Du Plomb dans les poils: Une Saint-Hubert en Limousin
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À propos de ce livre électronique
Nicolas, jeune avocat parisien, est invité à fêter la Saint-Hubert avec sa famille, au cœur de la forêt Limousine. Peu de temps après son arrivée, un chasseur est tué, écrasé par un arbre lors d’une tempête. On pense que c’est un accident mais deux membres du groupes sont ensuite retrouvés morts... Nicolas décide de mener son enquête. Lui qui était totalement étranger au monde la chasse, il s’immisce petit à petit dans ce milieu pour en connaître les rouages. Très vite il comprend que tous ces événements ne sont pas le fruit du hasard.
Nicolas, un jeune avocat, arrivera-t-il à mettre à jour les mystères qui pèsent sur ce milieu ? Un polar régional qui vous mènera dans les recoins les plus sombres du Limousin !
EXTRAIT
La chasse revient au lancer, glisse le long de l’étang, et c’est un magnifique brocard qui s’enfile très exactement sur la coulée modèle à quinze mètres de Nicolas au garde-à-vous. Pas question de tirer puisqu’on ne tire que 1 brocard sur cette traque et que la mort du chevreuil vient d’être annoncée. Dura lex, sed lex. Et surgit du buisson une amazone échevelée, débraillée, un sein à l’air, vociférant, claquant du fouet.
— Arrête ! Arrête !
C’est Marie-Sabine de Mottenfleur dans ses oeuvres.
Retrouvailles aux voitures. Marie-Sabine est recoiffée, rhabillée, relissée, reposée.
— C’est vrai qu'elle a de beaux restes, se dit Nicolas. Mais je suis là pour chasser le chevreuil, pas le cougar.
Silvère semble satisfait de sa matinée : 2 sangliers, 1 chevreuil, peut-être deux sous réserve de recherche au sang, un renard (discrètement tiré par Plasmes). Ce n’est finalement pas si mal.
— Alors, Mr Letour, vous vous êtes rattrapé. Vous l’avez eu, votre chevreuil, dit Silvère.
— Mais vous savez, ajouta Marie-Sabine, ce n’est pas l’animal de chasse que vous avez tiré. C’est un change.
— Vous ne pouvez pas parler comme tout le monde ? Je sais pas ce que c’est, j’ai pas bien vu. J’ai juste vu le cul blanc, j’ai tiré. Et le plus fort, c’est que je l’ai pas retrouvé.
— Quoi ! ! ! Co… Co… Comment ? ? ?
— Il est tombé au coup de fusil mais il s’est relevé. Il est parti comme un fou et je peux vous dire qu’il en a cassé du bois. C’était un costaud, sûrement un gros mâle.
— Attendez… répétez-moi ça…
— Quand il est tombé, j’ai cru que je l’avais eu. C’est pour ça que j’ai corné. C’est bien ce qu’il fallait faire, non ?
— Mais je rêve ! Vous l’avez corné et vous ne l’avez pas tué, même pas identifié, et nous avons laissé filer le grand brocard de Marie-Sabine, et sous le fusil de Nicolas ! ! !
— J’ai cru que je l’avais eu quand il est tombé.
— Et puis ?
— Et puis, on y est allé voir, avec Plasmes. Il n’y avait pas de sang et la balle est plantée dans l’arbre. Elle y est toujours, c’est Plasmes qui l’a trouvée. Il a aussi trouvé un pochon de girolles, tout blanc, accroché dans les ronces.
— Mais… Mais … ba…balbutie Silvère devenu vert.
— Et puis ça. Ca serait pas un bouton de veste de chasse ?
— Oh ! Nom de Dieu ! ! ! Bobol, tu as ton portable ? Appelle vite Brigou pour savoir si ça va, s’il n’a pas perdu un bouton ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Jean-Louis Boudrie, de vieille souche limousine, s’inscrit dans l’estimable tradition des Médecins-Ecrivains-Chasseurs, avec une dévotion particulière pour la dermatologie et la bécassine au chien d’arrêt. Il s’inspire des mille et une anecdotes de cette double vie pour écrire quelques petites nouvelles (Plumes de Novembre, Cahiers Robert Margerit) et ce polar de terroir, Du plomb dans les poils. Originaire de Châlus, il vit à Limoges.
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Aperçu du livre
Du Plomb dans les poils - Jean-Louis Boudrie
AVANT-PROPOS
L’action de ce récit se situe clairement dans le monde de la chasse. Certaines pages sont donc dans l’obligation d’utiliser quelques termes techniques peut-être inconnus du lecteur. Il ne devra pas en avoir peur et pourra se reporter à la dernière page du volume où l’attend un petit lexique pour servir à l’intelligence du texte. Il y découvrira que ce vocabulaire du chasseur, traditionnel, précis et imagé, est bien souvent passé dans le langage courant.
PERSONNAGES :
Oncle Charles, à la Coste
Tante Mathilde, son épouse
Nicolas, leur neveu, avocat parisien
Silvère de Montbranday, à Montbranday
Isabelle de Montbranday, son épouse
Marie-Sabine de Mottenfleur, à La Motte,
sœur d’Isabelle
Hecto Plasmes, à Plasmocity
Kata Plasmes, son épouse
Jacky Letour, leur invité
Pierre Chambolle, garde-chasse
Marie Chambolle, son épouse
Sophie Chambolle, leur fille
Georges Brigou, braconnier notoire
Docteur Baldric, médecin-bécassier
Musigny, adjudant de gendarmerie
Chassagne, maréchal des logis-chef
Rachet, gendarme
Bradassou, moins que rien (variété locale)
PREMIèRE PARTIE
1.
Retour au calme en forêt de Montbranday, après une chaude journée de chasse à cor et à cris, à tir et au chien courant. Chiens, chevaux et chasseurs ont vidé les lieux. Une douce langueur descend sur cette combe perdue, à nouveau déserte et silencieuse. Comme toujours dans le désert, une ombre rôde, solitaire, mystérieuse. C’est un homme des bois qui se coule dans la fougère. Son poil fauve aux couleurs de l’automne se fond dans le sous-bois. C’est Brigou le braco. Il écoute… Il serre son chien contre sa botte. Pas bouger ! Voir sans être vu. Et voir venir.
Ce qui vient vers lui sur les ornières de la piste ne peut que l’intriguer. C’est le garde Chambolle et sa Citroën Berlingo. Bien connus, certes, des hôtes de ces bois, mais au lieu de la conduite habituelle légère et feutrée, attentive à repérer toute coulée de sanglier, de chevreuil ou de braco, c’est une course rageuse qui stoppe brusquement à quelques mètres de lui, invisible, tapé dans la fougère. Un diable sort de la boîte. C’est Chambolle, celui des mauvais jours et ça se voit. Lui, d’ordinaire si maître de lui, est une boule de fureur contenue prête à exploser. Brigou ne l’a pas vu dans cet état depuis la fameuse finale de Brive-la-Gaillarde perdue 10 à 3, où l’arbitre lui avait refusé coup sur coup deux essais parfaitement valables pour un en-avant qu’il était le seul à avoir vu. Chambolle était à l’ouverture, Brigou à la mêlée. C’était… il y a bien quarante ans.
— Allons-y. Dans une heure, il fera nuit.
Le passager ne l’entend pas de cette oreille, vu que ladite oreille est vissée à son portable et qu’il n’a pas l’air de vouloir la dévisser.
— Monsieur Letour, insiste Chambolle.
Il finit par raccrocher quand le portable entonne une vibrante Cucaracha.
— Allo, ma chérie.
— Hoo ! Stop !
Comme il ne semble pas entendre, le garde repose délicatement sa question.
— Hoo ! On couche là ?
Une claque de mammouth écrase le capot du Berlingo. Ça soulage. C’est solide, un Berlingo. Cette fois-ci, il a compris. Il daigne enfin s’extraire de la berlingue, apparemment fort satisfait de sa personne et de sa très belle tenue dite de chasse : plumet de blaireau, chaussettes à pompons. Pas vraiment le genre de la maison. Même Polka lui montre les dents. Polka est cette teckel à poil dur qui a toujours fait l’admiration de Brigou et de sa chienne Thétis pour ses recherches au sang. Elle est capable de retrouver un animal blessé à cinq ou six cents mètres et deux jours après le tir. Mais le plus captivant aujourd’hui est assurément la partie qui se joue entre le coach et le kitch, plutôt que les finesses de la recherche au sang.
— Polka !
Chambolle la caresse et lui susurre des mamours à l’oreille avant de lui passer la corde au cou. C’est un truc vieux comme le monde, mais ça marche à tous les coups, ou presque. Il pose les bonnes questions :
— C’est là que vous avez tiré ?
— Par là, oui, je crois.
— Je crois ou je suis sûr ? Quelles ont été les réactions de l’animal ?
— Ben, je sais pas, moi. Il me l’a pas dit.
— Vous avez des indices ?
— Non, je n’ai que l’indispensable. Ah ! Ah ! Ah !
— Très drôle … C’est où, exactement ? Elle est où, votre brisée ?
— Ma quoi ? C’est vous qui me les brisez avec vos questions. Et ça, c’est quoi ? glapit Letour en considérant Polka d’un air méprisant. C’est quand même pas avec cette chose que vous espérez retrouver MON chevreuil.
— Ce sera VOTRE chevreuil quand cette chose l’aura trouvé. Et sachez qu’elle en a trouvé de plus difficiles, mais des plus cons que vous, jamais.
— Non mais, dites donc, je ne vous permets pas !
— Attendez, vous vous foutez de moi ?
Un, vous tirez un chevreuil alors que j’avais bien annoncé que, sur cette traque, on ne tirait que le sanglier.
Deux, vous tirez comme un manche et vous ne savez ni où ni comment.
Trois, vous draguez dans la même journée ma femme, ma fille et la maîtresse de maison, vous manquez pas d’air.
— Mais non, vous exagérez, juste la dernière, la blonde.
— Peu importe, l’intention y était.
— Ben, mettez-vous à ma place ! La blonde, la brune et la rousse… Je suis amateur de tiercé. Ça a été plus fort que moi.
— N’importe quoi ! Et quatre, votre portable m’a gonflé pendant toute la journée. La Cucaracha, je commence à en avoir plein le cul. Un coup de plus et je vous éclate la gueule. Allez, Polka, au travail.
Polka sait ce qu’elle a à faire. Elle retrouve vite une goutte de sang, un bout de barbaque et prend la voie. D’abord avec précaution, puis avec une ferme détermination. Ils s’enfoncent maintenant sous les Douglas, tirés par le teckel résolu à aller droit au but. Un renard en vadrouille saute le layon.
— Toi, mon coco, tu perds rien pour attendre, marmonne Chambolle entre ses dents.
Le nez écrasé dans les feuilles pourries et les pelons de châtaignes, Brigou se demande qui sera le coco en question et tend l’oreille pour entendre la suite du discours. Il capte encore une nième Cucaracha et devine le geste du garde qui arrache le portable, le jette dans le roncier et, croit-il, attrape l’invité au collet. Ce qui est très vilain pour un garde.
C’est à ce moment-là que le vent commence à souffler. Sans préavis et cent-vingt kilomètres-heure. D’abord simple murmure de feuilles froissées puis une vibration sourde et un puissant grondement, de plus en plus proches alors que ça vole en tous sens, que les branches se plient, se tordent et cassent sous la tornade infernale. La suite sera dans le journal du lendemain :
« VIOLENTS ORAGES en LIMOUSIN-PÉRIGORD. Un chasseur tué par la chute d’un arbre.
Un orage d’une rare violence s’est abattu hier vers 17 heures sur le Limousin-Périgord, et particulièrement la forêt de Montbranday. Un chasseur a été mortellement blessé par la chute d’un arbre alors qu’il participait à une action de chasse au chevreuil en forêt de Montbranday. Malgré l’intervention rapide des secours, le malheureux n’a pu être ranimé. La Gendarmerie a procédé aux constatations d’usage. Le médecin de garde appelé sur les lieux a délivré le permis d’inhumer.
Dans le même secteur, on déplore la mort de trois vaches foudroyées alors qu’elles s’étaient abritées sous un arbre, et la destruction de plusieurs toitures arrachées. La région a été privée d’électricité et de téléphone pendant plusieurs heures. »
2.
Les choses avaient pourtant bien commencé. Revenons à la case départ, la veille de ce drame affreux, le samedi 27 octobre. Il pleuvait. Après la route grise, une autre route grise. Nicolas conduisait lentement, laissant derrière lui des gerbes d’eau fumantes. Il roulait depuis Paris sous ce déluge ininterrompu. La petite italienne vrombissante sentait encore le neuf. Fraîchement achetée avec les premiers émoluments de jeune avocat stagiaire, elle prenait son mal en patience en s’offrant de temps en temps quelques arabesques d’aquaplaning. D’autres véhicules avaient préféré s’arrêter sur la bande d’arrêt. C’est fait pour ça. Les warnings palpitaient, l’essuie-glace ronronnait. Il pleuvait.
Nicolas n’était pas surpris par cette météo pourrie puisque, à chaque fois qu’il venait en Limousin, il avait de la pluie, de la pluie et encore de la pluie. Il regrettait seulement d’avoir accepté un peu vite cette invitation à passer une semaine de chasse chez son oncle Charles, alors qu’il avait infiniment mieux à faire à Paris. Il n’avait pu refuser car Oncle Charles et Tante Mathilde étaient vraiment la crème des oncles et des tantes. Il voyait venir une de ces chasses au gros qu’il détestait, avec de vieux croûtons de soixante-dix ans et des traques de trois heures, immobile sous son chêne et sous la pluie qui coule dans le cou. Tout cela était, certes, conduit avec une grande maestria par des hommes de l’art et de grand talent mais manquait singulièrement d’humour, de soleil et de femmes.
La pluie s’était calmée aux abords de Gimolles. Nicolas aurait aimé traverser la ville, qu’il n’avait pas vue depuis longtemps. On disait qu’elle avait beaucoup changé et un panneau indiquait même qu’elle était devenue une sorte de «métropole ». Il pensa qu’il ne verrait pas cette nouvelle Babylone de l’An 2000 sous son meilleur jour et jugea plus sage de remettre cette visite à plus tard. Et d’autre part, il était attendu.
La pluie avait maintenant cessé. Les 170 chevaux de feu purent enfin s’exprimer en passant de l’autoroute à la départementale et de la départementale à la petite route de campagne où se déroule chaque année une course de côte. Bientôt il entrait en forêt.
On n’entre pas en forêt comme dans un quelconque moulin. On se calme. On lève le pied. On ralentit devant ce chêne trois fois centenaire. On observe, à droite, à gauche, devant, derrière. On guette les prunelles