Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La Prise
La Prise
La Prise
Livre électronique109 pages1 heure

La Prise

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Guillaume, brillant étudiant en fin de doctorat de biologie, est confronté au premier vrai dilemme de sa vie. S'engager dans sa passion pour l'écriture, ou bien vers celle de la recherche, il ne peut se décider.
Quant à sa vie personnelle, entre Catherine l'originelle, Mara la passionnée et Viviane l'incandescente, il ne peut non plus se résoudre à faire ses propres choix et se laisse porter au gré de ses conquêtes ou défaites successives.
Cœur à prendre, corps à prendre, tel est pris qui croyait prendre, à qui le tour?

LangueFrançais
Date de sortie1 déc. 2016
ISBN9781370572304
La Prise

Auteurs associés

Lié à La Prise

Livres électroniques liés

Romance pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La Prise

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La Prise - François Jodelet

    Nouvelle 1

    Début mai

    Catherine portait un chemisier fait d'une moire ancienne, bleu presque nuit, parsemée de taches noires. Elle est assise avec Guillaume sur deux fauteuils du jardin du Luxembourg.

    - Que j’aime ton corsage, dit Guillaume. Ces poinçons noirs sur le bleu, on dirait des mouches, quelque chose d'assez funèbre, à la limite salissant, et malgré tout il évoque un bleu mystique.

    - Je suis très fière d'avoir trouvé le tissu, dit Catherine. Il était dans un coffre de vieilles étoffes de la maison de Valincourt, je l'ai trouvé il y a longtemps et c'est le mois dernier que je l'ai donné à une couturière avec un patron du Jardin des Modes.

    - Il va aussi très bien avec ta peau, ton cou blanc. Ça doit être ça qui fait un contraste émouvant.

    - Les mouches noires aussi, pour moi ce ne sont pas des insectes, ce sont des taches qui viennent devant les yeux et qui volètent, quand tu es très fatigué ou que tu as bu. Pas les lumières violentes que tu as quand tu fermes les yeux, les phosphènes, c'est le terme tu sais, mais les taches qui traversent le ciel en plein jour, les yeux ouverts, très vite, sans que tu aies peur.

    Guillaume passe une main sur la moire, qui s'obscurcit sous cette traînée.

    Lorsque j’étais malade, à la chambre, reprend Catherine, il y avait des moments où j'étais complètement étourdie de fatigue, abrutie, et pourtant je ne voulais pas fermer les yeux. Alors je regardais s'entrecroiser les taches, les filaments, quelquefois des fils d'or, au dessus des toits du boulevard Raspail. Et pourtant tu sais comme il est sale, généralement, le ciel, dans ce sale quartier.

    - Tu vois, dit Guillaume, tu t'en es bien sortie. C'est formidable comme tu as repris vie, après ta réclusion, en quelques jours.

    - Je crois aussi que c'est parce que tu étais là et que je sentais que tu voulais si fort ma guérison.

    - Oui, je la voulais à tout prix, tu te rappelles, je t'avais envoyé des poèmes et même, je crois, des dessins, quoiqu'en cette matière je sois nettement moins doué.

    - Je ne me rappelle que d'un poème, es-tu sûr qu'il y en a eu beaucoup? dit Catherine en riant. En tout cas, c'était le bon, ou le mieux choisi. S'il y en a eu d'autres et que tu ne les aies pas jetés, tu me les enverras au fur et à mesure si je retombe malade.

    - Tu as peur de retomber malade?

    - Je ne sais pas, je ne crois pas, en tout cas il faut que tu gardes l'élan pour les écrire.

    Guillaume et Catherine se sont connus à l'Université où ils préparaient tous deux un doctorat de biologie. Guillaume est sorti plusieurs fois avec elle, sur un mode de plus en plus tendre. Soudain Catherine a appris qu'elle était tuberculeuse, maladie désuète mais bien réelle. Elle devait arrêter son travail universitaire, garder la chambre (elle habite chez ses parents) en se gavant d'un traitement chimique lourd, mais finalement efficace. Il fut seulement entrecoupé d'un bref séjour dans un hôpital de montagne. Il y a deux mois, on l'a déclarée guérie et elle recommence sa recherche de doctorat au laboratoire, très activement. Elle pense présenter sa thèse en fin d'année et en même temps elle essaie de trouver pour le même moment un poste de chercheur. Guillaume, pendant ce temps-là, avait passé son propre doctorat et était parti au service militaire, puis revenu après très peu de temps dans une planque du Ministère de la Défense.

    Dès que Guillaume apprit la maladie de Catherine, ses sentiments pour elle changèrent en un état proche de l'état amoureux. Il vint la voir régulièrement, ajoutant à ce rythme de base des arrivées impromptues et passionnées. Ces moments leur devinrent à tous deux essentiels. Une fin d'après-midi, ils firent l'amour, d'abord maladroitement, puis avec de plus en plus de plaisir. Lorsque Catherine reprit son travail, il était implicite qu'ils étaient engagés l'un vis à vis de l'autre (ce qu'on traduit encore par fiancés pour les parents, et par mon copain pour les copains avec l'accent sur mon).

    - En un sens, dit Catherine, quand tu es malade, claustrée, rien de pire ne peut t'arriver, c'est une forme de disparition en ta propre présence, à condition que tu ne souffres pas, je suppose, ou seulement d'être abrutie par les médicaments, ce qui était mon cas.

    - Tu n'avais pas l'air abrutie quand je venais te voir.

    - Non, à ces moments-là, il y avait en moi une seconde conscience qui répondait à tes paroles et à tes gestes  c’est pour ça que je devais être sympathique et tranquille. Mais dès que tu étais parti, ma pensée de toi était comme une traînée de poussière qui s'amenuisait  une route qui poudroie, comme dans la légende de Sœur Anne, mais à l'envers. Tout le reste, tout autre que toi, c'était derrière un rideau. Et devant le rideau, les filaments pâles glissaient devant mes yeux.

    - Tu n'avais pas peur de mourir? C'est pire, ça, tout de même.

    - Tu n'y penses pas réellement tant c'est invraisemblable; ce sont les autres qui doivent y penser. Tu y pensais, toi, Guillaume?

    - L'idée m'est venue que tu étais en grand danger, en danger de mort peut-être, mais c'est vrai, moi non plus je n'y pensais pas.

    Il l'embrasse. Mais ce n'est plus de la même manière qu'au temps de la maladie de Catherine. A ce moment-là, il l'embrassait éperdument. Bien qu'il n'eût pas voulu le reconnaître, c'était une façon de conjurer l'accident qui l'avait frappée.

    -Les gens pensent des tas de choses de la maladie, les journaux sont pleins de leur philosophie, de leurs conseils. Moi, je n'en ai jamais lu une ligne, c'était écrit comme à l'encre invisible.

    - Oui, dit Guillaume, l'encre des médecins est pâle comme du sérum physiologique. Si on bougeait? J'ai envie de voir ta blouse bleue à l'ombre.

    - Qu'est-ce que tu vas faire maintenant, dit Catherine en se levant. J'ai bien aimé ce jour où tu étais consigné à la caserne à Provins et où tu devais faire le mur pour nous retrouver à l'hôtel de la Brie. Mais maintenant que tu es planqué à Paris, ça te laisse le temps de réfléchir à ce que tu veux faire réellement.

    - Mon emploi ne me laisse quand même pas beaucoup de temps pour réfléchir si je veux faire sérieusement de la biologie, ou bien écrire tout de suite et maintenant les fictions que j'ai envie d'écrire.

    - Commence les deux.

    - Je suis à un carrefour, et même à un carrefour dans un carrefour, comme on chante en latin de cuisine dans l'Oedipus Rex de Stravinski.

    - J'aime les carrefours, surtout quand les pancartes se mélangent dans la forêt  route du Grand Chêne à l'étang des Hoiries, ou de l'arbre du Pendu au Rond des Eglantiers. Il y a un grand carrefour dans la forêt de Valincourt où tous les jeunes des résidences secondaires se donnaient rendez-vous.

    - A

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1