le 26 octobre que le prince Louis-Napoléon officialise une candidature qui depuis quelques semaines était un secret de polichinelle. Âgé de 40 ans à peine, il incarne le courant bonapartiste et plébiscitaire. Mais le résultat de l’élection présidentielle dépend aussi du choix des royalistes, légitimistes ou orléanistes. Certains, à l’image du comte Molé, sont tentés par Cavaignac au nom de l’ordre qui règne dans le pays après la tourmente révolutionnaire du printemps. D’autres se désintéressent de l’élection car c’est un roi qu’ils veulent le plus vite possible. En tout état de cause, tout sépare les monarchistes du prince Louis-Napoléon. Ce dernier incarne pour les royalistes une dynastie usurpatrice et des choix politiques dangereux. Mais aucun candidat monarchiste ne peut l’emporter le 10 décembre 1848, neuf mois à peine après la révolution qui a chassé le dernier monarque. Thiers, ancien chef du gouvernement de Louis Philippe, sait qu’il n’a aucune chance de se faire élire. Il plaide donc pour un soutien à la candidature de Louis-Napoléon, cet apparent médiocre dont les premières interventions à la Chambre n’ont pas marqué les esprits et qui apparaît comme le « crétin qu’on mènera ». Le chef royaliste mesure aussi la popularité montante de Louis-Napoléon dans le pays. Mieux vaut faire élire ce candidat par le peuple au premier tour ; il gardera la place au chaud pour le futur roi pendant quatre années, le temps que la faveur du peuple revienne vers la monarchie.

    Il n’y a pas eu en 1848 de campagne électorale au sens où on l’entend

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