La photo prise par le chien: Roman
Par Alain Douzal
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né à SÈTE en 1950, Alain Douzal a suivi des études jusqu’en Faculté de Lettres après un baccalauréat « Philo » en 1969.
Rentré tôt dans la vie active dans une filière très éloignée de la littérature, il n’a pas eu le loisir de cultiver un goût marqué pour l’écriture. À la retraite, Alain Douzal essaye, sinon de rattraper le temps perdu, en tout cas de ne pas perdre celui qui reste.
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Aperçu du livre
La photo prise par le chien - Alain Douzal
Chapitre 1
L’épaisse brume qui avait envahi le port en ce petit matin de samedi répandait sur les quais une atmosphère humide que les lumières des réverbères avaient du mal à percer.
Gaëtan qui promenait son chien sur le coup des six heures n’y voyait guère à plus de trois mètres.
Dans ce silence ambiant que seuls entrecoupaient de temps en temps les appels de la corne, il ressentait un sentiment, sinon de peur, du moins d’inquiétude ou d’angoisse.
C’est alors qu’il entendit des bruits de pas rapides, comme s’il s’agissait d’une poursuite et qui se rapprochaient de lui.
Faut savoir que son chien était un petit modèle, du style bouledogue français croisé avec un teckel.
Pas possible de compter sur lui en cas d’agression. C’était plutôt le maître qui défendait le chien !
Il prit donc la bête dans ses bras et se réfugia sous une de ces portes cochères qui rappelaient le long des quais qu’ici avaient logé de riches armateurs.
Il n’avait pas réussi à localiser la provenance de ces bruits de pas, devant ou derrière ?
Il ne put pas non plus localiser le cri qui déchira le silence pesant, alourdi par ce décor voilé aux allures glauques, et qui finit comme celui d’un animal blessé, à la fois rauque et strident, comme un cochon qu’on saigne et qui couine tout en râlant.
Son sang s’était glacé et, paralysé par ce qui était maintenant devenu de la terreur, il ne savait plus s’il devait fuir en avant ou rebrousser chemin.
Il essayait d’étouffer dans ses mains les gémissements de son chien qui semblait ressentir cette situation anormale. On dit que les animaux sentent la peur des hommes, pourquoi pas ?
Il hésitait encore quand devant le porche qui lui servait d’abri passa sans le voir une ombre furtive.
À sa corpulence et à sa démarche on pouvait penser à un homme, mais rien de sûr car la silhouette était dissimulée sous une sorte de houppelande surmontée d’une capuche.
Au bout du bras gauche qui dépassait un peu on apercevait comme le manche d’un instrument tenu à l’envers.
De là à imaginer un grand couteau, un hachoir, une serpette, que sais-je encore, le pas était vite franchi !
Une image qui avait terrorisé Gaëtan alors que, préadolescent, il allait voir chez un copain qui avait la télé, tous les samedis soir, une série intitulée « les Samedis de l’angoisse » lui revint à l’esprit.
C’était celle d’un tueur qui égorgeait ses victimes avec un sarcloir pour laisser croire à la griffe d’un animal ! En effet le sarcloir est un outil de jardinage en forme de griffe !
Après l’émission, les quelques dizaines de mètres qu’il avait à faire, dans le noir, pour traverser le jardin du voisin afin de rentrer chez ses parents, il les faisait en courant, la peur au ventre, puis il grimpait les escaliers extérieurs 4 à 4 et s’engouffrait dans l’appartement en claquant la porte derrière lui !
Enfin, un peu rassuré par le silence ambiant indiquant qu’il n’était pas poursuivi, il allait fermer à clé.
Le lendemain quand sa mère le questionnait sur cette rentrée quelque peu bruyante et précipitée il éludait la question en évoquant un pari de vitesse avec son copain !
Gaëtan, en repartant à pas accélérés vers chez lui, a-t-il senti qu’il butait sur un obstacle ou aveuglé par la panique qui l’avait envahi n’a-t-il même pas remarqué cette espèce de tas à cheval entre rue et trottoir, qu’avait un moment reniflé le chien au bout de sa longue laisse à enrouleur, emportant au passage une pochette en tissu souillée qu’il avait eu du mal à lui retirer de la gueule ?
Le fait est qu’il grimpa là aussi 4 à 4 les escaliers qui conduisaient à son appartement situé au premier étage d’une maison de ville qui en comportait deux !
Par contre, en partant, il avait bien sûr fermé à clé ! Impossible donc de rentrer en trombe et de claquer la porte derrière lui !
Affolé à la pensée qu’il avait pu être suivi, ses mains tremblaient à tel point qu’il renonça à ouvrir la porte dont il ne trouvait même pas le trou de la serrure et monta d’un étage de plus se réfugier dans l’obscurité du palier supérieur !
Son chien, complètement déboussolé par cette promenade des plus inhabituelles, se mit à gémir et puis, cherchant sans doute à marquer un nouveau territoire ou à cause justement de l’interruption brutale de ladite promenade leva la patte sur le tapis de devant de porte des voisins du dessus !
Et c’est à ce moment précis que la voisine, réveillée sans doute par les gémissements du toutou, ouvrit sa porte.
Devant ce spectacle elle poussa un cri qui se voulait strident mais auquel sa voix enrouée, saut du lit oblige sans doute, donna un effet rauque bizarre ! (Un peu comme un cochon…)
Gaëtan saisit son chien et redescendit à toute vitesse vers son appartement sous les invectives de la dame.
Il réussit à rentrer, à claquer la porte, mais mit quelques minutes à aller fermer à clé !
En effet, dans sa descente précipitée, il avait quand même pu voir sa voisine, enroulée dans un peignoir surmonté d’une capuche, et au bout de son bras gauche le manche d’un instrument, semble-t-il, tenu à l’envers !
Pas question bien sûr de se recoucher tant une foule de questions encombrait son esprit.
Que s’était-il passé sur le quai ? Qui était cette ombre qui l’avait frôlé ? Pourquoi cette similitude avec la voisine ? Et même pourquoi son chien, si propre d’habitude, avait-il levé la patte sur le paillasson du dessus ? Avait-il reconnu une odeur ?
Après une matinée de réflexion, ne se sentant pas le courage de ressortir pour acheter le journal ou en parler avec la boulangère ou la caissière de la supérette du bout de la rue, il se résolut à s’en remettre à la radio.
Les radios locales ne faisaient état d’aucun fait divers qui puisse correspondre à son attente anxieuse, mais peut-être était-ce encore un peu tôt ?
À 12 h 30 il alluma sa télé pour voir les infos régionales, et là, la présentatrice parlait d’une personne de sexe féminin, non identifiée, retrouvée morte sur un des trottoirs longeant les quais du port, les premiers éléments de l’enquête laissant à penser à un meurtre à l’arme blanche.
« Nous vous donnerons plus de détails dans notre édition du soir », conclut-elle.
Gaëtan passa une bonne partie de l’après-midi l’oreille collée à la radio guettant la moindre info.
Le seul élément nouveau fut un appel à témoin lancé par les enquêteurs.
Il n’avait pas pu manger de la journée et avait juste ingurgité les trois ou quatre canettes de bière qui restaient dans le frigo.
Le soir venu il ralluma la télé pour écouter ce qu’avait à dire la chaîne régionale.
Il apprit là que le corps n’avait toujours pas été formellement identifié mais qu’il s’agissait d’une femme blonde d’âge moyen, de faible corpulence, que l’heure de la mort devait se situer entre 5 h et 6 h 30 du matin et que l’appel à témoin lancé par la police était resté sans écho.
Assez curieusement, cette information le rassura un peu. En effet, se dit-il, s’il avait été fait état dans celle-ci de la présence d’une tierce personne à proximité au moment de l’assassinat, nul doute que l’assassin rechercherait la personne en question pour s’en débarrasser !
Mais puisque rien dans les relevés de la police scientifique ne laissait entrevoir l’éventualité d’une telle présence, ce n’est pas lui qui irait s’en vanter !
À partir de là, son cerveau redevint accessible à trois considérations, la première c’est que tout à coup il avait faim, la seconde c’est que les quelques bières avalées avaient déclenché une furieuse envie d’en boire d’autres et la troisième c’est que le chien qui n’était pas sorti, sauf sur le balcon pour pisser, grattait à la porte pour un besoin plus conséquent !
Il décida donc de sortir pour promener le chien et par la même occasion manger un petit truc à la brasserie du port, le Loup-Bar, en buvant un demi, voire deux, voire…
Au comptoir la discussion allait bon train entre deux clients assis sur des tabourets et le patron,
Il y avait là Polo, ancien docker, grand gaillard chauve et balafré qui pesait son quintal et qui avait, s’en vantait-il, connu le temps où les cargos se déchargeaient à dos d’homme.
On lui laissera le bénéfice du doute en admettant qu’il ait commencé très très jeune.
Les lourds fardeaux lui avaient forgé une musculature impressionnante même si le poids des ans avait quelque peu inversé et courbé le V de son dos et tassé ses vertèbres lombaires.
C’est la raison pour laquelle il portait toujours enroulée de plusieurs tours autour de la taille une longue et large ceinture d’étoffe noire. En effet, c’est ainsi qu’à l’époque, avant l’arrivée des ceintures de force en cuir, les dockers, qui soulevaient de lourdes charges, soulageaient leur « mal de reins ».
Une légende raconte d’ailleurs que les habitants d’un petit port de Méditerranée sont appelés « les ventres bleus » parce que ses habitants portaient ce genre de ceintures de couleur bleue, confectionnées avec l’étoffe bleue que transportait un navire marchand échoué près de ses côtes.
Comme souvent dans les bars les habitués se donnent des surnoms, lui c’était Doc Gi, en référence, vous l’aurez deviné, aux célèbres ceintures lombaires du Docteur Gibaud et non au chanteur qui d’ailleurs, n’était pas encore né !
À ses côtés il y avait Martin, un breton d’origine, marin-pêcheur à la retraite. Sans aller jusqu’à les comparer à Laurel et Hardy, il y avait entre eux une très importante différence de stature.
Lui était plutôt petit, pas maigre mais sec (le comble pour un marin-pêcheur). Il arborait une superbe barbe dans laquelle on aurait pu largement tailler une perruque de Beatles à Doc Gi.
Un indévissable bonnet couvrait une partie de ses cheveux mi-longs qui avaient cette couleur paille que donnent l’eau salée et l’air du large.
Ses mains calleuses témoignaient encore de la rudesse de son métier de matelot. Martin ne prenait plus la mer mais était toujours habillé comme si ! Tricot rayé blanc et bleu, salopette imperméable, bottes ou sabots en caoutchouc et vareuse ou ciré suivant le temps et la saison.
Quand on lui demandait pourquoi cette tenue, il répondait qu’on l’avait mis à la retraite trop tôt, à 50 ans pour les métiers de la mer, et qu’il se tenait