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L’envie de s’envoler: Une histoire à quarante-cinq voix
L’envie de s’envoler: Une histoire à quarante-cinq voix
L’envie de s’envoler: Une histoire à quarante-cinq voix
Livre électronique108 pages2 heures

L’envie de s’envoler: Une histoire à quarante-cinq voix

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À propos de ce livre électronique

Ce cadavre exquis à grande échelle, qui a impliqué les élèves de quatre classes de Dakar, invente plusieurs destins entrelacés à partir de celui de la jeune Fatim, lancée dans un combat pour un monde meilleur, contre la résignation et l'impuissance devant l'injustice. Sa fin tragique ouvre sur le retour en Afrique de Ndèye, sa meilleure amie, dont nous suivons les pérégrinations, puis sur le sort incertain de Sabrina, sa fille, qui rencontrera enfin Fadel.

Cette saga traduit le regard porté par les enfants sur le monde contemporain, ses valeurs en mutation, son devenir: migrants, traversées catastrophes avec leurs drames mortels, terrorisme, misère urbaine, sort des femmes, exil... mais aussi et surtout l'amour et les liens fraternels et familiaux; tels sont les thèmes traités en profondeur et avec la légèreté apparente de la fiction. Sous la direction de Ken Bugul avec un collectif de quarante-cinq auteurs.

LangueFrançais
ÉditeurAmalion
Date de sortie19 mars 2021
ISBN9782359260892
L’envie de s’envoler: Une histoire à quarante-cinq voix
Auteur

Ken Bugul

Ken Bugul, née au Sénégal d'un père marabout âgé de 85 ans et d'une mère qui devra se séparer d'elle alors qu'elle n'a que 5 ans, Mariètou Mbaye Biléoma signe ses ouvrages Ken Bugul ( personne n'en veut en wolof). Ses prises de position sur la condition des femmes, l'islam, les rapports Nord-Sud, la liberté de ton, alliant colère et humour, l'imposent comme une des très grandes voix de la littérature africaine avec plus de dix ouvrages.

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    Aperçu du livre

    L’envie de s’envoler - Ken Bugul

    (professeur).

    1

    Désir d’envol

    Fatim est une jeune adolescente native de Dakar, et qui depuis toute petite a une passion pour les oiseaux. Dans la cour de la maison où elle habite avec ses parents, il y a un grand arbre où beaucoup d’oiseaux viennent se poser tous les jours. Certains y font leurs nids. Elle les regarde aller et venir et est fascinée par leur organisation. Chacun a son rôle à jouer pour le bien-être de tous et la préservation de son espèce. Fatim lève souvent la tête vers le ciel ou la tourne vers les horizons en feu pour contempler les oiseaux. Il y a ceux de l’aube, et ceux du soir. Le matin, Fatim aime regarder les hérons qui passent au-dessus de leur maison pour aller passer la journée dans la brousse, vers des points d’eau. Au coucher de soleil, quand l’obscurité hésite à tomber, elle les guette quand ils retournent dans leurs grands nids au-dessus des arbres, plus loin, vers le marché.

    Parmi les oiseaux qui tournent autour de son quartier, il y a l’épervier redouté, qui vole très haut et peut rester ainsi à tournoyer. Aux heures où les cours des maisons sont désertées, le rapace, de ses yeux perçants, repère de là-haut les cours des maisons où des poules et leurs poussins insouciants picorent çà et là. Dès qu’il les aperçoit, il pique sur eux comme une fusée et emporte dans ses serres puissantes un ou deux poussins. Le rapace est si rapide que les mères poules, surprises, s’affolent et courent dans tous les sens en caquetant, les plumes ébouriffées pour effrayer le rapace et le faire lâcher prise. Elles essaient de le rattraper en sautillant sur leurs pattes, mais il remonte vite là-haut dans le ciel, son espace préféré, son observatoire de la terre. Les poules caquettent de détresse en rassemblant autour d’elles les poussins épargnés. Elles regrettent de ne pouvoir voler, comme l’épervier qui, de là-haut, cherche à présent un grand arbre pour y dévorer sa prise dans la tranquillité.

    Devenue grande, Fatima voit moins d’oiseaux dans le ciel, car toute la ville a changé. Il y a des constructions partout et il y a de moins en moins d’arbres. C’est une situation qui l’attriste. Une ville sans oiseaux, sans arbres, elle ne peut le concevoir. Elle est préoccupée par cette urbanisation qui massacre les arbres et chasse les oiseaux.

    La maison de ses parents a été transformée et il y a un étage en plus. Elle est plus confortable, mais sans cour et sans perspectives pour les rêves et l’évasion. Les portes et les fenêtres sont toujours fermées. Parfois, Fatim ferme les yeux et s’imagine en oiseau. Elle se met à voler et plane au-dessus de sa ville. Le spectacle qu’elle découvre lui fait mal. Elle voit une ville où il n’y a pas d’arbres, pas de jardins, pas de parcs publics, pas d’aires de jeux verdoyantes. Les tentatives qui existent sont abandonnées, car non loin, s’érigent des immeubles très hauts qui les grignotent et ils finiront abattus.

    Dans sa ville, Fatim voit des enfants partout. Des enfants qui ne vont pas à l’école. Des enfants qui mendient. Des enfants qui vendent des colifichets à la sauvette. Des enfants qui travaillent sur les chantiers de construction d’immeubles. Des enfants qui portent des bagages dans les marchés. De là-haut, Fatim n’en croit pas ses yeux. Elle ne savait pas que des milliers d’enfants sont livrés à la rue dans la ville où elle vit.

    Comparée à eux, Fatim se dit qu’elle a de la chance. Elle est née dans une famille moderne de la classe moyenne. Son père et sa mère travaillent. Elle va à l’école et vit dans un certain confort. Elle espère qu’il en soit ainsi pour tous les autres enfants. Elle ne sort pas de son milieu. Elle fréquente les jeunes de son école, les enfants des amis de ses parents.

    Dans leur maison transformée, Fatim ne se sent pas heureuse. Elle ne voit plus le ciel comme avant. Elle ne peut plus circuler librement, lever la tête vers le ciel et regarder des oiseaux y voler. La cour, disparue de leur maison, lui manque. Dans la nouvelle maison, la vie est moins gaie et il n’y a plus d’échanges. Les nouveaux espaces urbains isolent les gens les uns des autres. Fatim ne voit ses parents qu’aux heures de repas et souvent elle mange seule quand ils ne sont pas là. Fatim utilise les réseaux sociaux comme tous les jeunes de son âge, mais malgré tout, elle aime lire de vrais livres, et depuis toute petite, avec son argent de poche, elle en achète. Elle lit aussi des magazines, des revues. Ses parents ne lisent plus. Pour eux, la lecture c’est à l’école. À la maison, ils passent leur temps libre devant la télévision ou dans leur chambre. Fatim, quant à elle, s’évade à travers ses lectures et les réseaux sociaux. Au fond d’elle, elle ressent un profond désir de s’envoler et rejoindre les oiseaux là-haut dans le ciel. À la télévision, Fatim regarde des documentaires sur les oiseaux et elle se met à tournoyer dans sa tête. Les oiseaux qu’elle ne voit plus voler audessus de sa maison et de sa tête sont peut-être allés ailleurs, pense-t-elle. Elle s’imagine tous ces espaces qu’ils vont traverser. De là-haut, les oiseaux peuvent observer la terre et tous les changements qui s’y opèrent, et ils cherchent à s’adapter pour leur survie. Ce qui n’est pas le cas de Fatim.

    Elle sait que le monde est en mouvement, mais elle s’y sent enfermée. La société dans laquelle elle vit subit de profondes mutations, mais elle n’entrevoit pas le changement espéré pour son meilleur devenir. Elle se base de plus en plus sur le virtuel pour savoir ce qui se passe ailleurs et elle se trouve enfermée dans des images. Fatim essaie de résister à l’emprise du virtuel et de ses modèles. Chaque fois qu’elle s’en échappe, elle replonge dans la réalité. Elle se demande comment elle peut faire pour être en harmonie, entre le virtuel et la réalité.

    Fatim vit dans une société et une époque où beaucoup de jeunes de son âge sont de plus en plus emportés dans ce tourbillon entre le virtuel et leur quotidien. Fatim pense à son avenir et à ses aspirations profondes, dont celle de s’envoler comme les oiseaux. Elle veut se libérer des chaînes sociétales qui entravent son désir d’envol. Elle se sent enfermée et cette situation est devenue insupportable. Elle veut ouvrir la porte de la maison et partir, comme d’une cage qui s’ouvre et laisse s’envoler l’oiseau. Son désir d’envol est de ne pas s’enfermer dans les images-clichés, orientées vers le narcissisme et la violence, qui enfoncent dans le mal-être. Fatim veut poursuivre des études dans le domaine de la protection des oiseaux et dans l’humanitaire. Pour elle, les enfants de la rue et les oiseaux sont en danger dans ce monde qui bouge. Ses parents lui parlent de réussite sociale et insistent pour qu’elle fasse comme eux. Ils ne comprennent pas son intérêt pour les oiseaux et les enfants de la rue. Elle leur dit qu’elle ne peut pas jouir d’une réussite si elle vit dans un monde où les oiseaux et les enfants sont en danger. Fatim ne veut pas repasser sur les traces de ses parents, ni sur celles des autres. Elle ne veut pas faire de sa vie du copier-coller. Elle veut ses propres traces. Sur les réseaux sociaux de plus en plus envahissants, beaucoup de jeunes cherchent des références, des modèles, des repères et sont assaillis par une multitude d’images et ils n’arrivent pas à s’y retrouver. Ce n’est pas de leur faute. Ils n’ont pas leurs propres images.

    Que peut faire Fatim

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