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TOTEMS TOME 1: Bezia face à son destin
TOTEMS TOME 1: Bezia face à son destin
TOTEMS TOME 1: Bezia face à son destin
Livre électronique375 pages5 heures

TOTEMS TOME 1: Bezia face à son destin

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À propos de ce livre électronique

Imaginez que vous vivez ce qu’on peut appeler le bonheur, que vous vivez une vie que vous qualifiez de parfaite car vous vivez avec la personne que vous aimez, qui est en même temps votre père, votre mère, votre amie mais avant tout votre grand-mère.
Imaginez qu’un beau jour, votre univers s’écroule, que votre être cher, l’objet de votre bonheur ne soit plus et que ce ne soit pas que la volonté de Dieu, mais plutôt l’œuvre d’une créature dont vous ne soupçonnez même pas l’existence.
Ceci est l’histoire de Bezia, qui dans une quête de justice par la vengeance, apprend qu’il peut être aussi humain qu’animal.
Préparez-vous à vivre avec lui une aventure pleine de rebondissements, découvrez avec lui l’amour raisonnable et l’amour instinctif et ressentez le poids du dilemme quand il s’agira de choisir.
TOTEMS.

LangueFrançais
ÉditeurLassana Toure
Date de sortie26 août 2012
ISBN9782954275031
TOTEMS TOME 1: Bezia face à son destin
Auteur

Lassana Toure

À propos de l'auteurLassana Toure est né en 1987, à Bamako(Mali). Il vit actuellement à Grenoble(France).Étant un grand fan de livres, de cinéma et de mangas, il s'est rendu compte qu'il avait une bonne analyse des scénarios. À partir de ce moment, il s'est dit que s'il était autant capable de voir les lacunes d'une histoire, c'est qu'il devait être en mesure d'en créer.L'histoire de son premier Roman "TOTEMS" lui est venue à l'âge de vingt trois ans. Il lui faudra alors près de deux ans d'écriture pour lui donner forme, et en faire une oeuvre dotée d'une rare originalité.D'où lui vient l'idée de "TOTEMS"Il est difficile de ne pas remarquer que les grands producteurs préfèrent ne pas prendre de risques. Nous assistons depuis de nombreuses années à des remakes d'histoires qui n'ont plus à faire leurs preuves. Les origines de ces histoires font que de nombreux peuples ne s'y reconnaissent pas, et de nombreux autres n'ont pas la chance de découvrir autre chose. Au constat de cela, Lassana eut l'idée de créer Totems. Une histoire qui se déroule dans un village africain fictif. Une occasion pour certains de reconnaitre leur culture, et pour d'autres de la découvrir, et enfin pour tout le monde de constater que peu importe leurs origines, tous les hommes sont intimement liés."Totems" parle de famille, d'amour, de haine, d'amitié, d'ambition, ..., et enfin d'un lien étroit entre l'homme et l'animal qui est finalement la vraie nature de l'homme, même si la société pousse ce dernier à la refouler. Sans oublier que derrière toute cette fiction, se trouve une vérité cachée.En d'autres termes, tout le monde pourra s'identifier dans ce roman.

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    Aperçu du livre

    TOTEMS TOME 1 - Lassana Toure

    PROLOGUE

    Tout a commencé il y a de cela un siècle et demi dans un village perdu quelque part en Afrique du nom d’Olubumi avec la naissance d’une petite fille, elle se nommait Wandja. Née d’un père berger et d’une mère sorcière, Wandja commença la première étape de sa vie avec son père dans une magnifique ferme à la sortie du village.

    Depuis sa plus tendre enfance, elle assistait quasiment tous les jours à l’exécution de beaucoup d’animaux que son père capturait dans la jungle, les engraissait avant de les céder aux plus offrants.

    Marre du caractère abusif de ses semblables envers ces animaux avec lesquels il lui arrivait de tisser des liens forts, Wandja alla vivre avec sa mère dans une grotte située aux portes de la savane.

    Depuis, plusieurs années s’écoulèrent, et la petite fille qu’elle était devint une grande sorcière, pour ne pas dire la plus grande sorcière du village. Même après tant d’années écoulées, le souvenir des animaux qu’elle avait vu se faire massacrer continuait à hanter son esprit. À défaut de pouvoir changer la fameuse chaine alimentaire, elle y trouva une alternative.

    À Olubumi la population était divisée en plusieurs clans. Wandja lança un sort au leader de chaque clan en le désignant comme serviteur et fervent défenseur d’un animal bien précis qu’il nommera son « TOTEM ».

    Ce sort interdira aux élus, non seulement de tuer leurs totems mais l’interdiction s’étendait sur tous leurs clans. Bien sûr les quelques Hommes choisis, avides de pouvoir comme ils l’étaient, accueillirent leurs sorts à bras ouverts car ils leur conféraient non seulement le pouvoir d’avoir la force surnaturelle de leurs totems mais aussi de se transformer en une forme démoniaque de cet animal. C’est ainsi que les élus formèrent un conseil dans lequel, chaque leader peu importe son rang ou sa force participait aux décisions concernant la jungle et plaidait la cause de son totem.

    Cela marcha un moment jusqu'à ce que l’on remarque que toutes les décisions étaient fortement influencées par celles du plus fort. Décidément cette loi divine (loi de la jungle) existait toujours. De ce fait, on ne pouvait pas vraiment parler d’égalité, par conséquent quelques esprits malins arrivèrent à la conclusion que : le blanc à force d’être extrêmement sali devenait noir, que la notion de bien et mal était relative, que le pauvre à force de travail pouvait devenir riche et inversement, que le faible à force d’entrainement devenait fort. En d’autres termes que rien n’était irréversible.

    Bien sûr le lièvre n’avait toujours aucune chance de battre le lion avec cette théorie mais le crocodile, la panthère et les hyènes avaient bien compris le sens de cette philosophie.

    Ainsi les plus forts, c'est-à-dire les prédateurs qui étaient au sommet de la chaine alimentaire ne craignant rien des autres prédateurs, convoitaient le titre du roi et essayaient de se détruire pendant que les plus faibles se cachèrent assez pour ne jamais susciter leur colère. Voici pourquoi beaucoup de familles se turent à jamais.

    La légende dit que le sort lancé aux Hommes serait rompu lorsque l’une des races dominantes venait à s’éteindre car l’équilibre serait rompu, ce qui soulagerait les générations futures de ce lourd fardeau.

    C’est ainsi que fut instaurée la notion de totem chez les habitants d’Olubumi.

    De nombreuses générations plus tard, Olubumi perdu dans l’immense forêt Chakanaka devint un village des plus ordinaires. Les totems avaient toujours une grande importance dans la région, mais uniquement en qualité de croyances. Les histoires sur les Hommes pouvant se transformer en monstres n’étaient désormais plus que des légendes racontées aux enfants par les griots.

    Les totems se présentaient sous forme animale ou sculpture vénérée l’une autant que l’autre par les différents clans.

    Jusque-là, la vie dans cette communauté avait toujours été paisible et épanouie, on ne pouvait pas vraiment dire que les habitants manquaient de chose à faire dans le village. Les jeunes avaient tendance à associer plaisir et travail, l’argent n’était pas ce qu’il y avait de plus important. Les activités professionnelles étaient établies en fonction des tribus, qui, elles étaient conçues en fonction de la même croyance pour un totem bien précis. D’une certaine manière les totems définissaient les divisions sociales.

    Les forgerons, les cultivateurs, les menuisiers, les griots, les couturiers, les chasseurs, ils avaient tous que faire de leurs journées car leurs vies tournaient autour de leurs activités professionnelles et ils prenaient du plaisir à les exercer.

    Malgré le fait que le village soit situé au milieu d’une grande forêt, les animaux, qu’ils soient féroces ou non, ne s’y aventuraient pas souvent car l’être humain restait l’espèce la plus redoutée de toutes, ce qui est encore une des innombrables raisons pour lesquelles on dit que l’Homme a été créé à l’image de Dieu.

    CHAPITRE 1 : Perte

    Dans le village vivait un jeune homme du nom de Bezia. Membre à part entière de la tribu des crocodiles, il était un chasseur digne de la réputation de son totem. Bezia connaissait les moindres recoins d’Olubumi car ce village l’avait vu naitre et grandir. Il y habitait avec sa grand-mère qui était l’objet de toute son attention.

    Ce jour-là ne s’annonçait en rien être différent des autres, hormis qu’il avait décidé de ne pas emprunter le chemin des bois comme à son habitude pour rentrer chez lui. Pour une fois il avait décidé de traverser le village.

    Il rentrait d’une séance de chasse qui s’était révélée glorieuse. Il entretenait une relation privilégiée avec les animaux derrière lesquels, il passait ses journées à courir et qui, la plupart du temps finissaient ensuite dans son assiette pour le diner. Bezia est né avec un don, celui de percevoir les émotions des êtres vivants rien qu’en croisant leurs regards. Par conséquent il préférait la compagnie des animaux car ni aucun voile, ni aucun filtre ne diluait la puissance de leurs émotions, contrairement aux humains qui luttaient sans cesse pour combattre leur propre nature, soit par désir de plaire aux autres ou pour ne pas trahir un code de conduite qui leur a été imposé par la société.

    Durant tout son trajet jusqu'à sa demeure, il tentait désespérément de donner un sens au regard de ses congénères. Le regardaient-ils à cause de sa grande taille ? Ses cheveux si crépus qu’ils formaient des boules à la manière de crottes de chèvres ? Ou étais-ce simplement à cause de cette gazelle qu’il portait sur ses épaules ? Dans tous les cas c’était un casse-tête de résoudre l’énigme qu’était l’œil humain.

    En même temps, il ne pouvait pas leurs en vouloir à lorgner sur lui car il avait tout pour attirer les regards : sa grande taille qui faisait certainement de lui le garçon le plus grand du village, sa musculature si bien proportionnée qu’elle donnait l’impression d’avoir été sculptée, et sa silhouette élancée qui lui donnait une allure princière, même s’il était battit comme un esclave.

    Après les quelques minutes interminables qu’il prit pour traverser Olubumi, Bezia arriva enfin devant sa grande case construite par son arrière-grand-père. Chaque fois qu'il la voyait, il ressentait l’incroyable bonne sensation de « rentrer chez soi ». Il savait que dès qu’il franchira la porte, il oubliera à quel point le monde extérieur pouvait être stressant.

    Il était sur le point de laisser devant l’entrée de sa case le gibier qu’il avait chassé quand retentit une voix.

    — Bonjour Bezia ! lui criât sa voisine Sanou, assise devant sa maison certainement pour surveiller les moindres faits et gestes de tous les passants.

    — Bonjour Sanou.

    Surpris par cette salutation soudaine et si peu habituelle, sa réponse fut brève et immédiate. Si c’était bien connu que le principal divertissement de bon nombre de gens était de se renseigner sur la vie de leurs voisins, Sanou était à un tout autre stade. La principale source à laquelle elle puisait tout son amour pour la vie était le commérage. Elle avait comme activité principale de se renseigner sur la vie de tout le monde, pour ensuite en faire des potins.

    Sanou n’épargnait personne et pouvait même fabriquer des histoires sur quelqu’un si elle était en manque d’exclusivité.

    Son long cou lui permettait d’avoir le meilleur angle de vue, ses grands yeux ronds rendaient sa vue optimale, et ses oreilles décollées et pointues ne rataient pas la moindre petite information. Toute sa morphologie était finement taillée pour faire d’elle la meilleure dans son domaine : le commérage.

    Bezia ne traina pas les pieds. Il savait que si Sanou l’avait salué c’était certainement parce qu’elle avait des vues sur l'animal qu’il avait chassé, et il savait également que son nom sera sali si elle avait le temps de lui demander une partie sans l’obtenir. Ses mains n’étant pas libres, il infligea un coup d’épaule à la porte et fit par la même occasion une entrée brutale dans la maison.

    Dans sa précipitation il renversa « Bamba », une statue haute comme un gamin de quatre ans, qui ressemblait tout autant à un humain qu’a un crocodile. Ceci était le totem de sa grand-mère. Elle le vénérait comme si c’était son Dieu, Bezia quant à lui avait toujours été convaincu que Dieu était beaucoup plus grand et qu’une statue ne pouvait en aucun cas être à l'origine de ce grand monde.

    Sachant qu’il était le seul dans la maison qui resterait insensible à la vue de Bamba par terre, il déposa l’animal sur le sol puis s’empressa de redresser le totem avant que son aïeule ne s’en aperçoive. Heureusement pour lui que cette vieille dame passait son temps à ronfler.

    Dans sa précipitation, contrairement à ses habitudes il n’avait pas pris le temps de savourer pleinement l’effet que lui procurait sa petite case, il décida d’y remédier aussitôt.

    La case étincelait de propreté. Zaza du haut de ses soixante dix ans était très organisée, limite maniaque. À cause de ses nombreuses heures de sommeil on pouvait la croire paresseuse, mais elle ne faisait jamais sa sieste avant d’avoir passé un coup de chiffon sur tout ce qu’elle pouvait atteindre dans la maison. L’agréable parfum de thé à la menthe qui s’échappait de la bouilloire et la fraicheur de l’ombre des arbres sur la maison créaient l’environnement idéal pour tous les paresseux fans de sommeil. Bezia contempla Zaza se balancer dans son hamac. S’il était content qu’elle ait une retraite aussi paisible, cela le chagrinait fortement qu’elle n’attende plus rien de la vie. Il eut envie d’aller la secouer, lui verser de l’eau froide sur le visage ou encore couper la corde du hamac pour qu’elle daigne se lever et profiter du bel après-midi et par la même occasion de la vie, mais il n’en fit rien. Il se contenta de soupirer tout en pensant :

    — J’espère que je ne serais pas aussi paresseux quand j’atteindrais ton âge.

    Le bruit de ses ronflements s’estompa aussitôt.

    — Avoir les yeux fermés ne signifie pas forcément que je suis endormie. Lança-t-elle tout en se balançant dans son hamac pour donner plus de crédibilité à sa théorie.

    — J’imagine que ronfler ne veut pas non plus dire que tu dors ! Rétorqua Bezia étonné qu’elle l’ait entendu, il avait pensé à haute voix.

    Démasquée, elle s’esclaffa, ne pouvant faire autrement. Elle avait cette habitude de nier son état de sommeil permanent car elle avait honte d’admettre qu’elle passait plus de temps dans les nuages que sur terre.

    — Je rêvais que j’étais une belle jeune fille. Renchérit-elle en levant ses yeux au plafond d’un air mélancolique.

    — Il n’y a nul doute que tu sois la plus belle fille que je connaisse, mais les jeunes filles ne passent pas leurs temps à dormir. Elles préfèrent se faire belle, passer du temps avec leurs ami(e)s. Toi, ça fait un moment que tu as renoncé à tout ça ! On ne cesse de vivre que le jour où on rend l’âme. Expliqua Bezia dans l’espoir de la faire réagir.

    Après quelques instants de non-réponse, le jeune chasseur culpabilisa de troubler le moment de calme que savourait sa grand-mère avant qu’il ne rentre. De peur qu’elle interprète mal le message qu’il voulait lui faire passer, il décida de lâcher l’affaire. Il alla chercher une petite tasse dans laquelle il versa un peu thé encore chaud qu’il porta à sa grand-mère.

    — Dans ce cas la belle jeune fille que je suis, voudrait que tu lui masses les pieds. Dit-elle après avoir bu une gorgée de sa boisson préférée.

    Un sourire fendit les lèvres de Bezia, réconforté par l’effet de son message.

    — Tu pourrais attendre que j’aie le temps de souffler, surtout après un résultat aussi glorieux à la chasse ! Profita-t-il pour lui mettre la puce à l’oreille, ou plutôt l’eau à la bouche.

    Même si Bezia avait un caractère sauvage bien trempé, il était doux comme un agneau avec sa grand-mère qui était sa seule famille depuis toujours. Il n’avait jamais connu l’identité de ses parents et s’était contenté de ce que Zaza lui avait raconté sur leurs disparitions. Ce n’est qu’à ce moment qu’il se rendit compte que l’animal mort gisant sur le sol se vidait de son sang, salissant ainsi le sol que Zaza avait déjà nettoyé. Décidément il était bien parti pour l’embêter.

    Pour éviter des réprimandes, d’un tour de bras habile il reprit la gazelle sur ses épaules puis alla la poser dehors sur le pas de la porte en attendant de la dépecer. Son regard croisa celui de Sanou, qui lui adressa un sourire mendiant en retour. Bezia feignit l’indifférence et retourna aussitôt dans sa case. L’animal n’étant plus en position de salir, il prit une éponge et s’appliqua à frotter le sol pour faire partir la tache de sang.

    — Quand t’auras fini ce que t’es en train de faire, sache que j’attends toujours mon massage.

    — Je n’ai pas oublié. Souffla-t-il pour manifester sa frustration d’être pressé.

    — En mon temps les hommes arrivaient à chasser, cultiver, forger et s’occuper de leurs femmes tout ça pendant la même journée ! Rajouta-t-elle sans tenir compte des ressentiments de Bezia.

    Zaza reposa lentement sa tête sur son hamac en cherchant une position plus confortable. Le gargouillement de son ventre trahit la joie qu’elle avait ressentie après avoir vu les couleurs de son diner.

    — Il faut croire que le monde s’améliore au fil du temps Zaza, les hommes n’ont pas que ça à faire de nos jours.

    — Et si t’arrêtais de me fatiguer et de t’occuper un peu de mes vieux pieds tout fatigués. Insista-t-elle

    — C’est comme si c’était fait, donne-moi juste le temps de préparer ta lotion de massage.

    Bezia s’attela à fouiller au fond d’un vase pour trouver des plantes aux effets relaxants qu’il avait cueilli quelques jours auparavant lors d’une de ses séances de chasses avec son ami d’enfance Yedei. En glissant ses mains sous un tas de récipients, il put enfin récupérer une petite tasse fabriquée par ses soins avec une noix de coco, puis y mit dedans les plantes.

    Ses mains n’étant pas assez fines pour atteindre le fond du bocal, il se creusa la tête pour penser à un objet qui pourrait les écraser efficacement. Ce fut un vrai casse-tête avant de se rendre compte qu’il pouvait le faire avec la base de son couteau de chasse. Son regard se perdit au loin et son esprit s’égara un peu, il repensa à la fois où il avait mis toute une journée à fabriquer un lavabo en bois dans lequel il laissera tremper la vaisselle sale, sans pourtant se dire que le bois pourrirait à force de contenir de l’eau de manière permanente.

    Bezia avait une forme d’intelligence particulière qui lui valait souvent le statut du garçon pas très futé. Il lui arrivait d’avoir des idées dignes des plus grands sages, mais trouvait difficilement des solutions pour les petits problèmes du quotidien. Ce qui avait d’ailleurs inspiré Yedei à mettre au point plusieurs vannes spécialement pour lui dont les plus insultantes étaient « quand on dit à un abruti qu’une bataille aura lieu demain, il dormira les poings fermés » et « dans une pièce de théâtre un mouton ne pourra jamais jouer le rôle du lièvre » ce qui était sa manière à lui d’insinuer que Bezia était toujours partant pour tout ce qui relevait de la force mais qu’il ne fallait jamais compter sur lui pour un avis intelligent, et que quand on est bête, on ne peut pas simuler le contraire. Un avis qui n’était pas partagé par tout le monde car il était arrivé à Bezia plus d’une fois qu’on lui reproche d’avoir la sagesse d’un vieux. Cela était certainement dû au fait qu’il habitait avec une vieille (tu parles d’une évidence). Il fut arraché à ses pensées quand Zaza se plaignit après l’avoir entendu rire à haute voix.

    — N’oublie pas que quelqu’un attend toujours son massage.

    — Oui Zaza j’y suis presque. Répondit-il sèchement

    — Comme si ce n’était pas assez suffisant que je lui masse le pied, il fallait en plus qu’elle me mette la pression pour que j’aille plus vite. Pensa-t-il avant de se précipiter auprès de son aïeule.

    Hélas cela avait aussi ses inconvénients de vivre avec une vieille. Elle s’inquiétait toujours pour tout et s’impatientait très rapidement alors qu’il fut un temps où elle était reconnue pour sa patience extraordinaire.

    — Ce ne serait pas trop te demander de m’appeler grand-mère en ma présence ? qu’est-ce qu’ils peuvent être insolent les enfants de nos jours ! Soupira-t-elle.

    — Tu pourrais arrêter de te plaindre deux secondes ? je fais de mon mieux.

    Bezia se remit alors à écraser la plante au fond de la calebasse jusqu'à ce qu’il remarque une formation d’huile. Puis il revint à côté de sa grand-mère, qui, couchée dans son hamac, attendait impatiemment que sa requête soit exaucée. Cela devait être relaxant de pouvoir compter sur quelqu’un pour répondre à ses caprices, mais il se devait de faire cela pour elle car il lui devait tant. Bezia essayait de profiter des moments comme celui-là pour s’assagir car il écoutait les aventures et les histoires de Zaza, c’était pour lui une forme d’enseignement.

    Il plongea ses doigts dans le bocal histoire de recueillir un peu de lotion qu’il étala ensuite sur l’ensemble de ses grandes mains avant de saisir le pied gauche de Zaza. Il massa délicatement de son talon vers ses orteils et répéta ce geste, encore et encore en prenant le soin de terminer avec un orteil différent à chaque passage. Il faisait souvent exprès d’exercer et de varier l’intensité des pressions de ses pouces pour la chatouiller. Il régnait un silence dans la pièce pendant qu’elle savourait pleinement son massage.

    — Bezia ? Brisa-t-elle le silence.

    — Oui grand-mère ?

    — Peu importe ce qui se passe et même quand je ne serais plus là pour y veiller, essaie de rester qui tu es ! Dit-elle tristement.

    — Pas besoin de faire la mourante pour que je te masse encore plus longtemps. Plaisanta Bezia pour éviter l’ambiance morose qu’elle voulut installer.

    — Non je suis sérieuse.

    Son air sérieux et fataliste finit par attirer toute l’attention de son petit-fils.

    — Je pense que tu seras encore là assez longtemps pour me maintenir sur le droit chemin. Pourquoi parles-tu comme quelqu’un qui allait mourir ?

    Zaza ne répondit pas à la question et referma ses yeux aussitôt. Sur le coup Bezia se demanda, qu’est-ce qui pouvait être aussi fort que de vivre un instant comme celui-là avec une personne aussi chère ? Ils n’avaient pas de dette envers personne, ils mangeaient à leurs faims, même s’ils n’étaient pas spécialement riches, Zaza et lui savaient qu’ils étaient tout l’un pour l’autre.

    — Zaza je serais toujours là pour toi, arrête d’anticiper la mort comme ça, ça me fout les jetons.

    Avec ces mots surgirent beaucoup de sentiments. Dans son délire de femme pitoyable elle avait réussi à le pousser à réaliser qu’un jour elle ne sera plus là, et qu’il devait profiter pleinement de tous les moments passés avec elle. Il laissa le pied gauche pour alors masser le droit. Il prit un instant pour regarder son visage, dans l’esprit de déceler une quelconque expression qui trahirait son semblant d’insensibilité à ses talents de masseur.

    En l’observant, Bezia se rendit compte qu’il ne la regardait pas souvent très attentivement. Cette manie des Hommes de souvent passer devant des merveilles sans pour autant s’attarder dessus. Avec ses longs cheveux gris et noirs elle s’était fait deux grandes nattes qui lui tombaient sur les clavicules. Son visage quant à lui était long et fin, ses lèvres étaient étonnamment bien dessinées, ça se voyait qu’elle avait été très belle dans sa jeunesse. Les rides sur ses joues renseignaient sur tous les évènements qui l’avaient fait sourire, ceux de son front parlaient des scènes qui l’avaient tracassé, toutes ses rides témoignaient de ses expériences dans la vie, ce qui lui donnait un charme sans égal. Du côté de sa tempe, entre ses yeux et ses oreilles pointues on pouvait encore voir deux petites balafres, qui étaient le signe d’appartenance à leur ethnie, toutes les ethnies avaient leurs symboles. Bezia ne s’était jamais posé la question de pourquoi lui n’en avait pas. Il s’arrêta un moment de masser et lui demanda :

    — Pourquoi n’ai-je pas les petites balafres sur la tempe comme toi ?

    — Continue de masser ! lui rappela-t-elle tout en ignorant la question.

    Ce petit détail n’avait-il pas d’importance pour elle ?

    — Ah oui désolé.

    Un silence régna dans la pièce pendant quelques instants. Si Bezia avait l’air d’être complètement absorbé par sa tâche, Zaza quant à elle était pensive.

    — Bezia ?

    — Te sens tu obligée de prononcer mon nom chaque fois que tu veux me dire quelque chose ?

    — Quand j’étais plus jeune j’ai vécu des moments extraordinaires avec ton grand-père. Poursuivit-elle, faisant mine d’ignorer les ricanements de son petit-fils.

    — Voilà qui est intéressant, raconte-moi !

    — Au début je n’étais pas vraiment sure de l’aimer, car tu sais que dans nos coutumes on n’a pas le droit de se marier avec quelqu’un qui n’est pas de notre clan.

    — Il faudra penser à m’expliquer pourquoi d’ailleurs. Yedei m’a expliqué que rien n’empêchait deux personnes d’être ensemble, sauf bien sûr s’ils sont frères et sœurs. Et à ce que je sache vous …

    — Je vois que ce bon vieux Yedei continue à vouloir refaire le monde à sa manière. Des fois je me demande s’il te rend plus intelligent ou si c’est plutôt le contraire.

    — Je me le demande aussi des fois. Continue ton histoire !

    Zaza se racla la gorge deux fois, avala sa salive et fit une grimace comme si elle effectuait un rituel pour se rappeler d’où est-ce qu’elle en était dans son récit.

    — Alors mes parents et ceux de ton grand-père se sont arrangés pour nous fiancer sans qu’on ait eu l’occasion de se voir pas même une seule fois auparavant. Cette décision ne me plaisait pas du tout car au fil du temps, à un moment ou à un autre, on essaye tous de suivre les tendances de notre époque. Moi je rêvais de l’homme idéal (dit elle tout en faisant semblant de ne pas remarquer le ricanement moqueur de Bezia). Un homme que j’aurais rencontré par moi-même et que j’aurais aimé parce que je l’aurais choisi et non parce qu’on me l’aura imposé. À cette époque, j’en connaissais un qui avait tout pour plaire et qui connaissait tout de moi. Il arrivait à deviner ce que j’avais dans la tête avant même que je pense à le dire. Cependant il y avait un problème, nous ne venions pas du même clan, par conséquent nous ne vénérions pas le même totem. Ma mère avait ténu à ce que je rencontre au moins une seule fois ton grand-père avant de jouer à la jeune fille rebelle. C’est ainsi qu’ils organisèrent un rendez-vous et un soir on s’est retrouvé au bord du lac où on a discuté pendant longtemps. Cet amour n’était pas compliqué et ne faisait pas mal.

    — Il était beau ? l’interrompit-il.

    — Il n’était pas forcément beau, il n’était pas un de ces garçons qui attiraient toutes les filles mais il avait une fière allure, exactement comme toi, et quand il me regardait je voyais dans ses yeux tout ce que j’avais toujours voulu. Au bout d’un moment, je n’ai plus du tout hésité en ce qui nous concernait et jusqu'à aujourd’hui je n’ai pas regretté un seul instant.

    Bezia la regarda pendant qu’elle lui racontait son histoire, et est même allé jusqu'à trouver cela émouvant. Ses sourcils gris tombaient, ses yeux se mouillèrent, la nostalgie qui s’affichait sur son visage était si sincère que ça lui ficha la frousse.

    — Est-ce donc cela l’amour ? J’espère ne jamais être aussi accro un jour ! Pensa-t-il.

    — Tu ne devrais pas te souhaiter malheur à toi-même.

    — Tu m’as entendu ?

    — Tu m’aurais cassé les oreilles si tu avais parlé plus fort.

    — Désolé, j’ai encore pensé un peu trop fort.

    — Ne nous éloignons pas de notre sujet.

    — Où veux-tu en venir grand-mère ?

    — Pour t’éviter d’avoir à faire un choix de la sorte, je voudrais m’assurer que la première fille que tu vas aimer soit aussi une fille que tu peux aimer.

    — C'est-à-dire ?

    — Depuis un bon moment déjà j’observe une fille que je trouve parfaite pour toi.

    — Yedei dit que la perfection n’existe que chez…

    — Oublie un peu ce que Yedei te raconte, il… le coupa-t-elle avant d’être coupée à son tour.

    — Grand-mère, je suis loin de penser au mariage encore, il me faudra d’abord trouver une première copine, ce qui ne sera pas très évident. En plus, vu que je n’arrive pas à bien cerner le regard des filles, je ne sais jamais ce qu’elles pensent de moi.

    — C’est de moi que tu as hérité cette faculté de ne pas te faire tromper par les gens, tu ne maitrises pas encore totalement ce don mais moi j’ai vu dans ses yeux que cette fille serait prête à tout pour toi.

    — Et elle a un nom la fille dont tu me parles ?

    — Il s’agit de Maïssa ! Ne m’en veux pas mais j’ai déjà fais part de mes intentions à ses parents.

    — C’est que tu ne dois pas avoir peur du ridicule si t’as osé proposer un garçon comme moi à une famille comme la sienne. Ils doivent penser que je suis un animal.

    — Moi quand je te regarde, je vois un grand homme noir et fort qui a dans ses mains la force d’un esclave. Tu sais combien de filles

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