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Les Argonautiques (Jason et les Argonautes)
Les Argonautiques (Jason et les Argonautes)
Les Argonautiques (Jason et les Argonautes)
Livre électronique210 pages3 heures

Les Argonautiques (Jason et les Argonautes)

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À propos de ce livre électronique

Qui n’a jamais entendu parler de Jason en quête de la toison d’or ? S’inspirant des Argonautiques du poète Appollonios de Rhodes, cette fable épique compte parmi les plus fortes de la mythologie. Bien qu’inachevée et s’arrêtant brusquement au huitième livre, cette oeuvre magistrale offre aux lecteurs une vision différente du périple de Jason, dans une écriture enrichie de magnifiques descriptions de paysages souvent proche du genre romanesque.
LangueFrançais
ÉditeurFV Éditions
Date de sortie15 août 2018
ISBN9791029906015
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    Les Argonautiques (Jason et les Argonautes) - Caius Valerius Flaccus

    Les Argonautiques

    (Jason et les Argonautes)

    Caius Valerius Flaccus

    Traduction par

    Charles Nisard

    Table des matières

    Caius Valerius Flaccus

    LIVRE I

    LIVRE II

    LIVRE III

    LIVRE IV

    LIVRE V

    LIVRE VI

    LIVRE VII

    LIVRE VIII

    Caius Valerius Flaccus

    poète épique latin (circa 45 – circa 95)

    « Ce poète avait beaucoup de noms : Gaius Valerius Flaccus Setinus Balbus. Ils lui sont donnés au complet par deux suscriptions du Vaticanus 3277 (IXe siècle), manuscrit d'où sont dérivés tous les autres. Nicolas Heinsius contestait à Valérius Flaccus ses deux derniers noms : selon lui, la multiplicité des cognomina ne devint en usage qu'au IIe siècle de l'ère chrétienne, et, si le poète se fût nommé Flaccus Setinus Balbus, Quintilien l'aurait appelé non Flaccus, mais Setinus ou Balbus. Mais une inscription nous a conservé les noms d'un M. Lollius Paulinus Valerius Asiaticus Saturninus qui était justement un contemporain de l'auteur des Argonautiques et, si nous ne sommes pas encore dans la seconde moitié du IIe siècle, à l'époque où un consul de l'an 169 après J.-C., Q. Pompeius Senecio, portera dans une inscription honorifique jusqu'à trente-huit noms, nous ne devons pas oublier que, dès l'an 12 avant J.-C., on rencontre dans les Fastes Consulaires un double gentilicium, que l'on en trouve plusieurs exemples sous la dynastie Julio-Claudienne de 18 à 37 après J.-C., et qu'à partir des Flaviens, les noms se multiplient, soit qu'un second gentilicium indique la branche de la gens, soit que l'on reproduise un ancien nom perdu en droit par suite d'une adoption, soit que l'on allonge de plus en plus la liste des cognomina ; sous Trajan, douze à quinze ans après la mort de Valérius Flaccus, des Romains portent jusqu'à dix noms.

    Multum in Valerio Flacco nuper amisimus, écrit Quintilien dans son livre X (1, 90); or l'Institution oratoire est des environs de l'an 90 après J.-C. Nuper peut signifier quelques années : Valérius serait mort vers 85. Dans le livre IV des Argonautiques, aux v. 507 suiv., le poète parle de l'éruption du Vésuve qui eut lieu en 79 après J.-C. ; dans les vers 11 suiv. du Ier livre il fait une allusion au siège de Jérusalem, qui est de l'an 70. Voilà toutes les ressources que nous avons pour déterminer entre quelles dates à peu près a vécu Valérius Flaccus. Du passage de Quintilien, il ne résulte pas nécessairement qu'il soit mort tout jeune ; d'autre part, rien n'indique qu'il ait jamais écrit autre chose que les Argonautiques, ce qui donne lieu de penser que sa carrière ne fut pas bien longue. En supposant donc qu'il mourut vers l'âge de quarante ans, par conséquent qu'il naquit aux environs de 45 après J.-C., on demeure dans la vraisemblance.

        À cause du nom de Setinus, on s'est demandé si Valérius n'était pas originaire de Setia, ville du Latium située à l'est des Marais Pontins et célèbre par ses vignes ; il paraît plutôt que ce nom vient d'une adoption ou qu'il fut emprunté à une famille avec laquelle le poète avait un lien de cognatio. Il nous apprend lui-même, au début de son poème [1, 5], qu'il était quindecemvir sacris faciundis, ce qui suppose de la fortune. Cette situation, tout au moins de grande aisance, montrerait suffisamment qu'il ne faut pas l'identifier avec le Flaccus de Martial : Martial (1, 76) dissuade son Flaccus de se consacrer à la poésie parce qu'elle le laisserait dans la misère ; d'autres épigrammes, où il s'adresse à lui, sont postérieures à l'année 90 après J.-C., c'est-à-dire d'une époque où Valérius certainement n'existait plus. Il est possible au contraire que ce soit celui-ci que vise Juvénal dans les vers 7 suiv. et 10 de la première satire.

        Ses Argonautiques, dédiées à Vespasien, nous sont parvenues, inachevées ou mutilées, en huit livres dont le dernier est d'une manière évidente incomplet : il n'a que 467 vers et se termine sur la prière que Médée adresse à Jason de l'emmener en Grèce. Le meurtre d'Absyrtus, le retour des Argonautes, l'abandon de Médée par Jason manquent pour achever le récit. Il est probable que le poème complet aurait eu ou avait douze livres : selon Heinsius et Bährens, Valérius dut l'écrire en entier ; l'incurie des copistes ou des circonstances malheureuses amenèrent la perte des quatre derniers livres et d'une partie du huitième. Ce n'est l'opinion ni de Thilo, ni de C. Schenkl, ni de Langen : plusieurs passages du poème donnent l'idée d'une oeuvre imparfaite, qui attend des corrections et des compléments ; au début, les éloges décernés à Domitien auraient été beaucoup trop faibles, une fois celui-ci monté sur le trône (en 81 après J.-C.) ; il n'y a qu'à voir comment s'expriment vis-à-vis de Domitien empereur Silius Italicus (III, 618), Stace (Achill., I, 14 et ailleurs) et Quintilien, si modéré de tempérament et si sobre écrivain. Summers ajoute une observation intéressante et plus précise : Stace, qui, dans l'Achilléide et la Thébaïde, fait des allusions assez fréquentes aux exploits des Argonautes et à leur légende, n'en a aucune dépassant l'endroit du récit où s'arrête l'oeuvre de Valérius telle que nous la possédons ; c'est donc, semble-t-il, qu'il songeait aux Argonautes par l'intermédiaire du poème de Valérius et, que, de ce poème, il ne connaissait pas plus long que nous.

        Nous savons que Varron de l'Aude avait traité le même sujet ; il ne nous reste de lui qu'une demi-douzaine de vers insignifiants, et c'est seulement avec le modèle grec, les Argonautiques d'Apollonios, que l'on peut comparer celles de Valérius.

        On connaît le jugement de Sainte-Beuve sur l'oeuvre d'Apollonios : poème d'érudition élégant et froid ; la marche du récit est celle d'un itinéraire ; beaucoup de géographie et de généalogie ; du merveilleux, des épisodes contés avec un art ingénieux ; au livre III, l'intérêt grandit, le talent se manifeste d'une manière plus vivante ; en joignant à ce livre les 250 premiers vers du IVe, on a là 1600 vers où il y a vraiment à admirer ; c'est le moment où se forme et se révèle l'amour de Médée. Sans doute, cela n'est pas grandiose, mais demeure gracieux et touchant, avec de la finesse dans l'analyse des sentiments et de la maîtrise littéraire dans l'expression. 

        Valérius Flaccus a eu le bon sens d'abréger les parties érudites ; il ne mérite pas tant de compliments que l'on s'empresse de lui en accorder à l'occasion. Malheureusement, s'il a retranché ce qui méritait de l'être, il n'a pas toujours su maintenir ce qui en valait la peine, et, s'il a eu raison de ne pas se borner à copier ou traduire, il a eu tort de ne pas mieux s'inspirer de son modèle en retenant des traits essentiels et d'heureux détails. Ainsi le passage où Médée endort le dragon a chez Apollonios une certaine horreur tragique ; si le poète alexandrin n'atteint pas au sublime, du moins la scène est faite avec habileté et convenance au sujet ; chez Valérius Flaccus, elle se transforme en une pastorale : « Ce monstre, dont les affreux sifflements réveillent les mères qui pressent contre leur sein leurs nourrissons tremblants, ce monstre devient une sorte d'agneau dont Médée est la bergère ». Ce n'est là qu'un exemple : la grâce, souvent artificielle, mais aimable et légère encore, du poème hellénique disparaît dans le développement correct et monotone de la terne imitation. Toute qualité n'est point absente ; c'est quand le timide Valérius ose être lui-même et latin : alors, il se relève, et, trop rarement, nous offre quelque chose qui ne saurait être chez Apollonios, et qui a son prix : dans la peinture de Médée, de son caractère et de sa passion, il s'est montré poète, il a fait oeuvre touchante et noble, il a mérité qu'on lise encore aujourd'hui des passages de son poème. Il y a mis une gravité et une ardeur de sentiments dont on chercherait trace vainement dans les Argonautiques d'Apollonios ; la galanterie spirituelle est ici remplacée par une passion sérieuse, ce qui prouve une fois de plus qu'un Romain, même en copiant un Grec, demeure romain et vit sur une moralité toute différente. Ce n'est plus l'Amour interrompant une partie de dés pour ajuster la flèche qui doit blesser le coeur de la fille d'Aiétès : c'est Junon, la déesse du mariage, Junon Pronuba, qui vient lui parler et la séduire par l'espoir des Justes noces. On sent déjà en elle la matrone, et l'attitude de Jason confirme cette impression : adnue, conjunx (VII, 497). Il lui promet l'accueil de son père au foyer de famille, la réparation de la faute, l'expiation du passé par un long avenir de devoirs acceptés et d'honneur reconquis. Où sont donc, chez le poète grec, ces excuses pour Médée, ces troubles, ces déchirements du coeur, ces débats entre l'amour filial et la passion que Valérius a peints en des vers d'une beauté supérieures. Ce conflit dramatique et moral lui appartient et transforme vers la fin sa froide imitation en une oeuvre vivante et humaine ; et c'est en tant que Romain qu'il a su si bien comprendre l'amour empoisonné de remords, les incertitudes, les retours en arrière, l'absence de joie dans la faute, le désespoir de désespérer un père qui éclate avec tant d'éloquence au commencement du livre VIII (v. 10 suiv.):

    O mihi si profugae, genitor, nunc mille supremos

    Amplexus, Aeeta, dares fletusque videres

    Ecce meos ! Ne crede, pater, non carior ille est

    Quem sequimur ; tumidis utinam simul obruar undis !

    Tu, precor, haec longa placidus mox sceptra senecta

    Tuta geras meliorque tibi sit cetera proles !

        Ce n'est pas seulement à Virgile que de tels accents nous ramènent ; c'est aussi vers Horace qui, avec moins de tendresse et plus d'énergie, avait déjà montré les mêmes troubles chez Europe dans l'ode 27 de son IIIe livre :

    ... « Pater, o relictum

    filiae nomen pietasque » dixit

    « uicta furore ! » [...]

    Impudens liqui patrios Penates,

    impudens Orcum moror. [...]

    ... pater urget absens.

        N'oublions pas que les Argonautiques de Valérius s'interrompent au moment où l'inspiration latine et personnelle promet des chants bien meilleurs que les premiers. Rappelons aussi que nous n'avons de lui que ce poème où le sujet, déjà, décourage un peu l'intérêt ; demandons-nous ce qui serait arrivé de Stace si, les Silves ayant péri, nous étions réduits à le juger sur ses insupportables vers de la Thébaïde, ou même sur l'Achilléide. Y avait-il en Valérius l'étoffe d'un excellent poète élégiaque, et dans un genre intime se fût-il assuré plus de gloire qu'avec ses Argonautiques ? Je le crois volontiers d'après les qualités de sentiments qui se font jour dans sa faible épopée ; c'est par ce sentiment qu'il est virgilien, par l'élégance du style et la souplesse de la versification qu'il est digne d'estime, non, comme on l'a soutenu récemment, par son souci de couleur locale dans la peinture des moeurs antiques et lointaines qui donnerait à son oeuvre une valeur particulière et en aurait fait l'intérêt aux yeux de ses contemporains, préoccupés des incursions aux frontières de l'Empire et du péril barbare. Si Valérius Flaccus est exact en ce qu'il rapporte des pays où se passe l'action de son poème, il n'est pas le seul Romain qui, de Varron à Pline, se soit plu aux curieuses recherches et qui ait fait preuve de précision et de discernement ; il n'est pas le seul (n'y eût-il que Virgile ou qu'Horace) qui ait eu le sens du mélange oriental de faste et de barbarie, et au point de vue artistique il me paraît difficile de lui attribuer un don particulier de la couleur. »

    Frédéric Plessis, La poésie latine de Livius Andronicus à Rutilius Namatianus, 1909

    LIVRE I

    (1, 1) Je chante ces mers sillonnées pour la première fois par les illustres fils des dieux, et le vaisseau fatidique qui, dirigeant sa course à travers les écueils mobiles, osa voguer à la recherche du Phase, en Scythie, et qui se reposa enfin dans l’Olympe étoilé.

    Si le trépied de la prêtresse de Cumes, interprète de tes oracles, ô Phébus, a fait choix pour son séjour de ma chaste demeure ; si mon front est digne du laurier vert, inspire-moi. Et vous, qui êtes plus fameux pour avoir navigué sur cet Océan calédonien dont jadis les descendants d’Iule ont réveillé la colère, que si le premier vous eussiez franchi les mers, père vénéré, (1, 10) élevez-moi au-dessus du vulgaire, au-dessus de ce monde obscurci de vapeurs ; soyez propice au chantre des anciens héros et de leurs saints exploits. De vos fils, l’un redira, car il le peut, l’Idumée vaincue ; il redira son frère, noirci d’une noble poussière, et qui va semant la ruine et l’incendie dans les remparts de Solyme ; l’autre vous dressera des autels et élèvera des temples à votre famille, lorsqu’un jour, astre lumineux, vous resplendirez dans l’Olympe. Et alors, ni la petite Ourse, étoile des vaisseaux tyriens, ni la grande, chère aux pilotes grecs, ne guideront plus sûrement que vous le navigateur, vînt-il de la Grèce, (1, 20) de Sidon, ou des bords du Nil. Maintenant que votre sérénité accueille ce début, afin que nos chants remplissent toutes les cités du Latium !

    Dès son enfance, Pélias régnait sur l’Hémonie : longue et pesante était pour ses peuples la terreur qu’il inspirait. Tous les fleuves qui se jettent dans la mer Ionienne étaient à lui ; pour lui la charrue déchirait les flancs de l’Othrys, de l’Hémus, et les vallons de l’Olympe. Mais son cœur était sans repos ; il craignait le fils de son frère et les menaces des dieux : car ce fils doit être la cause de sa perte ; les devins l’ont prédit, et les victimes confirment chaque jour leurs sinistres présages. Il s’inquiétait surtout de la haute (1, 30) renommée du prince, de cette jeune valeur importune à sa tyrannie. Pour prévenir le sort qu’il redoute, il cherche à se défaire du jeune fils d’Éson. Le choix seul du temps et des moyens le tient irrésolu. Plus de guerres nulle part ; dans les cités de la Grèce, plus de monstres : Hercule est couvert de la peau du lion néméen ; l’Arcadie est sauvée des fureurs de l’hydre ; les deux taureaux ont mordu la poussière. Mais le courroux des flots, les dangers d’une mer sans limites, voilà ce qu’il lui faut. Calme et confiant, il aborde le jeune homme, et, donnant à ses paroles un air de sincérité, il lui dit :

    (1, 40) « Il est une entreprise plus glorieuse que toutes celles de l’antiquité ; accepte-la, encourage-la. Tu sais comment Phrixus, né du sang dont nous sortons nous-mêmes, échappa aux autels où son père voulait l’immoler. Cependant le farouche Étés, le maître de la Scythie et des rives glacées du Phase, l’assassina (honte au Soleil !) à la table de l’hospitalité, au milieu d’un festin solennel et des convives épouvantés ; doublement ingrat envers sa famille et envers les dieux. La Renommée n’est pas la seule de qui j’ai appris ce forfait ; la victime elle-même, la victime m’apparaît gémissante, quand je cède à peine à un tardif sommeil ; (1, 50) son ombre ensanglantée, celle d’Hellé, divinité des mers, sollicitent incessamment ma vengeance. Si j’avais mes forces d’autrefois, la Colchide serait déjà punie, et l’on verrait ici la tête et les armes de son roi. Mais les ans ont émoussé ma vigueur, et mon fils n’est point encore mûr, ni pour commander, ni pour tenter la mer et les combats. Toi qui as déjà les soucis et les mâles pensées de l’homme, va, noble enfant ; rends à nos temples grecs la toison de Néphélé ; montre-toi digne de cette expédition périlleuse. »

    Telles étaient les exhortations ou plutôt les ordres de Pélias. Il se tut ; mais des Cyanées, ces écueils de la mer de Scythie, dont il connaissait trop bien les dangers ; (1, 60) mais du gardien de la toison, ce dragon monstrueux qui darde sa langue aux mille pointes, que la fille d’Étés attire hors de son antre par des enchantements, et nourrit chaque jour d’un miel empoisonné la veille, il n’en dit pas un mot.

    Jason a de suite deviné le piège : la toison n’est qu’un prétexte ; c’est sa haine qui le livre à la fureur des mers. Et comment obéir ? quel moyen d’atteindre la Colchide ? Tantôt il voudrait les talonnières de Persée, tantôt l’attelage de dragons que donna Cérès au premier laboureur, (1, 70) à celui qui proscrivit le gland et fit jaillir de la terre les moissons jaunissantes. Que va-t-il faire ? En appeler à un peuple léger qu’aigrit un despotisme sans fin, et aux grands, touchés depuis longtemps du sort d’Éson ? ou bien, sous les auspices de Junon et de la belliqueuse Pallas, obéir, affronter et dompter les vagues ? Que si, triomphant de la mer, il pouvait rendre son nom fameux, ô Gloire ! c’est toi qui enflammes son cœur, toi au front toujours jeune, aux lauriers toujours verts, et qu’il voit, debout sur la rive du Phase, appeler ses jeunes compagnons. Enfin la Religion vient raffermir son âme et fixer ses incertitudes. (1, 80) Il lève pieusement ses mains vers le ciel : « Reine toute-puissante, dit-il, quand Jupiter en courroux épanchait dans les airs de noirs torrents de pluie, si je te portai à travers les flots gonflés de l’Énipée, si je te mis à l’abri du péril, ne pouvant croire que tu fusses une déesse, jusqu’à ce que le tonnerre, signe de la volonté de ton époux, t’ayant rappelée, tu disparus tout à coup à mes yeux épouvantés, guide-moi vers le Phase et la Scythie ; et toi, chaste Pallas, protége-moi : je donnerai cette toison à vos temples, et mon père environnera vos autels de bœufs aux cornes dorées, (1, 90) et d’agneaux aussi blancs que la neige. »

    Les déesses agréent sa prière. Soudain traversant l’Empyrée, elles prennent chacune une route différente. Minerve vole en toute hâte à Thespies, près de son cher Argus ; elle lui ordonne de construire un vaisseau, et d’abattre des chênes ; elle-même le conduit dans les sombres forêts du Pélion. Junon répand dans toutes les villes de la Grèce et de la Macédoine le bruit que le fils d’Éson va tenter des mers inconnues, et que son vaisseau tout prêt se balance orgueilleusement sur ses rames, demandant des bras pour le mouvoir et l’immortaliser.

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