Alzire ou Les Américains: Tragédie
Par Ligaran, Louis Moland et - Voltaire
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Avis sur Alzire ou Les Américains
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Aperçu du livre
Alzire ou Les Américains - Ligaran
Avertissement pour la présente édition
À la fin de décembre 1734, Mme du Châtelet vint à Paris ; elle apportait une nouvelle tragédie de Voltaire à d’Argental, à qui l’auteur écrivait : « Si, après l’avoir lue, vous la jugez capable de paraître devant ce tribunal dangereux (le public), c’est une aventure périlleuse que j’abandonne à votre discrétion et que j’ose recommander à votre amitié. »
Il voulait garder et ne point garder l’incognito : « Vous pourriez faire présenter l’ouvrage à l’examen secrètement et sans qu’on me soupçonnât. Je consens qu’on me devine à la première représentation : je serais même fâché que les connaisseurs s’y pussent méprendre ; mais je ne veux pas que les curieux sachent le secret avant le temps, et que les cabales, toujours prêtes à accabler un pauvre homme, aient le temps de se former. De plus, il y a des choses dans la pièce qui passeraient pour des sentiments très religieux dans un autre, mais qui, chez moi, seraient impies, grâce à la justice qu’on a coutume de me rendre. »
Déjà, l’année précédente, il avait lu quelques scènes ébauchées de son nouvel ouvrage au comédien Dufresne et à Crébillon fils. Ils avaient été indiscrets. Un jeune poète gascon, Lefranc de Pompignan, qui venait de débuter assez brillamment au théâtre par une tragédie de Didon, avait entendu parler du sujet d’Alzire, et, séduit par ce sujet, il s’était mis à le traiter de son côté et à composer une Zoraïde qui, pour le fonds, devait ressembler à Alzire. Voltaire, ne voulant pas que son œuvre fût déflorée, écrivit au mois de novembre 1735 une lettre aux comédiens français, que l’on trouvera dans la Correspondance. Il demandait qu’Alzire passât la première. Il s’alarmait trop tôt. Zoraïde n’était pas reçue définitivement ; les comédiens n’entendaient se prononcer qu’après une seconde lecture. L’auteur, très présomptueux et très arrogant, se fâcha de cette condition qu’on lui imposait. Il écrivit aux comédiens : « Je suis fort surpris, messieurs, que vous exigiez une seconde lecture d’une tragédie telle que Zoraïde. Si vous ne vous connaissez pas en mérite, je me connais en procédés, et je me souviendrai assez longtemps des vôtres pour ne pas m’occuper d’un théâtre où l’on distingue si peu les personnes et les talents. »
Il ne fut plus question de Zoraïde, et Alzire fut représentée, le 27 janvier 1736, avec un très grand succès. Dans sa nouveauté, cette tragédie eut vingt représentations consécutives qui rapportèrent ensemble 53 630 livres. Elle fut jouée à la cour à deux reprises, le 21 février et le 15 mars, et fut accueillie avec une égale faveur. Le poète Linant célébra ce succès par une ode, et Gresset adressa ce compliment poétique à l’auteur d’Alzire :
Aux règles, m’a-t-on dit, la pièce est peu fidèle.
Si mon esprit contre elle a des objections,
Mon cœur a des larmes pour elle :
Le cœur décide mieux que les réflexions.
La critique fut favorable. Alzire a toujours été placée au premier rang des chefs-d’œuvre de Voltaire ; Geoffroy lui-même en reconnaissait quatre : Mérope, Zaïre, Mahomet, Alzire. « Le brillant des situations, la beauté des vers, la force et l’impétuosité des passions, disait-il de cette dernière pièce, entraînent les spectateurs et ne leur laissent pas le temps de réfléchir. » La harpe est enthousiaste d’Alzire ; « Zaïre est plus touchante, dit-il ; Mahomet est plus profond ; Mérope est plus parfaite dans son ensemble qu’Alzire ne l’est dans le sien ; mais il me paraît qu’Alzire est sa production la plus originale, celle qui est de l’ordre le plus élevé. Et ce qui, sous ce point de vue, la met au-dessus de toutes les autres, c’est que, grâce au choix du sujet et à la manière dont l’auteur l’a embrassé, les mœurs, les caractères, les passions, les discours des personnages, sortent de la sphère commune et mêlent aux émotions qu’elle fait naître une admiration continuelle. » Les censeurs, d’autre part, ne manquèrent pas plus que de coutume. La critique la plus spirituelle qui fut faite de la nouvelle tragédie se trouve dans ces couplets qu’on chantait sur l’air du menuet d’Exaudet :
Pour Montez
Alvarez
Est en peine :
Car son fils fier et brutal
Traite horriblement mal
La race américaine.
Vers pompeux,
Deux à deux,
Il débite ;
D’ailleurs tout manque au sujet :
Clarté, vraisemblance et
Conduite.
Tendre Alzire, tu déplore
Ton triste hymen, quand Zamore
Sort d’un trou :
Mais par où ?
On l’ignore.
Mis au cachot, il arma
Dans les bois mille Ma-
Tamores.
En amour,
C’est un tour
Trop précoce
Qu’aller, loin de son époux,
Courir le guilledoux
La nuit même des noces.
Mai en prend
À Gusman
Qui, pour preuve
De foi chrétienne en sa fin,
Lègue à son assassin
Sa veuve.
Une