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Charme mystérieux: Charme mystérieux
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Livre électronique455 pages6 heures

Charme mystérieux: Charme mystérieux

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À propos de ce livre électronique

La conseillère-comptable Charlotte Bennett n’est pas du genre à perdre la raison. Jusqu’à ce qu’elle soit séduite dans un rêve par un bel homme viril. Dans ce rêve, elle décide de s’abandonner et se laisse mener par le désir et le plaisir. Cependant, elle découvre bientôt que sa nuit de passion inoffensive a des répercussions dangereuses. Le rêve de plaisirs charnels de Charlotte était en fait une illusion magique qui l’a liée indéfiniment à un far contrôlant prénommé Kieran. Sous ses ordres, elle doit trouver le dernier morceau d’une puissante relique. Seule Charlotte connaît l’emplacement du dernier morceau de la bosca fadbh, mais ce renseignement est profondément enfoui dans sa lignée, et le seul moyen de le faire remonter à la surface est d’utiliser un pouvoir magique malicieux.
Forcée de travailler avec le beau Kieran, Charlotte trouve difficile d’ignorer leur chimie séduisante, même s’il porte un sortilège redoutable qui la met elle-même en danger, pouvant rendre cette attirance fatale…
LangueFrançais
Date de sortie5 févr. 2014
ISBN9782897335595
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    Aperçu du livre

    Charme mystérieux - Anya Bast

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    ÉLOGES pour

    CHARME mystérieux

    « Anya Bast est experte pour écrire des histoires qui gardent le lecteur dans… un état de suspense. Sa réputation est bien méritée. »

    Romance Junkies

    « L’atmosphère que crée Anya Bast est complexe, obscure et hautement érotique. »

    — Just Erotic Romance Reviews

    174641.jpg

    Copyright © 2011 Anya Bast

    Titre original anglais : Dark Enchantment

    Copyright © 2014 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec Penguin Group Inc., New York, NY

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Noémie Grenier

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Carine Paradis

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Photo de la couverture : © Thinkstock

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89733-557-1

    ISBN PDF numérique 978-2-89733-558-8

    ISBN ePub 978-2-89733-559-5

    Première impression : 2014

    Dépôt légal : 2014

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    43599.png

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Bast, Anya

    [Dark enchantment. Français]

    Charme mystérieux

    (Magie noire ; 3)

    Traduction de : Dark enchantment.

    ISBN 978-2-89733-557-1

    I. Grenier, Noémie. II. Titre. III. Titre : Dark enchantment. Français. IV. Collection : Bast, Anya. Magie noire ; 3.

    PS3602.A7688D3714 2014 813’.6 C2013-942565-9

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Ce livre est dédié à mes lecteurs. Sans votre loyauté, toutes les histoires et les personnages qui surchargent mon imagination y resteraient à jamais prisonniers et me feraient perdre la tête. Merci de m’écrire par courriel, d’acheter mes livres, de m’envoyer des messages sur Facebook et Twitter et de vous présenter à mes séances de dédicaces avec vos visages aimables et souriants. Je ne peux exprimer à quel point chacun de vous est important pour moi.

    REMERCIEMENTS

    * * *

    Merci à Brenda Maxfield et à Reece Notley d’avoir effectué des lectures critiques et de m’avoir donné leur opinion lorsque j’en avais besoin. Vos commentaires sont précieux pour moi.

    Merci à Axel de Roy d’avoir créé la carte interactive de Piefferburg, accessible sur mon site Web, www.anyabast.com.

    Enfin, comme toujours, merci à ma fille et à mon mari adorés qui me pardonnent les heures passées devant mon ordinateur et la manière détachée avec laquelle je marche parfois dans la maison, perdue dans un autre monde. Je vous aime tous les deux plus que tout.

    UN

    * * *

    Il lui donnait envie d’être vilaine, et Charlotte Bennett n’était jamais vilaine.

    Allongée sur le côté dans son lit, elle ouvrit les yeux tranquillement, les traces d’une aventure nocturne incroyable flânant toujours dans sa tête. Durant toute sa vie adulte, ses rêves s’étaient surtout déroulés en couleurs monotones et ils avaient été aussi intéressants que l’acte de plier des serviettes de toilette. Ce dernier rêve avait été assez réel pour racheter une vie entière de festivals de ronflements en noir et blanc.

    Elle se tourna sur le dos, leva les yeux vers le ventilateur du plafond et poussa quelques gémissements. Apparemment, son corps essayait de lui dire quelque chose. Elle sentait encore des picotements à des endroits qui n’avaient pas picoté depuis très longtemps. Comme elle n’avait pas fait l’amour depuis neuf mois, son rêve n’était pas tout à fait surprenant.

    Cet homme ! Elle n’avait jamais rencontré quel-qu’un comme lui dans la vraie vie. C’était parce que les hommes comme celui dans son rêve n’existaient pas. Son subconscient l’avait probablement fabriqué à partir des héros figurant dans les romans d’amour qu’elle avait lus, ou des personnages qu’elle avait vus dans les films. Les cheveux mi-longs et foncés, la mâchoire prononcée, des yeux bruns pénétrants, des mains qui…

    La sonnerie du téléphone retentit.

    Elle ferma les yeux un moment, le maudissant intérieurement. Quelques minutes de plus à passer blottie sous les couvertures, plongée dans son rêve, auraient été agréables. La réalité était sur le point de lui arracher les vestiges encore palpables de son expérience sensuelle torride, et de l’homme qui la lui avait offerte. Tant pis. Elle n’y pouvait rien.

    Elle se roula dans son lit, attrapa le combiné, puis émit un « oui, allô » endormi et enroué, tout en installant maladroitement ses lunettes sur son nez.

    Silence.

    Charlotte se redressa à demi.

    — Bonjour ?

    — Charlotte ? C’est bien toi ?

    — Harvey ?

    Elle s’assit bien droite, et toutes les traces des saveurs exquises et moelleuses de la nuit furent complètement éradiquées. Prise de panique en songeant à la seule raison pour laquelle son patron l’appellerait un lundi matin, elle jeta un coup d’œil par la fenêtre, réalisant qu’il faisait déjà grand jour, puis regarda le réveil-matin. Des ondes de choc déferlèrent en elle.

    — Est-ce que tout va bien ? Il est…

    Charlotte se tapa le front.

    — Il est dix heures, je ne suis pas au bureau, et je n’ai pas appelé.

    — Euh… oui.

    Elle repoussa les couvertures d’un grand geste et sauta du lit pour atterrir pieds nus sur la froideur du plancher de bois franc.

    — Je ne sais pas ce qui est arrivé. Je suis vraiment désolée ! J’imagine que mon réveil n’a pas sonné. Vous devez croire que je suis une incompétente de première classe.

    Elle fixa son réveil d’un regard accusateur ; il était censé jouer l’« Ouverture 1812 » de Tchaikovsky chaque matin.

    — Ça va, Charlotte, je sais que ça ne vous ressemble pas du tout. Vous n’avez jamais été en retard, pas une seule fois depuis que vous avez commencé à travailler pour nous, ce qui est remarquable, en fait.

    Harvey ricana.

    — Nous savions bien que vous n’étiez pas soudainement devenue dingue ou en train de vous remettre d’une cuite.

    Petit gloussement.

    — Ou que vous aviez eu un rancart qui s’était éternisé et que…

    Charlotte l’interrompit d’un petit rire forcé et s’efforça de ne pas grincer des dents.

    — Oui, évidemment, ce serait complètement dingue de ma part.

    — Bien sûr. Nous voulions simplement nous assurer que rien de grave ne vous était arrivé. Alors, vous allez venir travailler ?

    — Absolument.

    Elle avait manqué seulement deux jours de travail au cours des cinq dernières années. La grippe. Se laver les mains était si important.

    — Je serai là dans une heure au plus.

    — Super, Charlotte. Vous savez bien que nous sommes perdus sans vous.

    Elle sourit, la chaleur du compliment se propageant en elle.

    Il ne lui fallut que peu de temps pour s’habiller, remonter ses cheveux à l’aide d’une barrette et appliquer un peu de maquillage. Elle saisit son sac à main et se dirigea en hâte vers la porte. Il était maintenant près de dix heures trente. Sa boîte de réception se remplissait probablement déjà à vue d’œil.

    Charlotte.

    Elle se figea, une main sur la poignée de porte, alors que la voix grave et frémissante lui caressait le corps comme une douce brise. C’était la voix de l’homme de son rêve et elle provenait… de l’intérieur de sa maison.

    En clignant rapidement des yeux, ce qu’elle faisait chaque fois qu’elle se sentait nerveuse, elle balaya du regard la cuisine à sa gauche et le salon formel à sa droite. Puis, elle regarda furtivement à l’étage, depuis le bas de l’escalier. Tout était calme, silencieux. La maison était vide.

    Elle secoua la tête.

    — Tu es folle, dit-elle tout bas, avant de sortir en vitesse.

    Exactement comme elle l’avait imaginé, les dossiers sur son bureau s’étaient multipliés comme des lapins. Le problème, lorsque vous êtes une employée efficace, c’est que votre patron a énormément confiance en vous ; une épée à double tranchant.

    Elle s’immobilisa un instant dans l’entrée de son espace de travail cloisonné et considéra en soupirant la pile de travail qui l’attendait.

    Puis, elle se rappela résolument que c’était la raison pour laquelle elle avait obtenu sa maîtrise en sciences comptables à l’Université de l’Illinois, se gratifiant d’un avenir dépourvu de vie personnelle par la même occasion. Elle le savait bien ; le poste qu’elle occupait au sein du cabinet d’experts-comptables Yancy et Tate ne correspondait pas au rêve de sa vie, mais c’était le tremplin vers la carrière qu’elle désirait vraiment. Personne ne se faisait offrir l’emploi de ses rêves sur un plateau d’argent, et elle ne faisait pas exception à la règle.

    — Charlotte ?

    Elle sursauta légèrement de surprise et se retourna pour voir Harvey derrière elle.

    — Désolé, dit-il en souriant, transformant ainsi son visage ordinaire en quelque chose de presque attirant.

    Il la dévisagea un moment.

    — Vous portez des lunettes.

    Elle le regarda brièvement, et porta la main à sa monture de lunettes pour la replacer sur l’arête de son nez.

    — Je n’ai pas voulu perdre de temps avec mes lentilles de contact aujourd’hui.

    — Ah, bien… heureux de voir que vous avez pu venir.

    Charlotte entra dans son espace de travail, déposa son sac sur le seul coin libre de son bureau, puis s’effondra dans son fauteuil.

    — Heureuse d’être arrivée.

    — Je suis juste passé pour vous rappeler que nous avons une réunion avec le client à treize heures trente.

    La panique fusa dans les veines de Charlotte au moment où elle se souvint :

    — Tricities, inc. ?

    Harvey hocha la tête d’un air entendu.

    Elle se garda de bondir sur son bureau. Elle avait complètement oublié et il y avait tant à faire !

    — Je serai prête, Harvey.

    Il lui sourit de nouveau.

    — Je sais, Charlotte, j’ai entièrement confiance en vous.

    Charlotte passa donc le reste de la matinée à régler une partie des dossiers qui avaient atterri sur son bureau, et au lieu de sortir déjeuner, elle se prépara pour la réunion avec Tricities.

    Au moment où l’après-midi pointait le bout du nez, elle avait l’impression d’avoir rattrapé son retard et se sen-tait prête à rencontrer le client. Comme il fallait aussi avoir l’air prête, elle se dirigea vers les toilettes, munie de sa pochette de cosmétiques, puis examina son visage dans le miroir.

    — Ouf !

    Sa voix avait fait écho dans la salle vide.

    Avec si peu de maquillage, son visage paraissait blême et creux. Comme elle n’avait pas passé beaucoup de temps sur sa coiffure le matin même, elle arborait un style tout-droit-sortie-du-lit des plus réussis. Elle retira sa barrette, sortit sa brosse de son sac et se mit au travail. Il n’y avait pas grand-chose à faire avec l’épaisse masse de cheveux, sinon de la lisser et d’y remettre la barrette. Une fois la tâche accomplie, Charlotte mit ses lunettes de côté pour s’attaquer à son maquillage.

    Elle fit ensuite un pas vers l’arrière et procéda à un examen critique de sa tenue. Pressée, elle avait choisi un pantalon noir et un chemisier à col boutonné sous un tricot à carreaux, et elle remarqua en fronçant les sourcils que les deux boutons du haut de son chemiser étaient détachés. Elle rectifia l’erreur, remit ses lunettes et posa un regard évaluateur sur l’image que lui renvoyait le miroir. Vaguement mieux. Charlotte tira une dernière fois sur l’ourlet de son tricot pour s’assurer qu’il tombe bien, puis offrit un sourire au reflet de la glace pour s’exercer avant la réunion.

    Après avoir repris sa pochette de cosmétiques sur le comptoir, elle se dirigea finalement vers la sortie.

    Charlotte.

    Elle s’arrêta brusquement, son corps se glaçant de la tête aux pieds. Encore la voix de l’homme dans son rêve. Au travail. Dans la salle de toilettes. Mon Dieu, était-elle en train de devenir folle ?

    Charlotte, viens vers moi.

    Des images défilèrent dans sa tête. Un billet d’avion, destination Ville de la Protection, en Caroline. Un cliché de barrières lourdes et imposantes ; les portes de Piefferburg, si elle se souvenait bien. Elle ne les avait vues que brièvement à l’émission Faelébrités, mais elle crut les reconnaître. Piefferburg représentait l’énorme zone de détention murée dans laquelle les fae avaient été emprisonnés par le Phaendir.

    Les images qui clignotaient dans son esprit étaient accompagnées d’une envie irrésistible de quitter le bureau immédiatement. Rouler jusqu’à l’aéroport tout de suite. Acheter un billet pour Ville de la Protection sans tarder. Elle devait tout à coup se rendre à Piefferburg, coûte que coûte.

    En laissant tomber sa pochette de cosmétiques sur le plancher (l’objet n’avait plus aucune importance ; plus rien n’avait d’importance), elle s’élança vers la porte. Si elle se dépêchait, elle pourrait rejoindre Ville de la Protection dans la soirée.

    — Attends une minute ! dit-elle en s’arrêtant brusquement, les doigts repliés sur la poignée de porte, avant de relâcher l’objet comme s’il la brûlait et d’essuyer sa main sur son pantalon de peur de répandre les microbes.

    Que lui arrivait-il ? Elle ne pouvait partir ; elle devait présenter une évaluation financière à un client. De toute façon, elle n’avait aucune raison de tout laisser tomber pour s’envoler vers Ville de la Protection en Caroline. Encore moins pour aller à Piefferburg.

    Les fae ? Impossible.

    Un frisson lui parcourut l’échine tandis qu’elle se remémorait les cauchemars de son enfance, que les fae avaient hantés. Lorsqu’elle avait six ans, elle se réveillait nuit après nuit, en pleurs, trempée de sueur. Son père venait la réconforter, lui assurait qu’il n’y avait pas de gobelins cachés sous son lit ni de mangeurs de moelle qui l’observaient par la fente de sa porte entrouverte. C’était la période qui avait suivi la mort de sa mère et Charlotte l’appelait en hurlant pour qu’elle vienne la consoler.

    Nuit après nuit, l’enfant criait et se jetait dans les bras de son père et réalisait que sa mère n’était pas là pour la prendre dans ses bras… et ne le serait plus jamais. Le chagrin causé par cette perte pesait toujours lourd dans le cœur de Charlotte, et il lui évoquerait toujours les fae en raison des cauchemars qu’elle avait faits.

    Non, elle ne voulait rien savoir des fae. Ils étaient exactement là où ils devaient être et elle n’avait aucune envie de les fréquenter. Elle était très heureuse de vivre de l’autre côté du pays et rien n’allait la forcer à aller dans cet endroit.

    Pourtant, l’impulsion refusait de la quitter. Elle serra les dents et plissa les yeux pour la repousser. L’envie s’atrophia un peu, puis Charlotte s’affaissa contre la porte. Qu’est-ce qui ne tournait pas rond ? C’était sans doute le rêve. Il avait certainement remué quelque chose dans son subconscient, quelque chose qu’elle devait regarder de près sans le savoir. Trouver la source du problème, le régler, et elle serait en mesure de continuer à travailler normalement. Elle avait besoin d’un peu de temps pour se poser et analyser la situation. Malheureusement, elle n’avait pas de temps devant elle en ce moment.

    Soudainement frappée par une sensation de nausée, elle s’éloigna de la porte et se pencha pour récupérer sa pochette de cosmétiques. À ce moment, Erica, l’une de ses collègues, entra dans la salle de toilettes.

    — Oh, mon Dieu, Charlotte, est-ce que ça va ? souffla Erica, ses grands yeux bleus écarquillés. On dirait que tu vas vomir.

    Charlotte leva les yeux vers le miroir. Son visage pâle avait pris une teinte distinctement verdâtre et elle était couverte d’une fine couche de sueur. Charmant. Elle cligna des yeux rapidement, cherchant quelque chose à répondre.

    Charlotte, tu ne peux m’ignorer. Viens vers moi maintenant.

    L’impulsion s’empara d’elle une fois de plus. La seule chose qui l’empêcha de se jeter sur la porte fut sa détermination. Elle baissa la tête, ferma les yeux et saisit fermement le rebord du comptoir pour s’empêcher de se plier aux désirs de l’homme mystérieux.

    — Charlotte ? Devrais-je appeler quelqu’un ? Est-ce que ça va ?

    Viens maintenant.

    Charlotte se força à ouvrir les yeux et rendit à Erica son regard empreint de panique.

    — As-tu entendu ?

    — Entendu quoi ?

    Erica la regardait, les sourcils résolument froncés, et remuait la tête de gauche à droite.

    — Tu n’as pas l’air de bien aller du tout, Charlotte, tu devrais rentrer, lui recommanda-t-elle avant d’entrer dans une cabine de toilette.

    Rentrer ? En plein milieu de la journée ? Charlotte n’avait jamais fait une chose pareille de toute sa vie. Elle se toucha le front et remarqua qu’elle était chaude, fiévreuse.

    Charlotte.

    Lâchant le comptoir sans se soucier de sa pochette de cosmétiques, elle bondit vers la porte et retourna à son bureau au pas de course. Sa montre lui indiqua qu’il était exactement treize heures vingt. Elle aurait déjà dû se trouver dans la salle de réunion. Elle empila ses documents dans le creux de son bras, puis trottina en hâte vers sa destination.

    CHARLOTTE LILLIAN BENNETT, VIENS VERS MOI.

    L’impulsion inexplicable l’envahit. Charlotte lutta contre elle, mais, cette fois, rien ne semblait pouvoir contenir la vague puissante. Dix fois plus forte qu’elle l’avait été dans la salle de toilettes, cette pulsion était maintenant impossible à refouler. Juste devant les portes doubles de la salle de réunion, Charlotte laissa tomber tous ses documents.

    Partir. Oui, c’est exactement ce qu’elle devait faire. Harvey serait en mesure de s’entretenir avec le client en solo. Il avait tout le dossier financier et pourrait très bien conseiller Tricities. Elle devait partir pour Piefferburg sans tarder.

    Les lourdes portes en bois de la salle de réunion s’ouvrirent et Harvey sortit la tête, considérant le désordre de papier sur le plancher avant de dévisager son employée.

    — Charlotte ?

    Des paroles persuasives s’écrasèrent dans le fond de l’esprit de la comptable. Dis-lui que tu as reçu un appel urgent du Conseil de commerce de Piefferburg et que tu dois partir immédiatement.

    Elle se pencha pour ramasser les documents à la hâte.

    — Je viens juste de recevoir… un appel. Je dois partir. Je suis désolée, Harvey.

    Sur ce, elle se releva, puis s’éclipsa.

    Elle s’arrêta, l’espace d’une seconde, pour larguer les documents sur son bureau et attraper son sac à main, puis se rendit à sa voiture et conduisit d’une traite jusqu’à l’aéroport. Dans sa tête tournait le refrain « mais qu’est-ce que je fais ? ». Malgré tout, rien ne put l’empêcher de tendre sa carte de crédit à l’employée du comptoir de service de La Transnationale pour obtenir une place sur le prochain vol vers Ville de la Protection.

    La femme la regarda avec un sourire blafard plaqué sur le visage.

    — Avez-vous des bagages à enregistrer ?

    Charlotte regarda à côté d’elle comme si une valise pouvait y être apparue par magie.

    — Non.

    Elle n’avait rien emporté. Pas de vêtements de rechange, pas d’articles de toilette. Elle avait même laissé ses vitamines derrière elle, zut. Une magie fae était indéniablement à l’œuvre. L’idée la terrifia presque autant qu’elle la mit en colère. Et si elle devait prendre un médicament dont son bien-être dépendait ? Ou qu’elle avait eu un animal de compagnie à la maison ? Ou des enfants !

    La magie fae. L’effroi fit perler des gouttes de sueur froide sur son front.

    La dame remit à Charlotte sa carte d’embarquement et la voyageuse passa bientôt la sécurité pour aller trouver sa porte d’embarquement. Elle s’écroula sur une chaise et fixa l’avion garé de l’autre côté des fenêtres, chacune des fibres de son être frémissant d’envie de s’envoler maintenant pour arriver à Piefferburg le plus vite possible.

    Son père l’étranglerait s’il savait ce qu’elle était en train de faire. Que son esprit soit ou non sous l’effet de la magie fae, son père l’écorcherait vive. Sa famille avait connu un passé sombre et sordide avec les fae, et toute son enfance, on lui avait raconté des histoires soulignant leur caractère perfide. « Garde-toi de fréquenter les fae », l’avait prévenue son père. « Ne t’approche pas de Piefferburg, sous aucun prétexte », avait-il insisté. « Ne te laisse pas séduire par les images attirantes présentées par Faelébrités. Les fae sont mauvais. Diaboliques. »

    « Le seul fae qui puisse être bon est un fae mort », étaient des paroles qu’on avait souvent scandées dans sa famille.

    Quant à Charlotte, son opinion était beaucoup plus mitigée que celle de son père. À ses yeux, tout n’était pas tout blanc ni tout noir. Les HLF, les Humains pour la liberté des fae, proposaient des arguments de taille. Bien sûr, elle ne partagerait jamais ce point de vue avec son père. Surtout parce que son père dirigeait les HICF, les Humains pour l’incarcération continue des fae ; l’opposition des HLF. Les HICF versaient des sommes colossales au Phaendir et l’aidaient à faire pression sur le Congrès pour qu’il définisse une loi qui garderait les fae exactement où ils se trouvaient.

    Charlotte incendia l’avion du regard. Elle n’avait aucune idée de ce qui lui arrivait, mais lorsqu’elle le trouverait, il allait le payer cher. Évidemment, ce n’était que la peur qui parlait. Elle savait trop bien qu’elle n’était pas de taille à leur en faire baver. Le plus faible des fae était vingt fois plus fort qu’elle.

    Et cet homme en particulier était, en effet, très fort.

    Son esprit vagabonda vers son rêve de la veille. Au moment où elle s’était réveillée, elle avait cru qu’il ne s’agissait que d’un rêve clair, tangible, mais inoffensif. Elle avait réalisé tous ses fantasmes avec cet homme sensuel, et maintenant elle avait l’impression…

    Oh, mince… La vérité la frappa de plein fouet.

    Son rêve était tout, sauf inoffensif, et l’homme avec lequel elle avait commis ces actes érotiques était probablement réel. C’était sûrement lui qui la tenait en laisse en ce moment, qui la tirait si violemment vers lui.

    Elle leva une main fébrile pour la poser sur l’encolure de son tricot. Les choses qu’elle avait faites dans ce rêve…

    Un homme drapé du costume traditionnel du Phaendir s’assit devant elle. Bon nombre des membres de la secte de druides aux pouvoirs magiques portaient des vêtements ordinaires, des complets foncés, des pantalons habillés et des polos. Il était habituellement impossible de distinguer un Phaendir d’un homme ordinaire, mais celui assis en face d’elle était vêtu d’une robe de moine.

    La main toujours posée sur l’encolure de son tricot, elle lui offrit un timide sourire, qu’il lui rendit accompagné d’un regard sévère. Presque comme s’il lui disait qu’il savait ce qu’elle avait fait la nuit précédente.

    Charlotte s’enfonça discrètement dans sa chaise et détourna le regard.

    Les Phaendir étaient tous des hommes et la plupart étaient grands et imposants. Et il était impossible d’ignorer leur magie puissante. Leur pouvoir était assez fort pour garder tous les fae du monde emprisonnés. Les Phaendir méritaient le plus grand respect et il valait mieux ne pas se moquer d’eux.

    Pourtant, Charlotte s’apprêtait à leur manquer de respect, et à se moquer d’eux, en prime.

    Comment était-elle censée obtenir la permission d’entrer dans Piefferburg ? Jusqu’à récemment, n’importe quel humain pouvait entrer à ses propres risques, mais maintenant que Gideon Amberdoyal était devenu directeur de l’Arche du Phaendir, tous les visiteurs devaient obtenir sa permission, après qu’il eût examiné minutieusement leurs antécédents.

    Tu n’as qu’à mentir.

    Elle cligna des yeux plusieurs fois.

    — Je vous demande pardon ?

    Le Phaendir leva vivement les yeux sur elle, puis les ferma à demi en l’observant.

    Le geste lui fit penser à un faucon qui viendrait tout juste d’apercevoir une souris bien juteuse.

    Ne dis rien tout haut. Parle-moi dans ta tête.

    Ses pensées tournoyèrent dans son esprit, l’espace d’un instant. Elle enfonça les dents dans sa lèvre inférieure. Finalement, elle osa.

    Vous êtes réel ?

    Aussi réel que toi.

    Oh, mon Dieu. Vous êtes un fae ?

    Pause.

    Connais-tu des humains qui sont capables de télépathie à distance et d’invasion de rêves ?

    Charlotte ne répondit rien pendant une minute, réfléchissant à tout ce qui lui arrivait et essayant très fort de garder son calme en face du Phaendir.

    Lorsque tu arriveras à Ville de la Protection, il sera très tard. Trouve un magasin pour acheter une valise, des vêtements et des articles de toilette. Trouve un hôtel où passer la nuit. Au matin, rends-toi au Siège social du Phaendir et demande la permission d’entrer dans Piefferburg.

    Que vais-je leur dire ?

    Dis-leur que la société pour laquelle tu travailles mène un projet pour le Conseil de commerce de Piefferburg et qu’on t’a demandé de venir travailler sur place ; ils ont besoin d’aide avec leur système comptable et d’autres aspects de leur gestion. Dis-leur que tu devras y passer un certain temps, au moins deux semaines, afin de réaliser le projet en entier.

    Elle s’efforça de ne pas réagir physiquement aux mots de l’inconnu mystérieux.

    Deux semaines ? Je ne peux m’absenter deux semaines de mon travail. De toute façon, le Phaendir vérifiera ce que je leur dis et découvrira que je mens.

    Nous avons tout prévu.

    Qu’est-ce que c’était censé vouloir dire ?

    Que se passe-t-il ?

    Pause.

    Allez-vous me faire du mal ?

    Aucune réponse ne se fit entendre dans sa tête avant un très long moment.

    Nous ne prévoyons pas de te faire du mal.

    Ce n’était pas exactement rassurant.

    Je vous déteste du plus profond de mon être.

    Même dans son esprit, sa réponse trembla d’émotion.

    Silence.

    DEUX

    * * *

    Assis à son bureau, frère Gideon P. Amberdoyal fixait Charlotte de ses yeux bruns vitreux. Mince, de taille moyenne, monsieur Amberdoyal n’avait pas du tout la silhouette imposante à laquelle on se serait attendu, vu son poste impressionnant. En fait, il était beaucoup plus court et mince que la plupart de ses frères Phaendir. Avec ses cheveux clairsemés et son complet gris bon marché, il rappelait à Charlotte un vendeur de voitures usagées plutôt qu’un chef de Phaendir, l’un des groupes les plus puissants au monde.

    Elle avait rencontré son prédécesseur, frère Maddoc, lors d’une collecte de fonds que les HICF avaient tenue pour le compte du Phaendir, quelques années auparavant. Au départ, elle n’avait pas voulu y assister, mais son père l’avait si bien culpabilisée à ce sujet, qu’elle avait fini par y aller. À cette époque, le directeur de l’Arche était de carrure beaucoup plus imposante et avait bien plus de charme que le chef qui se trouvait maintenant devant Charlotte.

    Elle lui sourit poliment.

    — C’est un honneur de vous rencontrer, monsieur Amberdoyal.

    Il lui adressa un sourire froid, puis ses yeux brun terne s’allumèrent dangereusement, l’espace d’une seconde. Le sourire de Charlotte s’évanouit. Ah, il y avait donc de la force derrière cet humble visage.

    — Votre père est l’illustre Jacob Arthur Bennett, dirigeant des HICF. C’est un honneur de vous rencontrer, mademoiselle Bennett. C’est toujours agréable de rencontrer des humains qui accordent une grande importance à notre cause.

    — Elle est importante à mes yeux, en effet.

    Peut-être pas aussi importante que pour mon père, par contre.

    — Toute ma famille est très reconnaissante envers le Phaendir. Je ne suis pas certaine que les ancêtres de mon père auraient survécu si le Phaendir n’était pas intervenu au XVIe siècle en créant Piefferburg. En fait, je ne serais peut-être même pas assise ici si vous n’aviez pas emprisonné les fae.

    — Oui.

    Posant les coudes sur son bureau, le directeur de l’Arche accola le bout de ses doigts.

    — Votre père m’a raconté.

    Charlotte frémit et baissa les yeux vers ses genoux.

    — Vous pouvez me croire si je vous dis que je n’ai aucune envie de passer du temps parmi eux.

    Jusqu’à maintenant, elle disait la vérité, mais les mensonges n’allaient pas tarder à venir. La persuasion magique poussait très fort contre sa volonté depuis la veille. Frère Gideon afficha de nouveau son sourire à la fois dur et dangereux, puis il se pencha vers elle par-dessus son bureau.

    — C’est pour cette raison que je trouve votre demande si curieuse. Pourquoi une personne avec un passé comme le vôtre accepterait-elle de prendre en charge un projet qui la jetterait au beau milieu de la ville de Piefferburg pour deux longues semaines ? Pourquoi n’avez-vous pas demandé à votre employeur d’envoyer quelqu’un d’autre ?

    La vague de compulsion qui s’éleva en Charlotte fut si forte que lorsqu’elle ouvrit la bouche pour dire à Gideon la vérité pure, aucun mot n’en sortit ; que des petites bouffées d’air.

    Frère Gideon l’étudia avec des yeux de myope.

    — Désolée, je me sens un peu dépassée par les événements en ce moment.

    Elle cligna des yeux plusieurs fois, puis afficha un nouveau sourire.

    — Je ne suis pas enthousiaste à l’idée, mais c’est mon travail et j’espère recevoir bientôt une promotion. Je ne pouvais pas refuser ce projet, pas à ce point-ci de ma carrière. Vous pouvez appeler mon supérieur si vous avez des doutes quant à mes intentions.

    Elle ouvrit son sac à main, en retira une carte professionnelle et la tendit au Phaendir.

    Elle espérait qu’il fasse l’appel. Son patron lui dirait la vérité ; il ne lui avait jamais assigné un tel projet spécial, et elle pourrait d’une façon ou d’une autre sortir de ce bourbier. Même si elle finissait en prison ou à l’asile, elle préférait n’importe quoi à Piefferburg.

    Le directeur prit la carte, la lut attentivement, puis la mit de côté. Lorsqu’il leva le bras, elle remarqua une zone de peau épaisse et marbrée sous le revers de sa manche. Du tissu cicatriciel, probablement. Charlotte savait que les plus pieux des Phaendir pratiquaient l’autoflagellation. Apparemment, cet homme était particulièrement dévot.

    En léchant ses minces lèvres, il posa de nouveau les mains en temple sur son bureau et leva son regard vers celui de Charlotte.

    — Je ne peux voir aucun autre motif à votre entrée dans Piefferburg, mademoiselle Bennett. J’ai la certitude, après avoir effectué une vérification très rigoureuse de vos antécédents, que vous n’avez aucune relation avec les HLF, surtout parce que vous êtes la fille de Jacob Bennett.

    Charlotte secoua la tête pour confirmer ses dires.

    — Non, en effet.

    Le frère sourit.

    — Vous comprenez toutefois que nous devons être extrêmement prudents de nos jours. Mon prédécesseur, frère Maddoc, a permis aux fae de récupérer plusieurs objets anciens dotés de magie, et qui pourraient leur être utiles. C’est la raison pour laquelle nous avons fouillé vos bagages et votre sac à main lorsque vous êtes arrivée, ce matin.

    — Oui, je suis au courant. J’ai lu plusieurs articles à ce sujet dans les journaux. Les fae pourraient briser votre mur de garde et s’enfuir.

    Un frisson lui parcourut l’échine au moment où elle imagina cette scène.

    Elle n’était pas la seule personne effrayée par cette idée. Après la publication de la nouvelle, les humains s’étaient rués sur le matériel et les denrées de survie, de même que sur les armes pouvant être utilisées contre les fae. Des choses comme un produit répulsif contre les gobelins, un produit de dissuasion des calottes rouges et de gros fusils pouvant arrêter à peu près n’importe quoi d’un seul tir. Son père gardait même un sabre de fer enchanté dans sa bibliothèque en prévision d’un tel événement, une arme qui lui avait coûté plus de cinquante mille dollars.

    Les médias avaient, bien sûr, fait tout un battage pour stimuler l’hystérie.

    Gideon afficha un air tout à fait sérieux.

    — Non, mademoiselle Bennett, il n’y a aucun risque qu’une chose pareille se produise. Pas sous ma garde.

    Charlotte hocha la tête.

    — Je vous crois.

    — Mais afin de prévenir un événement du genre, nous devons passer en revue chaque personne désirant visiter Piefferburg. Les méthodes de mon prédécesseur étaient trop laxistes et certaines personnes qui auraient dû être arrêtées ont réussi à s’infiltrer. Nos procédures ne visent pas à offenser qui que ce soit.

    — Je ne suis pas du tout offensée.

    Une image de l’un de ses cauchemars lui vint furtivement en tête : la bouche ouverte et ensanglantée d’une calotte rouge.

    — Je suis heureuse de constater que de telles mesures de sécurité ont été mises en place.

    Il lui sourit et prit la carte professionnelle.

    — Je suis heureux que vous compreniez.

    Puis il tendit le bras pour saisir le combiné.

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