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Initiation au droit constitutionnel
Initiation au droit constitutionnel
Initiation au droit constitutionnel
Livre électronique1 078 pages11 heures

Initiation au droit constitutionnel

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À propos de ce livre électronique

Destiné à permettre à un large public de découvrir, de se familiariser avec et, le cas échéant, d’étudier le droit constitutionnel dans son ensemble, l’ouvrage, qui intègre les dernières réformes institutionnelles et judiciaires et est actualisé au 2 mai 2014, présente une structure qui est proche de celle de la Constitution, en vue d’en assurer l’accessibilité. Le livre expose les règles essentielles et les principes constitutionnels qui gouvernent le fonctionnement des différentes institutions de la Belgique. Après un rappel des notions fondamentales et des règles relatives à l’organisation du territoire, il balaie de manière systématique les huit titres de la Constitution et les lois de réformes institutionnelles, des droits et libertés fondamentaux au pouvoir judiciaire en passant par le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif fédéral. Il contient des développements sur les finances publiques et sur le budget et évoque la force publique. Il analyse l’organisation, les compétences et le fonctionnement des communautés et des régions. Il explique les conflits d’intérêt et de compétences et leurs modes de régulation, ainsi que les mécanismes de coopération des entités fédérale et fédérées, à la fois utiles, voire indispensables et inévitables dans un État fédéral. Il décrit enfin les relations internationales. Il est illustré par une jurisprudence abondante et récente.
LangueFrançais
ÉditeurBruylant
Date de sortie3 juil. 2014
ISBN9782802747833
Initiation au droit constitutionnel

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    Aperçu du livre

    Initiation au droit constitutionnel - Didier Batselé

    couverturepagetitre

    Créée et dirigée par Didier Batselé depuis 1999, la collection Initiations met à la disposition du public, qu’il s’agisse ou non de juristes, de professionnels, de fonctionnaires, d’avocats ou de magistrats, …, ou encore d’étudiants, des études ou essais se rapportant à des sujets divers et originaux, même si les premiers numéros ressortissent à la sphère de la gestion publique et du droit public.

    Les matières abordées s’inscrivent dans l’actualité ou dans les évolutions législatives.

    Les ouvrages, qui ont pour finalité de faire le tour d’une matière ou de présenter un examen approfondi d’une partie de matière, se veulent descriptifs, analytiques et accessibles. Ils tendent à exposer clairement, en les rapportant aux règles de droit applicables et à la réalité, des situations concrètes empruntées à la pratique ou tirées de la jurisprudence de manière à en permettre, le cas échéant, des applications utiles.

    Parus précédemment dans la même collection :

    Initiation au droit budgétaire et comptable des administrations publiques, par Pierre Rion et Alain Trosch, 2013.

    Initiation à la rédaction des textes législatifs, réglementaires et administratifs, par Didier Batselé, 2013.

    Pour toute information sur nos fonds et nos nouveautés dans votre domaine de spécialisation, consultez nos sites web via www.larciergroup.com.

    © Groupe Larcier s.a., 2014

    Éditions Bruylant

    Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles

    EAN 9782802747833

    Cette version numérique de l’ouvrage a été réalisée par Nord Compo pour le Groupe Larcier. Nous vous remercions de respecter la propriété littéraire et artistique. Le « photoco-pillage » menace l’avenir du livre.

    SOMMAIRE

    Préface

    À la première édition L’initiation au droit constitutionnel

    Avant-Propos

    TITRE Ier

    NOTIONS FONDAMENTALES

    CHAPITRE IER. – LE DROIT

    CHAPITRE II. – LA CONSTITUTION

    CHAPITRE III. – L’ÉTAT BELGE

    CHAPITRE IV. – LE TERRITOIRE BELGE

    CHAPITRE V. – LA NATIONALITÉ

    CHAPITRE VI. – LE STATUT DES ÉTRANGERS

    TITRE II

    LES DROITS ET LIBERTÉS

    CHAPITRE Ier. – LE RÉGIME DES LIBERTÉS PUBLIQUES

    CHAPITRE II. – L’ÉGALITÉ DEVANT LA LOI, LA NON-DISCRIMINATION ET LA PROTECTION DES TENDANCES ET DES MINORITÉS IDÉOLOGIQUES ET PHILOSOPHIQUES

    CHAPITRE III. – LA LIBERTÉ INDIVIDUELLE ET SES GARANTIES

    CHAPITRE IV. – LA PROTECTION DU DOMICILE ET DE LA PROPRIÉTÉ

    CHAPITRE V. – LA LIBERTÉ DE MANIFESTER SES OPINIONS, LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE ET LA LIBERTÉ DES CULTES

    CHAPITRE VI. – LE RESPECT DE LA VIE PRIVÉE, LE DROIT À UNE VIE CONFORME À LA DIGNITÉ HUMAINE ET LES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS 159

    CHAPITRE VII. – LA LIBERTÉ DE L’ENSEIGNEMENT

    CHAPITRE VIII. – LA LIBERTÉ DE LA PRESSE ÉCRITE ET DES AUTRES MÉDIAS

    CHAPITRE IX. – LA LIBERTÉ DE RÉUNION ET LA LIBERTÉ D’ASSOCIATION

    CHAPITRE X. – LE DROIT DE PÉTITION

    CHAPITRE XI. – LE SECRET DES LETTRES ET LA PROTECTION DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

    CHAPITRE XII. – L’EMPLOI DES LANGUES ET LA PROTECTION DES MINORITÉS LINGUISTIQUES

    CHAPITRE XIII. – LE DROIT DE POURSUITE DES FONCTIONNAIRES

    CHAPITRE XIV. – LA PUBLICITÉ DE L’ADMINISTRATION ET L’ACCÈS AUX DOCUMENTS ADMINISTRATIFS

    CHAPITRE XV. – LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET LES ARTICLES 8 À 32, 143, § 1ER, 170, 172 ET 191 DE LA CONSTITUTION

    CHAPITRE XVI. – LA LIBERTÉ DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE

    TITRE III

    THÉORIE GÉNÉRALE DES POUVOIRS

    CHAPITRE Ier. – LA SOUVERAINETÉ NATIONALE

    CHAPITRE II. – DE LA SÉPARATION À LA COLLABORATION DES POUVOIRS

    CHAPITRE III. – LES POUVOIRS D’ATTRIBUTION (DU ROI)

    CHAPITRE IV. – LA DÉLÉGATION DE POUVOIRS

    TITRE IV

    LE POUVOIR LÉGISLATIF FÉDÉRAL

    CHAPITRE Ier. – LE POUVOIR LÉGISLATIF

    CHAPITRE II. – LE SYSTÈME ÉLECTORAL BELGE

    CHAPITRE III. – LE STATUT DES PARLEMENTAIRES

    CHAPITRE IV. – LE FONCTIONNEMENT DES CHAMBRES

    CHAPITRE V. – LE PARLEMENT DE LÉGISLATURE

    CHAPITRE VI. – LA CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS

    CHAPITRE VII. – LE SÉNAT

    CHAPITRE VIII. – LES PRINCIPAUX TYPES DE LOIS

    TITRE V

    LE POUVOIR EXÉCUTIF FÉDÉRAL

    CHAPITRE Ier. – LES COMPÉTENCES DU POUVOIR EXÉCUTIF

    CHAPITRE II. – LE STATUT PERSONNEL DU ROI

    CHAPITRE III. – LES POUVOIRS CONSTITUTIONNELS DU ROI

    CHAPITRE IV. – LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

    TITRE VI

    LE POUVOIR JUDICIAIRE

    CHAPITRE Ier. – NOTIONS GÉNÉRALES

    CHAPITRE II. – PRINCIPES CONSTITUTIONNELS

    CHAPITRE III. – LE STATUT DES MAGISTRATS ET LES GARANTIES D’INDÉPENDANCE À L’ÉGARD DU POUVOIR EXÉCUTIF

    CHAPITRE IV. – L’ORGANISATION JUDICIAIRE, RESSORTS ET COMPÉTENCES

    TITRE VII

    LES FINANCES PUBLIQUES ET LE BUDGET (NOTIONS GÉNÉRALES)

    CHAPITRE Ier. – LE BUDGET (DOCUMENTS ET PRINCIPES BUDGÉTAIRES)

    CHAPITRE II. – LE CYCLE BUDGÉTAIRE

    CHAPITRE III. – LES COMPTES

    CHAPITRE IV. – LE RÔLE DE LA COUR DES COMPTES

    CHAPITRE V. – LES PRINCIPES CONSTITUTIONNELS EN MATIÈRE D’IMPÔTS

    TITRE VIII

    LA FORCE PUBLIQUE

    TITRE IX

    LES COMMUNAUTÉS ET LES RÉGIONS

    CHAPITRE Ier. – NOTIONS GÉNÉRALES

    CHAPITRE II. – LES COMPÉTENCES TERRITORIALES DES COMMUNAUTÉS ET DES RÉGIONS

    CHAPITRE III. – LES COMMUNAUTÉS

    CHAPITRE IV. – LES RÉGIONS FLAMANDE ET WALLONNE

    CHAPITRE V. – LE STATUT DES PARLEMENTAIRES ET DES MINISTRES COMMUNAUTAIRES ET RÉGIONAUX (À L’EXCEPTION DE CEUX DE LA RÉGION DE BRUXELLES-CAPITALE)

    CHAPITRE VI. – LES INSTITUTIONS DE BRUXELLES-CAPITALE

    CHAPITRE VII. – LE FINANCEMENT DES COMMUNAUTÉS ET DES RÉGIONS (NOTIONS GÉNÉRALES)

    TITRE X

    LES STRUCTURES DE COOPÉRATION ENTRE L’ÉTAT FÉDÉRAL, LES RÉGIONS ET LES COMMUNAUTÉS

    CHAPITRE Ier. – LES MÉCANISMES DE COLLABORATION

    CHAPITRE II. – LES ACCORDS DE COOPÉRATION ET LES DECRETS CONJOINTS

    CHAPITRE III. – LES RECOURS EN CAS D’INOBSERVATION DES MÉCANISMES DE COLLABORATION

    TITRE XI

    LES CONFLITS ENTRE L’ÉTAT FÉDÉRAL, LES COMMUNAUTÉS ET LES RÉGIONS

    CHAPITRE Ier. – LES CONFLITS D’INTÉRÊTS ET LES CONFLITS DE COMPÉTENCES

    CHAPITRE II. – LES CONFLITS D’INTÉRÊTS : LEUR PRÉVENTION ET LEUR RÈGLEMENT

    CHAPITRE III. – LES CONFLITS DE COMPÉTENCES ET LEUR PRÉVENTION

    CHAPITRE IV. – LES CONFLITS DE COMPÉTENCES ET LEUR RÈGLEMENT

    CHAPITRE V. – LA COUR CONSTITUTIONNELLE

    TITRE XII

    LES RELATIONS INTERNATIONALES

    CHAPITRE Ier. – LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES

    CHAPITRE II. – LA CONCLUSION DES TRAITÉS

    CHAPITRE III. – LES EFFETS DES CONVENTIONS INTERNATIONALES EN DROIT INTERNE

    En guise de postface

    Pour en savoir plus

    Index alphabétique

    PRÉFACE

    À LA PREMIÈRE ÉDITION

    L’INITIATION AU DROIT CONSTITUTIONNEL

    L’initiation se définit comme l’action de révéler ou le fait de recevoir les premiers éléments d’une discipline. Mais elle désigne aussi la cérémonie et les rites qui permettent aux individus d’accéder à un statut qui leur confère une pleine appartenance à la société. Enfin, dans une troisième acception, elle peut permettre d’accéder aux rites d’affiliation dans les cultes à mystères.

    Laquelle de ces définitions les auteurs du présent ouvrage avaient-ils à l’esprit lorsqu’ils ont décidé de l’intituler – plutôt que « précis », « traité » ou « manuel » – « initiation au droit constitutionnel » ?

    La première, certainement, et ils sont parvenus, avec une clarté exemplaire, à exposer les rudiments de la discipline juridique fondamentale.

    Mais le lecteur qui n’a aucune connaissance de cette discipline pourra, en s’y laissant initier, acquérir le sentiment d’appartenir à une société dont il lit quotidiennement, dans la presse, les péripéties et les tumultes : des notions aussi sophistiquées que la séparation des pouvoirs, des règles aussi byzantines que celles de nos lois linguistiques, des processus aussi ésotériques que la formation d’un gouvernement occupent désormais la une de nos journaux. Le droit constitutionnel, dont l’écume médiatique se limitait jusqu’ici aux mondanités monarchiques, aux idylles des princesses et à leurs maternités subséquentes, devient un sujet permanent de débats.

    Enfin, le lecteur qui se sentirait perdu dans les angoisses de la postmodernité pourra se sentir, en lisant cet ouvrage, « affilié » à ce qu’il est convenu d’appeler un État de droit, notion d’autant plus mystérieuse qu’elle nous vient des brumes germaniques, qu’elle n’a qu’une faible densité sémantique pour un esprit cartésien, que les constitutionnalistes se disputent sur sa signification et qu’elle est perpétuellement brandie comme un talisman plutôt que comme un concept.

    L’ouvrage se caractérise tout d’abord par une ascèse didactique. Il expose, en paragraphes lumineux et brefs, les sujets dont il traite. Il peut se lire comme un manuel d’éducation civique puisqu’il permet au lecteur, sans ésotérisme et avec le minimum de jargon qu’exige la matière, de connaître les institutions dont dépend sa liberté.

    Le livre évite les digressions doctrinales et les détours pédants. À cet égard, il fait un usage heureusement parcimonieux des notes de bas de page. Rompant avec la tendance actuelle qui, déléguant cette tâche à la recherche électronique, nous inonde de références non sélectives, il n’use du renvoi que pour orienter le lecteur vers d’autres ouvrages si la concision que les auteurs se sont imposée le laisse insatisfait.

    Mais l’ouvrage contient aussi des exemples tirés de ce surréalisme constitutionnel qui nous caractérise. Ainsi, c’est une bonne manière d’illustrer nos bizarreries linguistiques que d’évoquer les tribulations juridictionnelles de la circulaire Peeters. Chacun comprendra mieux ce qu’est l’indépendance de la justice en lisant la confession d’Anne-Marie Lizin, qui avait oublié la règle et qui, dans son acte de contrition, en célèbre les mérites. Il est bon de nous donner des informations sur cet autre sujet médiatisé qu’est la liste civile et, plus généralement sur le statut financier de la famille royale. Il est utile de nous initier brièvement aux mystères de BHV. Il est éclairant de nous rappeler que la notion d’impossibilité de régner a été utilisée quand le souverain s’est heurté à l’ennemi, à l’exil ou à sa conscience. Et le lecteur comprend mieux pourquoi la Belgique est un pays difficilement gouvernable quand on lui raconte les errances juridictionnelles des nuisances sonores dans le ciel bruxellois. De tels sujets constituent, chacun, des petites paraboles qui permettent au lecteur de faire le lien entre le folklore constitutionnel qui occupe les plateaux de TV et la production normative du Constituant et des nombreuses assemblées que compte la Belgique, qui est probablement le pays le plus légiférant du monde, vu la densité élevée de législateurs au kilomètre carré. Et, par voie d’accompagnement ou de conséquence, elle est aussi le pays où les constitutionnalistes pratiquent au plus haut degré cet art qui semble consubstantiel à leur discipline : la controverse.

    L’ouvrage révèle aussi combien le droit constitutionnel est aujourd’hui une discipline éclatée, nourrie à la fois d’un droit supraconstitutionnel – les allusions au droit international et au droit européen sont fréquentes – et d’un droit infraconstitutionnel qui s’exprime dans des normes législatives, décrétales ou « ordonnancielles ».

    Ainsi l’ouvrage peut-il être considéré comme s’adressant à un triple lectorat.

    Tout d’abord, le prétendant à un recrutement ou à une promotion y trouvera un savoir propre à séduire le SELOR puisque l’ouvrage s’inspire des exigences de celui-ci.

    Ensuite, le curieux de la chose publique s’initiera à celle-ci, dans un livre limpide et concis, ce qui le consolera des expériences qu’il a pu faire quand, se plongeant dans les traités classiques, il a craint de s’y noyer.

    Enfin, le belge moyen pourra, et ce n’est un paradoxe que s’il oublie qu’il est belge, prendre connaissance dans la clarté de l’obscur enchevêtrement des règles qui nous gouvernent. Il n’est pas sûr qu’il comprenne d’emblée nos institutions. Mais il saura pourquoi elles sont incompréhensibles.

    Paul MARTENS

    Juge à la Cour constitutionnelle

    AVANT-PROPOS

    « La vie n’est qu’un fantôme errant, un pauvre comédien qui se pavane et s’agite durant son heure sur la scène et qu’ensuite on n’entend plus ; c’est une fable contée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. »

    (W. SHAKESPEARE, Mac Beth, acte V, scène V)

    La sixième réforme de l’État est en place. L’accord institutionnel conclu le 11 octobre 2011 entre huit partis politiques (CD&V, SP. A, Open VLD, Groen, PS, MR, CDH et Ecolo) a été transposé dans nombre de modifications constitutionnelles entre 2012 et 2014.

    Il en résulte notamment de nouvelles répartitions de compétences entre l’État fédéral et les entités fédérées (régions, communautés et commissions communautaires) et des modifications institutionnelles.

    L’ensemble de ces nouveautés sont dès lors intégrées dans cette deuxième édition de l’Initiation au droit constitutionnel, laquelle contient toujours l’exposé des principes constitutionnels qui gouvernent l’organisation, les compétences et le fonctionnement des institutions (pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire) de la Belgique et l’importante matière des droits et libertés fondamentaux.

    L’ouvrage est avant tout destiné à tous ceux qui recherchent un exposé qui leur permette d’appréhender la matière, dans son ensemble ou par parties, soit dans le cadre d’une étude préparatoire à des examens de recrutement ou de promotion, soit dans le cadre d’enseignements de droit public, soit afin de rafraîchir leurs connaissances ou d’y puiser, rapidement, une information, soit encore pour contrôler l’actualité d’une matière.

    Comme pour l’édition précédente, nous avons fait le pari de visiter l’ensemble de la matière dans un nombre limité de pages. Il s’ensuit inévitablement que nous avons renoncé à certains développements, le cas échéant critiques. L’ouvrage, qui gagne ainsi en accessibilité, y perd en exhaustivité – celle-ci étant toute relative. Nous en sommes conscients mais nous avons veillé à y inclure les éléments d’analyse que nous avons jugés indispensables, ainsi que les applications qui nous ont paru les plus intéressantes et d’actualité.

    Afin d’assurer la cohérence interne et de renforcer l’autonomie des différents titres, voire des chapitres, nous avons fait le choix de répéter certaines parties de matière. A priori, cette solution alourdit l’ouvrage. À bien y réfléchir, il nous a paru qu’elle facilite la tâche du lecteur ou du lecteur sélectif et peut lui faire gagner du temps.

    Le plan de l’ouvrage est très largement inspiré de la table des matières du brevet de doit constitutionnel organisé par Selor (le bureau de sélection de l’administration) à l’intention des fonctionnaires publics qui souhaitent accéder au niveau A (ou 1). Il figure au programme de la plupart des concours, épreuves de sélection et examens organisés par des administrations publiques (régions, communautés, provinces, communes, centres publics d’action sociale, intercommunales, organismes d’intérêt public, etc…). Au demeurant, ce plan est classique. Les huit titres de la Constitution même conditionnent dans une large mesure les développements de la matière et de nombreux ouvrages sont construits sur cette base.

    Les auteurs ont par ailleurs voulu mettre à la disposition du public une version en langue néerlandaise, de sorte que les personnes intéressées pourront disposer, si elles le souhaitent, de versions correspondantes dans chacune des deux langues.

    TITRE IER

    NOTIONS FONDAMENTALES

    CHAPITRE IER

    LE DROIT ¹

    SECTION 1re. – LE DROIT

    1. – L’organisation de la vie des hommes en collectivités et davantage encore en société(s) entraîne nécessairement la création de règles générales et abstraites ², même primitives ou rudimentaires, qui organisent cette (ces) société(s). Cet état de fait est exprimé par l’adage ubi societas, ibi jus. Ces règles, jugées essentielles à l’harmonie des rapports sociaux, engendrent des droits mais aussi des devoirs, des obligations pour chacun. Elles sont obligatoires parce que les hommes les acceptent, mais aussi, le plus souvent, parce que leur violation est passible de sanctions ³.

    Ainsi, dans les relations privées, individualisées, la violation d’une obligation contractuelle sera, selon le cas, sanctionnée par la nullité du contrat, par sa résolution ou sa résiliation, par le paiement de dommages et intérêts, etc. D’un autre côté, les règles de conduite qui concernent la communauté, considérée dans son ensemble, par exemple celles relatives à la circulation routière ou celles qui interdisent des comportements jugés comme contraires à la vie sociale, tels des atteintes aux personnes ou aux biens, seront assorties de peines pénales (amendes et/ou emprisonnement, peine de travail) qui sanctionnent leur non-respect et, le cas échéant, de sanctions civiles destinées à réparer le dommage subi par la victime.

    2. – L’association étroite de la sanction à la règle de conduite permet de distinguer le droit de la morale. La morale est en effet un ensemble de principes et de préceptes qui se réfèrent à des conceptions éthiques ou philosophiques, voire religieuses, et qui déterminent des règles de comportement, mais leur violation n’entraîne aucune sanction autre que morale ou sociale. Ces règles s’adressent surtout à la conscience des personnes.

    3. – On peut donc définir le droit comme l’ensemble des règles de conduite obligatoires (qui contiennent nécessairement une référence, fût-elle implicite, à l’idée de contrainte) dans une société, en principe assorties de sanctions. La règle de droit peut, dans son essence, être rapportée à trois hypothèses : elle ordonne, elle interdit ou elle permet, pendant la vie de chacun, et même avant sa naissance (l’enfant à naître dispose de certains droits) et après sa mort (le droit des successions organise le sort du patrimoine du défunt).

    A. Colin et H. Capitant définissent le droit comme l’« ensemble des préceptes, règles ou lois qui gouvernent l’activité humaine dans la société et dont l’observation est sanctionnée au besoin par la contrainte sociale, autrement dit par la force publique » ⁴.

    La loi qui ordonne ou interdit est toujours assortie de sanctions (civiles ou pénales) qu’elle exprime. Mais, même la loi qui permet, c’est-à-dire la loi supplétive de la volonté des personnes, contient implicitement une contrainte, car ceux qui choisissent d’en faire application doivent respecter les règles qu’elle contient et exprime.

    Ainsi, en matière de contrats bilatéraux (synallagmatiques), si les parties n’ont pas convenu du sort à réserver à la violation de telle stipulation ou de l’ensemble du contrat, c’est l’article 1184 du Code civil (relatif à la condition résolutoire ou au « pacte commissoire tacite ») qui s’applique, pouvant entraîner la mise à néant du contrat.

    L’article 1184 du Code civil dispose en effet que « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des parties ne satisfera point son engagement.

    Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

    La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

    En matière de mariage, en vertu de l’article 1390 du Code civil, le régime légal (art. 1398 et s. du Code civil), qui détermine les règles relatives au patrimoine commun et au patrimoine propre des époux, ne s’applique que si les époux n’ont pas adopté de convention particulière exprimant le choix d’un régime matrimonial (communauté ou séparation de biens).

    4. – Le droit ainsi défini forme un tout, mais pour des raisons d’organisation intellectuelle, on distingue, d’une part, le droit objectif et les droits subjectifs, et, d’autre part, le droit public et le droit privé (comprenant les droits politiques et les droits civils).

    Le droit objectif comprend l’ensemble des règles établies par la puissance publique qui régissent la vie en société et qui sont appréhendées de manière générale et abstraite par les sujets de droit (personnes physiques et personnes morales) : elles constituent le cadre général dans lequel s’inscrivent toutes les actions et les abstentions des sujets de droit. Ces règles évoluent naturellement en fonction des nécessités de l’organisation sociale, des besoins et des comportements des personnes. Parfois elles anticipent les évolutions et les besoins.

    Les lois sur la circulation routière, de plus en plus sévères, en sont un exemple. Les règles du Code civil relatives à la capacité juridique des époux ont été modifiées en 1976 afin d’assurer l’égalité des époux (antérieurement, l’époux disposait d’une tutelle sur son épouse). De nouvelles infractions, telles le harcèlement sexuel, moral ou téléphonique, la pédophilie, le terrorisme, sont apparues. Quelles que soient les appréciations morales que l’on peut porter sur elles, la loi sur la dépénalisation de l’avortement, la loi sur le mariage des homosexuels, la loi relative à l’adoption d’enfants par des couples homosexuels, la loi relative à l’euthanasie (2002) ou celle relative à l’euthanasie des mineurs (2014) reflètent des évolutions marquantes de notre société. Ces lois énoncent des règles de droit objectif qui s’appliquent en fonction de leur correspondance aux situations qu’elles visent.

    En revanche, les droits subjectifs se définissent comme les prérogatives que le droit objectif reconnaît aux personnes physiques ou morales qui, en fonction de circonstances propres à leur situation, invoquent le bénéfice de la règle de droit ou en exigent l’application ⁵, le cas échéant par les voies de droit et les moyens de contrainte prévus pour en assurer le respect.

    Ainsi, le propriétaire et le locataire font usage, dans les limites de la loi, de leur droit de conclure un bail et, en cas de conflit, du droit d’y mettre fin ou d’obtenir des dommages et intérêts. Les hommes et les femmes se marient, achètent, concluent des contrats d’entreprise. Les citoyens usent de leur droit de vote, les couples homosexuels adoptent des enfants. La femme violée porte plainte et se constitue partie civile pour obtenir la condamnation de son violeur et la réparation de son préjudice. Le piéton qui a été accidenté porte plainte contre l’automobiliste qui a brûlé le feu rouge et se constitue partie civile pour obtenir la réparation de son préjudice.

    SECTION 2. – DROIT PUBLIC ET DROIT PRIVÉ

    5. – Le droit objectif se subdivise en deux groupes de matières : le droit public et le droit privé.

    6. – Le droit privé est l’ensemble des règles qui régissent les relations entre les personnes physiques ou morales. Le droit privé comprend le droit civil, le droit commercial, une partie du droit social (contrats de travail, conventions collectives du travail).

    7. – Le droit public au sens large est l’ensemble des règles relatives au statut des gouvernants, à leurs pouvoirs et aux rapports qu’ils entretiennent entre eux ou avec les particuliers ⁶.

    SECTION 3. – LES SUBDIVISIONS DU DROIT PUBLIC

    8. – Le droit public est formé du droit constitutionnel (droit public au sens restreint), du droit administratif, du droit budgétaire (en ce compris les règles relatives à la comptabilité de l’État), du droit pénal et de la procédure pénale, du droit fiscal, du droit judiciaire et d’une partie du droit social (règles générales du travail et sécurité sociale).

    Le droit pénal comprend l’ensemble des règles qui ont pour objet de prévenir et, le cas échéant, de réprimer les infractions à la loi, c’est-à-dire les actes ou abstentions d’actes qui sont considérés par les gouvernants comme contraires à la vie en société (par exemple, le vol, les coups ou blessures volontaires, le meurtre, la réalisation de graffitis sur les murs des bâtiments publics ou privés, la conduite en état d’ébriété, l’excès de vitesse, la traite des êtres humains, la pédophilie, l’injure, la non-assistance à une personne en danger, etc.).

    Le droit de la procédure pénale est constitué de l’ensemble des règles relatives à l’information ⁷, à l’instruction ⁸, à la poursuite et au jugement des infractions.

    Le droit judiciaire énonce l’ensemble des règles d’organisation, de compétence et de fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire ⁹.

    Le droit fiscal comprend l’ensemble des règles qui organisent la perception des impôts qui permettent de financer les dépenses et les charges des administrations publiques.

    9. – La distinction entre droit public et droit privé n’est pas toujours aisée à faire et a été depuis longtemps sujette à controverses. L’intérêt général qui est la finalité du droit public ne peut en effet être réduit à celui-ci ; il sous-tend également tout le droit privé. Si on a pu considérer, dans une optique libérale de l’organisation des rapports sociaux, que la poursuite par chacun de ses intérêts était conforme à l’intérêt général et que le droit tendait moins à se substituer aux volontés individuelles qu’à les suppléer, aujourd’hui, le champ de la volonté individuelle s’est rétréci. Des considérations de justice et d’équité ont favorisé une réglementation plus étroite des rapports privés.

    Parallèlement, le rôle de l’État dans la vie économique et sociale a connu une extension considérable. Les pouvoirs publics interviennent dans nombre d’activités économiques sous forme d’autorisations, d’approbations ou même par la contractualisation de certaines activités (contrats de marchés publics, contrats de programme en matière de prix, contrats de progrès en matière d’innovation technologique et de développement industriel, contrats de gestion avec des entreprises publiques économiques), quand ils ne concurrencent pas eux-mêmes les agents économiques privés au travers de services publics à caractère économique ¹⁰.

    Dans certains secteurs, comme les transports, les communications et la distribution d’énergie (eau, gaz, électricité), les services publics sont dorénavant soumis à une logique commerciale et au droit de la concurrence.

    Suivant C. Champaud, ces évolutions ont « uni leurs effets pour abolir les frontières entre le public et le privé, entre pouvoir politique et puissance économique, entre le marchand et le régalien. Jupiter et Mercure allaient entretenir des relations incestueuses et contre nature aux yeux de beaucoup … » ¹¹.

    Les caractéristiques intrinsèques du droit public n’en demeurent pas moins inchangées : cette branche du droit suppose nécessairement l’intervention d’autorités publiques qui prennent des décisions unilatérales et qui bénéficient de prérogatives traduisant l’inégalité des rapports entre les personnes privées et les pouvoirs publics. En outre, le droit public contient nombre de règles relatives au fonctionnement des institutions dont la sanction est d’ordre plutôt politique (par exemple, les règles relatives au contrôle qu’exerce le parlement sur le gouvernement par le biais du vote qui suit la déclaration de politique générale faite par le premier ministre, ou encore par les questions et réponses et les interpellations des parlementaires) que juridique.

    10. – Le droit public au sens restreint (le droit constitutionnel) et le droit administratif sont deux branches du droit fort proches mais qu’il est généralement convenu de distinguer sur la base de la différenciation, d’une part, entre les gouvernants, organes supérieurs de l’État, des régions et des communautés, qui en assurent la direction et la conduite, et, d’autre part, les administrateurs, qui assurent concrètement l’exécution des lois et veillent au bon fonctionnement des services publics ¹².

    Pour J. Velu et al., le droit public au sens restreint « est la partie du droit public au sens large qui comprend l’ensemble des règles essentielles fixant, d’une part, l’organisation, le fonctionnement et les attributions des organes supérieurs de l’État et, d’autre part, le contenu et les garanties essentielles des droits fondamentaux de l’individu » ¹³.

    Les définitions du droit public font inévitablement référence à la notion d’État.

    Dans tout État, il y a des organes qui arrêtent les grandes orientations politiques, et qui assument un rôle d’impulsion, de direction et d’organisation des institutions. Les autorités qui assument un rôle de conception et de direction constituent les rouages supérieurs de l’appareil étatique : ce sont les parlements, les gouvernements, les ministres, le Chef de l’État, dont le statut est fixé dans la Constitution … et dans les lois institutionnelles.

    Les principes directeurs conçus par ces autorités publiques sont ensuite mis en œuvre par des règles de droit administratif. Pour A. Buttgenbach, le droit administratif est « cette branche du droit public interne qui étudie les règles juridiques spéciales propres à la réalisation du bien public. Il comprend l’ensemble des règles qui gouvernent les personnes publiques administratives, les administrations et services publics qu’elles créent, et les moyens mis à leur disposition. Il étudie enfin les règles applicables aux modes de solution des litiges administratifs » ¹⁴.

    Ces personnes publiques administratives sont des autorités administratives qui contribuent à la confection des textes législatifs et réglementaires et prennent les décisions adaptées aux particularités de la vie publique, dans le cadre constitutionnel et institutionnel préétabli.

    Le droit administratif règle ainsi l’organisation et les modes d’intervention des administrations fédérales, régionales, communautaires et locales (provinces, communes, etc.), et des organismes qu’elles créent (organismes d’intérêt public, entreprises publiques autonomes, intercommunales, etc.) ainsi que les rapports entre les administrés et ces administrations.

    11. – L’apparente subordination des autorités administratives aux gouvernants n’est pas inconciliable avec l’importance et la complexité du droit administratif, lequel a considérablement progressé depuis une cinquantaine d’années, sous l’influence du Conseil d’État. À l’origine, c’est un droit jurisprudentiel, qui tend à devenir de plus en plus étroitement réglementé et qui, en conséquence, est de plus en plus technique. De nombreux exemples illustrent la complexité des règles : droit de l’urbanisme, protection du patrimoine, droit de l’environnement, droit administratif de l’économie, réglementation des marchés publics, réglementation des subventions, statuts administratifs du personnel des services publics, expropriations, etc.

    Au total, le droit constitutionnel et le droit administratif, les gouvernants et les administrateurs, comme leurs actions respectives sont indissociables et nécessairement complémentaires.

    Le nombre, la nature et la structure des administrations se sont diversifiés. Les administrations classiques, telles l’État, les régions, les communautés, les provinces, les communes, connaissent des mutations importantes. Les règles de management qui s’y appliquent s’inspirent des techniques appliquées dans les entreprises privées. Des parties des services centraux deviennent des services à gestion séparée auxquels s’appliquent des règles spécifiques (par exemple les établissements d’enseignement des communautés). Les organismes d’intérêt public se multiplient. Les entreprises publiques autonomes (la S.N.C.B., la S.N.C.B. Holding, Infrabel, la Poste, Belgacom, Belgocontrol) sont soumises à des règles particulières qui relèvent pour partie du droit public et pour partie du droit privé afin de garantir leur capacité concurrentielle. On a, par exemple, créé pour elles le concept de contrat de gestion ¹⁵.

    12. – Le droit international (que l’on dénomme également droit des gens) est formé des règles qui définissent et organisent les rapports entre les États et qui déterminent le statut des institutions internationales créées par ces États (par exemple l’ONU, l’UNESCO, l’OTAN).

    Le droit international repose essentiellement sur le consentement librement exprimé des États, dans des conventions ou traités, multilatéraux ou bilatéraux, parfois assortis de sanctions. On peut considérer que ces sanctions, convenues par les parties, sont mutatis mutandis une application dans les traités internationaux du mécanisme des sanctions que l’on trouve dans les contrats privés.

    Le droit international s’est considérablement développé depuis la seconde moitié du XXe siècle, ce qui entraîne une plus grande interdépendance des États sur le plan international. Par ailleurs, on constate une tendance du droit international à réglementer non seulement les rapports inter-étatiques, mais aussi et de plus en plus les rapports entre les États et les personnes : droits de l’homme, droit de la guerre, sécurité des États et des personnes, sécurité sociale, activités économiques et commerciales, environnement et protection de la planète, etc.

    1. H. BEKAERT, Introduction à l’étude du droit, Bruxelles, Bruylant, 1973, 4e éd. ; P. DE VROEDE et J. GORUS, Inleiding tot het recht, Deurne, Kluwer, 2007.

    2. C’est-à-dire des règles qui s’appliquent indistinctement à un ensemble de personnes ou à des catégories (sous-ensembles) de personnes (par exemple, les travailleurs, les personnes mariées,…) sans considérations individuelles.

    3. M. VAN HOECKE et B. BOUCKAERT, Inleiding tot het recht, Louvain, Acco, 1999, 15e éd., p. 32.

    4. A. COLIN et H. CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil, Paris, Dalloz, 1934, 8e éd., p. 1.

    5. Les droits subjectifs sont puisés directement dans la loi : Cass., 10 avril 1987, Pas., 1987, I, no 477, p. 950 ; Arr. Cass., 1986-1987, no 477 et concl. Avocat général J. VELU, p. 1043 ; extr. des conclusions, in A.P.T., 1987, p. 292 ; Cass., 13 novembre 1989, Pas., 1990, I, no 155, p. 307, concl. Avocat général J.-Fr. LECLERCQ.

    6. Voy. J. VELU et al., Droit public, Bruxelles, Bruylant, 1986, t. 1er, no 3, p. 13 ; J. VANDE LANOTTE et G. GOEDERTIER, Overzicht publiekrecht, Brugge, Die Keure, 2003, p. 1.

    7. Le ministère public auprès des tribunaux correctionnels informe, c’est-à-dire recueille les renseignements utiles (procès-verbaux, plaintes, dénonciations, constatations) afin de rechercher les infractions, leurs auteurs et les preuves qui permettront de poursuivre les auteurs en justice (voy. H.D. BOSLY et D. VANDERMEERSCH, Droit de la procédure pénale, Brugge, La Charte, 2003, 3e éd., pp. 325 et s.).

    8. Réalisée par un juge d’instruction, elle a pour but de rechercher et d’identifier les auteurs d’infractions, de rassembler les preuves afin de permettre aux juridictions de statuer sur l’affaire en connaissance de cause (voy. l’art. 55 du C.I.C.).

    9. Certaines des règles du Code judiciaire s’appliquent aux juridictions administratives, dont le Conseil d’État.

    10. Voy. Ph. QUERTAINMONT, Droit public de l’économie, Bruxelles, Story-Scientia, 2007, 4e éd., no 2, p. 5.

    11. « Droit administratif et droit des affaires », A.J.D.A., 20 juin 1995, no spécial, p. 82.

    12. Voy. A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, t. 1er, Bruxelles, Larcier, 1966, no 17.

    13. Op. cit., no 8, p. 16.

    14. A. BUTTGENBACH, Manuel de droit administratif, Bruxelles, Larcier, 1954, no 1, p. 3.

    15. Ce contrat, conclu entre l’État et chaque entreprise publique autonome, définit les missions de service public qui lui incombent et détermine les moyens que l’entreprise doit mettre en œuvre pour remplir sa mission.

    CHAPITRE II

    LA CONSTITUTION

    SECTION 1re. – DÉFINITION

    13. – Comme l’État et le droit public, l’État et la Constitution sont des notions étroitement liées.

    L’État naît et vit avec une constitution. Selon J. Dabin, « on ne conçoit pas qu’un État soit fondé, institué sans qu’il ait, par le fait même, un certain statut plus ou moins complet, plus ou moins définitif, qui est sa constitution » ¹. Une fois créé, l’État risque sa dislocation si sa constitution, norme stable et supérieure à toutes les autres qu’il adopte et qui a pour objet de définir les structures des institutions et leurs pouvoirs ainsi que les droits et libertés des citoyens, vient à être réduite à néant. La constitution procure ainsi à l’État son assise juridique.

    L’idée de constitution, c’est-à-dire d’un texte énonçant des normes supérieures aux lois et qui ne peuvent être changées unilatéralement par le Roi, est apparue au XVIe siècle. Les premières constitutions écrites ont été rédigées dans les colonies américaines dès après leur indépendance. La Constitution fédérale américaine date de 1787. Elle a donc précédé la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et la Constitution française de 1791. La Constitution belge a été adoptée par le Congrès national le 7 février 1831.

    14. – La constitution est un terme neutre. Tout État, même dictatorial, a une Constitution. Mais on fait le plus souvent référence à la Constitution à propos des États démocratiques au sein desquels l’action des gouvernants est soumise aux règles préétablies dans la Constitution et à la séparation des pouvoirs. On parle ainsi de « démocratie constitutionnelle » dans les États où les citoyens détiennent et exercent la souveraineté nationale, ou de « monarchie constitutionnelle » dans les États à la tête desquels se trouve un roi héréditaire.

    15. – L’on distingue habituellement la Constitution au sens matériel de la Constitution au sens formel.

    La Constitution au sens matériel est l’ensemble des règles fondamentales qui déterminent les attributions, l’organisation et le fonctionnement des institutions publiques supérieures, ainsi que les droits et libertés reconnus aux personnes ².

    La Constitution au sens formel recouvre l’ensemble des règles qui sont jugées à ce point essentielles que leur établissement et leur révision sont soumis à une procédure spéciale, plus lourde que celle qui préside à l’élaboration et à la modification des lois ordinaires. Comme l’écrit P. Vandernoot, « gage de la permanence et de la stabilité des institutions étatiques, la Constitution est normalement empreinte d’une certaine solennité qui la met à l’abri d’initiatives intempestives » ³.

    SECTION 2. – LES CARACTÈRES DE LA CONSTITUTION (GÉNÉRALITÉ – SUPRÉMATIE – STABILITÉ)

    16. – Ainsi que cela ressort de ses définitions, la Constitution se caractérise par la généralité de ses termes.

    Tout le droit constitutionnel n’est pas nécessairement contenu dans la Constitution, afin d’éviter de figer le fonctionnement des institutions. Ceci explique que la Constitution contient des dispositions à caractère général, exprimant les principes de base de l’organisation de l’État, laissant au législateur le soin de déterminer, dans les limites qu’il établit, les modalités du fonctionnement des institutions, ainsi que l’étendue des droits et libertés fondamentaux. Dans notre État, la Constitution est complétée par des lois spéciales et ordinaires, dites de réformes institutionnelles, qui fixent les règles d’organisation et de fonctionnement des entités fédérées, ainsi que la répartition des compétences entre celles-ci et l’État fédéral.

    17. – Dans les démocraties libérales, le pouvoir repose sur l’élection au suffrage universel. Mais le droit constitutionnel ne se préoccupe pas du rôle des groupes de pression, comme les syndicats, les partis ou groupes politiques, les associations socio-culturelles ⁴ ou les puissances économiques et financières. Or, ces groupements auxquels le droit public dénie, en général, toute vocation gouvernementale, peuvent exercer une influence décisive sur l’exercice du pouvoir. C’est ce qui explique que des organisations qui les représentent sont, par exemple, associées aux discussions qui suivent une élection législative et précèdent la formation d’un nouveau gouvernement.

    On relèvera, en particulier, que la Constitution ne contient aucune disposition expressément applicable aux partis politiques ⁵.

    18. – La Constitution contient les règles fondamentales qui expriment, par l’intermédiaire du pouvoir constituant, la volonté de la nation, ce qui explique qu’elle se situe au sommet de la hiérarchie des normes de droit interne. En théorie, cette volonté de la nation rejoint les préoccupations du peuple, mais il s’agit davantage d’un postulat, voire d’un dogme, que d’une réalité.

    S’agissant de l’établissement des Constitutions originaires, seuls quelques textes comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 expriment effectivement les préoccupations du peuple. On peut difficilement affirmer que tel est le cas de la Constitution belge qui a été rédigée par un groupe d’hommes appartenant à la noblesse et à la bourgeoisie ⁶.

    S’agissant des modifications de la Constitution, cette primauté de la Constitution repose sur le postulat que les sénateurs et les députés assurent une représentation effective de la nation. Or, il apparaît que, dans bien des cas, même si les modifications apportées à la Constitution par le pouvoir constituant sont faites après une élection législative, conformément à l’article 195 de la Constitution, les électeurs ne perçoivent que modérément les enjeux qui sous-tendent la modification de la Constitution et leur choix d’un député et d’un sénateur est davantage guidé par d’autres préoccupations, par exemple économiques et sociales (l’emploi, le chômage, les loyers, les soins de santé, la politique des prix et notamment du prix des denrées alimentaires, la sécurité, la justice, etc.).

    La supériorité de la Constitution sur les autres normes de droit interne s’explique aussi par les mécanismes de protection qui entourent sa modification : la procédure de révision est complexe et est entourée de garanties visant à empêcher des modifications trop fréquentes ou trop empressées qui mettraient en péril sa stabilité et sa robustesse.

    19. – Il se déduit aisément des considérations qui précèdent que la stabilité de la Constitution est assurée et que cette stabilité est le gage de la pérennité de la nation.

    SECTION 3. – ORIGINES ET CONTEXTE HISTORIQUES DE LA CONSTITUTION BELGE

    20. – La Constitution belge a été adoptée dans les mois qui ont suivi la révolution belge.

    En juillet 1830, le Roi de France Charles X est forcé à l’abdication. La nouvelle de cette révolution de juillet parvient en Belgique et le 25 août, des troubles et des manifestations éclatent pendant une représentation de « La Muette » de Portici au théâtre de la Monnaie, cet opéra évoquant l’insurrection de Naples en 1647. Une émeute populaire se forme contre le Roi Guillaume Ier, qui règne depuis 1814 de manière autoritaire sur le royaume des Pays-Bas, comprenant les Pays-Bas et la Belgique actuels.

    Entre 1793 et 1810, la France avait annexé les provinces du Sud des Pays-Bas, la principauté de Liège et la Hollande. À la suite de la défaite de Napoléon 1er en 1814 et de la restauration de la monarchie (Louis XVIII), le traité de Paris, conclu le 30 mai 1814, rétablit la France dans ses limites territoriales antérieures à 1793 et prévoit un accroissement du territoire hollandais, qui est placé sous la souveraineté de la maison d’Orange, afin de constituer un État qui soit suffisamment puissant que pour arrêter, le cas échéant, les troupes françaises. Le traité de Londres de juin-juillet 1814 détermine les conditions d’extension de la Hollande.

    L’insurrection populaire du 25 août 1830 et des journées qui suivent se transforme en une insurrection politique, dont on peut considérer qu’elle a été conduite par la bourgeoisie, contre le régime de Guillaume Ier. Celui-ci refuse une « séparation administrative » des Pays-Bas. Le 23 septembre, le prince Frédéric, fils de Guillaume Ier, entre avec ses troupes à Bruxelles. Une forte résistance lui est opposée. Dans la nuit du 26 au 27 septembre, les troupes hollandaises se retirent. Pendant ce temps, le 24 septembre, une Commission administrative provisoire fait une Proclamation qui constate la disparition de l’autorité royale et la nécessité de constituer une nouvelle autorité ⁸.

    Le 26 septembre 1830, cette commission provisoire s’élargit et se transforme en Gouvernement provisoire.

    La Commission, pendant deux jours, et le Gouvernement provisoire exercent désormais le pouvoir. Il s’agit d’un pouvoir de fait, puisque aucun texte ne le prévoit. Mais le Gouvernement provisoire s’appuie sur ce pouvoir pour prendre des décisions politiques qu’il impose aux citoyens. Ce pouvoir de fait, dont on comprend aisément la fragilité, ne peut rester tel quel. Il doit nécessairement se trouver une légitimité et se transformer en pouvoir de droit car le risque d’une reprise en main et du retour de l’autorité de la maison d’Orange reste présent en cas d’échec de ce gouvernement qui, dans un premier temps cumule les pouvoirs législatif et exécutif.

    Le 4 octobre 1830, le Gouvernement provisoire proclame l’indépendance de la Belgique, annonce l’organisation d’élections – qui tendent à conférer la légitimité aux nouvelles autorités – et indique qu’un Congrès national représentant toutes les provinces sera convoqué afin d’examiner le projet de Constitution qui sera élaboré par une commission constituée à cet effet et d’en adopter le texte.

    Le Gouvernement provisoire s’appuie sur les classes dirigeantes.

    Les élections se déroulent les 27 octobre et 3 novembre 1830 en vue d’élire les membres du Congrès national comprenant 200 personnes. Seuls 46.099 électeurs (sur une population d’environ 4 millions de personnes) peuvent y participer ⁹ et environ 30.000 d’entre eux ont effectivement exprimé leur suffrage, c’est-à-dire 0,75 % de la population.

    Le Congrès national se réunit et est installé le 10 novembre 1830 au nom du peuple belge. Le baron Surlet de Chokier est élu à la présidence.

    Le 12 novembre, le Gouvernement provisoire présente sa démission au Congrès national qui la refuse et le charge d’assurer temporairement le pouvoir exécutif. Le gouvernement exerce désormais ses prérogatives sous le contrôle (parlementaire) du Congrès national.

    Le texte de l’avant-projet de Constitution, qui était déjà rédigé le 28 octobre 1830 par la Commission de la Constitution (créée le 6 octobre au sein du gouvernement provisoire), et un texte concurrent élaboré par quatre membres du Congrès national sont soumis au débat parlementaire le 4 décembre 1830.

    La Constitution, qui comprend 131 articles, est votée par le Congrès national le 7 février 1831.

    Sur ces 131 articles, le Congrès national a retenu 108 articles proposés par la Commission de la Constitution. La nouvelle Constitution prévoit l’instauration d’une monarchie et la création de deux assemblées parlementaires (système bicaméral) : le Sénat et la Chambre des représentants.

    Le 24 février 1831, en attendant l’installation d’un Roi, la régence est confiée au baron Surlet de Chokier (qui assurait jusqu’alors la présidence du Congrès national). Le 4 juin 1831, le Roi Léopold de Saxe-Cobourg-Gotha est élu Roi des belges par le Congrès national. Il accepte la couronne le 9 juillet et prête serment le 21 juillet 1831.

    Les électeurs sont à nouveau convoqués pour élire les membres du Sénat et de la Chambre des représentants qui remplacent le Congrès national.

    SECTION 4. – LA PROCÉDURE DE RÉVISION DE LA CONSTITUTION

    21. – L’établissement ou la révision de la Constitution est l’œuvre du pouvoir constituant. On parle de pouvoir constituant originaire ou dérivé selon qu’il s’agit d’établir une constitution ou de réviser une constitution existante.

    Les modes démocratiques d’établissement des constitutions peuvent revêtir deux aspects, soit que la Constitution émane d’une assemblée spécialement élue pour la rédiger ¹⁰ ou qu’elle émane d’une assemblée constituante en combinaison avec un referendum par lequel la nation est appelée à ratifier la Constitution élaborée par l’assemblée ¹¹, soit encore qu’elle émane d’un organe non élu (organe gouvernemental, commission mixte d’experts et d’hommes politiques) avec l’intervention ultime du peuple par referendum ¹². Quoique moins démocratique que les précédents, ce dernier procédé ne suscite pas d’objections pour autant que la consultation du peuple soit sincère.

    L’organe chargé de réviser la Constitution s’appelle pouvoir constituant dérivé, parce qu’il tient ses compétences de la Constitution même. Dans l’exercice de ses attributions, il est lié par les dispositions de la Constitution qui aménagent la procédure de révision.

    Les modifications constitutionnelles sont importantes et doivent être réfléchies afin de ne pas bouleverser l’ordonnancement institutionnel. Les garanties (solennités) qui les entourent contribuent précisément à préserver la stabilité institutionnelle.

    Le pouvoir constituant dérivé peut, par exemple comme en Belgique, être exercé par le pouvoir législatif, constitué de la Chambre des représentants, du Sénat et du Roi agissant de commun accord, et être soumis au respect de formes différentes de celles à suivre pour la procédure législative ordinaire, et notamment à des majorités renforcées. Le pouvoir législatif est ainsi appelé à cumuler en même temps deux fonctions distinctes : la fonction législative ordinaire et la fonction constituante.

    22. – La révision de la Constitution doit respecter les règles de l’article 195 de la Constitution, qui aménage une procédure relativement complexe en trois temps : 1° la déclaration de révision, 2° les élections législatives et 3° l’adoption des dispositions soumises à révision.

    Cet article dispose comme suit :

    « Le pouvoir législatif fédéral a le droit de déclarer qu’il y a lieu à révision de telle disposition constitutionnelle qu’il désigne.

    Après cette déclaration, les deux Chambres sont dissoutes de plein droit.

    Il en sera convoqué deux nouvelles, conformément à l’article 46.

    Ces Chambres statuent d’un commun accord avec le Roi, sur les points soumis à la révision.

    Dans ce cas, les Chambres ne pourront délibérer si deux tiers au moins des membres qui composent chacune d’elle ne sont présents et nul changement ne sera adopté s’il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages. »

    La révision a une signification générale : elle peut consister à abroger une disposition existante, c’est-à-dire un article ou une partie d’article, à la modifier totalement ou partiellement, à la compléter ou à la remplacer. Une seule réserve s’impose au pouvoir constituant dérivé. Il lui est interdit de réviser l’ensemble de la Constitution, soit par une déclaration qui porterait sur toutes les dispositions, soit par des déclarations distinctes qui, ajoutées les unes aux autres, aboutiraient à une révision complète. Bien qu’elle ne soit pas formellement prohibée par la Constitution même, cette manière de procéder est en effet considérée comme contraire à l’esprit de ce texte ¹³.

    Par ailleurs, s’agissant d’une matière fondamentale, en vertu de l’article 77 de la Constitution, la Chambre des représentants et le Sénat sont compétents sur un pied d’égalité pour la déclaration de révision de la Constitution et la révision de celle-ci.

    22.1. – La déclaration de révision. – Conformément aux articles 195 et 75 de la Constitution, l’initiative de la révision appartient aux trois branches du pouvoir législatif agissant séparément : la Chambre des représentants, le Sénat, le Roi. Il en ressort qu’un projet de révision peut être déposé par le Roi sous le couvert du contreseing ministériel (le contreseing engage la responsabilité du ou des ministres qui ont signé le projet) ou qu’une proposition de révision peut être déposée par un ou plusieurs membres de la Chambre des représentants ou du Sénat (ces deux assemblées étant couramment dénommées « chambres préconstituantes »).

    Le projet du gouvernement est présenté à la Chambre ou au Sénat, comme les projets de loi, sous la forme d’un arrêté royal. Quant à la proposition, elle prend la forme des propositions de loi.

    Les projets de déclaration de révision (dont l’origine est donc gouvernementale) ne sont pas soumis à l’avis de la section de législation du Conseil d’État ¹⁴, contrairement aux projets de loi. Les propositions de déclaration de révision (dont l’origine est parlementaire), comme les propositions de lois, ne le sont pas davantage.

    Les projets ou propositions de déclaration de révision sont examinés par chacune des assemblées parlementaires selon une procédure tout à fait comparable à la procédure d’adoption des lois (par une discussion et un vote sur chaque disposition). Chacune des trois branches du pouvoir législatif a le pouvoir d’amender le texte qui lui est soumis par l’une des autres et, le cas échéant, de le rapporter (retrait).

    Les projets ou propositions de déclaration de révision sont adoptés à la majorité absolue des suffrages (50 % des voix plus une) dans chacune des chambres qui vote séparément, la majorité (soit la moitié plus un) des membres de chaque assemblée y étant présente ; aucun quorum particulier ni majorité spéciale n’est requis ¹⁵.

    Mais la déclaration de révision de la Constitution ne prend pas la forme d’une loi. Elle n’est pas sanctionnée et promulguée par le Roi ¹⁶. En réalité, il y a trois déclarations concordantes : celle de la Chambre des représentants, celle du Sénat et celle du Roi. Chacune d’elles est en principe publiée simultanément au Moniteur belge mais l’habitude est prise de procéder à une seule publication de la déclaration (par définition identique) des deux assemblées et à la publication de la déclaration signée par le Roi ¹⁷.

    La déclaration de révision contient la formule énoncée à l’article 195, alinéa 1er : « Il y a lieu à révision » de telle(s) disposition(s) de la Constitution qu’elle désigne par son numéro d’article ou par un nouveau numéro d’article s’il s’agit de compléter la Constitution. Ces mots n’impliquent aucune obligation de révision pour les assemblées qui seront issues des nouvelles élections ¹⁸. Par ailleurs, bien que le législateur sortant ait pris l’habitude d’indiquer dans la déclaration le sens dans lequel la révision devrait intervenir, il n’en a aucunement l’obligation et ces considérations ne lient pas les chambres constituantes qui seront chargées de décider la révision ¹⁹. Elles constituent tout au plus des indications qui peuvent s’avérer utiles.

    22.2. – La dissolution des chambres. – La publication au Moniteur belge de la déclaration de révision de la Constitution entraîne la dissolution de plein droit des chambres préconstituantes ²⁰.

    La dissolution automatique des deux assemblées a surtout pour but d’empêcher les parlementaires de proposer des révisions constitutionnelles à la légère. En effet, la déclaration de révision a pour conséquence la remise en jeu de leur mandat. Par ailleurs, elle doit permettre aux électeurs de se prononcer sur les révisions proposées et d’intégrer cette préoccupation dans leur vote. On sait ce qu’il en est le plus souvent dans la réalité ²¹.

    Cette dissolution entraîne trois conséquences.

    Dans le cas de l’article 46, alinéa 4, de la Constitution ²², remplacé le 6 janvier 2014, les élections doivent être organisées dans les quarante jours et la chambre des représentants doit être convoquée dans les deux mois qui suivent la date de la dissolution.

    L’article 46, alinéa 4, dispose en effet désormais que « L’acte de dissolution contient la convocation des électeurs dans les quarante jours et de la Chambre des représentants dans les deux mois»

    Dans le cas de l’article 46, alinéa 5, de la Constitution, remplacé le 6 janvier 2014, en cas de dissolution des deux chambres résultant d’une déclaration de révision de la Constitution (voy. l’article 195), les chambres (Sénat et Chambre des représentants) sont convoquées dans les trois mois qui suivent la date de dissolution.

    L’article 46, alinéa 5, dispose en effet désormais que « En cas de dissolution des deux chambres, conformément à l’article 195, les chambres sont convoquées dans les trois mois. » ²³

    C’est le Roi qui prend les arrêtés royaux contenant la convocation des électeurs et la convocation des assemblées parlementaires ²⁴.

    L’article 46 est complété par un alinéa 6 rédigé comme suit : « En cas de dissolution anticipée, la nouvelle législature fédérale ne pourra courir au-delà du jour des premières élections pour le Parlement européen suivant cette dissolution ».

    En outre, la dissolution de l’une ou l’autre des assemblées entraîne la réduction des pouvoirs du gouvernement qui, n’étant plus soumis au contrôle des assemblées parlementaires, voit son action limitée à l’expédition des affaires courantes, urgentes et prudentes, et celles auxquelles l’État est obligé en vertu d’obligations supranationales (par exemple la présidence de l’Union européenne) ²⁵.

    22.3. – La révision proprement dite. – Les chambres issues des élections sont constituantes. Elles « statuent de commun accord avec le Roi, sur les points soumis à la révision » ²⁶. Malgré les termes impératifs de l’article 195, alinéa 4, de la Constitution (elles « statuent »), les chambres constituantes sont libres de réviser ou non les dispositions ouvertes à la révision ²⁷. Pour rappel, elles ne sont pas liées par le vote des chambres préconstituantes.

    Les nouvelles chambres ne peuvent statuer, en principe, que sur les points soumis à révision et « elles ne peuvent modifier, fût-ce indirectement, la portée ou le sens des dispositions non sujettes à révision » ²⁸. Ainsi, si seule une partie d’un article est soumise à révision ou si la déclaration ne prévoit que l’ajout d’un alinéa ou d’un article, les chambres constituantes ne peuvent aller au-delà de ce mandat de sorte qu’elles ne peuvent modifier les parties de l’article ou les articles précédents ou suivants non soumis à révision. On constate cependant une pratique contraire et critiquable, car elle met en péril la stabilité même des fondements constitutionnels. Par exemple, en 1993, le nouvel article 138 de la Constitution a prévu le transfert de « l’exercice » de compétences de la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française, alors que l’article 39 qui concerne la compétence des régions, non soumis à révision, interdit de confier aux régions des compétences communautaires.

    Qu’elles soient faites par le Roi ou les assemblées parlementaires, les propositions de révision s’appellent « propositions ». Celles-ci ne sont pas soumises à l’avis de la section de législation du Conseil d’État.

    De plus, nonobstant les termes « de commun accord » de l’article 195, alinéa 4, chaque assemblée se prononce séparément sur les dispositions en projet, comme pour l’élaboration des lois. Une commission, constituée dans chaque chambre, prend les décisions à la majorité ordinaire. Les projets de dispositions sont ensuite soumis à la discussion et au vote de l’assemblée. L’adoption d’une nouvelle disposition constitutionnelle par chaque assemblée plénière nécessite une majorité qualifiée qui repose sur un quorum de présence de deux tiers des membres et une majorité spéciale de deux tiers des voix lors du vote : « deux tiers au moins des membres qui composent chacune (des chambres) doivent être présents et nul changement ne sera adopté, s’il ne réunit au moins les deux tiers des suffrages » ²⁹. On observera que le quorum n’est exigé que pour le vote et non pour les débats qui le précèdent.

    Le quorum est atteint à la chambre des représentants lorsque 100 députés (au moins) sont présents et il est atteint au Sénat lorsque 40 sénateurs (au moins) sont présents.

    Bien que comprises dans le calcul des membres présents, les abstentions n’interviennent pas pour déterminer la majorité des suffrages conformément à l’article 60 du règlement de la Chambre et à l’article 43 du règlement du Sénat. Les assemblées considèrent en effet que l’abstention ne constitue pas l’expression d’un suffrage. Cette règle, qui vaut d’ailleurs aussi pour le vote des textes de lois, a été reprise dans les règlements des assemblées parlementaires des régions et communautés.

    Si, par exemple, sur les 150 membres de la Chambre des représentants, 100 membres sont présents (2/3 au moins), que 50 votent « oui », 31 votent « non » et les 19 derniers s’abstiennent, les deux tiers des suffrages nécessaires pour adopter la disposition sont 54 [(50 + 31) x 2/3] et non 67 (100 x 2/3). Dans ce cas de figure, la disposition qui ne recueille que 50 « oui » n’est pas adoptée.

    À la différence des lois, qui sont votées article par article (et ensuite sur l’ensemble ³⁰), les dispositions de la Constitution (articles ou parties d’articles) sont adoptées définitivement par le vote sur l’article ou la partie d’article qui en est l’objet ; l’article 76 de la Constitution ne s’applique pas.

    Le Roi sanctionne, promulgue ³¹ et assure ensuite la publication au Moniteur belge du texte adopté par les deux assemblées. Il est admis que la nouvelle disposition entre en vigueur dès sa publication ³², et non le dixième jour qui suit celle-ci, comme c’est en principe le cas pour les dispositions législatives et réglementaires à caractère général ³³.

    La seule limite de temps qui s’impose au pouvoir constituant pour réaliser la révision est celle de la durée de la législature. Il arrive qu’à l’expiration de celle-ci, toutes les dispositions constitutionnelles ouvertes à révision n’ont pas été révisées. Dans ce cas, une nouvelle déclaration de révision doit être faite si les gouvernants persistent dans leur intention de révision. En outre, une disposition révisée ne peut, au cours d’une même législature, faire l’objet d’une seconde révision.

    Un même article peut cependant faire l’objet de plusieurs révisions successives au cours d’une même législature si ces révisions se rapportent chacune à des règles de droit différentes de cet article ³⁴.

    23. – Les révisions implicites de dispositions qui ne sont pas visées expressément dans la déclaration de révision de la Constitution ne sont, en théorie, pas permises au pouvoir constituant. On constate néanmoins qu’elles se produisent. En effet, il peut apparaître au constituant que la révision d’une disposition peut avoir des répercussions sur une ou plusieurs autres qui ne sont pas soumises à révision mais qui s’y rapportent, parfois intimement. Renoncer à leur révision reviendrait à créer des blocages, des incohérences, des contradictions ou à empêcher des évolutions. Il appartient en tout état de cause au seul pouvoir constituant d’apprécier si la disposition soumise à révision l’autorise à en réviser d’autres. Aucune sanction n’est en effet attachée à la pratique des révisions implicites, formellement contraire à l’article 195, alinéas 1er et 4, de la Constitution, mais que l’on peut comprendre et admettre pour les motifs précisés ci-avant.

    24. – On observera que la lourdeur de cette procédure de révision et le processus de fédéralisation de l’État ont, par le passé déjà, entraîné des propositions de révision de l’article 195 de la Constitution, lequel est à nouveau déclaré soumis à révision en 2007 et en 2010, sans énoncer aucune indication sur la modification à intervenir ³⁵.

    SECTION 5. – LES RÉVISIONS CONSTITUTIONNELLES INTERVENUES DEPUIS 1831

    25. – Seize déclarations de révision de la Constitution sont intervenues entre 1892 et 2012. Toutes ces déclarations n’ont toutefois pas été suivies d’une révision.

    26. – Entre 1830 et 1893, aucune révision constitutionnelle n’est intervenue.

    En 1893, la première révision a essentiellement pour objets le remplacement du suffrage censitaire (réservé à ceux qui payaient un cens ³⁶) par le suffrage universel des hommes âgés de 25 ans, tempéré par le vote plural, également appelé capacitaire (certains électeurs, en raison de leur fortune – habitation ou propriété – ou de leur instruction, disposant de plus d’une voix) et l’insertion d’une disposition permettant à la Belgique d’acquérir des colonies.

    27. – En 1921, la deuxième révision portait principalement sur la suppression du vote plural et son remplacement par le suffrage universel des hommes âgés de 21 ans (en réalité, le suffrage universel des hommes existe depuis une loi de circonstance du 9 mai 1919). Elle prévoyait en outre la possibilité du vote des femmes. Les femmes seront admises au vote en 1948, à la suite du vote d’une loi aux deux tiers des suffrages.

    Lors de cette révision, la composition du Sénat et les conditions d’éligibilité au Sénat sont modifiées dans un souci de démocratisation.

    28. – Les déclarations de révision de 1954 et 1958, qui visaient des adaptations de la Constitution à l’évolution de l’ordre juridique international ³⁷ n’ont donné lieu à aucune révision en raison de difficultés d’ordre politique.

    29. – La troisième révision est intervenue en 1970 et concernait principalement la création des Régions (wallonne, flamande et, mais théoriquement seulement, bruxelloise) et des Communautés culturelles, ainsi que l’organisation des juridictions du travail, la création de deux nouvelles cours d’appel, la création des agglomérations et fédérations de communes, les attributions provinciales et communales et l’attribution de l’exercice de pouvoirs à des institutions internationales. La protection des minorités idéologiques et philosophiques est garantie.

    Il s’agit de la première réforme de l’État.

    30. – En 1980, la quatrième révision de la Constitution, qui fait suite aux accords d’Egmont du 24 mai 1977, a essentiellement pour objets l’élargissement des compétences des Régions wallonne et flamande, le remplacement des communautés culturelles par les Communautés française et flamande, désormais compétentes dans les matières culturelles et les matières personnalisables, et l’octroi des moyens de financement aux nouvelles entités fédérées. La loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et la loi ordinaire du 9 août 1980 de réformes institutionnelles sont adoptées.

    Entre 1981 et 1984, divers points de la Constitution qui n’avaient pas été révisés en 1980 et qui avaient été repris de la déclaration de révision du 14 novembre 1978 dans la déclaration de révision du 5 octobre 1981 ont été modifiés. Le principal concerne la transformation de la Communauté culturelle allemande en Communauté germanophone, la création de ses organes législatif et exécutif et l’élargissement de ses compétences. La Cour d’arbitrage est créée en 1980 et une loi spéciale la concernant est votée (cette loi du 28 juin 1983 définit la composition, l’organisation, la compétence et les missions de la Cour).

    Il s’agit de la deuxième réforme de l’État.

    31. – La cinquième révision, intervenue en 1988-1989, portait sur la communautarisation de l’enseignement, l’attribution de nouvelles compétences aux régions (travaux publics, politique économique et communications). De nouvelles lois spéciales sont adoptées :

    celle du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, qui concrétise la révision de 1970 ;

    celle du 6 janvier 1989 sur la Cour d’arbitrage (qui remplace celle du 28 juin 1983), qui étend la compétence de la Cour à la matière de l’enseignement ;

    celle du 16 janvier 1989 relative au

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