LA TACTIQUE DU TACOS
Les french tacos sont aux tacos ce que les chicken fingers sont aux doigts: ça n’a rien à voir. Déjà, les Français ne disent pas un « taco » comme au Mexique ou aux États-Unis; ils ajoutent systématiquement un « s » sonore, même au singulier. On dit par exemple : « Je me mangerais bien un petit tacos. » Techniquement, le french tacos n’est pourtant jamais vraiment petit puisqu’il ressemble, même à sa taille minimum, à une sorte d’épais sandwich parallélépipédique. Il se prépare avec une grande tortilla de blé que l’on tapisse de condiments, puis que l’on garnit généreusement de viande (parfois de trois, quatre, voire cinq sortes différentes, en général toutes halal) et de frites, et qu’on arrose enfin de la fameuse « sauce gruyère », ou « sauce fromagère ». On plie et on ferme tout ce paquetage avant de le passer dans un gril similaire à celui qu’on utilise pour toaster les paninis. Le panini est d’ailleurs l’une des références citées par le journal municipal d’une des villes natales présumées du french tacos, Vaulx-en-Velin (Rhône), où celui-ci est désigné comme « l’alliance plus que réussie du panini, du kebab et du burrito ».
Le défi: un « gigatacos » de près de deux kilos et demi, offert s’il est mangé en moins de deux heures.
L’histoire de la création du tacos français existe en différentes versions locales, mais on s’accorde généralement à dire qu’il a été conçu au tournant du XXIe siècle dans certains snacks de la région Rhône-Alpes. Les vrais pionniers de ce sandwich devenu phénomène national sont donc les jeunes hommes d’origine maghrébine qui possédaient ces boutiques des banlieues lyonnaises et grenobloises. Parmi les mythes des origines de sa recette, on parle de deux frères bouchers qui se seraient inspirés d’un plat que leur faisait leur mère, ou d’un cuisinier testant une sauce au fromage pour garnir une galette roulée à base de pâte à pizza, ou encore d’une inspiration venue de la gastronomie algérienne : le mukhala’a, une crêpe de semoule fourrée. Aucun de ces récits ne pourra jamais être rigoureusement vérifié mais chacun d’eux montre qu’il était à peu près impossible de prévoir le mélange culturel ayant permis l’émergence du tacos français. « Depuis des décennies, la France est un pays foncièrement urbain, industriel, et culturellement diversifié », me confie Loïc Bienassis, membre de l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation. « Le french tacos est un produit mutant issu de ce pays. Il est sa junk food proprement nationale. »
Du côté de la presse professionnelle, la plateforme web a récemment affirmé que le «
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