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Le loup dans la bourgerie: Une Saint-Hubert en Limousin
Le loup dans la bourgerie: Une Saint-Hubert en Limousin
Le loup dans la bourgerie: Une Saint-Hubert en Limousin
Livre électronique168 pages2 heures

Le loup dans la bourgerie: Une Saint-Hubert en Limousin

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À propos de ce livre électronique

Des cadavres à demi dévorés.

Une jeune et charmante journaliste a souhaité faire un stage dans un journal local. Elle va être servie ! Son premier reportage la mène au domaine de La Bourgerie où un troupeau de moutons a été attaqué par des chiens errants. Les choses se compliquent quand un chasseur découvre le cadavre d’une jeune femme à demi dévoré. Il y en aura d’autres… Gladys rencontrera des hommes et des femmes de caractère dans ces espaces sauvages perdus au fond des bois où ont hurlé les derniers loups du Limousin. Les surprises s’enchaînent dans un style quelque peu décalé jusqu’au coup de théâtre final inattendu.

Suivez les investigations d'une jeune journaliste et découvrez une histoire pleine de surprises et de rebondissements !

EXTRAIT

Le rapport précisait que Marie-Clotilde de Bos-Cassagne avait succombé à une trentaine d’atroces et profondes blessures disséminées sur le tronc et les membres. On était toutefois content d’apprendre que cela aurait pu être pire et que Marie-Clotilde, 82 ans, n’était pas enceinte et n’avait pas été violée, ni par les pitbulls ni par quiconque. Le décès remontait à l’après-midi du mercredi. La biologie indiquait toutefois une bizarrerie : le taux sanguin d’un alcaloïde, la scopolamine, était très élevé. On ne notait pas d’autres
particularités.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Louis Boudrie, de vieille souche limousine, s’inscrit dans l’estimable tradition des Médecins-Ecrivains-Chasseurs, avec une dévotion particulière pour la dermatologie et la bécassine au chien d’arrêt. Il s’inspire des mille et une anecdotes de cette double vie pour écrire quelques petites nouvelles (Plumes de Novembre, Cahiers Robert Margerit) et un polar de terroir, Du plomb dans les poils. Originaire de Châlus, il vit à Limoges.
LangueFrançais
Date de sortie22 juin 2018
ISBN9791035301675
Le loup dans la bourgerie: Une Saint-Hubert en Limousin

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    Aperçu du livre

    Le loup dans la bourgerie - Jean-Louis Boudrie

    PREMIÈRE PARTIE

    I

    Comme il y a des Andalouses blondes qui prennent des coups de soleil, il y a des Anglaises brunes qui en prennent aussi. Mais pourquoi changer un modèle qui a fait ses preuves ? Gladys Oakwood était donc anglaise et rousse, peau blanche et grands yeux verts. Ses cheveux mi-longs, sa tenue soignée made in Sloane Street disaient combien cette jeune personne était sérieuse et réservée. Un regard pétillant et une petite fossette de la joue gauche pouvaient laisser supposer le contraire. L’ensemble était ravissant.

    C’est ce que pensaient les passagers du vol de Londres-Stansted à Limoges-Bellegarde en la voyant s’étirer pour placer son bagage à main dans le bac au-dessus de sa tête. Elle savait déjà qu’il y avait sur ce vol 68 % d’Anglais, deux myopes et 30 % de Français puisque, sur une cinquantaine de pèlerins, trente-quatre la regardaient perfidement du coin de l’œil et quinze n’étaient que des billes exorbitées, coiffées d’un béret basque et d’un drapeau tricolore. Ils rentraient d’un match de rugby. Ce jour-là, semble-t-il, on avait gagné.

    Son voisin s’installa à son tour. Elle l’avait vu discuter avec les rugbymen, serrer les mains, distribuer des signatures. Probablement quelque vieille gloire des podiums, pensa-t-elle, bien qu’il n’eût, à vue de nez, qu’une petite quarantaine. Il la salua d’un sourire poli et se plongea dans l’Équipe qu’il avait sortie de sa poche. C’était un Français. Le genre d’Artagnan qui sait où il va. Rassurée, elle regardait distraitement par le hublot les ombres maladives qui tremblotaient sous le pâle soleil de Stansted. Dans une heure, elle serait à Limoges. Elle s’y voyait déjà.

    — C’est quelque part dans le midi de la France, lui avait-on dit. C’est de là que vient le service de porcelaine de Granny. À sa mort, c’est ma sœur qui l’a eu. Évidemment.

    Le décollage ne troublera pas ses rêves de soleil et de porcelaine.

    *

    Elle sera réveillée par deux coups de fusil suivis de sauvages vociférations. C’étaient les rugbymen qui faisaient péter le champagne et entonnaient leur chant de victoire :

    — Ta tatataaa taratataa ta !

    — Olé !

    Puis La digue du cul… La p’tite Huguette… et Allez-y, poussez, poussez, les avants de Bayonne, etc. À court d’idées, ils finirent par se taire pour mieux attaquer les troisième et quatrième bouchons et pincer les fesses de l’hôtesse qui passait par là. Et de repartir :

    — Hôtesse, nous voulons manger (bis)

    Qu’avez vous donc à nous donner (bis), etc.

    Gladys regardait avec étonnement ces manifestations sens devant derrière et sens dessus dessous. Le voisin levait parfois un œil amusé et reprenait sa lecture. Les rugbymen vinrent lui offrir une coupe de champagne.

    — Et vous, Mademoiselle, vous prendrez bien une coupe ? A cup of champ’ ?

    Sans doute emportée par l’ambiance festive, elle n’osa pas refuser. Elle y trempa les lèvres, le trouva à son goût et vida son verre.

    — Elle est des nôôtres ! braillaient les Corréziens, car ils étaient corréziens.

    Ils regagnèrent leurs places, n’osant importuner plus longtemps ce respectable voisin. Sa haute stature semblait protéger la petite Gladys, calée dans son hublot. Le champagne faisait déjà son effet. Elle profita du passage de l’hôtesse pour lui demander, please, un grand verre d’eau fraîche. Le voisin, dans un geste qui se voulait courtois, se recula et abaissa son journal pour faciliter le service. C’était le geste à ne pas faire. Une page s’échappa qu’il rattrapa au vol, déséquilibrant ainsi le verre d’eau fraîche qui finit sa course dans l’entrecuisse de miss Oakwood. Sur l’effet de surprise, elle écarta les cuisses et creusa les reins en laissant échapper un petit gémissement.

    — Oh ! Sorry ! dit-il, en se précipitant pour écoper le tsunami.

    Une cinglante paire de claques le stoppa net. Il avait pris bien des caramels sur tous les terrains de sport, mais comme celui-là, jamais.

    — Ça va pas, non ? glapit-elle.

    — Mais je voulais juste…

    — Vous êtes malade, ou quoi ?

    — C’est vous qui êtes tarée, ma pauvre fille.

    — Pauvre fille… Pauvre fille… Pauv’ type !

    Comme on le voit, la langue française ne lui était pas totalement étrangère. La conversation en resta là, chacun ayant montré dans ce bref échange ce qu’il peut advenir de l’Entente Cordiale quand un malheureux verre de champagne a levé les inhibitions.

    L’hôtesse invita Gladys à venir en cabine pour réparer les dégâts. C’était aussi le seul moyen pour elle de se sortir des pattes des rugbymen. La stricte éducation victorienne des jeunes filles anglaises les avait préparées à affronter dignement toutes les situations, sauf à tomber sur une troisième mi-temps et à se faire ventiler le thigh gap* par une charmante hôtesse à une altitude de 25 000 pieds et une vitesse de croisière de 850 km/h. Gladys Oakwood ferma les yeux et essaya de penser à autre chose.

    Dans l’avion, un silence fiévreux attendait l’ouverture de la porte de cabine. Gladys remit un peu d’ordre dans ses idées, remercia gentiment l’hôtesse, poussa la porte et regagna son siège sous les applaudissements et une haie d’honneur des Corréziens. Tête baissée, rouge pivoine. La honte de sa vie.

    On était arrivé. L’appareil se posait sur la piste de Limoges-Bellegarde, souvent détrempée, quelquefois trop courte. Comme la campagne limousine qu’elle avait entrevue par le hublot, l’aéroport ressemblait étrangement à un morceau d’Angleterre. Il n’y avait que des Anglais, la compagnie était anglaise, les journaux même étaient anglais, la température extérieure était de 6 °C et il pleuvait.

    D’Artagnan l’attendait dans le hall des arrivals. Il souhaitait lui offrir un thé ou un café pour se faire pardonner.

    — No, thank you. C’est assez pour aujourd’hui, n’est-il pas ? lança-t-elle avec un black regard.

    — Mais je voulais juste…

    — Pauv’ type !

    Elle partit en courant et sauta dans le premier taxi.

    II

    La météo à quatorze jours annonçait une alternance de pluies et de passages nuageux. Pour les verres à moitié vides, c’était la promesse de pluies diluviennes entrecoupées de quelques heures de triste grisaille. Pour les autres, c’étaient de belles journées sans trop de soleil et quelques averses bénéfiques pour les herbages et la nappe phréatique. Depuis toujours, Hugo Delbosc avait choisi son camp. Son premier geste du matin, après trois jours d’absence londonienne, avait été d’ouvrir largement sa fenêtre, de humer voluptueusement le fin brouillard chargé d’effluves de feuilles mortes et d’aller voir si ses chiens et ses chevaux avaient passé une bonne nuit. Son verre à moitié plein était un expresso qu’il dégustait dans la sellerie où il avait installé une machine à café. L’arabica se mêlait aux arômes épicés de cuir, de bois ciré et de cheval. Chiens et chevaux avaient déjà compris. Tout en leur grattouillant le chanfrein, il leur expliquait le programme du jour : tour d’inspection des troupeaux, paperasses incontournables, chasse l’après-midi. Il se servit un deuxième café.

    À La Bourgerie, Hugo Delbosc était seul maître à bord et n’avait pas d’autres règles que celles qu’il se fixait pour lui-même et la bonne marche du domaine. Son domaine. Il était né à La Bourgerie comme avant lui douze générations de Delbosc et, comme eux, il était viscéralement attaché à cette vieille demeure limousine, à ses terres, à ses forêts qui l’enserraient de toutes parts et la coupaient du monde.

    Un parcours de cross avait été aménagé du temps où les hommes de la maison servaient au 20e Dragons. Le casque à crinière était encore dans la sellerie. Le temps avait passé mais la passion du cheval était restée et le parcours de cross avait été soigneusement entretenu, alignant une douzaine d’obstacles naturels à travers les prés de fond et les taillis sous futaie. Hugo l’utilisait régulièrement pour une balade plus ou moins musclée selon son humeur et pour la visite des troupeaux de moutons et de bovins en semi-liberté, joignant ainsi l’utile à l’agréable. Une piste de terre traversait la forêt jusqu’aux parcs les plus éloignés, à disposition des moins audacieux ou du 4 × 4. Il montait, ce matin, Tête de Pioche, un cheval difficile. C’était un hongre de dix ans, selle français bai brun, qui en voulait à la terre entière de l’avoir opéré sans son autorisation. Il n’avait jamais pardonné et ne perdait pas une occasion de montrer que, malgré cet événement malheureux, il restait le chef. Hugo Delbosc entendait bien lui montrer que le chef, ici, c’était lui. À chaque sortie, ils reprenaient leur explication de texte. Ils se comprenaient, ils s’adoraient.

    La visite régulière du troupeau est un des devoirs sacrés de l’éleveur. Cette surveillance était plus rapprochée depuis quelques semaines car il était arrivé que des chiens errants égorgeassent quelques moutons. Rien de dramatique puisque c’était chez les voisins. On n’avait jamais pu les retrouver mais leurs attaques répétées montraient qu’ils rôdaient toujours dans le secteur. Tête de Pioche sentait bien que ce souci occupait les pensées de son cavalier tandis qu’il avalait gaillardement haies, fossés et troncs d’arbre. En arrivant sur le talus des genêts, il broncha malencontreusement sur une branche cassée et se trouva à court d’une demi-foulée alors que le cavalier se trouvait trop en avant pour une fraction de seconde. L’occasion était trop belle pour Tête de Pioche qui pila net sur l’obstacle et Hugo se retrouva sous l’encolure. Il reprit calmement son assiette, expliqua à sa monture qu’il ne fallait pas trop jouer à ça. Il l’amena sur l’obstacle et la branche cassée, puis fit une demi-volte qui le plaça idéalement sur la bonne ligne. Un peu plus d’impulsion, un peu plus de jambes et Tête de Pioche s’envolait un mètre au-dessus des genêts. Ils étaient aussi contents l’un que l’autre : un partout. Le reste du parcours se passa sans incident. À l’autre bout de la forêt, un monticule de fougères permettait d’observer les pacages en contre-bas. À droite, les vaches limousines. Elles avaient reconnu le cavalier et accouraient en trottinant. Elles s’arrêtaient à dix mètres, faisant front à Tête de Pioche qui se contenta de tourner les oreilles. Le taureau couché à l’écart ne daigna pas se lever. Tout était en ordre. À gauche, les moutons étaient calmes, éparpillés dans les parcs, preuve que tout allait bien. En face, de l’autre côté des herbages, montaient les rondeurs brunes et rousses de la forêt de Cassagnac et au loin, tout en haut, le château du même nom et son donjon en ruine. Ce paysage bucolique du vert passé des prés, du froment des bovins et du blanc des moutons à tête noire, les fonds estompés par la bruine lui rappelaient le grand panoramique de Zuber dans le grand salon de La Bourgerie, et la volée mémorable qu’il avait reçue quand, à l’âge de sept ans, il l’avait pris pour cible. Trois moutons, trois fléchettes bien piquées au défaut de l’épaule. Sa mère l’avait privé de dessert. Son père lui avait offert une carabine à plomb.

    Soudain, les moutons tournèrent la tête vers le fond du vallon. Que regardaient-ils ? Un homme avançait avec précaution, suivi d’un chien gris-fauve. De temps à autre, il se penchait et choisissait quelques herbes qu’il déposait dans un panier d’osier.

    — Encore là, ce bandit ! Toujours à courir les bois avec son clébard.

    C’était Grafouille. Homme des bois, un peu braco, un peu sorcier, rebouteux à ses heures. Tout le pays avait eu recours, un jour ou l’autre, à ses talents.

    Une jeune femme vêtue de blanc le suivait à quelque distance, en épluchant mécaniquement une fleur des champs.

    — Et Marie-Clotilde… Pauvre

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