Secret de famille: Histoires de secrets et de sentiments
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À propos de ce livre électronique
Julien Redoul, enseignant à la retraite, voit sa vie basculer par la remontée à la surface d’un passé tumultueux. À l’origine des drames à venir, Sibylline, sa vieille mère acariâtre et revancharde qui vit dans une maison de retraite médicalisée. Ramata, éditrice franco-sénégalaise, et François-Xavier, comédien à la Comédie de Caen, personnages solaires de cette histoire familiale imprégnée de secrets et de sentiments refoulés, tenteront de relier les fils et de colorer l’horizon.
Le grand manège des cultures, des générations et des idées restera malgré tout vertigineux…
Découvrez une histoire familiale imprégnée de secrets et de sentiments refoulés.
EXTRAIT
La standardiste des « Jonquilles » venait de lui annoncer avec une sorte d’ironie ambiguë la visite d’un charmant jeune homme. Sibylline se demanda dès lors s’il s’agissait d’une farce salace insinuant sa transformation en couguar à la mode ou d’une véritable rencontre souhaitée par un quelconque préposé des postes ou d’une compagnie funéraire en mal de clients. Elle savait que la jeune Jasmine était coutumière de ce genre de mascarade, d’ailleurs, souvent d’un goût douteux. Depuis qu’elle occupait cette fonction, après un an de formation, la jeune chargée d’accueil, en plus d’avoir appris à sourire au téléphone, avait retenu qu’il fallait amuser les vieux résidents, leur muscler les zygomatiques et stimuler leurs neurones par des charades ou blagues à tiroir non seulement pour les maintenir en vie, mais surtout pour prévenir la décrépitude physique et morale habituellement favorisée par la vie en institution.
Dans le doute, et se préparant à toute forme d’équivoque, Sibylline bien campée sur son fauteuil Voltaire, remit en ordre sa chevelure immaculée puis saisit une revue afin de prendre une pause convenable.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-François Rottier est depuis toujours un passionné de l’écrit.
D’abord travailleur social, son dernier métier sera d’occuper les fonctions de directeur des services municipaux de la ville de Fécamp sur le littoral normand.
De ses années au service d’une population attachante, il garde en mémoire bon nombre de témoignages et d’anecdotes qui nourrissent son imaginaire. En retraite depuis 2015, il se consacre presque exclusivement à l’écriture et poursuit sa dissection des êtres d’une plume acérée et tendre. Dans ses livres, les paysages marins contribuent pour beaucoup à l’étrangeté des situations et à la complexité des relations humaines, comme si les marées et les tempêtes successives se chargeaient d’organiser la vie de ses personnages.
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Aperçu du livre
Secret de famille - Jean-François Rottier
Table des matières
Résumé
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
TROISIÈME PARTIE
Dans la même collection
Résumé
Julien Redoul, enseignant à la retraite, voit sa vie basculer par la remontée à la surface d’un passé tumultueux. À l’origine des drames à venir, Sibylline, sa vieille mère acariâtre et revancharde qui vit dans une maison de retraite médicalisée.
Ramata, éditrice franco-sénégalaise et François-Xavier, comédien à la Comédie de Caen, personnages solaires de cette histoire familiale imprégnée de secrets et de sentiments refoulés, tenteront de relier les fils et de colorer l’horizon.
Le grand manège des cultures, des générations et des idées restera malgré tout vertigineux…
Jean-François Rottier est depuis toujours un passionné de l’écrit.
D’abord travailleur social, son dernier métier sera d’occuper les fonctions de directeur des services municipaux de la ville de Fécamp sur le littoral normand.
De ses années au service d’une population attachante, il garde en mémoire bon nombre de témoignages et d’anecdotes qui nourrissent son imaginaire. En retraite depuis 2015, il se consacre presque exclusivement à l’écriture et poursuit sa dissection des êtres d’une plume acérée et tendre. Dans ses livres, les paysages marins contribuent pour beaucoup à l’étrangeté des situations et à la complexité des relations humaines, comme si les marées et les tempêtes successives se chargeaient d’organiser la vie de ses personnages.
Jean-François Rottier
Secret de famille
Roman
ISBN : 978-2-35962-928-6
Collection Blanche
Dépôt légal avril 2017
© 2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6, rue des Sybilles
88370 Plombières-les-Bains
www.editions-exaequo.fr
En souvenir de Marcel, Alain, Michel, Jean, Dominique et François qui, tous les six, ont cru à l’engagement d’une vie malgré sa brièveté.
« L’homme n’est que poussière.
C’est dire l’importance du plumeau. »
Alexandre Vialatte
PREMIÈRE PARTIE
Pourquoi la réveillait-on à 6 h 30 alors que sa journée allait être comme d’habitude empreinte de longueurs insipides ?
Sibylline s’était déjà plaint auprès de l’infirmière en chef, mais rien n’avait changé depuis son arrivée en septembre. Madame Fanet lui avait simplement rétorqué qu’il en était ainsi depuis des lustres, que ces horaires permettaient un changement de quart équitable entre l’équipe de nuit et celle de la journée et qu’il n’était pas prévu de modifier ce fonctionnement, surtout depuis les suppressions de postes engagées par l’État.
Sibylline avait maugréé et tenté de mettre les résidents au centre des priorités, mais trop heureuse d’avoir été accueillie « aux Jonquilles », elle s’était assez vite résignée à ne pas trop râler. À quatre-vingt-quatorze ans, après des années de solitude dans sa petite maison devenue insalubre où elle commençait à avoir peur des gens de l’extérieur, des jeunes et des voisins, elle avait maintenant envie d’être choyée, voulait que quelqu’un s’occupât de son maintien, que quelqu’un fût enfin attentionné. Elle avait donc insisté auprès du docteur Sorbier pour être hébergée en maison de retraite médicalisée alors que la considérant suffisamment vaillante et saine d’esprit, il privilégiait son maintien à domicile. Mais habile pour simuler, elle avait répété durant de longues journées et appris les moyens de commettre les bonnes erreurs capables d’influencer le cerveau bien organisé de son cher docteur : doser avec subtilité quelques confusions puis oublier entre chaque visite des éléments de l’actualité ou de la vie quotidienne, avoir le regard perdu vers un horizon hypothétique et chercher régulièrement les mots les plus simples d’un lexique supposé en panne. Il fallait juste qu’à un moment donné le docteur Sorbier craignît pour sa sécurité au foyer, comme lorsqu’elle laissa le gaz allumé ou feignit d’oublier de se nourrir en perdant quelques kilos.
Sibylline était assez fière de sa performance, d’autant qu’elle avait connu jadis d’anciens rebelles qui avaient tenté d’être frauduleusement exemptés du service militaire avant de se retrouver punis dans une caserne de parachutistes démontrant ainsi qu’il était difficile de tromper l’ordre médical et sa batterie de tests insidieux.
Elle avait réussi comme une comédienne chevronnée qui sait qu’en plus du talent, il convient d’apprendre un rôle jusqu’à rendre sa prestation automatique et évidente.
Mais sa pleine satisfaction d’araignée revancharde était d’avoir emprisonné dans sa toile, son fils indigne qui ne lui adressait plus la parole depuis plus de trente ans.
Enfin elle se vengeait. Ne percevant que le minimum vieillesse, au nom du principe napoléonien de l’obligation alimentaire, Julien allait devoir combler la différence entre sa pension ridicule et le coût mensuel de son hébergement évalué à la somme rondelette de deux-mille-deux-cents euros. Toutes ces années de silence et d’abandon valaient bien cette saignée... Les démarches administratives étaient en cours. Sibylline savait que le Conseil Général réglait les factures depuis son arrivée aux « Jonquilles », mais qu’une enquête était diligentée pour que le relais financier soit pris au plus vite par son rejeton. Elle imaginait sa tête défaite, même si elle aurait bien du mal à le reconnaître après toutes ces années... La fête de Noël approchait. Quel cadeau elle lui faisait !
***
Julien Redoul était en retraite de la fonction publique depuis quelques semaines. Il appartenait au dernier contingent des privilégiés à avoir quitté son poste à l’âge canonique de soixante ans. Les jaloux n’avaient qu’à être fonctionnaires, répliquait-il souvent aux contestataires. Il avait terminé sa carrière en détestant les humains, bon nombre de ses collègues, les hommes politiques, le progrès, la démocratie et un peu les femmes... Sans doute en souvenir lointain d’une mère fantomatique.
Il n’était pour autant ni taciturne ni dépressif. Solitaire sans aucun doute, misanthrope comme il se doit après quarante ans de bons et loyaux services, il s’adonnait, avec sa femme inquiète de le retrouver à plein temps à domicile, aux plaisirs des voyages, des cours d’œnologie, de la lecture et du cinéma qu’ils fréquentaient plusieurs fois par semaine. De son mariage qui lui semblait préhistorique était né un fils qui avait maintenant trente et un ans et qu’ils ne voyaient que quelques fois par an. Cette fréquence s’accordait à son retrait du monde alliant subtilement vie monastique et plaisirs solitaires qu’il n’imaginait pas partager. Il redoutait d’avoir à échanger, d’avoir à discuter, surtout avec d’anciens collègues. Il ne s’intéressait plus depuis longtemps aux soubresauts de l’actualité, fuyait les miséreux et suivait à la lettre les préceptes de l’essayiste Pascal Bruckner en ne se culpabilisant jamais de ce qui pouvait arriver de désagréable à autrui. Il allait ainsi grossir cette nouvelle catégorie de post-soixante-huitards aigris, blasés, égoïstes, mais non moins heureux de vivre, protégés de ce qu’ils estimaient être une forme de décadence digne de la Rome antique sous Néron. Comportement paradoxal puisque ces mêmes anciens chevelus aux barbes fleuries avaient préconisé jadis des amours libres et débridées en fumant des calumets autour de feux de bois crépitant d’indolence. Mais la contradiction ne l’indisposait guère.
À l’image d’un Gustave Flaubert à Croisset ou du curé de sa paroisse, Julien savourait sa jeune retraite comme un ours en hibernation. Aucune arthrose maternelle à subir, pas trop d’états d’âme filiaux à supporter, une forme de solitude en compagne silencieuse et carpe diem gravée au-dessus de sa couche sélective. Heureusement, Katia, sa femme, vivait une vie parallèle assez agréable en s’adonnant à de multiples activités culturelles avec des amies ouvertes sur le monde. Saine complémentarité.
La visite du représentant du Conseil Général de Seine-Maritime venu lui réclamer sa contribution aux frais d’hébergement de sa mère eut donc l’effet d’un bombardement du territoire helvète totalement contraire aux règles ancestrales d’une neutralité reconnue par tous. Il devait y avoir erreur.
Revendiquant l’absence antique de liens avec sa génitrice, manu militari, il ne tarda pas à évacuer l’intrus aux coudes lustrés qui tout en reculant, hurla son intention de ne pas en rester là, que l’obligation alimentaire était un droit et un devoir, que la collectivité n’était pas une vache à lait, qu’elle n’était pas destinée à suppléer l’ingratitude d’un fils et que les contribuables n’avaient pas à sauvegarder les économies d’ignobles rentiers égoïstes...
Le fonctionnaire eut le temps de jeter toutes ses diatribes comme une mitrailleuse ennemie crache ses balles au-dessus des tranchées puis recula par crainte des réactions de Julien Redoul dont les cent kilos et le mètre quatre-vingt-dix visiblement hargneux suffirent à l’impressionner. Mais en serviteur zélé de la République, il savait qu’il n’allait pas lâcher sa proie récalcitrante.
Il en avait l’habitude, son opinion était faite : dès que l’on touche au portefeuille, le moindre humaniste soucieux d’équité et de justice sociale se convertit en soldat retranché derrière une radinerie toujours justifiée et bien argumentée par de lourdes charges à régler. Il reviendrait avec ce qu’il fallait de papiers officiels, il serait soutenu... Ce Julien Redoul aurait à dévoiler comme tout le monde l’état de ses ressources et comme tout le monde il serait amené à contribuer à la prise en charge de sa pauvre vieille mère.
***
La standardiste des « Jonquilles » venait de lui annoncer avec une sorte d’ironie ambiguë la visite d’un charmant jeune homme. Sibylline se demanda dès lors s’il s’agissait d’une farce salace insinuant sa transformation en couguar à la mode ou d’une véritable rencontre souhaitée par un quelconque préposé des postes ou d’une compagnie funéraire en mal de clients. Elle savait que la jeune Jasmine était coutumière de ce genre de mascarade, d’ailleurs, souvent d’un goût douteux. Depuis qu’elle occupait cette fonction, après un an de formation, la jeune chargée d’accueil, en plus d’avoir appris à sourire au téléphone, avait retenu qu’il fallait amuser les vieux résidents, leur muscler les zygomatiques et stimuler leurs neurones par des charades