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Perdu Un enfant venu d'ailleurs
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Livre électronique249 pages2 heures

Perdu Un enfant venu d'ailleurs

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À propos de ce livre électronique

À 35 ans, Hugues réalise qu’il a vécu toute sa vie avec l’autisme (asperger) sans le savoir. Tous ses souvenirs sont à revoir à la lumière de cette nouvelle perspective. Il entreprend d’écrire une autobiographie dans le but de définir son identité, de construire enfin une histoire cohérente avec cette suite de souvenirs qui n’avaient jamais fait de sens.
Dans cette écriture, les pièges abondent. Comment aborder les difficultés de construction de l’estime de soi sans verser dans la psycho-pop? Comment amener au lecteur des sujets durs comme l’alcoolisme, la dépression, les idées suicidaires sans glisser dans la victimisation à outrance? Comment brosser un portrait juste de cette existence intempestive sans se perdre dans un fouillis de détails?
Le résultat, Hugues vous l’offre parce qu’il a le désir de communiquer. Après tout, avant d’être autiste ou neurotypique, nous sommes tous des personnes. Donc, l’échange doit être possible.

LangueFrançais
Date de sortie23 févr. 2021
ISBN9781005665685
Perdu Un enfant venu d'ailleurs
Auteur

Hugues Bellehumeur

Bonjour,À 35 ans, j'ai réalisé que j'avais vécu toute ma vie avec l’autisme (asperger) sans le savoir. Tous mes souvenirs étaient à revoir à la lumière de cette nouvelle perspective. J'ai entrepris d’écrire une autobiographie dans le but de définir mon identité, de construire enfin une histoire cohérente avec cette suite de souvenirs qui n’avaient jamais fait de sens.

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    Aperçu du livre

    Perdu Un enfant venu d'ailleurs - Hugues Bellehumeur

    PETITE ENFANCE

    Je n’ai pas eu de retard de langage. Au contraire, j’ai dit mes premiers mots avant de marcher. À 11 mois, ma mère m’a entrainé de sorte qu’à mon anniversaire d’un an, je répondais à la question « Hugues, quel âge as-tu ? » Je répondais « un an » en montrant un doigt. Il fallait toutefois utiliser cette formulation exacte.

    Bébé Hugues dans les bras de grand-maman Noëlla.

    Quand j’ai eu mes premiers cahiers de coloriage, je barbouillais toujours méthodiquement chaque page en commençant par la première sans en sauter aucune. Je jouais souvent pendant de longues périodes à l’intérieur des armoires avec les plats de plastique et les chaudrons. Ma mère ne se souvient pas ce que je faisais exactement avec ces objets.

    Vers 2 ans, j’ai appris la propreté avec des livres. Je passais beaucoup de temps à faire semblant d’être aux toilettes (sur le petit-pot, mais habillé) à regarder des livres pour les tout-petits avec une image et le mot dessous. Ma mère me pratiquait à faire des casse-tête de plus en plus difficiles. Après qu’elle l’ait fait 2 ou 3 fois avec moi, je le faisais seul. Avant 3 ans, je faisais seul un casse-tête de 100 morceaux (classé 6 ans et +). Il représentait l’arche de Noé avec des dizaines de paires d’animaux. Un jour, je me suis subitement lassé des casse-têtes et je n’ai plus voulu en faire après.

    Autour de 3 ans, je suivais ma mère partout et je voulais faire ce qu’elle faisait. Elle me laissait brasser ce qui mijotait dans le chaudron avec la cuillère de bois. Je ne m’en lassais pas rapidement comme on s’y attendrait d’un jeune enfant. Je restais longtemps à brasser la sauce, debout sur un banc, fasciné par les mouvements du liquide qui boue, la vapeur qui s’échappe, les aromes qui s’en dégagent.

    Un de mes plus vieux souvenirs personnels se situe vers 4 ou 5 ans. Nous avions un chalet. Je me souviens que je jouais seul avec les sangsues. Je les capturais vivantes, je les tuais avec du sel (mes parents m’avaient montré) et je jouais avec mes sangsues mortes dans le sable. Je me souviens de la différence de texture … plus molle pour la sangsue vivante et plus raide pour la sangsue morte. À cet âge, je ne vois rien de problématique dans ce comportement, simplement un intérêt pour les phénomènes naturels.

    Bref, il semble que j’aie eu un intérêt précoce pour le langage, les objets et phénomènes physiques et la représentation symbolique (images dans les livres et sur les casse-têtes).

    Ma petite-enfance a ceci de particulier que ma mère avait une garderie. Alors, il y avait toujours beaucoup d’amis. Je devais partager les jouets de la salle de jeux et ma maman avec les autres enfants. Je gardais certains jouets dans ma chambre qui étaient à moi tout seul. Personne ne pouvait les utiliser ou les sortir de ma chambre, y compris mon petit frère. Plus tard, quand j’ai eu l’âge de mettre de l’ordre dans ma chambre, j’ai déterminé un endroit précis pour chaque objet et il était bien important qu’ils soient chacun à sa place. Quand j’étais en pleur, j’allais dans ma chambre et je prenais mes jouets et bibelots un à la fois, les observait dans tous les sens et les replaçait à leur place. Ça me calmait, c’était rassurant pour moi. Mon petit frère disait que j’étais égoïste de ne jamais partager ces jouets.

    Aussi, à la garderie, je me tenais généralement avec les filles et, au sens large, je me comportais comme elles. J’étais sage. J’écoutais les consignes. Je ne me tiraillais pas avec d’autres. J’évitais les contacts physiques.

    Intérêts :

    D’aussi loin que je me souvienne, j’étais fasciné par le monde naturel. Ma mère a une photo de moi, 3 ou 4 ans, tout seul, accroupi dans la pelouse l’été, sous un arbre, en calçons, savourant songeusement des carottes. Je trouve que cela illustre à quoi j’étais occupé. Tout me fascinait : les variations dans le souffle du vent (j’ai longtemps essayé d’influencer son intensité par ma pensée ou mes émotions, je sais maintenant que c’est impossible), le chant des feuilles dans le vent, le son de la pluie qui tombe au sol, la danse des flocons de neige en hiver. Ce genre de choses m’ont toujours fait vivre de vives émotions et un plaisir sincère. Les arbres m’impressionnaient beaucoup par leur stabilité, leur prestance et leur immobilité tranquille. Je me suis toujours senti apaisé par la présence d’un arbre. Aussi, je me souviens que chaque fois que j’enlevais le bouchon de mon bain, je devais regarder le tourbillon et sentir le niveau d’eau descendre sur ma peau. Je ne m’en laissais pas. Cela me semblait à chaque fois fascinant.

    GESTION DES ÉMOTIONS

    Enfant et adolescent, je pleurais et j’étais en colère (simultanément) souvent et en apparence pour des banalités. Mes parents disaient que j’étais hyper-sensible. Je pense que j’étais incapable d’identifier et de gérer mes émotions. Si quelqu’un me contrariait ou me corrigeait, si je réalisais que j’avais tort, il se faisait une boule dans ma gorge et mes yeux piquaient. Je ne savais pas quoi faire à ce moment-là et je pense que c’est la peur d’avoir encore une crise qui justement amplifiait la sensation de départ. Je finissais toujours en colère/larmes. Mes parents ont rapidement réalisé que de tenter de me réconforter ne faisait qu’amplifier la crise alors, ils m’envoyaient dans ma chambre me calmer mais ça prenait parfois 15 à 30 minutes. Plus je grandissais, plus cette incompétence à identifier et gérer les émotions jurait avec celle des autres de mon âge. Ce qui était accepté à la maison risquait d’avoir des effets désastreux à l’école.

    Encore aujourd’hui, à 35 ans, j’accepte très mal d’être contredit mais je le cache très bien, en autant que la situation ne s’éternise pas, qu’on passe rapidement à autre chose. Intérieurement, je reste ébranlé et incapable de me concentrer sur autre chose quelques minutes pendant lesquelles je me fais discret et j’ai l’air distrait.

    Enfant et adolescent, le simple fait qu’une situation exige que je soutienne le regard d’une personne pouvait suffire à déclencher une crise, surtout si c’était un homme adulte. Mon père, qui avait une gestuelle non-verbale élaborée (mains, yeux, sourcils, jeu de sourires), m’impressionnait par son aisance en groupe. C’était mon modèle, je rêvais d’être comme lui. Je l’observais longuement parler aux autres adultes quand on avait de la visite. Mais dès que j’interagissais avec lui, je devais le regarder dans les yeux, pour être un homme. Alors, je ressentais les symptômes de la colère/larmes. Ainsi, il était fréquent que je doive m’isoler juste parce que j’avais eu une discussion soutenue de 30 secondes avec mon père.

    Aujourd’hui, avec ma nouvelle perspective, j’arrive à comprendre les causes de crises mémorables pour moi et ma famille qui étaient apparues jusqu’à maintenant inexplicables, donc difficilement pardonnables.

    1. La fête d’anniversaire

    À un de mes anniversaires, vers 6-8 ans, ma mère avait réussi à rassembler beaucoup d’amis, des garçons amis/connaissances de moi et de mon frère. J’ai eu droit à un après-midi et un souper bruyants de conversations emmêlées, où j’étais le centre d’attention continuel et dont je pouvais difficilement me cacher, m’isoler, prendre des pauses.

    Après que la fête soit finie, que les amis soient partis, je me suis retrouvé seul sur le sofa du salon et j’ai subitement éclaté en sanglots sans raison apparente et ça été très long pour me calmer. Ma mère m’a dit que c’était à cause du sucre dans le gâteau… Aujourd’hui je pense que j’ai été surchargé d’information sensorielle et sociale et j’ai craqué, épuisé, dès que je me suis retrouvé dans le calme et que mes émotions me sont rentrées dedans, si on peut dire. Ma mère se souvient que j’ai dit que je voulais mourir.

    2. La journée de formation.

    Vers 10 ans, mon frère et moi sommes allés à une formation d’arts martiaux. La formation commençait tôt le matin et durait toute la journée dans un gymnase rempli de plus de 100 élèves, un regroupement de toutes les petites écoles de l’Abitibi, donc de gens que je ne connaissais pas dans un environnement bruyant.

    Il y a un moment où j’ai été confronté au formateur invité, un homme sec, sévère, qui voulait me faire réaliser qu’il ne faut pas reculer son poing avant de frapper dans un combat sinon c’est trop facile pour l’adversaire de prévoir les coups. Sa méthode pédagogique était des plus archaïques, me demander de le frapper à répétition et me dire non à chaque fois en me tapant le poing devant une 20e de personnes en cercle jusqu’à ce que je comprenne ce qui ne va pas. Évidemment, je n’ai jamais réalisé ce que je devais corriger mais, je savais que je devais être courageux, continuer de frapper même si mes yeux devenaient rouges et que j’étais au bord des larmes. Après 5 interminables minutes, il m’a enfin expliqué verbalement le concept en m’appelant « petite fille ». J’ai réussi à lui dire que je suis un garçon. Je suis resté ébranlé pour le reste de la journée mais j’ai continué les exercices avec moins de concentration.

    Comble de malheur, après un avant-midi et un après-midi entouré d’inconnus dans un gymnase bruyant, il y avait un gouter dans une salle communautaire où on allait nous remettre un prix pour notre participation. Je ne voulais pas y aller mais mes parents m’ont dit que j’étais obligé, que ça ne se faisait pas de disparaitre sans aller chercher son prix. On retournerait à la maison tout de suite après. On était assis à une table. Je n’étais vraiment pas bien. Je n’en pouvais plus de tous ces gens qui avaient un plaisir sans fin à être ensemble alors que moi je m’étais senti mal après 30 minutes le matin. Quand mon frère m’a fait une remarque légèrement contrariante, mon esprit s’est écroulé, j’ai perdu tous mes moyens. J’avais les yeux qui piquent et la gorge serrée et je savais que je ne serais pas capable de le contenir, de me parler. Je suis parti aux toilettes.

    C’étaient des toilettes publiques alors les gens qui entraient m’entendaient pleurer. Des gens sont venus pour me réconforter mais il aurait fallu que je sois seul pour me calmer alors je ne me calmais pas du tout. Je suis sorti des toilettes même si tous les gens de la salle pouvaient me voir le visage tout rouge et les yeux plein d’eau et je suis parti plus loin dans le stationnement.

    C’est là que ma mère m’a retrouvé. Elle voulait me réconforter et que je retourne dans la salle. Ils remettaient les prix. Je devais recevoir mon prix avant de partir. Pour moi c’était impensable de retourner dans une salle bruyante emplie de gens qui allaient me regarder dans l’état où j’étais. Ma mère a fini par comprendre que ça ne serait pas possible et je suis parti sans avoir mon prix. Ironiquement, quand on ne comprend pas ce qui se passe intérieurement, on peut interpréter mon comportement comme de l’entêtement à ne pas recevoir mon prix, un caprice, de la mauvaise volonté…

    Je vous raconte seulement ces deux crises mais ces moments d’effondrement émotionnel¹ ont tapissé mon enfance et le début de mon adolescence. Cela donnait l’impression que j’étais malheureux alors que, objectivement, j’aurais dû être heureux. Par exemple, quand de la famille était en visite à la maison, je voulais participer mais, après quelques heures, je me sentais complètement dépassé. Alors, je disparaissais. Je me rappelle me cacher sous le pont de bois au fond du champ derrière la maison où je m’écroulais en sanglots. Je n’avais jamais eu d’explication pour comprendre ces crises.

    ÉCOLE PRIMAIRE

    Il n’y a pas d’école primaire à Lorrainville alors les enfants sont envoyés dans un village voisin. J’imagine qu’ils tentent généralement de garder chaque enfant dans la même école mais dans mon cas, j’ai dû faire ma première année à St-Eugène alors que j’ai fait le reste du primaire à Laverlochère. Je n’ai aucun souvenir précis de la maternelle.

    En première année, je me souviens que je ne levais jamais la main pour répondre aux questions. Je pense que j’avais très peur d’être contrarié et d’avoir une crise de colère/larmes en classe, ce qui aurais attiré les moqueries. Un jour, l’enseignante m’a désigné spécifiquement pour répondre à une question et après un moment de réflexion, j’ai répondu correctement. Elle m’a répondu : « Tu vois Hugues, tu es capable de répondre aux questions. Je crois que tu sais beaucoup de choses. Je vais te désigner pour répondre à mes questions de temps à autres ». Je pense que je me suis souvenu de ce moment parce qu’elle avait flatté mon égo à propos de mon savoir, dont j’ai toujours été très fier.

    Je me souviens plus aisément de mes interactions en deuxième année. Rappelons que je faisais un retour à l’école de Laverlochère après un an ailleurs. Il y avait des garçons qui se faisaient écœurer. L’un d’eux répondait aux moqueries en criant et en griffant. J’observais que ça n’était pas efficace du tout. Les moqueries s’intensifiaient et il était considéré méchant parce qu’il frappait. J’ai conclu que le mieux était d’ignorer les autres, faire comme s’ils n’étaient pas là, comme si je n’entendais pas, feindre que je suis concentré, absorbé dans des pensées importantes.²

    Ce garçon disait que j’étais son ami parce que j’étais le seul garçon qui ne se moquais pas de lui. Je le laissais parler mais je refusais de jouer avec lui à la récréation. À Laverlochère, les jeux d’équipe imposés commençaient en troisième année. Alors, en deuxième année, j’étais libre de faire ce que je voulais de ma récréation ! Je jouais toujours seul dans le

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