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Beaumarchais: Ou l'irrévérence
Beaumarchais: Ou l'irrévérence
Beaumarchais: Ou l'irrévérence
Livre électronique187 pages2 heures

Beaumarchais: Ou l'irrévérence

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À propos de ce livre électronique

Les facettes moins connues de la vie de Beaumarchais.

On ne connaît souvent de Beaumarchais que ses comédies. Homme de théâtre, il fut aussi horloger, maître de musique à la Cour, éditeur des œuvres complètes de Voltaire… Négociant, armateur, il mit ses activités au service de ses idéaux. En leur livrant des armes, il a notamment aidé les insurgés des jeunes États-Unis d’Amérique à se défaire du joug anglais. Aventurier, il a joué les agents secrets en Angleterre, en Hollande, ou encore en Autriche… Héritier de l’esprit des Lumières et libertin, il aura défendu au long d’une vie trépidante de nombreuses causes, réussissant toujours à concilier son ambition et son idéal de liberté.

Plongez dans la biographie de Beaumarchais, héritier de l’esprit des Lumières et libertin, qui aura défendu au long d’une vie trépidante de nombreuses causes, réussissant toujours à concilier son ambition et son idéal de liberté.

EXTRAIT

Ces privilèges exorbitants des comédiens sont difficiles à remettre en cause, parce que chaque auteur craint des représailles : si les comédiens ne sont pas satisfaits de lui, ils ne représenteront plus ses pièces ou les joueront mal à dessein. La situation est d’autant plus injuste que les acteurs vivent dans l’opulence, grâce à leur situation privilégiée (il n’existait pas de concurrent à la Comédie-Française, seule troupe autorisée par le roi). Les auteurs qui ne disposent pas d’une fortune familiale sont obligés, pour survivre, d’obtenir une pension royale, ce qui compromet fortement l’indépendance de leur création. Quand Beaumarchais cherche à assurer aux auteurs un revenu décent, il montre encore son attachement à la liberté de l’esprit et à son expression.
Avant lui, d’autres auteurs avaient tenté de s’élever contre les comédiens, stupéfaits du peu d’indemnités qu’ils recevaient au regard du succès de leur pièce : leurs protestations sont restées éphémères car solitaires. À l’inverse, Pierre-Augustin comprend que, pour obtenir gain de cause, il doit s’allier aux autres auteurs dramatiques pour créer un front commun. Il invite donc ses confrères à dîner chez lui, le 3 juillet 1777 : il s’agit de discuter de leurs intérêts et de voir comment les défendre. L’auteur du Barbier compte aussi sur un effet de publicité. En rendant l’affaire publique, il souhaite apitoyer le public sur la situation des auteurs, et compte ainsi obtenir son soutien.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Née en 1980, Marie Geffray a suivi des études de lettres : elle a rédigé une thèse de doctorat sur les écrits et les discours d'André Malraux et Charles de Gaulle. Agrégée de lettres modernes, elle cherche à transmettre auprès des plus jeunes sa passion pour la littérature. C'est aussi cette volonté de faire aimer les livres qui la pousse à écrire pour les adolescents.
LangueFrançais
ÉditeurJasmin
Date de sortie6 juil. 2018
ISBN9782352844570
Beaumarchais: Ou l'irrévérence

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    Aperçu du livre

    Beaumarchais - Marie Geffray

    1

    Un horloger de talent

    À l’instant qu’il naquit

    Il montrait de l’esprit.

    Vers de Marie-Julie pour célébrer son frère cadet

    En ce jour de l’année 1754, Pierre-Augustin Caron reçoit un grand honneur : il est introduit à la cour du roi. Il s’avance sous le regard envieux des courtisans. Les boucles brunes de ses cheveux encadrent un visage aux traits décidés. Ses yeux brillent d’ambition. Ses mains sont fines et soignées : ce sont celles d’un artiste, bien plus que celles d’un artisan. Parmi les plus nobles de la cour, il est présenté à Louis XV. Pierre-Augustin est un simple fils d’horloger, âgé d’à peine vingt-deux ans. Que lui vaut une telle réussite ? Paradoxalement, c’est à une tentative d’usurpation qu’il la doit. Il a dû combattre pour obtenir la reconnaissance de son habileté et de son bon droit : dès le début, sa vie est ainsi placée sous le signe d’une lutte à mener pour s’élever dans la hiérarchie sociale, lutte qu’il remportera finalement grâce à son génie, contre ceux qui jouissent de privilèges de naissance.

    Le succès de Pierre-Augustin Caron repose d’abord sur son talent d’horloger. Durant plus d’un an, il a travaillé sur un nouveau système d’échappement permettant de régler le ressort des montres afin de corriger un défaut dont souffrent alors tous les petits mécanismes d’horlogerie, quel que soit leur degré de sophistication : une légère avance, cumulée au cours d’une période de vingt-quatre heures. Pour remédier à ce problème, il existait déjà différents systèmes ; le jeune horloger les remanie, les synthétise, pour inventer finalement l’échappement à repos, qui permet l’exactitude de la montre sans pour autant compromettre sa miniaturisation. Cette trouvaille fera date, puisqu’elle est encore utilisée aujourd’hui pour les montres à ressort.

    Naïf, Pierre-Augustin Caron s’était ouvert de l’avancement de ses travaux à un horloger de grand renom, Jean-André Lepaute. De douze ans son aîné, celui-ci a déjà fait un certain nombre de découvertes dans le domaine de l’horlogerie. Il conseille à son jeune collègue de déposer son invention à l’Académie des sciences, ce dont Beaumarchais s’acquitte à la fin de 1752. Le 23 juillet 1753, Pierre-Augustin est fou de joie : après des mois de minutieux travaux, il est enfin parvenu au bout de ses peines ! Son système d’échappement est terminé. Il en avertit Lepaute, qui prend la loupe pour examiner attentivement l’œuvre de son ami.

    Quelques semaines plus tard, Pierre-Augustin est frappé par la foudre : Lepaute annonce dans Le Mercure de France, revue littéraire, artistique et scientifique, qu’il vient de créer pour les montres un nouveau système d’échappement… celui justement que Pierre-Augustin a inventé.

    C’est mal connaître le jeune homme : il ne va tout de même pas se laisser voler son invention ! Il dépose promptement un mémoire à l’Académie des sciences pour protester de l’attitude de Lepaute et envoie au Mercure une déclaration proclamant qu’il est bien l’inventeur du système dont se prévaut son ancien mentor. « Mon entreprise était sans doute téméraire : tant de grands hommes, que l’application de toute une vie ne me rendra peut-être jamais capable d’égaler, y ont travaillé sans être parvenus au point de perfection tant désiré, que je ne devrais point me flatter d’y réussir ; mais la jeunesse est présomptueuse, et ne serai-je pas excusable, Messieurs, si votre jugement couronne mon ouvrage ? » Cet énorme orgueil enrobé de modestie se flatte de séduire les académiciens.

    L’article est d’une grande habileté : Pierre-Augustin a déjà compris que l’institution n’avait pas tous les pouvoirs, et que des pressions pouvaient s’exercer sur l’Académie. Grâce au Mercure de France, il prend à témoin l’opinion publique, qu’il souhaite rallier à sa cause, ce qui vaut mieux que tous les appuis haut placés. Le 16 février 1754, Pierre-Augustin Caron triomphe : l’Académie des sciences rend ses conclusions sur l’affaire. Il y apparaît que le jeune horloger est bien l’inventeur légitime du système et que Lepaute a tenté de se l’approprier.

    Pierre-Augustin est trop fin pour se contenter de ce premier succès. Il devine déjà que sa réputation doit être soigneusement entretenue, sous peine de s’effriter et de périr en peu de temps. Il répand donc son nom dans les cercles importants, fait paraître un nouvel article dans Le Mercure, soigne sa clientèle la plus raffinée. Il parvient ainsi à obtenir des commandes royales : durant l’été 1754, il crée une montre à gousset pour Louis XV. En tant que fournisseur du roi, il a désormais ses entrées à la cour et est fréquemment invité au lever du roi – cérémonie fort enviée par les courtisans – pour remonter la royale horlogerie.

    En cette époque férue de sciences, les montres sont à la mode. Elles indiquent également un certain niveau social, en tout cas de richesse. Tous les grands veulent leur pièce d’horlogerie personnalisée afin d’indiquer leur rang. Pierre-Augustin fabrique pour Madame Victoire, l’une des filles du roi, une petite pendule raffinée, et pour Madame de Pompadour, la favorite, qui possède sur le souverain une grande influence et règne en quasi-reine sur la cour, un bijou d’une grande délicatesse : une montre minuscule, insérée dans le chaton d’une bague. Avec cette réalisation, qui a demandé une grande dextérité, Pierre-Augustin Caron souligne son excellente maîtrise de l’art horloger, mais également sa compréhension du monde courtisan. C’est elle qui va lui permettre de s’élever aussi haut que le pousse son ambition.

    Le jeune parvenu à la cour du roi n’est qu’un simple fils d’artisan, originellement destiné à le rester. Né en 1732, il a grandi dans l’atelier parisien de son père, rue Saint-Denis, au cœur d’un quartier commerçant voisin des Halles. Avant de devenir cet ouvrier d’une grande adresse, le garçonnet déploie d’abord des talents de fripon avec les autres enfants de son âge. Il jouit d’une grande liberté et quitte souvent l’atelier où règne son père, horloger à Paris depuis 1722, pour rejoindre ses camarades et faire les cent coups en leur compagnie. Son enfance est heureuse, notamment grâce à la gaieté de ses sœurs. Ses parents ont dix enfants ; Pierre-Augustin est le septième, mais la mortalité infantile, très importante à l’époque, n’épargne pas la famille : ses trois frères meurent en bas âge. Il ne lui reste que cinq sœurs, Marie-Josèphe, dite dame Guibert, l’aînée, qui quitte tôt le domicile familial ; Marie-Louise, dite Lisette ; Madeleine-Françoise, dite Fanchon ; Marie-Julie, dite Bécasse, la préférée de Pierre-Augustin et sa cadette de trois ans ; enfin, Jeanne-Marguerite, dite Mademoiselle Tonton – les surnoms sont alors à la mode. Pierre-Augustin grandit en enfant chéri de ses sœurs, au milieu des rires et des chansons. Tous les enfants de la fratrie jouent de la musique et composent des mélodies : guitare, harpe, viole, flûte, clavecin, Pierre-Augustin sait plus ou moins jouer de tous ces instruments, même s’il conserve une prédilection pour la harpe.

    Il gardera de cette période un grand amour de la musique et des lettres : au contact de ses sœurs, il apprend les belles manières, le sens de la repartie, et surtout le don de charmer. Dans toutes les compagnies qu’il fréquentera plus tard, il cherchera à reconstituer l’entente parfaite et la complicité intellectuelle qui règnent rue Saint-Denis.

    À dix ans, il est envoyé dans une école à Alfort ; il y apprend des rudiments de latin et de mathématiques. Pour compléter son éducation religieuse, il se rend au couvent des Minimes de Vincennes : M. Caron a des origines protestantes, puisque ses parents se sont convertis au catholicisme, et, un demi-siècle après la révocation de l’édit de Nantes, il veut montrer sa fidélité à l’Église. Il tient donc à ce que son fils fasse sa première communion. Ce souci n’empêchera pas le jeune homme de montrer, plus tard, un certain anticléricalisme, mêlé d’une grande sollicitude à l’égard des protestants.

    Sa scolarité dure peu de temps : dès l’âge de treize ans, Pierre-Augustin est mis en apprentissage chez son père. Il deviendra horloger, comme lui : seul fils de la famille, il doit lui succéder. Le jeune garçon n’est pas mécontent de retrouver l’atelier familial et, surtout, la compagnie de ses sœurs. Il passe avec elles de délicieux moments à écrire des vers, jouer de la musique et rêver d’amour. Il frémit d’émoi devant la moindre jupe et conte fleurette aux amies de ses sœurs ; il compose des poèmes à la gloire du sexe féminin, qu’il accompagne de sa harpe. Faire la cour aux jolies filles manque de lui coûter cher. Il déserte de plus en plus l’atelier paternel, préférant rêver à ses belles et sortir le soir, plutôt que de travailler assidûment à son établi. L’état de jeune libertin impose un certain train de vie : Pierre-Augustin a besoin d’argent. Il en trouve en détournant des montres de l’atelier pour les vendre à son profit ! Le digne père Caron ne peut supporter une telle attitude. Il met tout bonnement son fils à la porte.

    Qu’on se rassure : le jeune homme, tout juste âgé de seize ans, trouve auprès d’une bonne âme complice des fureurs paternelles, un logis provisoire. Il y reçoit un ultimatum : il ne pourra réintégrer son foyer que s’il signe en toutes lettres un certain nombre de conditions, rédigées par son père. Ne plus sortir le soir. Travailler avec assiduité à l’atelier, tout au long du jour. Ne plus rien vendre à des fins personnelles. Et, pis que tout, renoncer à la musique. La mort dans l’âme, Pierre-Augustin signe. Il n’a pas vraiment le choix : pourtant, qu’elle est cruelle, l’obligation de ne plus jouer de sa harpe !

    Il accepte de se défaire provisoirement de sa liberté parce qu’il sait qu’il doit parfaire son apprentissage avant de voler de ses propres ailes. En outre, il est extrêmement attaché à sa famille – il le restera toute sa vie – et notamment à ses sœurs, qu’il adore. Il rentre donc dans le droit chemin de la morale bourgeoise propre à son milieu d’artisans et devient un horloger modèle. Cependant, ce métier l’élève déjà au-dessus de sa condition. Contrairement à beaucoup de métiers artisanaux, qui ne demandent qu’un certain savoir-faire reproduit de génération en génération, l’art de l’horlogerie exige, en plus d’une extrême minutie des gestes et d’une excellente compréhension technique, un talent de créateur. Les clients qui commandent des montres n’exigent pas seulement qu’elles indiquent l’heure : elles doivent aussi être ouvragées comme des bijoux et refléter l’appartenance sociale de leur propriétaire.

    Pierre-Augustin comprend très bien ces subtilités ; il s’y plie habilement. Le commerce paternel lui offre l’occasion de se familiariser avec les classes privilégiées : ses clients appartiennent à la noblesse ou à la riche bourgeoisie de négoce. À leur contact, il apprend l’aisance d’une conversation déliée, pleine d’esprit. Sa nature curieuse le pousse à observer les manières d’être, les attitudes.

    Revenons à cette première visite à Versailles. Lorsqu’il est présenté au roi, il n’a que vingt-deux ans, mais il est rompu aux usages du grand monde. Il mime avec plaisir les gestes mille fois observés. Son père compte sur lui pour reprendre l’entreprise familiale, mais il ne l’entend pas de cette oreille. Son esprit est trop inventif pour se contenter d’une vie bien réglée d’artisan, même talentueux. Bien qu’il se soit servi de l’horlogerie pour faire ses premiers pas à la cour, il souhaite profiter de sa réputation pour s’élever encore.

    2

    Un habile courtisan

    Le savoir-faire vaut mieux que le savoir. 

    Le Mariage de Figaro, I, 1

    Grâce à son titre de fournisseur du roi, Pierre-Augustin Caron a ses entrées à la cour. Il s’y fait remarquer par sa constante gaieté, son charme plein de vivacité – mais aussi son arrogance, digne d’un parvenu. Il fréquente maintenant ceux qui possèdent des charges dans la maison royale. Il aimerait les imiter : ce serait la garantie de posséder une place sûre à Versailles. Une conquête féminine lui donne l’occasion de se mettre en avant.

    Madeleine-Catherine Aubertin est la jeune épouse – elle a quinze ans de moins que son mari – du sieur Franquet, contrôleur clerc d’office de la Maison du roi et de l’Extraordinaire des guerres. Elle croise Pierre-Augustin à Versailles et est séduite par ce sémillant jeune homme. Elle se rend à l’atelier Caron sous le prétexte d’une montre à réparer. Pierre-Augustin la reçoit et comprend rapidement le motif réel de sa venue : il rapportera la montre lui-même, dans la demeure de la jeune femme…

    Franquet apprécie la compagnie de Pierre-Augustin. Il lui ouvre grand sa porte. Son hôte profite de cette bienveillance et devient l’amant de Madeleine-Catherine. Le mari trompé et dupe lui fait alors une proposition alléchante : il est malade et fatigué, sa charge lui pèse ; il souhaite vendre son office de contrôleur clerc d’office. Quelle aubaine pour Pierre-Augustin ! Comme il n’a pas de liquidités, il promet de verser une rente viagère qui finira de payer la charge, acquise le 9 novembre 1755.

    Cet office est trop modeste pour anoblir celui qui le possède ; toutefois, il consolide la position de Pierre-Augustin à la cour. Désormais, celui-ci renonce à sa qualité d’horloger et se rend régulièrement à Versailles pour y remplir sa charge, essentiellement honorifique, puisqu’il s’agit de servir la table royale. C’est l’occasion d’apercevoir quotidiennement le roi et sa famille. La chance sert le jeune homme et son amante : Franquet meurt brusquement d’une apoplexie, le 3 janvier 1756. Pierre-Augustin n’a plus de rente à verser, et surtout, il n’existe plus aucun obstacle entre la belle veuve et lui ! Les deux amants font fi des conventions et n’attendent pas l’année de deuil réglementaire : ils se marient dès le 22 novembre 1756.

    Pierre-Augustin Caron profite de l’occasion pour troquer son patronyme contre celui de Beaumarchais, du nom d’une terre qui appartient à Madeleine-Catherine. Désormais, c’est ainsi qu’il se fera appeler. Ce nouveau nom lui permettra, le temps venu, de se revendiquer l’égal des plus grands seigneurs. Ce changement de titre traduit aussi l’augmentation de ses appétits.

    Hélas ! La prospérité ne dure pas longtemps. Pour commencer, le mariage n’est pas heureux. Libertin par nature autant que par conviction, Pierre-Augustin n’aime être contraint par aucune règle,

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