S’il existait des marchands de libéraux comme il y a des marchands de chaussures, le client qui pousserait la porte ne saurait où donner de la tête. Veut-il des libéraux politiques ou économiques? Classiques ou néo? Ordo ou ultra? Il trouvera aussi des libéraux sociaux, des «libéristes », des libertariens de gauche et de droite, et toute une gamme de libérais américains… Bombardé d’appellations aux préfixes incertains, notre client risque de perdre la tête, et de conclure que le libéralisme est une farce.
De fait, il faut reconnaître que la famille libérale réunit des auteurs très différents, loin d’être toujours d’accord entre eux. Leur unique dénominateur commun,, dit Tocqueville, tenir lieu d’elle. » Aussitôt après commencent les débats internes à la famille libérale. Déjà, les libéraux ne voient pas tous la liberté de la même manière. La plupart l’entendent au sens commun, comme le fait, pour l’individu, de faire ses propres choix: , écrit Friedrich Hayek. Mais à ce compte, un mendiant est libre, alors qu’il n’a aucun moyen de réaliser le moindre projet. Ne faudrait-il pas voir la liberté plutôt comme un pouvoir de faire vraiment des choses, avec les moyens économiques nécessaires? Si le libéralisme veut libérer les individus, souligne John Dewey, partisan d’un libéralisme marqué à gauche, il doit vouloir … Une ligne de partage surgit ici entre libéraux, qui permet de comprendre pourquoi les Américains appellent « » des auteurs en qui un Européen voit plutôt des socio-démocrates bon teint: le terme a changé de sens en traversant l’Atlantique, les considérant que la vraie liberté passe par plus d’égalité et par la redistribution des richesses.