1 L’ARRIÈRE-PLAN
Les prétentions çaises sur Madagascar remontent au règne de Louis XIII; mais après plusieurs tentatives d’implantation aussi malheureuses qu’éphémères au XVIIIe siècle, la Grande Île retombe dans l’oubli. Elle réapparaît sous la monarchie de Juillet dans le cadre de la « politique des points d’appui » lancée par Guizot. En 1840, la marine occupe Nosy-Be après un accord passé avec la souveraine locale. La monarchie merina (voir encadré p. 64), alors en pleine expansion, cherche à s’imposer auprès des commerçants européens. Cette politique déplaît aux colons réunionnais qui dès 1845 réclament la conquête totale de la Grande Île. Leur intervention souligne l’originalité de l’action de la France, plus largement inspirée par ce lobby que par une claire politique métropolitaine.
En septembre 1862, la France reconnaît par traité le souverain merina comme « roi de Madagascar ». Le royaume jouit alors d’une souveraineté internationalement reconnue; il est dirigé de fait à partir de 1864 par le Premier ministre Rainilaiarivony qui veut unifier la Grande Île au sein d’un État moderne, fortement influencé par les missionnaires protestants britanniques de la London Missionary Society (LMS). En 1869, le protestantisme devient religion officielle, ce qui mécontente à la fois les nombreux fidèles de la religion traditionnelle, mais aussi les catholiques, qui forment alors un parti profrançais.
Le deuxième litige est foncier. En décembre 1878, les héritiers de l’aventurier Jean Laborde, créateur d’un embryon de cité industrielle à Mantasoa, souhaitent reprendre ses possessions – en contradiction avec la loi malgache, qui interdit la cession de terres aux étrangers. L’affaire finit par déborder le cadre de la famille pour inquiéter l’ensemble des colons installés à Madagascar, d’autant que s’y superpose un troisième litige: les traités passés par Paris avec les populations encore indépendantes du Sud et de l’Est sont incompatibles avec le traité de 1862 qui reconnaît le roi merina comme souverain de toute la Grande Île. Alors que la situation est bloquée, François de Mahy, figure du lobby de la Réunion dont il est député, est nommé ministre de la Marine et des Colonies de l’éphémère cabinet Fallières (29 janvier-20 février 1883). Il décide alors d’imposer, si besoin par la force, au gouvernement malgache la reconnaissance d’un protectorat au nord du 16e parallèle, le versement d’une indemnité et le contrôle de la politique étrangère du royaume – la mesure sera confirmée fin mars 1884 par l’adoption à la Chambre d’un ordre du jour affirmant les droits de la France à Madagascar. Inacceptable, l’ultimatum est rejeté et la France déclenche les hostilités sans réelle déclaration de guerre comme souvent dans les guerres coloniales.
Premier essai manqué
Déjà bien occupé au Tonkin, le gouvernement de Jules Ferry n’a guère de moyens pour mener une expédition à Madagascar. L’escadre