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Charme de minuit: Charme de minuit
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Charme de minuit: Charme de minuit
Livre électronique427 pages6 heures

Charme de minuit: Charme de minuit

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À propos de ce livre électronique

Niall Quinn, mage et voleur de première classe de la Tour Noire, représente le seul espoir de liberté des fae. Lui seul a une chance de retrouver et rapporter les morceaux manquants de la bossa fadbh appartenant à la reine Été. Mais il découvre un adversaire de taille lorsqu’il rencontre Elizabeth Cely Saintjohn, qui a pris le contrôle des morceaux au nom de la reine Été… et qui refuse de s’en départir. Elizabeth est une asrai, une rare fae de l’eau, qui est peut-être le seul être de Piefferburg qui soit plus vif que Niall. Elle a ses propres raisons de garder les deux morceaux et de vouloir que les murs de Piefferburg demeurent intacts, même si cela signifie de priver ses frères et soeurs far de leur liberté. La vie de sa mère en dépend. Déchiré entre son devoir d’obtenir les morceaux coûte que coûte et le désir troublant qu’Elizabeth a fait naître en lui, Niall doit convaincre l’asrai de rendre les morceaux, ou il n’aura peut-être d’autre choix que de l’anéantir, de même que tout ce qui lui est cher…
LangueFrançais
Date de sortie13 août 2014
ISBN9782897339210
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    Aperçu du livre

    Charme de minuit - Anya Bast

    « Anya Bast est experte pour écrire des histoires qui gardent le lecteur dans… un état de suspense. Sa réputation est bien méritée. »

    Romance Junkies

    « L’atmosphère que crée Anya Bast est complexe, obscure et hautement érotique. »

    — Just Erotic Romance Reviews

    ÉLOGES pour

    CHARME mystérieux

    « Lorsque j’ai commencé à lire les récits d’Anya Bast il y a quelques années, je me suis rapidement senti envoûté par son œuvre. Il semble que je ne puisse absorber ses histoires assez vite pour étancher ma soif. Charme mystérieux… tient le lecteur sous le charme au fil des pages… Comme pour tous ses livres, Charme mystérieux est bien construit, et c’est un réel plaisir à lire. Je vous souhaite de vous abandonner dans un « charme mystérieux » vous aussi ; vous ne serez pas déçu. »

    — Night Owl Reviews

    « Les lecteurs reconnaîtront de nombreux personnages. Bast a créé un monde enchanté composé de fées, de lutins, de sorcières, de gobelins et d’autres êtres mystiques. Vous ne voudrez plus quitter ce monde merveilleux… Intensément sexy. »

    — RT Book Reviews

    « Il s’agit du troisième épisode de la série Magie noire et il ne vous laissera pas sur votre faim… Charlotte est étonnement impertinente [et] Kieran est sexy à faire baver !… Comme dans les romans précédents de Bast, il y a de l’action à profusion… vous ne serez pas déçu et vous ne risquez pas de vous ennuyer ! »

    — ParaNormal Romance

    Copyright © 2012 Anya Bast

    Titre original anglais : Midnight Enchantment

    Copyright © 2014 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec Penguin Group Inc., New York, NY

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Noémie Grenier

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Carine Paradis

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Photo de la couverture : © Thinkstock

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89733-919-7

    ISBN PDF numérique 978-2-89733-920-3

    ISBN ePub 978-2-89733-921-0

    Première impression : 2014

    Dépôt légal : 2014

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Bast, Anya

    [Midnight enchantment. Français]

    Charme de minuit

    (Magie noire ; 4)

    Traduction de : Midnight enchantment.

    ISBN 978-2-89733-919-7

    I. Grenier, Noémie. II. Titre. III. Titre : Midnight enchantment. Français. IV. Collection : Bast, Anya. Magie noire ; 4.

    PS3602.A7688M5214 2014 813’.6 C2014-941039-5

    Conversion au format ePub par:

    www.laburbain.com

    Je dédie ce roman à Jeffrey Skinner,qui m’a aidée à voir la beauté dans la manière dont s’unissent les mots.

    remerciements

    * * *

    Comme toujours, merci à Brenda Maxfield d’être mon comité de rétroaction et ma deuxième paire d’yeux.

    Merci à Axel de Roy d’avoir créé la superbe carte interactive de Piefferburg, accessible sur mon site Web : www.anyabast.com.

    un

    * * *

    La trouver. La piéger. L’obliger à révéler où se trouvaient les deux morceaux de la bosca fadbh et foutre le camp. Rentrer. C’était ses seuls objectifs.

    Évidemment, les objectifs d’Elizabeth Cely Saintjohn s’opposaient directement aux siens.

    En ce moment, il était aveugle, en rogne, et il avait en main une corde incrustée de fer froid. La seule chose qui pouvait faire en sorte que sa nuit aille encore plus mal, c’était qu’elle lui échappe de nouveau. L’oreille de Niall tressaillit et le poil de sa nuque se dressa lorsqu’il entendit un frottement contre le rocher à sa gauche. Il se figea, ses yeux scrutant la noirceur infinie pour repérer un signe quelconque de la présence de sa proie.

    Il détecta des bruits de pas sur le sentier derrière lui et se retourna, maudissant la lune trop faible et l’habitude qu’avait Elizabeth de ne voyager que la nuit. À sa droite, un mouvement capta son attention et il s’immobilisa, grondant de frustration. Des rires légers retentirent autour de lui. Elle bougeait rapidement et aisément, sans faire le moindre bruit.

    La rage le prit aux tripes. Elle se jouait de lui. Une fois de plus.

    — Ce doit être agréable d’être capable de voir dans le noir et de bouger aussi vite que l’éclair, hein ? grogna-t-il dans l’air vide.

    Sans mentionner qu’elle pouvait se dissoudre dans l’eau et se déplacer là où elle le voulait dans les limites de Piefferburg. Un chouette tour.

    Ses mains se serrèrent sur la corde conçue spécialement pour piéger une fae comme elle. Il portait des gants de cuir noir épais afin d’éviter que le fer enchanté ne touche sa peau et n’absorbe ses pouvoirs. La corde servirait à attacher­ Elizabeth, une asrai, avant qu’elle ne lui échappe. Ce qui ne serait possible que si elle touchait sa peau nue. Normalement, ce serait un problème, mais pas avec Elizabeth. Elle était nécessairement nue chaque fois qu’elle reprenait forme après s’être liquéfiée pour voyager à travers la terre. Malheureusement, prendre cette femme au lasso était aussi difficile que d’attraper une belette dans une cuve d’huile d’olive. Il ne l’avait même pas encore entrevue dans cette noirceur profonde.

    Le scénario se déroulait habituellement comme ceci : elle jouait avec lui pendant un moment, pour lui faire croire qu’il l’attraperait peut-être… puis elle s’enfuyait. C’était une situation bizarre pour lui. D’ordinaire, c’était lui qui menait le jeu en ce qui concernait les femmes.

    — Allons, Elizabeth, ne te fais pas désirer. Tu n’as qu’à me donner les morceaux et j’arrêterai de te pourchasser.

    — Je crois que j’aime bien que tu me pourchasses, répliqua-t-elle de sa voix mélodieuse provenant de plus haut sur le sentier qu’il avait emprunté.

    Sa voix était mielleuse et rauque à la fois. Séduisante.

    Il grinça des dents et prépara dans sa tête un sort pour avoir un peu de lumière. Le sort ne durerait pas longtemps, il devait donc l’attirer plus proche avant de le lancer. Il était mage, capable d’exercer une magie polyvalente semblable à celle d’un Phaendir. Sauf que sa magie ne trouvait pas sa source dans un esprit aussi affreux et bouillonnant qu’une fourmilière ; son pouvoir se trouvait à l’intérieur de lui. Indépendant. Puissant.

    Et c’est pourquoi on lui avait demandé de pourchasser l’asrai. Il était le mieux qualifié pour capturer et contraindre une fae comme elle. Le meilleur pour dérober ou, dans ce cas-ci, redérober. Le meilleur pour tisser l’illusion. Le meilleur pour traquer, capturer et torturer. Le meilleur pour ce type de boulot. Ou, du moins, c’est ce que tout le monde avait cru à la Tour Noire, il y avait de cela une semaine. Une semaine marquée par l’échec. Qui sait ce qu’ils pensaient maintenant.

    La reine des Ténèbres l’avait envoyé dès qu’on avait appris à la Tour Noire que la reine Été avait remis ses morceaux de bosca fadbh à Elizabeth. Les morceaux faisaient partie d’une clé pouvant libérer les fae de Piefferburg. Il n’était pas plus près de la piéger maintenant qu’il ne l’avait été au premier jour.

    — Pourquoi fais-tu ça ? lança-t-il. Pourquoi empêcher ton peuple d’être libre ? Le Phaendir est à nos portes en ce moment même. Nous n’avons pas de temps à perdre.

    Sa voix s’aggrava d’une octave et son ton devint beaucoup plus hostile.

    — Pourquoi travailles-tu pour la reine Été, une gentille fae de la nature comme toi ?

    — Qui a dit que j’étais gentille ?

    Les mots avaient caressé son oreille, comme la brise, avant de disparaître.

    Il fit tourner sa corde à la longe vers la voix qui s’estompait, mais n’attrapa que de l’air, une bouffée fraîche et le doux parfum floral du savon qu’elle utilisait. En titubant et en proclamant une série de jurons, il se ressaisit l’espace d’un instant, puis tomba face première. En se redressant, il laissa échapper un rire morose.

    — Allons, ne pars pas si vite, chérie. Embrasse-moi au moins avant de me baiser.

    Et elle était là, la chaleur de sa présence tout près de lui, le défiant de sa proximité. La caresse de ses cheveux soyeux contre sa peau. Cette douce exhalaison florale qui lui chatouillait le nez.

    Ah, voilà. Il avait parié que son arrogance finirait par la perdre.

    — Arendriac, murmura-t-il.

    Le charme jaillit de sa bouche en faisant un petit pop, illuminant l’espace autour d’eux d’une lueur dorée. Au même moment, il l’attrapa pour l’attirer vers lui, tenant sa corde d’une main, prêt à l’enserrer.

    Ses doigts sentirent la peau nue satinée de sa taille tandis qu’elle reculait. Elle resta immobile devant lui pendant un instant. Sa bouche pulpeuse était entrouverte, ses cheveux rouge rubis flottant autour de son magnifique visage pâle en forme de cœur, ses yeux verts tachetés d’or agrandis de surprise.

    Il la regarda fixement lui aussi, tout aussi stupéfié qu’elle. C’était la femme la plus éblouissante qu’il avait jamais vue. Il ne s’attendait pas à cela.

    Niall avança d’un pas, corde à la main. Du coup, Elizabeth se liquéfia. Une vision de la beauté lui était apparue un moment, pour disparaître dans un doux éclat d’embruns l’instant d’après. Il baissa les yeux et vit la flaque d’eau qu’elle était devenue. Puis, même la flaque s’éclipsa, imprégnant chacune des molécules de la terre, voyageant à travers le sol pour trouver une rivière, un ruisseau, ou tout autre cours d’eau qui l’emmènerait au loin.

    Pestant tout bas, il s’agenouilla et toucha le sol, là où elle s’était trouvée quelques instants plus tôt.

    Disparue une fois de plus.

    — Merde, laissa-t-il échapper dans un murmure.

    La jolie dame possédant les morceaux convoités était hors de sa portée pour une autre nuit. Il ne savait pas ce qu’il regrettait le plus : la perte des morceaux ou celle de la femme. La sorcière l’attirait. Il l’avait trouvée séduisante même avant ce moment furtif pendant lequel il l’avait aperçue. Pourquoi ne pouvait-elle pas être une vieille chouette repoussante dépourvue de cet esprit vif qui lui avait répondu avec à-propos chaque fois qu’il l’avait pourchassée, ou de cet éternel parfum envoûtant ? Putain, c’était impossible de se concentrer !

    Surtout qu’il aimait bien cette femme, d’une certaine manière.

    Dommage, car il allait probablement devoir la tuer.

    Elizabeth reprit conscience assise sur un lit de feuilles, la tête courbée. Près de son pied nu, un scarabée à la carapace verte et dorée se frayait doucement un chemin parmi le feuillage fané. Elle cligna des yeux pour s’adapter à la douce lumière autour d’elle et leva la tête en frissonnant, car le fond de l’air était frais.

    C’était la première fois qu’elle avait réussi à bien voir son poursuivant. Il ressemblait à peu près à ce qu’elle avait imaginé. C’était un homme intelligent qui avait la répartie facile. Se mesurer à lui nuit après nuit l’amusait en quelque sorte… ce qui en disait long sur sa vie personnelle. Pathétique. Non qu’elle n’ait jamais connu une autre vie.

    Il était beau. Elle s’y attendait, vu sa personnalité présomptueuse. Le corps bien bâti et la mâchoire forte, d’épais cheveux en bataille qui tombaient en vagues sur le col de sa chemise, encadrant des yeux gris expressifs et un visage séduisant. Elle n’avait eu qu’une fraction de seconde pour le regarder, mais un homme comme lui avait tendance à rester gravé dans votre mémoire.

    Ses lèvres étaient charnues et une barbe naissante se devinait sur ses joues. Elle se demanda si cette allure négligée était voulue ou si elle était le résultat de la chasse dans laquelle elle l’avait entraîné. Elle préférait la deuxième hypothèse. Cet emmerdeur ferait mieux de la laisser tranquille. Tranquillement, elle poussa sur ses talons pour se redresser et s’étira avec délice dans le souffle léger de l’air de la nuit caressant son corps nu. Ses vêtements ne se liquéfiaient jamais avec elle ; seulement sa chair, ses muscles, ses cheveux et ses os avaient le pouvoir de fondre dans sa nature aquatique et de reprendre forme. Il en était ainsi pour tous les autres asrais qu’elle connaissait. Et elle n’en connaissait qu’une seule autre.

    L’autre asrai vivait près de l’océan. La dernière fois qu’Elizabeth lui avait parlé, elle semblait distante et rêveuse. Elizabeth espérait qu’elle ne soit pas devenue la proie d’un sort courant chez les asrais : perdre son identité propre pour n’être plus qu’eau, à jamais. Certains asrais se liquéfiaient un jour et ne retrouvaient plus jamais leur forme ; ils demeuraient eau pour le reste de leur vie. Les asrais qui étaient seuls au monde, qui n’avaient personne pour les ancrer, avaient beaucoup plus de chance de subir ce sort. Enfin, c’est ce qu’elle avait entendu dire, en tout cas.

    Au loin, la chaumière de sa mère rayonnait parmi les arbres. Les sprae étaient réunis ici. Nombreux, ils repoussaient ensemble la nuit noire sans lune. En marchant, Elizabeth les remercia, même si elle doutait qu’ils puissent la comprendre.

    Les sprae constituaient la seule chose permettant à sa mère, Thea, d’exister. Thea appartenait à un type de fae particulier qui avait vu le jour seulement depuis l’érection de Piefferburg. Sa force de vie dépendait des sprae, ces minuscules êtres sensibles attirés par l’énergie des fae. L’origine de ces êtres dépendants des fae demeurait obscure ; c’était le résultat de la simple volonté de la déesse Danu.

    L’odeur du ragoût de légumes envahit le nez d’Elizabeth dès qu’elle passa la porte d’entrée. Sa mère se détourna de la casserole sur le feu.

    — Et où étais-tu passée ce soir, ma fille ?

    Elle leva la main en direction des vêtements posés sur le dossier d’une chaise.

    — Allez, habille-toi. J’ai un bon ragoût et du pain encore meilleur.

    Sa mère avait l’habitude de la voir déambuler nue, puisqu’elle se déplaçait si souvent dans sa forme aquatique.

    À l’idée de manger, l’estomac d’Elizabeth émit un gargouillement. S’emparant du pantalon et de la chemise, elle les huma dans l’espoir de sentir une trace de l’odeur de son père, mais il y avait longtemps que celle-ci s’était dissipée.

    Sa mère servit le ragoût dans des bols et mit le couvert. Elizabeth alla au réfrigérateur pour y prendre le fromage et le beurre, qu’elles étaleraient sur les épaisses tranches de pain déjà posées sur la table.

    — J’étais juste sortie explorer, répondit finalement Elizabeth.

    Elle n’était pas très douée pour mentir, aussi elle espéra que sa mère n’insisterait pas.

    Cette dernière avait le don de faire faire ce qu’elle voulait aux gens grâce à la nourriture qu’elle cuisinait, par exemple, leur faire dire la vérité lorsqu’ils ne le voulaient pas. C’était son plus grand talent. Lorsque son intuition ne suffisait pas, elle y parvenait avec du thé ou des pâtisseries.

    Elles s’assirent et se mirent à manger. Elizabeth beurra une tranche de pain tout en se gardant de regarder sa mère. Depuis quelques jours, elle devait se montrer très prudente autour de Thea, comme elle gardait un secret. Un secret énorme concernant leur existence. Sa mère la fixa un long moment, puis les rides autour de ses yeux se plissèrent.

    — Tu as rencontré un homme.

    Le couteau que tenait Elizabeth tomba sur son assiette avec fracas, puis elle leva les yeux.

    — Quoi ? Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

    Elle poussa un rire un peu trop tendu pour être naturel.

    — Je ne t’ai jamais vue si radieuse, tu brilles d’excitation. Je suis certaine que c’est ça. Parle-moi de lui !

    Thea désirait tant qu’Elizabeth se défasse de la vie d’ermite qu’elle était elle-même forcée de mener en raison de sa dépendance aux sprae : la vie d’ermite qu’avait vécue Elizabeth en grandissant, par la force des choses. Thea voulait qu’Elizabeth rencontre un homme, s’installe en ville, ait des enfants et soit heureuse. Mais, par-dessus tout, qu’elle échappe au sort, soit perdre son identité pour ne devenir qu’eau.

    Vivre en ville et avoir une famille n’était pas du tout ce que voulait Elizabeth, malgré la vie de recluse qu’elle avait connue.

    — Je brille d’excitation ? répéta-t-elle.

    Ah. Mais oui, bien sûr. Sa vie était devenue très excitante depuis que la reine Été lui avait confié deux des morceaux de la bosca fadbh, lui ordonnant de les cacher.

    — Je n’ai pas rencontré d’homme, maman. Du moins, pas de la façon dont tu l’imagines.

    — Oh, soupira sa mère.

    Puis elle plaça une tranche de fromage sur un croûton de pain.

    — Dommage.

    Elizabeth émit un hmmm aussi évasif que possible, puis elle avala une cuillerée de ragoût.

    — Mmmm, le ragoût est délicieux.

    Sa mère agita le doigt avant de dire :

    — Ne crois pas que je te laisserai changer de sujet, jeune fille. Il est grand temps de discuter de ton avenir, et c’est le moment parfait pour le faire.

    Elizabeth avait l’habitude de ces préliminaires conversationnels. Ils précédaient toujours le sujet de la chute des murs de Piefferburg et ce que cela signifiait pour les fae.

    Elizabeth déposa sa cuillère à côté de son bol et soupira.

    — Tout avenir dans lequel tu n’es pas de ce monde n’est pas un avenir que je souhaite contempler. Pouvons-nous laisser tomber le sujet pour ce soir ? Profitons plutôt de notre bon repas.

    Mais elle n’avait plus faim.

    Les sprae procuraient à sa mère la force de vivre. Si les murs se brisaient, sa mère mourrait. Elle avait vu son père et son frère mourir ; elle n’allait pas perdre aussi sa mère.

    Sa mère la regarda tristement.

    — Ça s’en vient, et tout le monde le sait. Même moi, qui vis dans les Terres frontalières, je le sais. Ce qui doit arriver arrivera, ma fille. Ce sera bien pour toi, et j’en suis reconnaissante. Pour le reste… je dois simplement l’accepter, dit-elle en haussant les épaules.

    Le regard d’Elizabeth s’adoucit à la vue du visage rongé de soucis de sa mère. Les fae dépendants des sprae vieillissaient plus comme les humains que comme les fae, et sa mère approchait la soixantaine.

    — Nous verrons bien.

    Heureusement, sa mère laissa tomber le sujet, et elles terminèrent toutes deux leur repas en parlant de tout et de rien, en écartant les sujets menaçants comme la mort ou la trahison de son peuple, deux sujets qu’Elizabeth voulait éviter à tout prix.

    Après avoir aidé sa mère à nettoyer, Elizabeth lui donna un baiser sur la joue, puis elle disparut par la porte, se volatilisant dans les bois. En marchant, elle se débarrassa de ses vêtements. Puis elle courut, et sauta sur une bûche, depuis laquelle elle s’élança pour plonger dans l’air comme dans une piscine. Au faîte de son saut, elle se métamorphosa en eau, puis éclaboussa la terre.

    Toute la tension et le stress de sa vie se dissipèrent immédiatement, de même que l’essence de sa personnalité. Vibrante de liberté, elle se rassembla et chercha la source d’eau souterraine qui coulait sous la propriété de sa mère pour s’y joindre. Le seul moment où Elizabeth s’aban­donnait, c’était lorsqu’elle se transformait en eau, laissant derrière sa nature physique pour se laisser glisser dans les flots frais et tranquilles et la voie comportant le moins de résistance.

    Elle coula à travers le sol, poussant la terre et les pierres de fondation, son esprit de fae comme un écho dépouillé tout au fond de sa conscience aquatique. Lorsqu’elle trouva la rivière affluant sous la chaumière de sa mère, elle s’y coula et se laissa emporter par le courant, tourbillonnant et s’amusant à déloger les cailloux au fond de la rivière tout en faisant des culbutes en chemin. Elle dansait avec les flots.

    Lorsqu’elle sentit qu’elle approchait de sa destination, elle trouva le courant qui lui était devenu familier, le suivit jusqu’à ce qu’elle arrive le plus près possible de la clairière, puis remonta à la surface. Elle était fatiguée du voyage ; il était difficile d’avancer à travers la terre, puis de se frayer un chemin jusqu’à la surface.

    Reprenant forme près d’un arbre, elle leva la tête et frissonna. Ce n’était pas à cause du froid, même s’il faisait très frais à cette période de l’année, c’était à cause de l’endroit où elle se trouvait. L’endroit qu’elle avait choisi pour cacher les morceaux de la bosca fadbh était le lieu même où ses cauchemars avaient été forgés.

    Elle se leva et avança parmi les taillis, dans la clairière. Chaque fois qu’elle revenait ici, elle le revivait. Les reflets du métal, le rire, les hurlements de douleur. Le sang. Les corps.

    Et finalement, l’enterrement.

    Les bruits résonnaient dans son esprit et les images y apparaissaient comme des éclairs. Peu importe les efforts qu’elle faisait pour les repousser, ils revenaient toujours la hanter. Ce n‘était pas facile pour elle de venir ici, mais cet endroit servait à lui rappeler la raison pour laquelle elle trahissait son peuple.

    La Tour Noire lui avait déjà pris trop de choses.

    Elle avait besoin de ce rappel, car elle n’était que trop consciente de la tricherie qu’elle commettait contre sa race. La culpabilité était forte, mais la peur l’était encore plus. Elle ne pouvait perdre Thea. Non, elle ne la perdrait pas.

    Elle marcha jusqu’au pied d’un grand bouleau mince, déplaça une roche, puis creusa la terre. Le sol était froid, mais il avait récemment été retourné, donc la terre se défit facilement sous ses doigts. C’était l’endroit où elle gardait cachés les deux morceaux de la bosca fadbh. Elle les sortit de leur cachette, retira le tissu qui les emballait et toucha leurs surfaces lisses sous la douce lumière dansante des sprae qui s’étaient réunis autour d’elle.

    Ils avaient l’air si anodin, tout en métal gris terne avec des bords inégaux. Ils avaient l’air de grosses pièces inutiles trouvées dans un bazar, quelque chose dont on voudrait se débarrasser ou jeter dans la poubelle d’une boutique d’antiquités. Ils étaient pourtant imprégnés d’une magie puissante, la magie ancienne de ses ancêtres fae. Si elle posait la main sur les morceaux, elle pouvait les sentir battre faiblement. C’était une possibilité qui n’attendait que d’être activée.

    Et c’était la triste tâche d’Elizabeth de voir à ce qu’elle ne le soit jamais.

    Ce mélange familier de regret et de soulagement s’empara d’elle lorsqu’elle vérifia que les morceaux étaient toujours en sécurité. Lentement, elle replia le tissu et replaça les objets, la voix de la reine Été retentissant entre ses oreilles : « Je sais que vous avez déjà une raison convaincante de garder ces morceaux hors de la portée de la reine des Ténèbres, mais vous savez que vous en avez une autre… n’est-ce pas ? »

    La menace avait été claire. Si elle résistait à la reine Été, elle serait tuée. Mais ce n’était pas pour cette raison qu’elle avait accepté de cacher les morceaux. Si seule sa vie avait été en jeu, les choses auraient été différentes… plus faciles.

    Une fois les morceaux de nouveau enfouis, elle s’assit près du pied de l’arbre et ferma les yeux pour détecter où se trouvait Niall Daegan Riordan Quinn. Elle ne l’avait jamais délibérément recherché, mais après l’avoir aperçu brièvement plus tôt dans la soirée, elle en voulait encore. Après s’être accrochée à sa présence unique, elle se liquéfia, ses membres ramollissant d’abord, puis son corps se métamorphosant en eau une fois de plus pour voyager jusqu’à lui.

    En reprenant forme, elle se trouva au bord d’un cam­pement, où un feu vacillait joyeusement à quelques pas. Debout, sans faire de bruit, elle alla se tapir entre deux buissons, puis elle l’observa attentivement à travers le feuillage.

    Elle ne craignait pas de se faire attraper. Niall se faisait toujours de tristes illusions à ce sujet, mais il ne l’attraperait jamais. En cet instant où elle le regardait, elle se dit que c’était presque dommage. Peut-être que se faire attraper par cet homme n’était pas la pire chose qui pouvait lui arriver.

    Il était appuyé contre un rocher, assis sur une couverture étendue au sol, devant un feu crépitant et grésillant près de ses pieds bottés.

    Il avait les yeux fermés, les mains posées derrière la tête, l’air paisible… peut-être juste un peu vaincu. Les lèvres d’Elizabeth s’épanouirent en un sourire. La chemise de son poursuivant était déboutonnée, laissant entrevoir son torse musclé et deviner la largeur de ses épaules. Cet homme était beaucoup plus fort qu’elle, il n’y avait aucun doute. Mais elle était plus rapide et plus rusée.

    Il avait des fossettes. Elle ne les avait pas remarquées plus tôt. Elles lui donnaient un air espiègle. Elle traça de son regard la courbe de ses lèvres, puis elle se demanda à quoi ressemblaient ses mains, en essayant d’imaginer la sensation de les sentir sur son corps.

    Elle savait qu’elle ne devait pas penser à lui de cette manière. Il était son ennemi. Il voulait les morceaux qu’elle gardait et, par conséquent, son éventuel succès entraînerait la mort de sa mère. Malgré tout, elle ne pouvait s’empêcher de fantasmer sur lui. Elle pensait à lui depuis la première nuit qu’il l’avait pourchassée et qu’elle avait entendu sa voix dans l’obscurité et capté son odeur portée par le vent. Elle avait vécu une vie recluse, c’est vrai, mais elle avait rencontré une multitude d’hommes, pour la plupart des fae de la nature. Cet homme-là était différent. Cet homme-là faisait naître en elle quelque chose de primitif.

    Cet homme-là lui faisait se demander comment ce serait de s’allonger nue à ses côtés, de sentir la paume de ses grandes mains sur son corps et ses hanches entre ses cuisses. Peut-être que c’était seulement parce qu’il était le seul homme qu’elle ne pourrait jamais avoir, ou peut-être y avait-il quelque chose de plus viscéral dans son attirance envers lui.

    Dans un cas comme dans l’autre, cela n’avait pas d’importance.

    Ce n’était qu’un fantasme. Elle ne pouvait avoir cet homme. Pas même pour une nuit.

    Niall ouvrit les yeux, sentant une présence tout près. Elizabeth. Cela ne pouvait être qu’elle.

    Il demeura immobile, scrutant les alentours de ses sens pour détecter son emplacement exact. Après un moment, il crut qu’il l’avait… elle était juste là, entre ces deux buissons. Il se leva d’un coup et bondit vers elle.

    Le glapissement d’une femme. L’image soudaine d’une forme longue de couleur pêche. Le frôlement le plus doux qui soit de la peau nue contre le bout de ses doigts.

    Et plus rien.

    Il resta affalé dans le feuillage et jura à voix basse. Des branches lui piquaient le côté du corps et des feuilles lui chatouillaient le nez.

    Puis il roula sur le dos. Oh, douce Danu, elle était nue une fois de plus. Il se frotta les doigts en se remémorant l’agréable sensation de sa peau.

    Il en voulait plus.

    deux

    * * *

    Gideon P. Amberdoyal, directeur de l’Arche du Phaendir, regardait par la fenêtre de son bureau l’usine de militaires en face des portes de Piefferburg, à bonne distance de la route. D’un côté du chemin de gravier qui menait au portail massif se trouvaient l’Église de Labrai et son cimetière, l’endroit de prédilection de tous les vautours noirs de la région. Les oiseaux dessinaient des piqués en jouant avec les courants d’air, complètement inconscients du chaos s’instaurant sous eux.

    Le gouvernement américain avait envoyé la Deux cent quatre-vingt-quinzième équipe de combat de la brigade renforcée de la Garde nationale des États-Unis, avec les polices locales et de l’État. En plus de concevoir un filet pour attraper les fae errants (comment pouvaient-ils croire qu’ils y arriveraient ?), ils empêchaient le Phaendir de prendre les portes d’assaut et de commettre un massacre total.

    Ils ne représentaient qu’un simple tampon armé.

    Gideon était dépassé par la manière dont les États-Unis croyaient que les choses allaient se produire. Ils n’avaient pas le cran, soupçonnait-il, de passer à l’offensive contre les fae, même si leurs défenses n’étaient pas assez solides pour les contenir dans l’éventualité où les murs s’effondreraient.

    Idiots.

    Quelque chose craqua dans sa mâchoire et il s’efforça de desserrer les dents. Ce n’était pas une vue agréable ; tous ces humains, là.

    Il sentit une présence derrière lui avant d’entendre un léger froissement de tissu et un coup sur le cadre de porte.

    Gideon se retourna et vit frère Cadwyr. Il portait la traditionnelle cape noire d’un frère et avait même une tonsure, portée seulement par les plus dévots. Frère Cadwyr se montrait extrêmement dévoué à leur cause et occupait alors le rôle de commandant adjoint de Gideon. Si ce dernier disparaissait, Cadwyr deviendrait le principal responsable. Gideon lui faisait confiance pour ce qui était de suivre à la lettre le programme du Phaendir.

    — Frère Gideon, tout est prêt pour votre voyage.

    — Merci, répondit Gideon, en baissant la tête.

    — Bonne chance, mon frère, et que Labrai soit toujours à vos côtés.

    — Et aux vôtres.

    Frère Cadwyr effectua un grand salut en penchant le buste à partir de la taille, et il maintint cette position pendant un long moment, exprimant ainsi une grande marque de respect. Puis il se retourna et partit. Frère Gideon alla de nouveau à la fenêtre contempler le portail, en tâchant de ne pas songer à ce qu’il était sur le point de faire.

    Les blessures de sa plus récente fustigation, qui avait été un peu plus énergique qu’à l’habitude, lui procuraient une douce douleur à chaque mouvement. Le sang s’égouttait encore de ses poignets, après avoir imprégné les bandages qu’il s’était appliqués.

    L’autoflagellation représentait plus qu’une simple prière à l’intention de son dieu, Labrai ; elle lui permettait de se vider l’esprit, ce qui l’aidait à se préparer aux défis auxquels il faisait maintenant face. Des défis jamais affrontés par un leader du Phaendir auparavant.

    Manifestement, Labrai comprenait que Gideon était en mesure de se charger de la tâche à venir. Il l’avait choisi pour affronter ces difficultés, après tout. Le torse du druide se gonfla de fierté. Lorsque tout serait terminé, il marquerait l’Histoire à titre de l’homme qui aurait changé le cours des choses pour tous les Phaendir.

    Le moment était si proche.

    Gideon leva légèrement le menton et posa les yeux de l’autre côté de la barrière magique qui entourait Piefferburg. Seuls les Phaendir et les fae pouvaient la voir. Aucun œil humain inférieur ne pouvait la percevoir. Aucune de ces fourmis se pressant en ce moment autour de Ville de la Protection n’avait la moindre idée du pouvoir magique de l’essaim Phaendir.

    Il provenait de la foi des Phaendir. Quelque chose d’incassable. Ces murs ne s’effondreraient jamais. Comment le pourraient-ils ?

    Le retard de l’attaque de Piefferburg l’irritait, car il rêvait depuis si longtemps de répandre le sang des fae. Heureusement,

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