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L'homme qui murmurait à l'oreille des lions: Ma vie parmi les grands félins d'Afrique
L'homme qui murmurait à l'oreille des lions: Ma vie parmi les grands félins d'Afrique
L'homme qui murmurait à l'oreille des lions: Ma vie parmi les grands félins d'Afrique
Livre électronique342 pages5 heures

L'homme qui murmurait à l'oreille des lions: Ma vie parmi les grands félins d'Afrique

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À propos de ce livre électronique

Dans son premier livre, le soigneur de lions et comportementaliste animalier Richardson, instance populaire sur YouTube, raconte l’histoire de sa vie et de son itinéraire professionnel, et parle de la capacité insolite qu’il possède pour gagner la confiance de fauves tels que les lions et les hyènes.

Au cours de son travail dans le Lion Park en Afrique du Sud et dans la réserve du «Parc du royaume du lion blanc», Richardson fut accepté comme un frère par quelques-uns de ses lions, «parfois même comme un père … par d’autres comme un ami, et par le reste des lions comme une connaissance.» Sud-Africain natif, Richardson entretient un contact libre avec ses lions; même s’il lui est déjà arrivé de se faire attaquer, il pense que son «histoire d’amour à vie avec le danger» est liée à sa capacité à rester cool. Bien qu’au début de sa carrière il ait failli être déchiqueté, il s’exprime ainsi: «Que faites-vous lorsque qu’un lion essaie de vous dévorer? Tout ce qui vous passe par l’esprit.»
Après avoir quitté l’université, Richardson rencontra Rodney Fuhr du Lion Park, situé en périphérie de Johannesburg, et, d’entraîneur en conditionnement physique pour le personnel, y devint dresseur d’animaux à plein temps et cinéaste.

Cette histoire d’aventures constitue un captivant récit d’une jeune vie en Afrique et permet une étonnante plongée dans l’âme des plus belles et des plus dangereuses créatures d’Afrique. Avec de nombreuses photos couleur.
LangueFrançais
ÉditeurUnimedica
Date de sortie4 oct. 2019
ISBN9783944125138
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    Aperçu du livre

    L'homme qui murmurait à l'oreille des lions - Kevin Richardson

    mienne.

    Préface

    Tsavo

    Il avait été baptisé Tsavo, du nom de cette région dans laquelle deux lions mangeurs d’hommes avaient dévoré des douzaines d’ouvriers travaillant à la construction du chemin de fer reliant Mombasa, ville portuaire du sud du Kenya, au cœur de l’Afrique coloniale.

    Tsavo était venu d’un Lion Park autre que celui dans lequel je travaillais et il avait connu un passé très difficile. J’éprouvais beaucoup de pitié pour lui : un lion sans griffes est comme un homme sans doigts ! Il avait beaucoup de mal à manger et sa démarche était devenue maladroite tant les coussinets de ses pattes étaient scarifiés et calleux. Son empreinte, du moins les traces qu’il laissait dans la poussière, n’était pratiquement plus identifiable comme celle d’un lion. Pour moi, tout ce qu’il avait subi était d’une telle ignominie que je voulais faire quelque chose pour changer sa vie.

    Il n’avait qu’environ trois ans, mais il était déjà grand pour son âge. Il devait peser cent-quatre-vingts kilos et avait une belle crinière bien fournie. Un lion âgé de deux ou trois ans est un peu comme un adolescent. Il entre dans la puberté, ses hormones sont en ébullition et il croit tout savoir ! Il refuse d’écouter les bons conseils et est prêt à défier le monde entier. J’étais un peu comme lui quand j’étais pubère !

    Tsavie, comme je l’appelais de temps à autre, était en fait un lion plutôt gentil. J’avais l’habitude de lui dire bonjour à travers la clôture quand je me trouvais dans l’enclos voisin avec Tau et Napoléon, deux lions plus jeunes que j’avais vus grandir. Tsavo avait l’habitude de s’approcher pour courir à côté de nous quand je jouais au football avec ces deux derniers.

    Nous sommes devenus amis au fil des mois qu’il a passés au Lion Park, mais il y avait toujours quelque chose qui clochait avec lui.

    Un dimanche, ma famille vint au Lion Park d’Afrique du Sud, à Muldersdrift, dans la périphérie nord de Johannesburg, pour fêter le huitième anniversaire de mon neveu Nicholas. Je me souviens que quand j’étais petit, le Lion Park était encore situé à la campagne, loin du périmètre urbain. Maintenant, les hommes vivent pratiquement sur le pas de la porte des lions. S’appropriant de plus en plus d’espaces verts, l’extension de Johannesburg vers la périphérie avait été considérable, contrastée par des ensembles résidentiels luxueux entourés de murs, et des bidonvilles repoussés plus en arrière. Les Sud-Africains fortunés se réfugient dans ces résidences fortifiées afin d’échapper à la criminalité notoire de la ville ; à côté d’eux, leurs domestiques et jardiniers vivent dans des cabanes de fortune de tôle et de carton qui forment ces bidonvilles comme celui situé de l’autre côté de la route longeant le parc.

    Les visiteurs du Lion Park peuvent communiquer avec les lionceaux et observer de près des hyènes, des guépards, des chiens sauvages, des léopards et d’autres prédateurs. Ils peuvent ensuite traverser les grands enclos en voiture pour aller à la rencontre des lions et autres mammifères tels que girafes, gnous et impalas en semi-liberté. C’est un avant-goût du bush africain, avec le bourdonnement du trafic urbain, et en arrière-plan, les immeubles de Johannesburg. Nous nous étions tous entassés dans l’un des camions que nous utilisions pour les circuits dans les réserves : ma mère, ma sœur et mon beau-frère, mes neveux et nièces, plus quelques oncles et tantes.

    Ces camions ressemblent à des cages mobiles sur roues avec un treillis métallique soudé sur les côtés pour protéger les passagers des lions et vice-versa.

    Après plusieurs arrêts pour prendre des photos de quelques adorables lionceaux, nous repartîmes pour faire le tour du reste du parc, avec moi pour guide.

    À cette époque, je ne savais que fort peu de choses au sujet des lions mais je croyais en savoir beaucoup. Je ne travaillais pas à plein temps dans le parc, mais l’on me faisait suffisamment confiance pour me laisser entrer dans leurs enclos. Contrairement aux autres personnes côtoyant des animaux dangereux, je n’entrai jamais dans un enclos armé d’un bâton.

    « T’es dorf, mon vieux » disaient les gens. Je ne pensais pas être fou, simplement parce que je n’avais pas besoin d’un bâton pour tisser des liens avec un animal. À cette époque déjà, je passais pour un original – non-conformiste – et j’étais réputé pour ne pas suivre les méthodes conventionnelles dans mes relations avec les animaux. Avec des lions comme Tau et Napoléon que je considérais comme mes frères, j’avais développé une relation basée sur la confiance et le respect. Je les connaissais depuis qu’ils n’avaient que six ou sept mois, et je me suis toujours considéré comme l’un des leurs, à leur niveau, dans l’herbe, et non pas comme leur maître maniant bâton ou fouet.

    Si vous utilisez un bâton en travaillant avec un animal, il vous faudra le lâcher à un moment ou à un autre. Comme je le disais à mes détracteurs, « de toute façon, à quoi vous servirait un bâton si un lion vous attaquait vraiment ? »

    C’était l’une de ces magnifiques journées d’automne sur le Highveld sud-africain. Un grand ciel bleu s’étirait sans fin et malgré le soleil, l’air était frais et vif. L’herbe était encore un peu verte, mais virerait bientôt au jaune doré après un long hiver marqué par la sécheresse. Toute la famille passait un moment agréable pendant cette sortie et, du camion, observait l’oncle Kevin pénétrer dans l’enclos de Tau et Napoléon pour communiquer avec ses deux lions. Je les embrassais et nous frottions nos têtes l’une contre l’autre en guise de salutations. Pour que ma famille puisse en voir un peu plus, je donnai le coup d’envoi d’un petit match de football. À cette époque, je pensais qu’il était bon de proposer un bon spectacle aux visiteurs.

    Quand les gens me demandent ce que l’on ressent quand on serre un lion contre soi, le premier mot qui me vient à l’esprit est « puissance ». Non pas mon pouvoir sur un animal, mais une force à l’état pur qui émane de ces animaux, surtout maintenant que Tau et Napoléon sont adultes.

    C’est comme appuyer sur la pédale d’accélérateur d’une voiture équipée d’un moteur V8 ! Vous n’avez pas besoin de voir le moteur en action, vous pouvez le sentir. Vous pouvez l’entendre. Quand vous touchez la peau d’un lion, vous sentez surtout des muscles ; il n’y a pas le moindre gramme de graisse. Quand il vocalise, ou mieux, quand il rugit, vous sentez les vibrations traverser votre corps. Puis, il y a leur poids. Même jeunes, Tau et Napoléon étaient passablement lourds, mais maintenant, ils pèsent près de trois cents kilos chacun. Lorsque vous voyez une patte de près et que vous essayez de la soulever, vous soulevez également tout l’avant-bras qui est aussi large que la patte. C’est lourd et suffisamment puissant pour abattre un grand buffle de Cafrerie !

    L’odeur d’un lion dépend essentiellement de son activité et de son alimentation. La chose la plus surprenante au sujet des lions est le fait qu’ils ne se baignent jamais. Le seul moment où ils sont propres, c’est sous une pluie battante. Malgré tout, ils ne sentent jamais mauvais. Ils ont une odeur unique qui m’est si familière que je ne trouve pas les mots pour la décrire. Mandy, mon épouse, dit que je ne la sens plus, ce qui n’est pas son cas ! Pour moi, c’est comme un mélange d’odeurs d’animaux domestiques, mais pas désagréable comme l’odeur âcre de l’urine de chat ou celle d’un chien mouillé.

    Pour maintenir leur poil en parfait état, ils excrètent une substance huileuse derrière leurs oreilles. Ces poils noirs derrière les oreilles que vous pouvez voir quand vous regardez un lion de très près sont en fait la partie que je préfère. Ils sont très doux, presque soyeux. La texture des poils sur l’ensemble du corps est variable comme chez les humains, en fonction de l’endroit où ils poussent. Sur le dos, ils sont plus drus et plus denses, comme chez le chien, alors que sous le ventre et à l’intérieur des pattes, le pelage est plus doux. La crinière du mâle est raide – il faut qu’elle puisse se dresser.

    « Comment ressens-tu le fait d’être capable de communiquer avec un lion ? » m’a demandé l’un de mes proches, tout comme l’ont déjà fait beaucoup de gens du parc lorsque nous prenions un verre ensemble.

    Je ne trouve pas meilleure réponse que de comparer les lions à des amis avec qui il est agréable de pouvoir bavarder autour d’un verre après une journée de travail bien remplie. Lorsque la journée a été pénible et que je vais m’asseoir avec les lions, sans dire un mot, j’en ressors requinqué et c’est reparti ! Il en est de même avec les hyènes, les léopards et les autres animaux avec lesquels je vis. Mandy dit qu’à chaque fois, j’en reviens comme un homme neuf.

    Mais revenons à mon histoire… Après ce premier spectacle avec les jeunes lions joueurs que sont Tau et Napoléon, je me dirigeai vers l’enclos voisin, où vivait Tsavo, le plus grand et plus vieux lion.

    « Tsavie ! Viens Tsavie » lui dis-je. Je regardais ma famille par-dessus mon épaule et leur fis un signe de la main en souriant.

    Au lieu de me répondre comme d’habitude quand je l’appelle, en s’approchant de la clôture, Tsavo restait à l’autre bout de son enclos. Même à mes tout débuts dans ce travail avec les lions, je m’étais imposé quelques règles de base lorsque j’étais en présence de prédateurs. Ma règle de conduite avec Tsavo consistait à ne pas le rejoindre dans son enclos s’il ne venait pas vers moi quand je l’appelais. Sa réticence m’indiquait clairement qu’il désirait rester seul.

    Mais toute ma famille était là à me regarder, attendant impatiemment la suite du programme. Je ne pouvais guère retourner au camion et leur dire « Désolé, le show est terminé, » la déception aurait été trop grande après toutes mes pitreries avec Tau et Napoléon !

    « Viens, Tsavie ».

    À cette époque, je voulais surtout plaire aux gens et leur montrer la relation privilégiée que j’entretenais avec les lions. Je voulais enseigner aux visiteurs encore plus de choses sur ces animaux majestueux. Certains jours pourtant, j’étais mal à l’aise en présence d’un public quand j’étais avec mes amis Tau et Napoléon, comme si les lions se comportaient eux aussi de manière différente face à un public ! Malgré tout, je m’en sortais toujours sans incident. Ce jour-là, cependant, je ressentis une sorte de tension indéfinissable, semblable à celle que j’avais éprouvée lorsque d’autres visiteurs étaient venus au Lion Park.

    « Tsavie, Tsavie, Tsavie, viens mon garçon ! »

    Je me retournai encore une fois vers ma famille toujours dans l’attente de la suite. Cela devait être le bouquet final de toute leur expédition : le grand lion mâle et moi ! Je franchis la première clôture, puis la seconde, et ouvris la porte entrant d’un pas décidé, bien que je me sentis mal à l’aise et gêné.

    Tsavo, toujours à l’autre extrémité de l’enclos, me fixait. Je m’approchai de lui tout en longeant la clôture. Arrivé à mi-chemin entre la porte et le lion, je l’appelai encore une fois, d’une voix plus ferme qu’auparavant : « Tsavo ! Viens, mon garçon. »

    Ses oreilles se couchèrent. La peau sur sa tête se tendit et il grogna. Tout son corps se hérissa comme le font les lions quand ils ne jouent plus. C’était comme s’il était debout sur la pointe de ses pattes pour paraître encore plus grand et plus impressionnant qu’il ne l’était en réalité ! Puis, il chargea.

    Tsavo fonça sur moi à une telle vitesse que je n’aurais pas eu la moindre chance de sortir de l’enclos même en courant comme le vent. Je ne pouvais que rester sur place, à attendre ce qui allait se passer. J’ai appris plus tard que ma famille avait cru que tout cela n’était qu’une mise en scène. « Ouah, c’est super cool ! » avait dit l’un des enfants sur le camion.

    Tsavo s’arrêta à deux pas de moi en soulevant un nuage de poussière et d’herbe, puis il se dressa sur ses pattes arrière ; à cet instant, il mesurait environ deux mètres cinquante. Je ne suis pas particulièrement grand mais face à Tsavo qui me cachait le ciel, je ressemblais à un nain. D’un coup de sa grosse patte calleuse, il frappa vers le bas pour atteindre mon visage.

    Au cours de mon adolescence quelque peu agitée, je me battais assez souvent, mais Tsavo venait de me flanquer la claque la plus violente de ma vie. Imaginez la taille de la patte et la force qu’elle représente ! Elle était d’une puissance équivalente à trois poings frappant en même temps. Sous l’impact, une giclée de sang jaillit de mon nez, arrosant mon épaule et ma chemise. La force et l’énergie du coup étaient telles que je fus projeté en arrière, seule la clôture m’empêcha de tomber.

    Je ne me souviens plus vraiment très bien de la suite – s’il m’a traîné ou si j’ai roulé pour échapper à ce qui allait suivre – mais à la fin, nous nous sommes retrouvés au milieu de l’enclos, j’étais sur le dos avec Tsavo plus ou moins à califourchon sur moi.

    « J’ai peur que Kevin ait des problèmes » fit remarquer ma sœur Corinne à mon beau-frère Trevor, toujours sur le camion.

    « Non, tout va bien pour Kev. Il sait ce qu’il fait ! » Il me révéla plus tard qu’à ce moment-là, il n’avait pas vu le sang couler de mon visage. Ils pensaient que cela faisait toujours partie du spectacle mais une chose pareille ne m’était jamais arrivée auparavant : subir la rage et la force d’un lion mâle en colère.

    Tsavo se mit à me mordre. Il enfonça ses canines dans ma jambe et quand il releva sa tête pour mordre à nouveau, je saisis de ma main sa joue pour la pousser vers l’intérieur de sa gueule, entre ses dents, de manière à ce qu’il ne puisse plus me mordre sans se mordre lui-même. Je n’avais jamais entendu parler de cette technique, c’était purement instinctif. Que feriez-vous si un lion essayait de vous manger ? Tout ce qui vous traverse l’esprit !

    Il était si lourd que je ne pouvais pas bouger et pendant un moment, nous étions comme Tom et Jerry – un chat jouant avec une souris. Si la souris bouge, le chat attaque, mais si la souris se tient tranquille, le chat s’en désintéresse, du moins temporairement. Je ne bougeais pas d’un poil ; Tsavo finit par perdre patience et m’attaqua une nouvelle fois. Il me mordit à la jambe, au mollet et à l’épaule, mais à chaque fois que je poussais la peau de sa joue entre ses dents, il relâchait sa prise.

    Tsavo avait les canines tellement écartées qu’elles se refermaient de chaque côté de mon bras sans le toucher. Ma jambe, par contre, plus large, lui permit à nouveau de planter ses crocs, à travers mon pantalon.

    J’étais donc étendu dans la poussière, couvert de sang. Ma famille descendue du camion courait vers la clôture en criant ; elle avait finalement compris que ce qui se passait ne faisait pas partie du spectacle et que l’oncle Kevin avait toutes les chances d’y passer. Cela m’a semblé durer une éternité mais peut-être n’étaient-ce que quelques secondes.

    Le lion abaissa sa tête massive et hirsute vers mon aine et passa l’une de ses dents jaunies et courbées sous la solide ceinture de cuir de mon pantalon. Alors qu’il me soulevait ainsi du sol, mon dos se courba et je pensai : « Oh merde ! C’est fini… »

    Chapitre 1

    L’homme aux oiseaux d’Orange Grove

    J’ai passé mon enfance à me faire faire des points – pas de ces points de côté que l’on attrape à force de trop rire, mais de ceux que le docteur utilise pour les sutures. Maman avait l’habitude de dire que je me battais avec la vie ; c’était une petite futée, ma mère ! Il y avait quelque chose de sauvage en moi, c’est sûr. En repensant à mon enfance, il est maintenant facile pour moi de voir dans tout ce que je faisais, le lion courageux, la hyène ricanante et l’éléphant voyou.

    J’aimais la nature, mais là où j’ai grandi, mon morceau d’Afrique se limitait à quelques pâtés de maisons dans la banlieue bourgeoise blanche d’Orange Grove dans le nord de Johannesburg. J’y ai grandi à l’époque de l’apartheid, au milieu de rangées de maisons bien alignées, de rues bien droites, de jardinets proprets, avec des chiens qui aboyaient et des chats qui miaulaient. Pas vraiment la savane peuplée de troupeaux d’antilopes bondissantes, d’éléphants barrissants ou de lions guettant leur proie. Ce n’était que la banlieue, mais elle pouvait être tout aussi dangereuse que la brousse.

    L’école appelait constamment Maman pour lui dire que je m’étais blessé, ou alors, j’arrivais à la maison couvert de sang. Je n’étais pas du genre à faire les choses à moitié : si je me coupais, je n’étais pas loin de perdre un bras ou une jambe. Je passais à travers les tables en verre, tombais de mon vélo, et chutais des arbres dans lesquels je grimpais, bref, je faisais tout ce qui fait pleurer les mamans.

    Un jour, le docteur dit à ma mère : « Nous devrions acheter une machine à coudre pour le petit Kevin, pour qu’il puisse recoudre ses plaies lui-même, qu’en dites-vous, Patricia ? » Le docteur et moi nous voyions si souvent que nous étions comme de vrais copains. Je commençais par rire, puis grimaçais de douleur alors que l’aiguille redoutée s’enfonçait dans ma peau, encore et encore et encore.

    Je me souviens d’une de mes premières mésaventures : mon exploit avec le vélo de course grand modèle de mon voisin ! J’avais tout juste trois ou quatre ans, mais je pense que ce fut le point de départ de ma passion pour les situations dangereuses et les deux roues : je pratique des sports extrêmes, je pilote des avions de tourisme, et je gagne ma vie en jouant avec des lions. Je possède une vieille moto Triumph Bonneville modèle 1969, et j’adore conduire des superbikes sur des circuits. Mon héros est le champion de moto italien Valentino Rossi, et bien que je ne puisse pas aller aussi vite qu’il roule, j’ai probablement eu autant d’accidents que lui.

    Je mourais d’envie de monter sur ce vélo, mais j’étais trop petit pour atteindre les pédales. Mon voisin eut pitié de moi et m’emmena faire un tour. Nous gagnions de la vitesse dans notre rue en pente, le vent fouettait mon visage et je poussais des cris de joie accroché à mon voisin. Un autre enfant du quartier cependant pensa que ce serait marrant de mettre son petit chariot en travers de notre route pour littéralement nous exploser. Le boulot fut bien fait, nous fîmes un splendide vol plané. Personne ne comprit comment, mais pendant la chute, un de mes doigts de pied s’était pris entre le pignon et la chaîne. Le vélo était couché sur le côté et moi tout juste accroché à mon orteil par un lambeau de peau.

    « Ben, on fait quoi ? » dit le propriétaire du vélo, paniqué. « Il vaut mieux le dégager, » dit le petit salopard qui avait causé l’accident. Les deux garçons m’attrapèrent, et après avoir compté jusqu’à trois, tirèrent de toutes leurs forces. Je poussai un cri perçant quand le bout de mon orteil se libéra du pignon et de la chaîne, et de mon pied !

    « Il bouge ! » criait le garnement en montrant mon orteil coupé. Je ne pouvais rien voir, mais les deux autres juraient que mon orteil sautait et se tortillait comme la queue d’un petit lézard que celui-ci sacrifie pour se débarrasser d’un prédateur.

    Alors que j’étais couché par terre, couvert de sang, mon voisin alla chercher de l’aide, et le petit criminel quitta les lieux du crime. L’auteur de l’accident – et de ma douleur atroce – revint avec une pelle, la leva au-dessus de sa tête et, de ses bras maigrichons, la rabattit brutalement sur le sol, et sur mon orteil manquant.

    « Pourquoi tu fais ça ? » dis-je en gémissant.

    « Ça me rend dingue. C’est toujours vivant, mon vieux ! » Il leva la pelle et frappa encore et encore, comme s’il tuait un serpent. Lorsqu’il fut convaincu d’avoir tué mon orteil, il creusa un trou pour y enterrer la preuve de son forfait. Peu de temps après, un homme habitant de l’autre côté de la route arriva pour m’embarquer sur le siège arrière de sa BMW flambant neuve. C’était une voiture de luxe et je mis du sang partout sur ses beaux sièges en cuir.

    « OK, où est l’orteil ? » demanda le médecin à mon arrivée à l’hôpital de Johannesburg. « Ben, ils l’ont enterré » dis-je au médecin.

    Les garçons furent donc renvoyés à Orange Grove pour déterrer l’orteil manquant. Christiaan Barnard, le célèbre chirurgien sud-africain, est peut-être entré dans l’histoire en effectuant avec succès la première greffe du cœur, mais là, même le plus doué de tous les chirurgiens du monde n’aurait pas pu recoudre ce morceau de chair écrasée et souillée de terre que les deux gamins rapportèrent dans la salle d’opération.

    Je suis né à la Nightingale Clinic située au centre-ville de Johannesburg, en 1974, deux ans avant l’arrivée de la télévision en Afrique du Sud, bien qu’elle ne fasse pas irruption dans nos vies avant mes huit ans. Nous étions tellement captivés par cet appareil que nous fixions même la grille statique. Il n’est pas surprenant que, dès mon plus jeune âge, je recherchais les sensations fortes dans le jardin, les rues, puis avec mes animaux.

    Ma mère, Patricia, était cadre à la banque Barclays. Elle est née en Afrique du Sud, mais ses parents étaient originaires d’Angleterre. Je ne sais pas vraiment ce que faisait mon père, Peter, mais il travaillait dans une entreprise pharmaceutique – dans le contrôle de qualité, je crois. Il était originaire de Reading, dans le comté de Berkshire, au sud de l’Angleterre, et était jeune lorsqu’il émigra en Afrique du Sud. Nos relations étaient très formelles et plutôt distantes. C’était un homme taciturne. Je n’ai jamais eu l’occasion de lui poser beaucoup de questions, nous n’avions pas de complicité père-fils. Il est mort quand j’avais douze ou treize ans. Comme la plupart des gens à Orange Grove, nous vivions dans une petite maison en briques des années quarante. Elle comptait trois chambres à coucher et était située dans un lotissement. J’avais un frère et deux sœurs jumelles plus âgés que moi. Notre maison donnait sur une rue très fréquentée, Ninth Avenue. Nous avions des routes goudronnées et des robots – c’est ainsi que nous appelions les feux de circulation. Mon principal moyen de transport était mon skateboard rouge jusqu’à ce que je sois assez grand pour faire du vélo et, plus tard, faire des virées dans des voitures volées.

    Je n’ai pas eu une éducation privilégiée. Quand nous étions enfants, nous ne recevions jamais d’argent de poche et n’avions pas beaucoup de jouets. Nous organisions nos propres braderies ou vide-greniers après avoir réuni les vêtements dont plus personne ne voulait et toute sorte de bric-à-brac que nous vendions aux voisins noirs encore moins bien lotis que nous. Nous nous trouvions des travaux de jardinage chez les voisins et lavions des voitures pour gagner quelques sous. Le peu d’argent que cela rapportait nous servait à acheter des sucreries ou des voitures miniatures. Mes rêves étaient plutôt modestes. Le jouet dont je rêvais vraiment était une voiture télécommandée, mais je pensais que je n’aurais jamais les moyens d’en acheter une. En travaillant dur, j’arrivai finalement à mettre suffisamment d’argent de côté pour une voiture avec une commande à distance – une de ces voitures reliée par un câble à la manette. Je fus terriblement déçu car je m’étais vu immobile au milieu de la pièce admirant ma voiture tournoyer autour de moi à toute vitesse, mais avec celle-ci c’était impossible ! Le câble entre la manette et la voiture s’accrochait partout et je devais la suivre comme un petit chien en laisse. C’était la version d’une voiture télécommandée pour pauvres, et je ne trouvais pas ça vraiment intéressant.

    Peut-être est-ce à cause de ce genre de déceptions ou bien encore à cause de la frustration de ne pas avoir eu tous les vélos ou jouets de mes rêves qu’est né si tôt mon amour pour les animaux, les reptiles et les insectes. Les gens qui me connaissent bien supposent que cette passion vient de ma mère, mais elle n’a en fait que peu d’intérêt pour eux.

    C’est papa, un homme silencieux et réservé, qui rapporta à la maison notre premier animal domestique – autant que je m’en souvienne. C’était un tout petit chat errant nommé Tiger, qu’il avait transporté dans sa boîte-repas. J’avais environ six ans à l’époque. Papa dit qu’il voulait nous confier un petit animal dont nous pourrions prendre soin. Il nous dit que le chat avait été abandonné dans une décharge.

    Nous ne sommes partis en vacances en famille qu’une seule fois lorsque j’étais enfant : c’était en 1980, dans les montagnes du Drakensberg, au Natal. L’argent était un problème à la maison, c’est pourquoi nous passions pratiquement toutes nos vacances chez nous, si ce n’est cette année-là. Mon frère Gareth, mes sœurs, Corinne et Candice, et moi-même, avions développé une théorie selon laquelle nos parents nous offraient des animaux domestiques pour compenser le fait qu’ils ne pouvaient pas nous payer de vacances. Après le chat Tiger, il y eut, en guise de cadeaux d’anniversaire ou de Noël, tout un défilé de perroquets, de poissons rouges et de chiens. L’excuse était alors toute trouvée pour ne pas partir en vacances : nous ne pouvions pas les laisser tout seuls. Mon père pensait sans doute que les animaux nous préserveraient de ce qui se passait à la maison, car la situation empirait au fur et à mesure qu’il délaissait sa carrière et s’abandonnait à l’alcool.

    À une époque, nous étions entourés de quatre chiens, trois ou quatre chats, de poissons rouges, ainsi que de plusieurs espèces d’oiseaux comprenant des pigeons, des colombes, des tisserins, des oiseaux-souris, des perroquets, et autres oiseaux sauvages. Puis j’eus la chance d’avoir en cadeau des serpents, même des anacondas. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, j’étais propriétaire d’un anaconda qui mesurait plus de trois mètres ; il avait sa propre petite maison dans ma propriété actuelle. Bien que papa fût plus intéressé que maman par les animaux de compagnie, je ne me souviens pas l’avoir vu souvent s’occuper d’eux avec nous. Comme

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