Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Les droits de l'homme: Une réalité quotidienne
Les droits de l'homme: Une réalité quotidienne
Les droits de l'homme: Une réalité quotidienne
Livre électronique470 pages5 heures

Les droits de l'homme: Une réalité quotidienne

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Les Éditions Anthemis vous proposent un outil complet pour comprendre les droits de l'homme.

Les droits de l’homme : une réalité quotidienne ? En consacrant une journée d’étude sur ce thème, la Conférence du Jeune Barreau ainsi que le Barreau de Mons ont tenté de répondre à cette question en analysant ce concept fondateur dans différentes branches du droit grâce au concours de spécialistes.
Dans la première partie consacrée au droit du travail, Jean-François Neven, Steve Gilson et France Lambinet rappellent d’une manière pratique l'intérêt réel de ces droits fondamentaux pour tous les praticiens à travers les relations de travail et le droit anti-discrimination notamment.
Marc Verdussen aborde les relations entre les citoyens et les autorités publiques en démontrant que le contentieux des droits fondamentaux devant la Cour constitutionnelle est loin d’être éloigné des préoccupations quotidiennes des magistrats et des avocats. En droit pénal, Olivier Delmarche nous enseigne que ces mêmes droits protègent les justiciables lorsqu'ils sont confrontés aux juridictions d'instruction et qu'ils comparaissent devant la Cour d'assises.
Enfin, en droit de la personne et de la famille, Geoffrey Willems et Anne-France Saudoyez développent, d'une part, la manière dont la Cour de Strasbourg offre des garanties concrètes aux personnes dans les domaines de la vie privée, de la vie familiale ou encore des droits au mariage et à fonder une famille et, d'autre part, la manière dont la Cour constitutionnelle défend ces mêmes notions dans les différents arrêts qu'elle a rendus en la matière.
Cette étude témoigne dans son ensemble de la réalité quotidienne des droits de l’homme. Ils constituent un fondement juridique protecteur à la fois des relations entre les citoyens et l’État et aussi entre les citoyens.

Un ouvrage écrit par des professionnels, pour des professionnels.

À PROPOS DES ÉDITIONS ANTHEMIS

Anthemis est une maison d’édition spécialisée dans l’édition professionnelle, soucieuse de mettre à la disposition du plus grand nombre de praticiens des ouvrages de qualité. Elle s’adresse à tous les professionnels qui ont besoin d’une information fiable en droit, en économie ou en médecine.
LangueFrançais
ÉditeurAnthemis
Date de sortie23 août 2017
ISBN9782807201071
Les droits de l'homme: Une réalité quotidienne

Lié à Les droits de l'homme

Livres électroniques liés

Loi criminelle pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Les droits de l'homme

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Les droits de l'homme - Deborah Fries (dir.)

    978-2-8072-0107-1

    Préface

    « Où commencent les droits universels, après tout ? Ils commencent près de chez soi, en des lieux si proches et si petits qu’on ne peut les voir sur aucune carte du monde. Ils constituent pourtant l’univers personnel de chacun : le quartier où l’on vit ; l’école ou l’université que l’on fréquente ; l’usine, la ferme ou le bureau où l’on travaille. C’est là que chaque homme, chaque femme et chaque enfant aspire à l’équité dans la justice, à l’égalité des opportunités et à la même dignité sans discrimination. Si dans ces lieux les droits sont dénués de sens, ils n’en auront guère davantage ailleurs. Si chacun ne fait pas preuve du civisme nécessaire pour qu’ils soient respectés dans son entourage, il ne faut pas s’attendre à des progrès à l’échelle du monde. »

    Eleanor Roosevelt¹

    Le colloque tenu le 26 avril 2013 à Mons à l’occasion des festivités entourant la célébration du centenaire du Prix Nobel de la Paix attribué à Henry Lafontaine a permis aux nombreux intervenants d’étudier l’apport décisif des droits de l’homme dans tous les domaines de notre vie quotidienne.

    Que ce soit au travail, au sein de notre famille ou dans nos rapports avec l’État, notre comportement est guidé en permanence par les notions défendues par la Déclaration universelle des droits de l’homme, par la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi que par les nombreux textes adoptés ou en préparation depuis ces écrits fondateurs.

    Que ce soit au travail, au sein de notre famille ou dans nos rapports avec l’État, le recours aux notions défendues par la Déclaration universelle des droits de l’homme, par la Convention Européenne des Droits de l’Homme ainsi que par les nombreux textes adoptés ou en préparation depuis ces écrits fondateurs, est permanent et guide la plupart de nos comportements.

    C’est en tout cas la conclusion que l’on peut tirer de notre propre expérience, malheureusement limitée dans le temps et l’espace.

    Rappelons-nous que ce quotidien était tout autre il y a à peine quelques dizaines d’années, que ces idées d’égalité et de dignité n’étaient d’application quotidienne que dans les rêves de quelques-uns.

    N’oublions jamais non plus que cette lutte pour l’équité, l’égalité et la dignité humaine n’est pas terminée et qu’un groupe de pays finalement assez restreint a accepté de se soumettre sans restriction aux obligations des différents traités internationaux en la matière. Ce groupe de pays, dont la Belgique fait partie, doit rester à l’avant-garde et faire preuve tant de vigilance que de fermeté devant les atteintes aux principes défendus.

    La liste des pays bafouant les plus basiques des droits de l’homme est longue et on y compte de grands et puissants États de la planète.

    Le chemin a été, est et restera difficile.

    Les tensions politiques, religieuses, ethniques ainsi que la réticence naturelle des États à perdre une part de leur souveraineté ont déjà été des obstacles que Henry Lafontaine a pu surmonter pour travailler à la défense des principes régissant la défense des droits de l’homme.

    Eleanor Roosevelt avait elle aussi compris que cette acceptation universelle des droits de l’homme commencerait d’abord par leur incorporation au sein de nos actes les plus banals, les plus usuels.

    Les différentes contributions que vous retrouverez dans cet ouvrage prouvent que ses appels ont été entendus.

    Vivons chacun en respectant les droits de l’homme, éduquons nos enfants dans cette perspective, présentons humblement notre façon de vivre, sans l’imposer ; et nous pouvons être certains que le reste de l’Humanité éprouvera de la curiosité, de l’intérêt et qu’à ce moment le dialogue s’engagera.

    Ce dialogue se nourrira des exemples concrets, quotidiens et accessibles de l’application des droits de l’homme dans notre façon de vivre.

    Si cet ouvrage peut servir à apporter une aide à la diffusion des principes des droits de l’homme dans notre pays et au dialogue avec les autres peuples grâce aux exemples repris, je pense que Henry Lafontaine serait satisfait.

    Satisfait, il l’aurait été au regard des contributions de cet ouvrage, et certainement aussi à la lecture du nom de leurs auteurs.

    Il aurait sans doute pensé que, malgré le chemin difficile qu’il avait choisi d’emprunter, le voyage paraitrait fort agréable en aussi bonne compagnie, et que la tâche au demeurant considérable qui l’attendait sera bien allégée par l’énergie, la plume et le verbe de ses amis.

    Du moins, je me plais à le croire.

    Et à la lecture de cet ouvrage, j’espère que vous en serez convaincus aussi.

    Merci à tous.

    Geoffrey GALOPPIN

    Avocat

    Président du Jeune Barreau de Mons


    1 « Entre nos mains », discours prononcé le 27 mars 1958 à l’occasion du dixième anniversaire de proclamation de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

    Le droit anti-discrimination, facteur d’évolution du droit du travail

    Jean-François NEVEN

    Conseiller à la Cour du travail de Bruxelles

    Maître de conférences invité à l’UCL

    Introduction

    1. La présente contribution a pour seul¹ objectif d’illustrer que le droit anti-discrimination est un facteur d’évolution du droit du travail : certaines solutions, pouvant être qualifiées de constantes en droit du travail, se trouvent amendées, contestées, voire purement et simplement remises en cause, par ce nouveau droit d’origine européenne.

    Après avoir brièvement rappelé quelques éléments caractéristiques de l’architecture de la législation anti-discrimination, j’illustrerai mon propos par quatre exemples qui me paraissent représentatifs de ce mouvement qui a vocation à s’amplifier : on peut, en effet, suggérer que tout n’a pas encore été dit sur les relations entre le droit du travail et la lutte contre les discriminations et que la présente contribution n’épuisera pas le sujet.

    Section 1

    Le cadre général : les lois anti-discrimination

    2. À la suite du traité d’Amsterdam, l’Union européenne a renforcé son droit dérivé en matière d’égalité de traitement avec l’adoption de la directive 2000/43 du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Complémentairement, les directives déjà existantes en matière d’égalité entre les hommes et les femmes ont été revues, avec en définitive l’adoption de la directive 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.

    Le lieu n’est pas ici de revenir sur les difficultés de transposition de ces directives. On se contentera de relever que la transposition figure actuellement, du moins pour ce qui relève du législateur fédéral, dans trois lois du 10 mai 2007²-³.

    3. Les lois anti-discrimination énoncent une série de critères qui ne peuvent fonder des décisions, notamment, en matière de contrats de travail, que pour autant qu’elles soient susceptibles d’une justification déterminée.

    Le législateur fédéral belge a estimé devoir aller au-delà de la liste des critères prévus par les directives européennes et a, pour les critères non imposés par ces directives, prévu un mécanisme de justification quelque peu plus souple que le système de droit européen.

    Il se dégage de ces options, un ensemble assez complexe.

    Les critères européens (selon la formule utilisée pour désigner les critères prévus par les directives) sont au nombre de sept. Il s’agit du sexe, de la race et l’origine ethnique, du handicap, de l’orientation sexuelle, des convictions religieuses ou philosophiques et de l’âge.

    Le législateur belge a également retenu : l’état civil, la naissance, la fortune, la conviction politique, la langue, l’état de santé actuel ou futur, la caractéristique physique ou génétique, l’origine sociale. Suite à l’intervention de la Cour constitutionnelle (arrêt no 64/2009 du 2 avril 2009), il a été amené à y ajouter le critère des convictions syndicales.

    4. Dans le respect de ce que dans un souci d’effectivité, la Cour de justice a de longue date mis en place, les directives européennes prévoient un mécanisme de lutte contre les discriminations directes mais aussi contre les discriminations indirectes.

    Les lois du 10 mai 2007 visent ainsi les distinctions directes qui reposent sur un critère protégé et les distinctions indirectes correspondant à ce qui se produit « lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner, par rapport à d’autres personnes, un désavantage particulier pour des personnes caractérisées par l’un des critères protégés ».

    Le lieu n’est pas ici de cerner plus avant le concept de discrimination indirecte : on relèvera uniquement que les possibilités de justification sont plus larges que lorsque la distinction est directe.

    Dans le domaine de l’emploi, les possibilités de justification, se présentent schématiquement comme suit⁴ :

    Le critère de l’âge a ceci de particulier que les distinctions fondées sur ce critère peuvent, de manière spécifique, être justifiées par des « objectifs légitimes de politique de l’emploi ».

    Notons aussi que le critère du handicap présente comme particularité que le fait de refuser de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée, constitue une forme particulière de discrimination. Nous y reviendrons.

    5. S’inscrivant dans un mouvement de procéduralisation de la lutte contre les discriminations, les lois du 10 mai 2007 consacrent, dans le respect des directives, différents mécanismes de protection des droits⁵.

    Elles envisagent le partage de la charge de la preuve⁶, une possibilité d’indemnisation forfaitaire ne faisant pas obstacle à une réparation intégrale du préjudice⁷, une mesure de protection contre les rétorsions⁸, des sanctions pénales⁹ ainsi qu’une action en cessation devant le président du tribunal¹⁰.

    On se réfèrera aux études et commentaires généraux consacrés à la protection des droits¹¹ et à l’effectivité, en général, de la législation anti-discrimination qui reste marquée par un degré relativement faible de contestations.

    On se bornera à attirer l’attention sur l’action en cessation qui a vocation à jouer un rôle décisif dans la réduction des discriminations.

    Elle peut être introduite par la personne qui s’estime victime d’une discrimination mais aussi par le Centre pour l’égalité des chances, par une organisation syndicale ou encore par « tout établissement d’utilité publique et toute association, jouissant de la personnalité juridique depuis au moins trois ans à la date des faits, et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l’homme ou de combattre la discrimination »¹².

    L’action peut aussi être introduite par l’auditeur du travail¹³.

    Le président du tribunal peut ordonner la cessation de l’acte contraire à la loi. S’il a été confirmé dans les travaux préparatoires de la loi du 10 mai 2007 que le principe de l’autonomie de la volonté s’oppose à ce que le juge de la cessation impose la conclusion d’un contrat¹⁴, on admet que l’ordre de cessation peut consister tant en une abstention qu’en une mesure positive¹⁵. Nous renvoyons à d’autres, la question de savoir si eu égard à l’article 1385bis du Code judiciaire, l’action en cessation peut être assortie d’une astreinte¹⁶.

    Le président (dont la décision est exécutoire par provision)¹⁷ peut aussi accorder à la victime qui en fait la demande, l’indemnisation forfaitaire¹⁸. Au stade de l’action en cessation, la réparation du préjudice réel ne peut, par contre, pas être accordée.

    Section 2

    Quelques incidences de la législation anti-discrimination

    sur le droit du travail

    § 1. Les modalités de licenciement

    6. Comme l’indique Madame Jamoulle, « fondé sur la liberté individuelle de celui qui l’exerce, le droit de licenciement, dans les contrats conclus pour une durée indéterminée, demeure en principe discrétionnaire »¹⁹.

    Le choix des modalités de licenciement relève, dès lors, du pouvoir souverain de l’employeur.

    Si la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail présente l’indemnité compensatoire de préavis comme une sanction du non-respect du délai de préavis plutôt que comme une modalité alternative de résiliation unilatérale, cette question est classiquement considérée comme étant dénuée de « réelle portée pratique »²⁰, puisque l’irrégularité ou l’insuffisance du préavis sont réparées forfaitairement²¹ et en principe complètement, par le paiement de l’indemnité compensatoire de préavis. Quant à l’idée de sanctionner l’irrégularité du licenciement par la réintégration, la Cour de cassation semble l’exclure²².

    En pratique, l’employeur ne commet donc pas de faute en optant pour le licenciement avec effet immédiat et paiement d’une indemnité compensatoire de préavis plutôt que pour la prestation du préavis²³. De même, le choix de faire prester le préavis n’est, en soi, pas non plus fautif.

    L’affaire dont il sera question ci-dessous montre que ce constat est susceptible d’être nuancé dans l’hypothèse où la décision de licenciement implique la mise en œuvre de critères protégés au titre de la législation anti-discrimination.

    7. La Cour du travail de Bruxelles²⁴ a été amenée à examiner la décision d’une institution européenne qui, à l’occasion du licenciement d’une quarantaine de professeurs de langues occupés en son sein dans le cadre de contrats de travail soumis au droit belge, avait opéré une distinction entre les professeurs se situant à moins de deux ans de l’âge de la pension et les autres professeurs : les premiers, en l’occurrence deux femmes, devraient prester leur préavis alors que leurs collègues seraient licenciés avec perception immédiate d’une indemnité de rupture.

    La Cour a conclu à l’existence de faits permettant de présumer une discrimination fondée sur l’âge et sur le sexe : un professeur de langue plus jeune (ne se trouvant pas à moins de deux ans de l’âge de la pension légale), n’aurait pas dû prester son préavis tandis que le critère utilisé a eu pour conséquence en l’espèce que la mesure défavorable ( – le fait de devoir prester son préavis ayant été considéré comme constituant, de facto, une mesure défavorable – ) n’a concerné que des femmes.

    Examinant les justifications proposées par l’employeur, et notamment la circonstance qu’en vertu de la loi sur les contrats de travail, le travailleur ne dispose d’aucun pouvoir pour obliger l’employeur à opter pour une rupture immédiate, la Cour du travail a notamment relevé ce qui suit : « ce n’est pas parce qu’une décision est conforme à toutes les autres dispositions légales envisageables, qu’elle est conforme aux législations anti-discrimination. Lorsque comme en l’espèce, est rapportée une apparence de discrimination sur base du sexe et de l’âge, il ne suffit pas de démontrer qu’il a été fait usage de prérogatives conformes à la loi sur les contrats de travail pour renverser la présomption. Il reste encore à démontrer que la différence de traitement repose sur des facteurs objectifs étrangers à toute discrimination liée au sexe ou à l’âge… ». En d’autres termes, certaines décisions, traditionnellement considérées comme discrétionnaires dans le chef de l’employeur²⁵, cessent d’avoir cette caractéristique et doivent recevoir une justification spécifique, lorsqu’elles ont pour effet de créer une différence de traitement sur la base d’un des critères protégés au titre de la législation anti-discrimination.

    § 2. Les limites de la protection de la maternité

    8. Pendant la période de grossesse et de repos d’accouchement, la travailleuse bénéficie d’une protection contre le licenciement.

    Selon l’article 40 de la loi du 16 mars 1971 sur le travail, l’employeur ne peut faire aucun acte tendant à mettre fin unilatéralement au contrat de travail, « sauf pour des motifs étrangers à l’état physique résultant de la grossesse ou de l’accouchement », à partir du moment où il a été informé de l’état de grossesse et « jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois prenant cours à la fin du congé postnatal ».

    Sur le plan chronologique, la protection est ainsi délimitée de manière précise. Elle ne peut débuter avant que la travailleuse soit enceinte. Elle ne prend cours de manière effective qu’une fois que l’état de grossesse a été porté à la connaissance de l’employeur. Elle se termine un mois après la fin du congé postnatal. Ces limites ont pour conséquence que la protection contre le licenciement ne couvre pas la situation de la femme qui a été licenciée à la suite d’un traitement de fécondation in vitro (alors que elle n’est pas encore enceinte²⁶) ou de la femme qui à la suite d’une fausse couche, n’est plus enceinte et ne peut prétendre à un congé de maternité²⁷.

    De même, la délimitation est précise quant à son objet : ainsi, la protection n’est, en principe, pas applicable à la femme enceinte dont le contrat à durée déterminée n’est pas renouvelé²⁸, le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée, n’impliquant aucun acte tendant à mettre fin unilatéralement à la relation de travail.

    9. L’interprétation donnée par la Cour de Justice au principe d’égalité entre les hommes et les femmes, conduit à reconnaître une protection complémentaire de la maternité.

    La Cour de Justice a, en effet, décidé qu’une mesure défavorable (comme un licenciement) dans une situation qui ne peut concerner que les femmes, est susceptible de constituer une discrimination directe fondée sur le sexe. L’arrêt le plus significatif en la matière, intervenu après bien d’autres, est celui qui a été prononcé dans l’affaire Mayr²⁹.

    Ainsi, si la travailleuse victime d’une mesure défavorable établit que cette décision a été prise alors que l’employeur était au courant de la situation spécifique dans laquelle elle se trouvait (qu’il s’agisse des suites d’une fausse couche ou du démarrage d’un traitement de fécondation in vitro), il faut considérer qu’il existe des faits permettant de présumer une discrimination directe fondée sur le sexe.

    L’employeur doit alors apporter la preuve d’une justification adéquate et suffisante.

    En pratique, il doit démontrer soit l’existence d’une exigence essentielle et déterminante au sens de l’arrêté royal prévu par la loi genre, soit apporter la preuve que la mesure repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    La jurisprudence belge a été amenée, ces dernières années, à faire application de cette protection complémentaire.

    Nous évoquerons brièvement trois affaires.

    10. Saisie de la demande d’une travailleuse qui avait été licenciée au cours de l’incapacité de travail consécutive à une fausse couche dont l’employeur avait connaissance, la Cour du travail de Bruxelles³⁰ a confirmé que la fausse couche est une réalité physique qui ne concerne que les femmes, ce qui était contesté par l’employeur.

    Celui-ci faisait valoir, en effet, que la situation de la femme qui a fait une fausse couche ne se distingue pas nécessairement de la situation du « futur père » qui peut lui aussi être affecté par la situation. La Cour a toutefois considéré « qu’une fausse couche peut être perçue comme indicative de la volonté d’être enceinte, le cas échéant à bref délai, et que de ce point de vue, le risque d’une réaction défavorable de l’employeur ne se présente pas de la même manière vis-à-vis de la femme et vis-à-vis de celui qui n’a pas accédé à la paternité… ». Ayant relevé différents éléments permettant de présumer un lien étroit entre la fausse couche et le licenciement, la Cour a fait application du partage de la preuve et a, en définitive, décidé que la présomption de discrimination n’était pas renversée, les justifications avancées n’étant pas suffisantes.

    11. Dans une autre affaire, en lien avec une fécondation in vitro, la Cour du travail de Bruxelles³¹ s’est référée à la jurisprudence de la Cour de justice et, plus particulièrement, à l’arrêt Mayr³².

    Les faits de la cause se présentaient comme suit : une travailleuse ayant été absente quelques jours pour permettre une ponction folliculaire, avait été licenciée dans les jours ayant suivi sa reprise du travail. L’employeur ne contestait pas être au courant du motif de l’absence. Face à ce licenciement éminemment suspect, la Cour du travail a retenu une présomption de discrimination mais a, en définitive, constaté que l’employeur renversait cette présomption. Il a en effet pu établir que la réduction du personnel avait été planifiée, pour des raisons économiques, plusieurs semaines auparavant et que le choix des travailleurs à licencier avait été fait en fonction, uniquement, de l’expérience professionnelle.

    Dans cette affaire, l’employeur a donc pu démontrer que le licenciement reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

    12. Enfin, la Cour du travail de Liège, section de Namur³³, est actuellement saisie de la question de savoir si le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée doit, dans les circonstances suivantes, être considéré comme discriminatoire : lorsque la décision de ne pas renouveler le contrat fut prise, l’employeur, en l’occurrence la ville de Namur, était en possession d’un rapport du chef de service faisant état de son ressentiment à l’égard du fait que l’intéressée n’avait pas signalé son état de grossesse lorsqu’elle s’était présentée devant le jury de sélection, soit avant que ne débute le contrat à durée déterminée d’un an, dont le renouvellement était en discussion.

    La Cour du travail précise que « lorsque le motif invoqué ou présumé est ou pourrait bien être le fait que l’intéressée a été enceinte au cours de la période d’occupation précédant le renouvellement du contrat », la discrimination peut être établie même si, au moment du refus de renouvellement, elle n’est plus enceinte.

    Dans son arrêt du 12 mars 2013³⁴, la Cour du travail a décidé qu’eu égard notamment au rapport du chef de service, dont l’employeur ne s’est pas clairement démarqué, l’intéressée apportait des éléments permettant de présumer une discrimination ; la Cour a toutefois estimé qu’il s’imposait de rouvrir les débats à propos des justifications avancées par la ville. Suite donc au prochain épisode…

    Pour notre propos, il est toutefois intéressant de constater qu’indépendamment de ce qui sera, en final, jugé par la Cour du travail, cet arrêt illustre la tendance de la jurisprudence belge à se référer de plus en plus fréquemment à la démarche de la Cour de justice qui, en s’appuyant sur le principe de non-discrimination, complète la protection classique de la maternité dont l’effectivité est incertaine.

    § 3. L’obligation de reclassement en cas de réduction

    de la capacité de travail

    13. Classiquement, la réduction de la capacité de travail, est un motif valable de licenciement.

    L’article 63 de la loi du 3 juillet 1978 le confirme implicitement : en indiquant qu’est considéré comme abusif, le licenciement d’un ouvrier effectué pour des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude de ce dernier, ce texte confirme la licéité de principe du licenciement de l’ouvrier qui ne présente plus les aptitudes physiques nécessaires pour occuper son emploi.

    Un pas supplémentaire a été franchi, en 1981.

    S’inscrivant dans une perspective résolument civiliste, la Cour de cassation a en effet décidé le 5 janvier 1981 que l’incapacité permanente empêchant définitivement le travailleur de reprendre le travail convenu constitue un événement de force majeure entraînant la dissolution du contrat³⁵.

    Dès lors que la force majeure s’apprécie au regard du travail convenu et « non au regard de la possibilité pour l’employeur de fournir au travailleur un autre travail qui lui convient»³⁶, on doit considérer qu’il n’existe pas, en droit du travail, d’obligation pour l’employeur de reclasser le travailleur dans un emploi adapté ou aménagé.

    14. La législation sur le bien-être au travail apporte quelques nuances à ce constat, même si des incertitudes demeurent quant à la portée véritablement contraignante du reclassement qui peut être envisagé dans ce cadre.

    En cas d’incapacité de travail ayant duré au moins quatre semaines, certains travailleurs³⁷ doivent être soumis à un examen médical obligatoire de reprise du travail³⁸ : à cette occasion, le conseiller en prévention-médecin du travail est susceptible de formuler des recommandations d’aménagement du poste de travail ou de changement d’affectation, contraignantes pour l’employeur³⁹. Mais, rappelons-le, cette procédure ne concerne qu’un nombre restreint de travailleurs.

    Pour les travailleurs non soumis à l’examen obligatoire de reprise de travail, la réglementation prévoit la possibilité de demander une visite de pré-reprise du travail⁴⁰. La valeur contraignante des décisions qui dans ce cadre, peuvent être prises par le conseiller en prévention-médecin du travail reste toutefois au centre de nombreuses discussions⁴¹.

    De même, en vertu de l’article 39 de l’arrêté royal du 28 mai 2003, en cas d’incapacité définitive de poursuivre le travail convenu, le travailleur a en principe droit à une procédure de reclassement. Mais on peut s’interroger sur le point de savoir si cette procédure fait réellement obstacle à la dissolution du contrat pour cause de force majeure⁴², l’incertitude étant, du reste, accentuée par le fait que la procédure comparable insérée à l’article 34 de la loi du 3 juillet 1978, n’est jamais entrée en vigueur.

    En définitive, ce n’est pas trahir la réalité du terrain que de considérer que malgré certaines initiatives volontaristes, la pratique reste marquée par le constat que la question du reclassement des travailleurs devenus, en tout ou partie, inaptes à exercer le travail convenu, relève en priorité de la sécurité sociale (en particulier de l’assurance indemnités) et de la solidarité qui la caractérise, plutôt que de l’employeur.

    15. La législation anti-discrimination conduit toutefois à envisager la question du reclassement du travailleur devenu partiellement inapte, sous un angle différent⁴³.

    Conformément à l’article 5 de la directive 2000/78, l’article 14 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination, prévoit que le refus de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’une personne handicapée, constitue une discrimination.

    Certes, l’obligation pour l’employeur de mettre en place des aménagements raisonnables n’est pas absolue.

    Une première restriction découle de ce qu’elle n’existe qu’en faveur du travailleur handicapé.

    La notion de handicap est toutefois entendue de manière large et autonome. Elle suppose, pour l’essentiel, « une limitation résultant d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, entravant la participation à la vie professionnelle » et qui a comme caractéristique, d’être probablement de longue durée⁴⁴. La cause de la réduction de capacité, par contre, importe peu : l’origine peut être un handicap de naissance, un accident, une maladie curable ou incurable, une maladie chronique⁴⁵… De même, il n’est pas requis que la réduction de capacité de gain atteigne un seuil déterminé.

    Les créanciers de l’obligation de mettre en place un aménagement raisonnable restent donc nombreux.

    Une autre restriction découle de la notion même d’aménagement raisonnable. Certes, la liste des aménagements susceptibles d’être envisagés, n’est pas limitée : il peut s’agir⁴⁶ de l’aménagement des locaux, des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l’offre de moyens de formation ou d’encadrement. Il faut toutefois que l’aménagement soit efficace et ne représente pas une charge disproportionnée⁴⁷.

    Enfin, on ne perdra pas de vue que son inscription dans la législation anti-discrimination emporte un renforcement de l’obligation de mettre en place des aménagements raisonnables puisqu’elle doit être articulée avec les mécanismes de protection des droits prévus par cette législation (comme le partage de la charge de la preuve, l’action en cessation, l’indemnisation forfaitaire…).

    16. L’obligation de mettre en place des aménagements raisonnables est potentiellement porteuse de grands changements, même si à ce jour les réalisations restent encore limitées.

    Il a été suggéré⁴⁸ qu’en cas d’impossibilité d’exercer le travail convenu, l’employeur ne pourrait plus invoquer la force majeure et la dissolution du contrat que pour autant qu’il n’ait pas refusé de procéder à un aménagement raisonnable des conditions de travail et qu’un tel aménagement ne s’avère pas réalisable. La jurisprudence⁴⁹ en la matière reste toutefois peu abondante et, particulièrement, prudente⁵⁰.

    Un autre terrain sur lequel des évolutions paraissent envisageables est celui du licenciement.

    Le licenciement pour cause d’incapacités de travail répétées pourrait être considéré comme discriminatoire, – et l’indemnité prévue par la loi du 10 mai 2007 pourrait être due –, s’il s’avère qu’un aménagement raisonnable du poste de travail aurait permis d’éviter ces absences⁵¹. Ce qui paraît en jeu à ce niveau, est la question de savoir si l’obligation de mettre en place des aménagements raisonnables ne s’exerce que sur demande (du travailleur) ou si elle peut requérir une attention et une action spontanée de l’employeur. Il paraît prématuré de répondre de manière définitive à cette question⁵².

    Il paraît par contre certain que si l’employeur n’a pas adéquatement répondu à une demande d’aménagement raisonnable du poste de travail, le travailleur peut lui réclamer l’indemnisation prévue par la loi du 10 mai 2007.

    On pourra, à cet égard, se référer à un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 9 janvier 2013⁵³ : il concerne une réassortisseuse qui, compte tenu d’atteintes physiques aux membres supérieurs, avait sollicité un changement de fonction.

    § 4. Le port de signes convictionnels au travail

    17. Le pouvoir d’organisation de l’entreprise et des prestations de travail en son sein implique en principe que l’employeur peut requérir une tenue vestimentaire déterminée.

    En droit du travail, ces questions n’ont guère donné lieu à discussion jusqu’à ce qu’émerge la question des signes convictionnels dans l’espace professionnel, avec comme point de focalisation le port du foulard islamique, cette question révélant une certaine tension entre la protection de la liberté religieuse, telle qu’elle peut découler de la législation anti-discrimination, et les prérogatives patronales.

    De nouvelles questions ont ainsi été débattues devant les juridictions du travail : on a pu se demander si le port du foulard (ou de tout autre signe convictionnel) au travail doit, en tant que tel, être considéré comme la manifestation d’une conviction religieuse, si l’interdiction édictée par l’employeur de porter des signes convictionnels, constitue une distinction fondée sur les convictions religieuses et philosophiques et dans l’affirmative, s’il s’agit d’une distinction directe ou indirecte ou encore si les attentes, réelles ou supposées, des clients (dans la sphère commerciale) et le devoir de neutralité (dans les services publics) sont des justifications suffisantes.

    Mon propos ne sera pas de reprendre le débat à sa racine, mais de donner quelques indications sur l’évolution de la jurisprudence en la matière.

    18. Saisie de la contestation du licenciement pour motif grave d’une vendeuse qui, après une longue période d’incapacité de travail, avait annoncé son retour et signalé que dorénavant, elle porterait le voile, la Cour du travail de Bruxelles a décidé⁵⁴ :

    « L’usage interne à une société commerciale, interdisant au personnel en contact avec la clientèle le port de certaines tenues vestimentaires ne cadrant pas avec une neutralité, et plus précisément le port du voile religieux, repose sur des considérations objectives propres à l’image de marque de l’entreprise commerciale. Un tel usage, qui s’applique à l’ensemble des travailleurs ou d’une catégorie de travailleurs, n’est pas discriminatoire […]. »

    Selon la Cour du travail d’Anvers⁵⁵, l’interdiction de tout signe convictionnel, contenue dans un règlement de travail, n’implique aucune discrimination directe fondée sur les convictions religieuses ou philosophiques, car elle s’applique indistinctement à tous les travailleurs, croyants et non-croyants. De même, elle n’implique aucune discrimination indirecte, dans la mesure où selon

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1