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Viens ma toute belle
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Livre électronique370 pages4 heures

Viens ma toute belle

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À propos de ce livre électronique

A qui découvre dans les Ecritures combien la femme est symbole de toute humanité en recherche de plénitude, l’observation de la physiologie de la naissance et la contemplation de la mise au monde de l’enfant peuvent ouvrir un chemin de bénédiction et d’accomplissement pour tout être humain.

Ouvert avec la soif de connaissance face au serpent de la Genèse, ce livre se ferme ou plutôt s’ouvre devant le Dragon de l’Apocalypse, défiant toute mise au monde de l’Amour vivant, face à la Femme certes torturée par les douleurs de l’enfantement, mais qui, victorieuse, fera naître l’Enfant.

Ce livre s’adresse à tous ceux et celles qui, en accueillant le mystère de leur propre origine ne cessent de mettre au monde le meilleur d’eux-mêmes.

Les professionnels de la naissance y trouveront nourriture et chemin de réflexion : les témoignages qui jalonnent l’écrit ne cessent de nous enraciner dans la réalité concrète du monde de la maternité. Puisse cet ouvrage devenir un outil pour poursuivre la réflexion. Il invite à une naissance sans cesse renouvelée.

Cet ouvrage a été réalisé en collaboration avec Isabelle Delvenne-Kempinaire, Noëmie Perrez- Barroto-Morer, Cécile Pépinster-Merveille et Véronique Sforza-Canivet.
LangueFrançais
ÉditeurMemory
Date de sortie29 juil. 2014
ISBN9782874132261
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    Aperçu du livre

    Viens ma toute belle - Liliane Lambert

    Introduction : Au fil des Ecritures

    « Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus le Christ…⁸ »

    Le dessein bienveillant de Dieu, en sa création, est de nous mettre en communion avec Lui, par le Christ et en Lui. Tout être humain, chaque être humain est élu, choisi, dès avant la fondation du monde.

    Roi de la création, il est voulu et destiné pour l’amour, pour cette relation réciproque d’accueil et de don avec son Créateur et Seigneur.

    Saint Paul le chante ainsi :

    « Béni soit le Dieu et Père de Notre Seigneur Jésus Christ, qui nous a bénis par toutes sortes de bénédictions spirituelles, aux cieux, dans le Christ.

    C’est ainsi qu’Il nous a élus en Lui, dès avant la fondation du monde, pour être saints et immaculés en sa présence, dans l’amour, déterminant d’avance que nous serions pour Lui des fils adoptifs par Jésus-Christ. »

    Comment l’être humain, marqué par la fragilité de sa condition humaine, par sa finitude et donc sa mort, marqué par le mystère du mal et du péché, comment peut-il donc vivre « en sa présence, dans l’amour » ?

    « Comment cela se fera-t-il ? »¹⁰

    Puisque « le Verbe s’est fait chair »¹¹, une réponse est peut-être donnée dans la réalité corporelle même, en sa conception, en sa naissance, sa vie et sa mort.

    Ne serait-ce pas l’accueil de l’itinéraire parcouru par tout être humain, en sa chair, conçu et enfanté au monde de la terre, qui ouvrirait le Royaume de Dieu à l’homme, sa corporéité symbolisant et manifestant sa destinée spirituelle ?

    « Le vent souffle où il veut et tu ne sais ni d’où il vient ni où il va…¹² »

    La pratique de l’obstétrique¹³ requiert certes un déploiement de compétences intellectuelles, techniques et psychologiques. Mais elle appelle celles et ceux qui s’y consacrent à une croissance spirituelle. En effet, elle est souvent définie comme un art. Elle provient et s’accomplit donc dans une inspiration qui s’origine et conduit bien au-delà de soi-même.

    « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit. »¹⁴

    Nos existences ne sont pas figées : elles sont tissées par un mouvement jamais arrêté, toujours repris, recommencé : celui du passage, celui de la vie.

    Nous passons en effet d’une existence incorporelle dans le vouloir aimant de Dieu¹⁵, à une vie corporelle dans l’intimité du corps de notre mère. C’est le mystère de l’incarnation de tout être humain, comme du Christ Jésus.

    De cette chaude intimité, nous sommes mis au monde de la terre, que nous apprenons à épouser pour passer finalement en ce Dieu qui nous a aimés le premier, et retrouver ainsi le berceau de notre vie corporelle, la source de la vie éternelle. Pour les chrétiens, ce mystère sera manifesté, comme pour Jésus, par la résurrection des corps.

    « Comme la femme enceinte à l’heure de l’enfantement souffre et crie dans ses douleurs, ainsi étions-nous devant ta face, Yahvé. »¹⁶

    Quand l’obstétrique se laisse éclairer par la Bible (et inversement), elle nous livre peut-être le secret caché au cœur de tout être humain : le chemin de son accomplissement.

    L’enjeu vaut la peine du risque : la Bible ne serait-elle pas une longue histoire d’enfantement, de naissance à soi-même, de l’enfantement de l’humain en soi, en chacun de nous ? De tout l’humain en nous : le cœur, le corps et l’esprit ? « Faudra-t-il, une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? » demande Nicodème à Jésus¹⁷…

    Laissons donc ouverte pour l’instant la question d’un sage d’Israël et ouvrons le Livre de notre Genèse¹⁸: « Dans un commencement, Dieu créa le ciel et la terre… » Tout l’univers, l’homme, la femme se trouvent alors déployés dans une grande force symbolique et poétique, emplie de paix et d’harmonie :

    « Dieu vit que tout cela était très bon… »

    Puis, dès les premières pages de la Bible (Genèse, 3), apparaît la brisure de cette belle harmonie primordiale.

    Une puissante tradition misogyne est liée au récit dit « de la chute ». Celui-ci situe, en apparence du moins, la femme comme à l’origine du mal et du malheur. Les nombreuses recherches de ces dernières années, tant au niveau exégétique que linguistique ou psychologique, nous engagent à une lecture et à une interprétation renouvelée de ces versets si controversés, particulièrement de celui qui pèse comme une malédiction sur la femme : « Tu enfanteras dans la douleur. »¹⁹

    Actuellement, en Occident, 80 à 90% des naissances, physiologiques ou non²⁰, se passent sous anesthésie péridurale (anesthésie du petit bassin et des membres inférieurs). Cette technique permet, entre autres, non seulement de soulager la douleur, mais aussi de pratiquer une césarienne sur une femme éveillée et consciente qui pourra dès lors voir, toucher son enfant dès la naissance.

    Mais notre propos ne pourra se comprendre dans toute sa richesse que dans le contexte d’une naissance physiologique vécue sans le recours à la péridurale. En effet, la douleur liée aux contractions utérines présente un caractère tout à fait particulier. Et la péridurale modifie profondément les perceptions et les sensations de la femme qui accouche.

    « Tu enfanteras dans la douleur » dit la Genèse. Pourtant, l’Evangile de Jean propose autre chose : « La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste parce que son heure est venue ; mais lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus des douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde. »²¹.

    Nous voyons que c’est à la joie que nous nous trouvons invités.

    « Dans la joie qu’un homme soit venu au monde » : mais, de quel monde s’agit-il ? Ne s’agirait-il pas, hier comme aujourd’hui, de ce monde dominé par le Dragon de l’Apocalypse ? Le dragon, image de la violence avec ses auxiliaires, la domination totalitaire et la propagande.

    Le récit de la chute, dans les premières pages de la Bible, en la présence du serpent semble se boucler à la fin du Livre dans une vision apocalyptique de la mise au monde : « En arrêt devant la Femme en travail, le Dragon s’apprête à dévorer son enfant aussitôt né. »²²

    Cette boucle infernale serait-elle brisée par cette joie dont parle St Jean : joie de ce qu’un être humain soit venu au monde ?

    S’il en est ainsi, de quelle joie s’agit-il ? De quel être humain ? De quelle mise au monde ? De quel monde ? Suffirait-il « d’oublier » la douleur pour se réjouir ? Pour essuyer toute larme des yeux humains ? De quelle douleur s’agit-il ?

    Ce qui se passe dans le corps de la femme au cours de l’enfantement ne seraitil pas lumière pour toute humanité ? Mais, qui est la femme, justement ? Et qui est l’humanité ?

    Sans avoir la prétention de répondre à toutes ces questions, nous voudrions simplement laisser Dieu se dire en sa Parole éternelle, dans le corps de la femme car, nous l’avons appris : « Le Verbe s’est fait chair. ».

    « Tu m’as donné un corps… »²³

    Accompagner une femme sur son chemin d’enfantement, se laisser interpeller par ce qui se passe, y réfléchir longuement, ne peut qu’ouvrir le cœur et l’esprit à ce monde d’où nous venons, chacun et chacune, sans jamais pouvoir le cerner, le saisir, comme nous le suggère bien le regard de l’enfant.

    La mise au monde d’un enfant peut susciter une profonde remise en question personnelle et spirituelle de celui ou celle qui se laisse saisir par ce qui se passe, sans vouloir le dominer, le maîtriser.

    Oui, nos corps manifestent, disent Dieu ; Celui-ci se découvre, s’explique en eux et par eux. Toutes ces Pâques de nos vies, tous ces passages, sont parfois doux et subtils mais, plus souvent peut-être, emplis de violence, de combat, d’angoisses et de peurs.

    « Les deux se vivent en même temps : quand on accouche, on éprouve une sorte de bonheur très fort à l’intérieur du combat, le tout ensemble donne la force.

    De nos êtres émanent puissance et beauté où l’amour est senti.

    Tout est un.

    C’est un mouvement de vie fantastique.

    Oui, la femme en travail explique nos vies :

    si on arrivait à faire cela, quelle force !

    Là est la présence de Dieu, dans la foi et l’espérance.

    Il y a bonheur et malheur.

    Accoucher c’est vaincre le malheur, le bonheur gagne. » (N.²⁴)

    La femme qui enfante nous « explique » nos vies. Elles sont pleines de grâces, ces femmes qui nous disent, si nous voulons bien le « voir », comment Dieu donne vie.

    La sage-femme qui se laisse ainsi expliquer le don de la vie peut témoigner que la confiance en la vie, - appelée « foi » dans le monde de la spiritualité -, est la clef du Royaume des Cieux, la clef du don de la vie éternelle.

    Etymologiquement, le terme « obstétrique » signifie « se tenir devant » : être témoin de toute naissance vraiment humaine, de la mise au monde de l’Humain.

    Avec saint Jean, la confiance des sages-femmes invite à la découverte :

    « Celui qui a vu rend témoignage…pour que, vous aussi, vous croyiez et qu’en croyant, vous ayez la vie en vous »²⁵


    ⁸ Ephésiens 1, 3, B.J.

    ⁹ Ephésiens, 1, 3-5, BJ.

    ¹⁰ Evangile de Luc, 1, 34, BJ.

    ¹¹ Evangile de Jean, 1, 14, BJ.

    ¹² Evangile de Jean, 3, 8, BJ.

    ¹³ L’obstétrique est la discipline médicale consistant à suivre la grossesse et l’accouchement.

    ¹⁴ Jean, 3, 8, BJ.

    ¹⁵ Ephésiens, 1, 4 : « Il nous a élus en lui, dès avant la fondation du monde… », BJ.

    ¹⁶ Isaïe, 26,17, BJ.

    ¹⁷ Evangile de Jean, 3,4b, La Bible de Jérusalem, Ed. Desclée de Brouwer, 1975, désormais citée : BJ.

    ¹⁸ Genèse,1, 1, BJ.

    ¹⁹ Genèse 3, 16, BJ.

    ²⁰ Note : En Belgique, environ 15% des naissances peuvent présenter une pathologie.

    ²¹ Jean, 16,21, BJ.

    ²² Apocalypse, 12, 4B, BJ.

    ²³ Hébreux, 10, 5-7, BJ.

    ²⁴ Note : Les femmes qui ont accepté de confier leur vécu ont préféré garder l’anonymat. Chaque témoignage sera ainsi suivi d’une simple initiale.

    ²⁵ Jean, 20, 31, BJ.

    1. Saisir l’Inconnaissable…

    « Je n’ai pas eu conscience du moment où, d’abord, j’ai franchi le seuil de cette vie.

    Quel fut le pouvoir qui m’a fait éclore à ce vaste mystère, comme une fleur s’ouvre à minuit dans la forêt ?

    Lorsqu’au matin mes yeux se sont ouverts à la lumière, j’ai aussitôt senti que je n’étais pas un étranger sur cette terre et que, sous la forme de ma mère, l’inconnaissable sans forme et sans nom m’embrassait.

    Ainsi de même, dans la mort, le même inconnu m’apparaîtra comme si je l’avais connu toujours.

    Et parce que j’aime cette vie, je sais que j’aimerai la mort aussi bien.

    L’enfant gémit lorsque la mère le retire de son sein droit, pour un instant après, trouver consolation dans son sein gauche. » (R. Tagore)²⁶

    La grande interrogation humaine nous est livrée dans ce petit poème de Tagore :

    « Je n’ai pas eu conscience…» La vie m’a été donnée sans que j’y sois pour rien, sans même en avoir conscience. Je me suis trouvé en vie.

    Emerveillement du poète, émerveillement jailli de son amour pour la vie : j’aime cette vie !

    Et parce qu’il aime la vie, il aimera la mort aussi bien.

    Certains diront qu’ils y ont été jetés. Colère ? Oui, il est possible de ne pas aimer la vie, voire de la détester. Alors, la mort, elle aussi, devient une ennemie.

    Dès que la conscience s’éveille, l’être humain peut choisir : aimer ou haïr, accueillir ou rejeter ce qui lui est offert, donné.

    « Quel fut le pouvoir qui m’a fait éclore à ce vaste mystère ? »

    Il est question de pouvoir, un pouvoir qui apparaît bienfaisant au vu de la suite du poème. Mais, quel est ce pouvoir ? La réponse n’est pas donnée.

    « J’ai aussitôt senti que je n’étais pas un étranger sur cette terre… »

    Je l’ai senti, je l’ai éprouvé : c’est de l’ordre de l’expérience. D’une expérience corporelle car, dans le contact avec ma mère, l’inconnaissable sans forme et sans nom m’embrassait. Dans ses bras, j’ai éprouvé la présence de l’inconnaissable.

    « Ainsi de même, dans la mort, le même inconnu m’apparaîtra comme si je l’avais connu toujours. » L’inconnaissable apparaît à notre regard comme une présence connue depuis toujours, plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. Et l’inconnaissable devient l’inconnu, comme s’il recevait du poète le statut d’un être personnel.

    En moi, chantent alors ces mots du psalmiste :

    « Mon âme, tu la connaissais bien,

    Mes os n’étaient pas cachés pour toi

    Quand je fus façonné dans le secret,

    Brodé au profond de la terre. »²⁷

    Serais-je donc posé dans la vie en cette originelle relation, en cet amoureux dialogue avec cet inconnu, cet artiste qui nous brode au plus profond de la terre ? Dès l’origine, la création est placée sous le signe de la relation.

    De l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas.

    Le livre de la Genèse débute par la grande et merveilleuse fresque de la création.

    « Bereshit bara Elohim » : « Dans un commencement, Dieu créa le ciel et la terre… » Ce « Dans un commencement » suggère qu’il y aura d’autres commencements, d’autres créations. Cette création n’en finit pas de se déployer devant nos yeux éblouis.

    Le récit se termine par la création de l’homme et de la femme et par cette exclamation de Dieu : « Tout cela est très bon ! »

    Aujourd’hui, plus que jamais, il est juste et bon de dire et redire :

    « Tout cela est très bon ! » La bonté préside à la création.

    Mais qui est cet Inconnu, cet Elohim, ce Dieu ?

    Qui est-il Celui qui a ce pouvoir de donner la vie et d’appeler tout être et toute chose à la vie ? Et qui sommes-nous qui osons appeler des enfants à la vie ?

    Entre les deux récits de la création de l’homme et de la femme (Genèse 1 et 2), Dieu donne deux lois de vie à l’être humain : une « positive » : « Tu mangeras » et une autre « négative », un interdit : « Tu ne mangeras pas. »

    « Tu peux manger de tous les arbres du jardin. (première loi de vie²⁸)

    Mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas, (deuxième loi de vie) car, le jour où tu en mangeras, tu seras passible de mort. »²⁹

    André Chouraqui, dans sa traduction littérale de la Bible, l’exprime avec force :

    « …oui, du jour où tu en mangeras, tu mourras de mort, pour mourir tu mourras, tu mourras certainement. »

    Voilà une limite à ne pas franchir pour que la vie suive son cours.

    Dieu prévient, il annonce le risque couru par l’homme s’il mange de ce fruit.

    Car le désir profond de Dieu, c’est que l’homme vive.

    Le livre du Deutéronome fait résonner cette invitation pressante :

    « Vois, je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur….

    Je prends aujourd’hui à témoin contre vous le ciel et la terre : je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez, aimant YHVH ton Dieu, écoutant sa voix, vous attachant à lui ; car là est ta vie… »³⁰

    Voilà l’être humain posé en sa liberté, dans une relation à un Dieu personnel, respectueux du choix de celui qu’il aime. L’homme peut manger les fruits de tous les arbres du jardin : ils sont tous bons à manger, à assimiler. Mais vouloir engloutir le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal conduit à la mort.

    De quoi s’agit-il donc ?

    A. Wenin propose une interprétation en partant, non pas de l’interdit, mais du don de Dieu :

    « L’ordre est double : Dieu commence par donner tous les arbres, puis il pose une limite à ce tout. Le serpent, lui, part de la limite et fait oublier le don. Pour éviter de tomber dans ce piège du serpent, partons du don que Dieu fait à l’humain : le don du jardin, avec tous les arbres à manger, et même l’arbre de vie, bref, le don de la vie. Ce don, le Seigneur Dieu l’assortit d’une limite. Habituellement, cette limite est considérée comme un interdit dont la transgression est punie de mort. Mais ne peut-on comprendre autrement ? Pourquoi Dieu ne donnerait-il pas ici à l’humain un conseil d’ami ? Tu as tout, lui dit-il, mais si tu veux manger tout, c’est-à-dire posséder tout pour toi seul, tu vas mourir. Car, vouloir tout accaparer, c’est se fermer à la relation. Or, c’est justement la relation qui est vitale, dans la Bible, comme dans la vie. De même que le don, la limite serait donc, elle aussi, pour la vie, parce qu’elle est ouverture à la relation. »³¹

    Oui, si tu ne respectes pas cette limite, tu vas mourir car tu vas t’enfermer en toi ; tu ne seras plus accueil et don.

    Connaître le bien et le mal, le bon et le mauvais, le bonheur et le malheur, la vie et la mort, manger, donc assimiler la connaissance du bien et du mal conduit à une mort certaine.

    La connaissance du bien et du mal n’est pas mauvaise en soi. Elle consiste à donner un sens humain, un sens éthique à ce que nous sommes et à ce que nous faisons en tant qu’êtres spirituels. Ce pouvoir est précisément lié à la liberté spirituelle de Dieu et de l’être humain. Or, le propre de l’être humain consiste en la relation qu’il établit avec les choses et les êtres. C’est la relation qui le constitue en tant qu’être humain.

    Par conséquent, s’il instaure une relation bâtie sur la possession de l’autre, sur la réduction de l’autre à n’être qu’un objet, il se détruit lui-même en tant qu’être humain.

    Face à Eve qui, comme tout être humain, cherche son origine, le mystère de cet Inconnu qui la pose dans la vie et enjoint l’interdit de la connaissance, le serpent va bientôt affirmer que le pouvoir de Dieu réside dans la connaissance et lui proposer de se l’approprier.

    « Le serpent répliqua à la femme : « Non, vous ne mourrez pas, vous ne mourrez pas, car Elohim sait que du jour où vous en mangerez vos yeux se dessilleront et vous serez comme Elohim, connaissant le bien et le mal. La femme voit que l’arbre est bien à manger, oui appétissant pour les yeux, convoitable, l’arbre, pour rendre perspicace. »³²

    En manger, dit le serpent, va dessiller vos yeux, découdre vos paupières, vous amener à voir ce que vous ignorez. Ce sont les yeux qui ouvrent l’appétit, qui ouvrent le désir.

    L’arbre est « convoitable » : le désir de connaître est perverti en « convoitise », en un désir immodéré de posséder³³, de prendre pour soi.

    Etre « comme » Elohim… : Dans L’un et l’autre testament, Paul Beauchamp montre que³⁴

    « ce qu’a de blâmable ce désir de ressemblance » c’est qu’il procède du « venin de la jalousie » « Celui qui soupçonne ne croit pas. Mais ne croyant pas, il veut savoir.(…) Mais que veut-il savoir ? Est-ce la vérité ? Il le dit. Mais cette vérité qui récuse toute intervention d’un croire, est-elle vérité ?».

    Ce désir de ressemblance (vous serez comme Elohim, comme des dieux) procède du venin de la jalousie, du désir d’avoir ce que l’autre a et non pas du désir de connaître l’autre, de l’accueillir et de se donner à lui.

    Ainsi, le désir même de Dieu : que l’homme le connaisse et communie à son être, ce désir profondément inscrit au cœur de sa créature se trouve perverti à la racine.

    « Pendant la grossesse, quelle impatience et quel désir de connaître son bébé ! Fille ? Garçon ? A-t-il tous ses membres ? Est-il porteur d’un handicap ? N. et moi avons choisi de ne rien demander lors des échographies précédant la naissance, de ne faire aucun dépistage de malformation. Même si la tentation de savoir est grande, nous sommes contents de ne pas savoir, de rester ouverts dans l’accueil de notre enfant tel qu’il est, de la réalité telle qu’elle est. »                     (X., enceinte de sept mois)

    Le serpent, le plus rusé des animaux que Dieu avait faits (en hébreu, serpent se dit « aroum », qui signifie à la fois rusé et nu) veut faire croire à la femme que c’est Dieu qui lui refuse cette puissance de vie. Il lui présente un dieu que nous n’avons pas encore rencontré : un dieu qui sait, qui connaît le bien et le mal et qui veut garder jalousement cette connaissance pour lui seul en posant un interdit. Un dieu qui ne veut pas que l’être humain soit comme lui, toutpuissant, possédant tout, capable de discerner le bien et le mal, éternel.

    Selon le serpent, l’arbre n’est pas interdit parce que ses fruits seraient dangereux, mais parce que Dieu en a décidé ainsi, autoritairement, arbitrairement. Dès lors, le soupçon, la méfiance et la convoitise envahissent le cœur et la conscience de la femme. Dieu est un potentat qui n’a créé que pour assujettir, sa largesse est un leurre, l’interdit le trahit, il veut jalousement rester le maître et il le fait savoir. Si le mal n’est un mal que parce que Dieu l’interdit, que l’homme se libère donc, qu’il gère lui-même la connaissance du bien et du mal, décidant tout seul des chemins du bonheur et du malheur !

    Notre Dieu serait-il avare, jaloux d’une toute-puissance qu’il faudrait conquérir, lui arracher ? Dieu serait-il un concurrent à vaincre ?

    Pour Marie Balmary, psychanalyste et passionnée du trésor biblique, le serpent qui se dresse, suscite dans l’imaginaire de la femme le phallus qu’elle n’a pas car son sexe est inscrit « en creux » en son corps de femme, comme un lieu d’attente, d’accueil, un réceptacle.

    « … le serpent a l’apparence de ce qui manque à la femme. Ainsi détaché du corps de l’autre, il peut figurer la différence des sexes vue seulement en termes d’avoir/ne pas avoir ; n’est-ce pas son manque, alors, qu’elle voit et qu’elle entend ?… Ce qui se manifeste sous la forme hallucinée du serpent qui parle est ce qu’a l’homme, que la femme n’a pas. Il est une des « preuves » que le dieu n’a pas donné « tout » et c’est en effet la femme qui peut s’en apercevoir la première, étant elle-même du côté du « qui n’a pas ».

    Car, c’est vrai, le dieu n’a pas donné la totalité à chacun. Mais tandis que le serpent va leur faire croire que ne pas avoir tout, c’est n’avoir rien, il y a une autre vérité qu’ils ne sauront pas encore lire : la différence, c’est la relation ; le manque, c’est la possibilité de parler. »³⁵

    Un manque à être

    Comme nous l’avons déjà évoqué, l’homme peut voir son sexe tandis que la femme doit croire le sien.

    Le manque apparemment inscrit dans la corporéité extérieure d’Eve lui apparaît maintenant en négatif, comme une injuste frustration.

    Elle va donc vouloir, par elle-même, toute seule, sans l’autre, combler ce manque. Marie Balmary poursuit :

    « La différence des sexes est ambiguë : elle est à la fois puissance de vie et marque du manque, isolement et possibilité de rencontre. Elle peut être bien lue, – elle aussi même par celle qui « n’a pas » – lue comme voie d’accès à la relation, à l’union créatrice, à la parole. Elle peut être interprétée comme lieu d’avènement à la conscience, condition divine du « être avec l’autre » sans cesser d’être soi. Comprise ainsi, l’incomplétude de chacun est richesse et non pauvreté. Richesse de l’écart, à maintenir, et non

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