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Le cercle Voragine: Un thriller gothique
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Livre électronique346 pages4 heures

Le cercle Voragine: Un thriller gothique

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À propos de ce livre électronique

La peur, la souffrance, la mort… Les images se bousculent, insupportables.

Les cris vrillent les tympans. On voudrait tout arrêter, mais on reste figé, des relents nauséeux au fond de la gorge. Écran noir. On n’entend plus que le ronronnement du disque dans le lecteur, et la signature pourpre des productions SCORPIO surgit dans le téléviseur. Un peu groggy, on s’interroge : meurtres réels ou effets spéciaux ?
XOX Consulting est une société de services qui associe les suppressions de cibles humaines aux missions informatiques en environnement industriel. Elle est chargée de mettre fin au cauchemar, et un nom s’impose pour cette mission difficile : l’informaticienne Suzana Magellan.
L’issue de ce contrat « Ruban noir » est incertaine, car le mal plonge ses racines dans le grimoire d’un archevêque génois du 13ème siècle, et il se fortifie dans le mystérieux triptyque d’un vieux maître hollandais. Mais la solution réside peut-être dans le regard innocent d’une enfant d’exception, la petite Mila.

Dans l’ombre inquiétante de la Prague gothique, l’auteur nous conduit avec une plume incisive dans une nouvelle aventure de son héroïne tueuse à gages.

EXTRAIT

Cling… Cling… Cling… Les bracelets s’entrechoquent. Les menottes brillent à la faveur des néons. L’homme a les mains moites. Les maillons brinquebalent contre le bracelet d’une montre, une courroie de cuir percée de crânes étincelants. Dans la semi-pénombre, sa démarche est hésitante ; il chaloupe entre les murs du couloir. Les semelles de ses baskets grincent sur le carrelage. Soudain quelque chose se pose sur son épaule. Grésillements. Il tressaute sous le choc électrique de la matraque, et il accélère le pas, sans une plainte, sans un mot. Deux silhouettes l’encadrent plus étroitement, silencieuses. Elles portent des capes noires, et une capuche couvre leur tête. Le rebord est large ; les traits de leur visage restent plongés dans l’ombre. Le trio arrive au bout du couloir. Il entre dans une pièce richement illuminée. L’homme cligne des yeux, aveuglé. Il perçoit des formes, des madriers, des installations qu’il ne comprend pas.
Vlan ! Il est rudement poussé, et trébuche. Ses bras entravés l’empêchent de se rétablir, et il chute en avant, la tête la première. Son visage heurte lourdement l’accoudoir d’un fauteuil. Il se contorsionne pour se relever. Une main gantée se plaque sur son crâne, agrippe ses cheveux, et lui relève brusquement la tête. Un filet de sang coule de ses narines. Il desserre les lèvres, et grimace.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-François Thiery est cadre informaticien dans l’industrie automobile. Il réside en France, en Franche Comté. Il commence à écrire en 2009, et publie des recueils de nouvelles et des romans. Le cercle Voragine est son sixième thriller.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie16 août 2017
ISBN9782359629590
Le cercle Voragine: Un thriller gothique

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    Aperçu du livre

    Le cercle Voragine - Jean-François Thiery

    cover.jpg

    Table des matières

    Résumé

    AVANT-PROPOS

    LE PARADIS

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    AVANT LE DÉLUGE

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    L’ENFER

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

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    Résumé

    La peur, la souffrance, la mort… Les images se bousculent, insupportables. Les cris vrillent les tympans. On voudrait tout arrêter, mais on reste figé, des relents nauséeux au fond de la gorge. Écran noir. On n’entend plus que le ronronnement du disque dans le lecteur, et la signature pourpre des productions SCORPIO surgit dans le téléviseur. Un peu groggy, on s’interroge : meurtres réels ou effets spéciaux ?

    XOX Consulting est une société de services qui associe les suppressions de cibles humaines aux missions informatiques en environnement industriel. Elle est chargée de mettre fin au cauchemar, et un nom s’impose pour cette mission difficile : l’informaticienne Suzana Magellan.

    L’issue de ce contrat « Ruban noir » est incertaine, car le mal plonge ses racines dans le grimoire d’un archevêque génois du 13ème siècle, et il se fortifie dans le mystérieux triptyque d’un vieux maître hollandais. Mais la solution réside peut-être dans le regard innocent d’une enfant d’exception, la petite Mila.

    Dans l’ombre inquiétante de la Prague gothique, l’auteur nous conduit avec une plume incisive dans une nouvelle aventure de son héroïne tueuse à gages.

    Jean-François Thiery est cadre informaticien dans l’industrie automobile. Il réside en France, en Franche Comté. Il commence à écrire en 2009, et publie des recueils de nouvelles et des romans. Le cercle Voragine est son sixième thriller.

    Jean-François Thiery

    Le Cercle Voragine

    Thriller

    ISBN : 978-2-35962-959-0

    Collection Rouge : 2108-6273

    Dépôt légal juillet  2017

    © couverture Ex Aequo

    © 2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de

    traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    Ceci est une œuvre de fiction. Les personnages et les situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.

    AVANT-PROPOS

    Quelques mots sur les précédentes aventures de Suzana Magellan publiées aux éditions Ex Aequo : « eXpert Consulting » et « Le contrat Magellan »…

    « eXpert consulting » décrit une initiation où la jeune diplômée cherche à s’insérer dans le monde redoutable des sociétés de services. Une porte s’entrouvre dans l’une des entreprises les plus élitistes de la place strasbourgeoise, XOX Consulting, une structure reconnue pour son respect sans faille des exigences de ses clients. D’ailleurs le credo de « eXpert Of the eXpert » n’est-il pas « Votre cible est notre cible » ?

    Peu d’élus peuvent accrocher le badge XOX sur leur poitrine, et la période d’essai se révèle une épreuve redoutable pour Suzana Magellan. Elle est forte, comme seule peut l’être la survivante d’une enfance traumatisée, et sa première mission « ruban blanc », la mise en place d’un système informatique de pointe, est un franc succès. Mais son intronisation est soumise à des exigences d’un autre ordre : l’élimination d’un homme dans le cadre d’un « ruban noir », une prestation particulière où la consultante doit mettre à profit une situation de conseil classique pour s’approcher de sa cible, et… frapper avec élégance et discrétion.

    Dans « Le contrat Magellan », Suzana Magellan est bien intégrée depuis quelques années au sein de XOX Consulting, et ses compétences d’informaticienne tueuse à gages sont très appréciées. Mais les choses se compliquent à l’occasion d’un « ruban noir », et la prédatrice devient une proie. Elle doit se méfier de tout et de tous, de ses collègues, de ses clients, de ses proches, et l’équipe d’enquêteurs menée par le lieutenant Garfield se rapproche d’elle, jour après jour, heure après heure.

    Les fêlures de son enfance traumatisée ne cessent de la miner, mais il n’est plus question de se cacher ou de fuir. Sa survie réside dans le combat !

    Sur fond de lutte de pouvoir au sein d’instances gouvernementales, Suzana Magellan partage l’un des sentiments les plus universellement connus : la peur.

    À mon aimée, Nathalie-Poppy…

    LE PARADIS

    « Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse, et de toi fais-tu dire : Oh ! L’homme singulier ! »

    (Le rêve d’un curieux, C. Baudelaire)

    Chapitre 1

    * 1 *

    Cling… Cling… Cling… Les bracelets s’entrechoquent. Les menottes brillent à la faveur des néons. L’homme a les mains moites. Les maillons brinquebalent contre le bracelet d’une montre, une courroie de cuir percée de crânes étincelants. Dans la semi-pénombre, sa démarche est hésitante ; il chaloupe entre les murs du couloir. Les semelles de ses baskets grincent sur le carrelage. Soudain quelque chose se pose sur son épaule. Grésillements. Il tressaute sous le choc électrique de la matraque, et il accélère le pas, sans une plainte, sans un mot. Deux silhouettes l’encadrent plus étroitement, silencieuses. Elles portent des capes noires, et une capuche couvre leur tête. Le rebord est large ; les traits de leur visage restent plongés dans l’ombre. Le trio arrive au bout du couloir. Il entre dans une pièce richement illuminée. L’homme cligne des yeux, aveuglé. Il perçoit des formes, des madriers, des installations qu’il ne comprend pas.

    Vlan ! Il est rudement poussé, et trébuche. Ses bras entravés l’empêchent de se rétablir, et il chute en avant, la tête la première. Son visage heurte lourdement l’accoudoir d’un fauteuil. Il se contorsionne pour se relever. Une main gantée se plaque sur son crâne, agrippe ses cheveux, et lui relève brusquement la tête. Un filet de sang coule de ses narines. Il desserre les lèvres, et grimace. Il réalise que le fauteuil est occupé. Une femme nue y est attachée. Une croix christique est tatouée sur son épaule, luisante de sueur. La prisonnière tremble. Ses yeux sont emplis de larmes. Elle tente de gémir, mais le bâillon de cuir ne laisse filtrer que des bruits de gorge. Les deux silhouettes se baissent de part et d’autre de l’homme à terre, empoignent ses bras, et le relèvent sans ménagement. Il résiste, peut-être pour la première fois. Il grogne, essaie de donner des coups de tête, des coups de pied.

    Krzzzzzzzz… Le corps s’arc-boute sous les grésillements de la matraque, puis il s’affale, inconscient. Il est traîné quelques mètres plus loin. Les baskets impriment des marques claires sur le sol. Elles passent à côté de plantes en pots, de magnifiques fleurs aux pétales immaculés. Contraste incongru. Le trio s’arrête devant deux madriers croisés sur un billot. Quelques pas derrière, un ensemble de deux cadres monumentaux domine la scène. On les devine capables de se séparer. Deux demi-sphères bleutées s’y font face, comme une figuration stylisée de la Terre. Elles sont coupées par un disque couvert d’arbres et de roches. Il est la terre qui sépare le ciel de la mer. Le désordre y règne. Des citations latines brillent à la lisière supérieure des panneaux.

    Grincement de bois. Le corps pantelant est placé sur la croix, poignets et chevilles posés sur des lanières de cuir. Les silhouettes encapuchonnées ont le geste sûr. L’une d’elles empoigne une main. Elle hésite, regarde la montre. Elle se penche. Sa tête émerge de la capuche. C’est un homme. Son visage est lisse, sans expression. Ses yeux se fixent sans ciller sur l’objet décoré de crânes argentés. Fascinés, ils approchent, encore et encore. Les crânes étincelants brillent dans les prunelles claires. CLONG ! Un levier est verrouillé. L’homme sursaute ; il se relève rapidement. Son visage retourne dans l’ombre de la capuche, et il se hâte d’attacher les dernières lanières.

    L’installation bascule sur un axe, redressant le corps évanoui à la verticale. Dans le mouvement, un pan de la chemise du prisonnier se raccroche à un clou. Le tissu se déchire, et un torse glabre apparaît. Il est couvert d’un tatouage. Un scorpion occupe toute la surface du ventre ; une épée est plantée entre ses pinces. La respiration oppressée fait rouler les abdominaux, et elle confère au dessin une illusion de vie. Soudain, une main gantée s’abat sur le visage ; une série de claques résonne. L’homme gémit. Il se réveille.

    Zzzzzip… Une silhouette a rejoint un établi, juste en face des madriers croisés. Elle ouvre lentement la fermeture éclair d’une mallette en cuir. Cette lenteur n’est pas imposée par la difficulté du mouvement. L’intention est tout autre. Elle veut attirer l’attention du prisonnier. À quelques centimètres de la butée, la main gantée ralentit sa progression. Elle veut que l’homme la regarde terminer, qu’il devine, qu’il comprenne. Il finit par tourner la tête vers le bourdonnement aigu. Ses yeux sont à demi ouverts. Soudain, ils s’agrandissent, aimantés par l’étui. Il a compris. D’un mouvement brusque, les parois sont écartées. Tintements métalliques. À la faveur d’une lampe de bureau, des instruments brillent d’un éclat sinistre. On distingue des lames, des pinces, des ciseaux… La silhouette saisit un des outils, et le lève à hauteur du visage. Elle pose un doigt sur une extrémité, sur une roue dentée, puis descend le long du manche. Déclic. La roue s’anime dans un vrombissement strident. L’homme s’agite, donne des coups sur les attaches, se contorsionne sur les madriers. En vain. La silhouette approche à pas comptés, menaçante. Elle dirige la scie circulaire vers le visage du prisonnier. Il hurle…

    Clac ! Suzana Magellan baisse brutalement l’écran de l’ordinateur portable sur le clavier. Silence gêné. Elle repousse une mèche de cheveux blonds derrière l’oreille, réajuste de l’index sa paire de lunettes à large monture. Son regard clair est glacé.

    — J’en ai assez vu ! C’est un mauvais film gore, une sorte de snuff movie. Et après ? Hein ? Carlos, vous ne m’avez pas convoquée uniquement pour me montrer ça, des trucages pour adolescents attardés…

    Carlos Santiago est assis derrière son bureau, et il ne répond pas. Ses mains velues sont posées à plat sur un classeur, et elles ne bougent pas. Le directeur des opérations de XOX consulting en impose. Sa carrure de catcheur est calée entre les accoudoirs de son fauteuil, le buste décollé du dossier, comme s’il s’apprêtait à se lever, ou à bondir. Sous un crâne fraîchement rasé, son visage massif est impassible. Une petite voix criarde s’élève à ses côtés.

    — Il n’y a pas de trucages, Suzana, hélas… C’est un véritable snuff movie. Les images ont été authentifiées. Tu connais notre sérieux en la matière…

    Sissi Spark est assise près de la porte lambrissée ; sa chevelure rousse est ramassée dans un chignon serré, et pas une mèche ne dépasse. Mouvement brusque du menton. Elle se lève, et se rapproche de la consultante. Ses mains lissent d’un geste rapide les pans de sa jupe. Le geste est saccadé. Sa voix s’enroue avec des roulis de fumeuse.

    — Nos services travaillent sur cette affaire depuis plusieurs mois, et les conclusions sont formelles. Des films comme celui-ci, nous en avons analysé une dizaine. Il s’agit de véritables meurtres. Les productions sont d’une qualité professionnelle, et elles possèdent la marque d’un réseau très structuré, toujours le même : une société de production appelée SCORPIO. Les mises en scène sont très soignées, comme tu as pu le constater, et les films s’inspirent souvent d’œuvres artistiques. Dans cet extrait, tu as pu voir une copie du fameux triptyque du hollandais Jérôme Bosch, « le Jardin des délices ». Ce sont les deux bords extérieurs, ceux qui décrivent la création du monde. On les voit rarement ; les médias préfèrent offrir au public le spectacle de l’intérieur du triptyque, pas de son écrin. Les productions SCORPIO sont donc à part, et revendiquent un certain élitisme, à n’en pas douter ! Rien à voir avec de petits films amateurs faits à la sauvette dans une cave. Nous avons identifié des lieux de tournage dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Comme en témoignent ces images, cette fois l’organisation s’étend sur l’Europe de l’Ouest. Nous avons déjà noté un précédent, un jeune homme que vous avez peut-être rencontré dans l’usine de Písek. Jiri Sicek. Je vous épargne les images…

    Geste agacé de la main.

    — Eh alors ? Il me semble que vous avez ce qu’il faut pour déclencher une action policière ! En quoi ceci me concerne, Sissi ? Nous avons un accord. J’adhère au credo de l’entreprise pour son respect des exigences des clients, bien sûr, « leur cible est notre cible », mais ceci exclut un service du type « Ruban Noir ». Désormais, je ne m’occupe que des contrats « Rubans Blancs », et uniquement sur des projets informatiques liés à la finance.

    Claquement sec. Carlos Santiago a ouvert un classeur.

    — Ça suffit ! Si une intervention policière conventionnelle était possible, nous ne serions pas en train d’évoquer ce dossier dans mon bureau !

    Sous les yeux des deux femmes, il extrait deux pochettes, et referme les anneaux en métal doré. Il lève à hauteur de son visage un document entouré d’un bandeau blanc.

    — Vous travaillez en ce moment pour le compte de la société FOREX, un client tchèque, pour — je cite l’objet de cette mission — assurer la mise en œuvre du module financier FXOX sur le système informatique existant. Dans ce cadre, vous opérez en qualité de chef de projet, et vous êtes actuellement basée sur le site de Písek, plus exactement au sein du département « Contrôle de Gestion », et cela pour une durée de trois mois. C’est exact, n’est-ce pas ?

    La voix rugueuse poursuit sans attendre de réponse.

    — Votre responsable local chez FOREX est un homme, un directeur financier qui occupe une fonction tout à fait légale. En parallèle de cette activité, il est également producteur de la société SCORPIO. Elle est licite, mais…

    Il marque un temps d’arrêt avant de reprendre sur un débit plus rapide.

    — Jiri Koskavic procède au recrutement d’acteurs, et il lui arrive parfois de s’impliquer en personne dans le rôle de bourreau. Vous le connaissez. Vous l’avez vu en très gros plan dans cet extrait vidéo. Vous ne pouvez pas le nier ! Et c’est également lui qui brandissait la scie circulaire, entre autres instruments de torture…

    La jeune femme affiche une moue incrédule.

    — L’acteur lui ressemble, c’est vrai, mais… Jiri Koskavic, un tueur ? J’ai beaucoup de mal à vous suivre. Vous avez raison : je connais cet homme. C’est un homme pieux, un catholique impliqué dans des œuvres caritatives, et un homme de goût. Vos sources sont-elles aussi fiables que vous le pensez, Carlos ?

    Sissi Spark se rapproche de la jeune femme. Elle pose une main couverte d’éphélides sur son épaule, puis elle se penche vers son oreille. Suzana Magellan se raidit, incommodée par les relents de tabac froid.

    — Sweet Honey, moi, je pense que tu connais déjà les réponses à ces questions. Les procédures d’investigations et de contrôles chez XOX Consulting sont sans failles. Je te l’accorde : Koskavic est très investi dans un cercle de prières, le groupe Voragine. Nous le savons déjà… Les offices sont sous la direction du père Pietrek, un proche de Koskavic, et un personnage intrigant. Nous savons peu de choses sur lui, à part son goût pour Jérôme Bosch. Dans sa jeunesse, il a soutenu une thèse sur l’artiste, mais son travail a été censuré par l’église, et il a été sanctionné. Depuis cet épisode, il semble être rentré dans le rang, et il est sorti des écrans radars des autorités pontificales. Nous n’avons pas de détails ; les secrets du Vatican sont mieux gardés que l’accès à Fort Knox.

    Carlos Santiago empoigne la seconde pochette. Elle est barrée d’un bandeau noir.

    — Jiri Koskavic ne peut pas être inquiété légalement. L’homme est très prudent, et il jouit de fortes protections. Son organisation a des ramifications solides dans plusieurs pays. Il est un élément clé du trafic de snuff movies, et nous avons de bonnes raisons de penser que sa neutralisation va porter un coup fatal à SCORPIO. Pour l’instant, les ressources conjointes des polices tchèques et françaises se sont cassé les dents sur cette affaire. C’est la raison pour laquelle nous avons été consultés pour éliminer cet homme. Par ailleurs, vous savez que XOX Consulting traverse en ce moment une période difficile en termes d’activités et de rentabilité. Le cours de l’action est à son plus bas niveau depuis son introduction en Bourse. Le spectre d’une OPA est plus qu’une hypothèse. Vos capacités à mener à bien des missions doubles ne sont plus à prouver. Un succès sur cette affaire ne peut qu’avoir un impact positif sur l’avenir de la société. C’est donc dans ce cadre, Suzana, que nous souhaitons vous proposer un additif à votre contrat initial, en d’autres termes un contrat « Ruban Noir » avec Koskavic pour cible.

    La jeune femme se lève, secoue la tête avec obstination.

    — J’ai tourné la page, Carlos… Je ne tue plus. C’est ma décision, et je vous saurais gré de la respecter.

    Carlos Santiago hoche lentement la tête.

    — Décision louable, sans aucun doute. C’est bien de respecter les droits régaliens. Vous respectez aussi une promesse faite à votre petit ami manchot, le lieutenant Al Garfield, et…

    — Monsieur ! Laissez le lieutenant Al Garfield en dehors de ça ! Et ma vie privée ne vous regarde pas !

    Il pose la pochette sur le bureau, et il la pousse d’une pichenette. Suzana Magellan hésite, puis se croise les bras, butée. Dans le mouvement, la manche remonte un peu, découvrant des rougeurs sur le poignet. Les marques de psoriasis n’ont pas échappé à Sissi Spark, et elle jurerait qu’elles n’étaient pas là au début de l’entretien ! Elle adresse un regard contrarié au directeur des opérations. Il l’ignore, et poursuit.

    — Je respecte vos aspirations, Suzana, ainsi que votre vie privée, n’en doutez pas… Mais prenez le temps d’y réfléchir. Vous trouverez également dans ce dossier une reproduction du triptyque du hollandais Jérôme Bosch, « Le Jardin des délices ». Moi, je n’y comprends rien à toutes ces bestioles mêlées à des humains complètement à poil. J’imagine que ça doit parler à Koskavic, et… peut-être à vous, sait-on jamais !

    Il la fixe avec intensité.

    — Si j’ai pensé à vous pour ce projet, Suzana, ce n’est pas uniquement en raison de la proximité de la cible dans votre mission quotidienne. Un équipier du lieutenant Al Garfield y est lié d’une certaine façon. Dans le film que vous avez visionné, nous avons identifié le prisonnier tatoué. Comme Jiri Sicek, il travaillait dans l’usine FOREX de Písek, et il est issu d’une famille que vous connaissez bien. Il s’appelle Wincenty Polak. C’est un cousin du lieutenant de police Ric Polak !

    * 2 *

    Ric Polak fulmine. Dans la poche revolver de son pantalon, son téléphone portable carillonne furieusement, mais il est incapable de décrocher. Sa position est bien trop inconfortable. Tant pis ! Il laisse sonner. Si c’est important, son correspondant lui laissera un message. Juché sur un tabouret, il a les deux bras tendus vers le lustre du plafond, et l’exercice dure depuis plusieurs minutes. Il peste contre son embonpoint, transpire et souffle bruyamment. Il s’acharne à fixer un morceau de ruban adhésif sur une branche de rameaux, et il y est presque. Le papier est rebelle ; il colle à ses doigts, et s’obstine à ne pas adhérer au bois humide. Un panier rempli de branches est posé à ses pieds. Sa mère l’a fait bénir ce matin à l’église. Il dégouline sur le parquet. Cette année, le curé n’a pas été avare d’eau bénite. À croire qu’il a plongé la brassée de bois directement dans le bénitier… Le policier est tombé dans le piège du dimanche des Rameaux, le fameux Niedziela Palmowa polonais. Et il faut que tout soit en place avant la tombée de la nuit. Bien sûr… On ne sait jamais. Des fois qu’une armée de créatures démoniaques en profite pour investir les lieux ! Toutes ces bondieuseries, Ric Polak s’en passerait bien, mais il se plie au protocole, non pas pour lui, mais pour sa mère. Pour rien au monde, il ne lui ferait de la peine.

    Son investissement religieux reste toutefois limité à sa portion congrue, car il ne faut pas exagérer. Carême est un mot qui n’entre pas dans son vocabulaire. Pire. Il prend un malin plaisir à cultiver son surpoids pendant ces quarante jours. Et la dernière fois qu’il est entré dans une église, c’était il y a cinq ans, pour une levée de corps dans un confessionnal. À cette époque, le manque d’empathie du curé local l’avait définitivement convaincu de rester bien en marge de ces mouvements sectaires. Soudain, il sent une présence derrière lui. Une petite voix chevrotante s’inquiète.

    — Ça y est ? Tu y arrives ? Ce n’est pas trop dur ? Et... euh… Tu penses que tu pourras terminer avant la nuit ? Parce que c’est bientôt, hein ?

    Agacé, il souffle.

    — Mais oui, ma petite mère… Pas de souci ! Au pire, tu vas nous tresser un collier de gousses d’ail, hein ? Et on se le collera autour du cou.

    — Ah ! On ne plaisante pas avec ça, mon petit. La religion est un sujet grave, tu le sais !

    Dans un froissement de tablier, elle se croise les bras sur sa poitrine menue, et elle se tait. Elle reste derrière son fils, immobile et indécise, et elle l’observe. Deux petits yeux pétillants enfoncés dans un visage ridé comme une vieille figue. Ric Polak s’énerve.

    — Tu as autre chose à me dire ? Ou tu as décidé de rester derrière moi toute la sainte journée ? Peut-être histoire de vérifier que je ne me casse pas le nez au milieu de tes branches trempées par la grâce du Saint-Esprit ? Mmmm ?

    — En fait… Euh… Oui… C’est à propos de ton cousin, Wincenty. Il ne m’a toujours pas appelée pour me dire quand il arrivait. Tu te rends compte ? Ce n’est pas normal. Il n’a jamais raté cette fête des Rameaux avec nous.

    Le visage congestionné du policier se fige.

    — Ah, c’est donc ça… Tu t’inquiètes au sujet du cousin Wincenty… Le gentil Wincenty… Le bon garçon de la famille… Celui qui a fait le petit séminaire à Varsovie, et qui a été à deux doigts d’être curé, mais qui a préféré se mêler à la masse prolétarienne. La star incontestée chez les bigotes de la famille Polak, sûr ! Pas comme moi, hein ? Le fonctionnaire de police qui jure comme un charretier, qui boit, s’empiffre et s’amuse comme le pire des mécréants. Aïe !

    Il rétracte les mains en grimaçant. Une écharde est entrée sous un ongle. Il peste et lâche l’ensemble. La branche tombe à ses pieds, et le rouleau de scotch rebondit plusieurs fois avant de disparaître sous une armoire. Sa récupération s’annonce délicate. Aujourd’hui, c’est vraiment une journée pourrie… Madame Polak le regarde avec des yeux ronds.

    — Ne sois pas jaloux, mon petit, ce n’est pas chrétien. Vous êtes différents tous les deux, mais je t’aime plus que tout. Tu le sais, n’est-ce pas ?

    Le policier descend du tabouret. Il souffle.

    — Ouais, ouais, ouais… Pour Wincenty, il ne faut pas que tu t’en fasses. Il est sans doute occupé. Aux dernières nouvelles, il travaille comme intérimaire en République tchèque. Et puis il n’est plus tout seul, maintenant. Il veut peut-être fêter Pâques avec Christina et leur gosse la petite Mila, sans nous, et…

    Les petits yeux bleus s’agrandissent, et elle le coupe net.

    — Impossible ! Ils doivent venir tous les trois. Il me l’a promis ! Et je connais Wincenty. Quand il promet, il tient parole ! Et il se faisait une telle joie de participer à la veillée. Czuwanie est très important pour lui, et pour Christina aussi. Elle est une bonne catholique pratiquante, tu sais ? Non, je pense qu’il est arrivé quelque chose… Tu ne veux pas essayer de l’appeler ? Je le ferais bien, mais je n’ai pas mes lunettes.

    Ric Polak sort le portable

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