Essai sur le patrimoine de Beaufort-en-Vallee : un des plus beaux comtes du royaume
Par Jean-Marie Schio
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À propos de ce livre électronique
Par la volonté du pape Clément VI à qui le Roi ne pouvait plus rien refuser, un territoire et les revenus correspondants ont été soustraits du comté d'Anjou, pour être confiés à son propre frère Guillaume Roger
Une section de la Loire, entre Angers et Saumur, et la riche vallée qui la borde, désormais protégée de l'expansion de ses eaux, sont devenues en quatre ans territoire d'un vicomté, puis comté.
Et plus, la famille Roger s'est alliée aux plus beaux partis du royaume, se hissant ainsi à l'égal des princes.
Après les Roger de Beaufort, plusieurs grands personnages ont possédé ce comté, en particulier :
le roi René d'Anjou et sa femme Jeanne de Laval, René, le bâtard de Savoie ; Henri de la Tour d'Auvergne, maréchal de France ; le cardinal Richelieu ; le Grand Condé, par sa femme Claire-Clémence de Mailé-Brézé et Louis-Stanislas-Xavier, comte de Provence et futur roi Louis XVIII.
C'est un morceau d'histoire, sur quatre cent cinquante ans dans l'Ancien Régime, que l'auteur nous propose de découvrir.
Jean-Marie Schio
Né en 1942 en Anjou, Jean-Marie SCHIO est ingénieur en constructions civiles et travaux publics de l'État. L'heure de la retraite venue, il se consacre à sa passion pour les arts graphiques et la connaissance du patrimoine, en particulier dans la région de son enfance, autour de Beaufort-en-Vallée.
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Essai sur le patrimoine de Beaufort-en-Vallee - Jean-Marie Schio
Du même auteur
Dans la collection,
essai sur le patrimoine de Beaufort-en-Vallée :
L'église Notre-Dame, janvier 2015, BoD Editions
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
LA CRÉATION DU COMTÉ
Un pape nommé Clément VI à Avignon
Les lettres patentes de Philippe VI roi de France
Guillaume II Roger, premier comte de Beaufort
Guillaume III Roger vicomte de Turenne
Roger Roger, chambellan du duc d'Anjou
Antoinette de Turenne et Boucicaut
Les autres porteurs du titre dans la famille Roger
Tableau chronologique des rois de France, ducs d'Anjou et comtes de Beaufort 1347-1498
LE COMTÉ RÉUNI AU DUCHÉ D'ANJOU
René d'Anjou prend possession du comté
René épouse Jeanne de Laval
La gestion du comté
Les voyages du couple royal
La retraite de René d'Anjou en Provence
Jeanne de Laval à Beaufort
Pour un portrait de Jeanne
LE RETOUR A LA COURONNE
L'engagement de René, le bâtard de Savoie
Le besoin d'inventaire des biens du comté
Pour un nouveau bail à ferme des revenus du comté
Les officiers du Roi inspectent le domaine
Le livre de comptes de l'année 1567
RÉFORMATION DU COMTÉ et MISE EN VENTE
François d'Alençon fixe les limites géographiques du comté
Esquisse du plan des limites du comté
L'engagement de Henri de la Tour d'Auvergne
DE RICHELIEU au GRAND CONDÉ
L'achat du comté par Richelieu
La famille Maillé-Brézé hérite du comté
Claire-Clémence comtesse de Beaufort
L'APANAGE DU COMTE DE PROVENCE
Une période transitoire
Le comte de Provence apanagiste
Louis-Stanislas se fait appeler Monsieur
Monsieur gère son comté
La fin du comté de Beaufort
ÉPILOGUE
Les personnages qui ont porté le nom de Beaufort
Mais un domaine souvent géré de loin
ANNEXES
Éléments de féodalité
Titres de la famille Roger de Beaufort
Testament de Jeanne de Laval
Lettres patentes de François d'Alençon
Le terrier de 1632 commandé par Richelieu
Inauguration de la statue de Jeanne de Laval, à Beaufort-en-Vallée
NOTES
BIBLIOGRAPHIE
Crédits
Introduction
Les ruines du château fort de Beaufort en Anjou témoignent d'une seigneurie, au nord de la Loire, entre Angers et Saumur. Les plus anciennes traces écrites en remontent au IXe siècle. Le premier propriétaire cité serait, en 879, Tertulle, un breton né vers 820. Son fils Ingelger, sera chargé de défendre l'Anjou, dont il a été nommé vicomte, contre les velléités des Bretons.
Hugues de Beaufort est le premier seigneur dont l'histoire locale retient le nom. Celui-ci accompagne en 1118 le comte d'Anjou, Foulques V, dans son combat et une victoire retentissante, contre les Anglais, près d'Alençon.
C'est dans ce moment que les moines de l'abbaye de Saint-Maur se plaignent des mauvaises habitudes du prévôt du château de Beaufort, quand ce dernier vient festoyer au couvent, avec de trop nombreux compagnons, à l'occasion de la fête de Saint-Maur.
Le titre le plus ancien connu au bénéfice de seigneurs de Beaufort est une concession accordée, en 1148, par le comte d'An-3jou Geoffroy V le Bel Plantagenêt, à Othon du Lac, seigneur de Périers, de 1200 arpents de frous, marais et dégâts de la forêt. Le comté d'Anjou intègre le domaine de la couronne après la confiscation qu'en fit Philippe Auguste sur Jean sans Terre par l'arrêt solennel de 1202.
En 1331, l'Anjou est assigné pour apanage au fils aîné du roi de France Philippe VI, Jean de France.
C'est sous ce règne, en 1342, que commence l'histoire des comtes de Beaufort qui, s’ils n’ont guère été présents dans leur comté, ont été, pour plusieurs d'entre-eux, des personnages influents du royaume.
Au temps des Roger et des comtes héréditaires, beaucoup se sont disputés le titre, faisant le bonheur des avocats et procureurs, qui de fait étaient nombreux dans l'entourage des grandes familles de l'ancien régime.
L'histoire des comtes de Beaufort n'est pas séparable de celle de ce que nous appelons, encore aujourd'hui, « la Vallée ». Cette plaine qui, dans les temps très anciens, était sans cesse submergée par les eaux de la Loire et de l'Authion, a été recouverte d'alluvions fertiles devenues sources de richesse, après que des levées suffisantes furent construites pour en permettre l'exploitation.
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La création du comté
Un pape nommé Clément VI à Avignon
L'histoire commence en Limousin, au château de Maumont, dans la paroisse des Rosiers d'Égleton, au nord de Tulle. Vers 1290, un petit Guillaume naît au foyer de Guillaume et Guillaumette Roger [ou Rogier], de petite noblesse. L'année suivante, c'est la naissance de Pierre dont le destin est hors du commun.
Vers 1325, Guillaume II épouse, à Lepaud, en Limousin, Marie de Chambon, née en 1310 à Avignon. Elle lui donnera dix enfants.
De son côté, Pierre qui a suivi la voie religieuse, devient pape, en 1342, sous le nom de Clément VI.
Pierre Roger pape sous le nom de Clément VI
Pierre est le deuxième fils des Roger. Né en 1291, il est envoyé pour ses études, à dix ans, chez les bénédictins de l'abbaye de la Chaise-Dieu, en Auvergne. Il poursuit l'étude de la théologie à Paris.
Nommé abbé de Fécamp en 1326, Pierre progresse rapidement et devient archevêque de Rouen en 1330. La même année, il accède à la présidence de la Chambre des Comptes.
Le roi de France, Philippe VI en fait son homme de confiance et son ambassadeur auprès du roi d'Angleterre et de la papauté. Il obtient alors des avantages financiers importants.
Dans son ascension, Pierre entraîne sa famille. Il est généreux en particulier pour son frère aîné Guillaume. Celui-ci obtient les faveurs du roi de France, Philippe VI, et de son fils Jean de Normandie, comte d'Anjou.
Pierre est élu pape, à Avignon, le 19 mai 1342, sous le nom de Clément VI. D'un abord avenant, aux allures dégagées, il est aimable, conciliant, excellent orateur, bon théologien et habile politique.
Comme il déteste l'austérité, il fait rénover le palais, en puisant dans les réserves financières de la papauté. Il attire à Avignon les artistes, savants et hommes de lettres. Il prête beaucoup d'argent au roi de France.
L'histoire retient aussi qu'il a mené une lutte efficace contre la peste noire. En 1340, son médecin personnel, un certain Guy de Chauliac, est autorisé à pratiquer des autopsies publiques sur le corps des pestiférés.
Gravement malade depuis un an, Clément VI meurt le 6 décembre 1352.
Pour son tombeau en albâtre, à l'abbaye de la Chaise-Dieu, Clément VI avait tenu à être entouré par les membres de sa famille et donc, de Guillaume Roger. Il n'en reste malheureusement aujourd'hui qu'un fragment, conservé au musée du Puy.
On y aurait reconnu Almodie, sœur de Guillaume, entourée de ses quatre filles et d'un de ses fils. Une copie en moulage plâtre est exposée dans l'abbaye de la Chaise-Dieu.
Les lettres patentes de Philippe VI roi de France
Dès son avènement au pontificat, Clément VI s'empresse de distribuer ses bienfaits, notamment auprès des membres de sa famille. Au comte d'Anjou, accouru à Avignon pour soutenir sa candidature au conclave, il demande, pour son frère Guillaume, en reconnaissance des services rendus, un bénéfice des plus importants.
A partir de là, la carrière de Guillaume II Roger se construit sur les traces de son frère cadet, à qui le trône de France ne peut rien refuser.
C'est ainsi que depuis sa résidence de Villeneuve, près d'Avignon, Jean fils aîné du roi Philippe VI rédige, le 27 mai 1342, les lettres patentes qui accordent à Guillaume la donation d'une rente annuelle de mille livres tournois avec tout droit de juridiction haute, moyenne et basse, et un « chastel ou maison forte, là où la dite rente sera assise ». Le seigneur Guillaume Roger et ses héritiers doivent de ce fait rendre foi et hommage au comte d'Anjou et à ses successeurs pour la châtellenie de Beaufort, qui dépend depuis longtemps du domaine royal.
Pour évaluer les revenus de la donation, deux commissaires avaient été envoyés à Beaufort : Oudart Le Coc, conseiller du Roi, et Guillaume de la Porte.
Examinons avec l'historien Camille Rivain les lignes essentielles de leur rapport. Les revenus les plus importants proviennent des droits de place sur les foires et marchés, des taxes sur les denrées et objets vendus et des redevances en nature ou en argent payées par les usagers des herbages de la Vallée.
Il se tenait alors à Beaufort trois foires par an, en dehors du marché ordinaire qui se tenait chaque semaine le mercredi. Les foires de l'Annonciation et de la Saint-Jean-Baptiste duraient deux jours, lorsque ces fêtes tombaient un mercredi. Celle de la Saint-Martin durait toujours deux jours.
Les droits perçus sur la viande que les bouchers étrangers à la ville venaient vendre au marché, les redevances payées par les bouchers de la ville même, les taxes sur les cuirs de toute nature, les « coutumes » des draps, des merceries, des ferrons, des changeurs, de l'oint, des chandelles, du pain, des baudriers, du poisson, des faucilles sont estimés ensemble à 60 livres tournois, par an.
Les étaux des bouchers, des drapiers, des merciers, des ferrons, des épiciers, des changeurs, des tanneurs, des vendeurs de souliers sont estimés 99 livres 4 sols tournois et le forage des vins 8 livres.
Les taxes perçues sur la vente du blé rapportent 40 livres ; les droits de vente des bêtes sur pied, sur le marché, 10 livres et les taxes sur les menues denrées et objets divers, données à ferme, produisent, bon an mal an, 13 livres 6 sols 8 deniers tournois.
Les trois foires citées ci-dessus rapportent annuellement 20 livres tournois. Nous y ajoutons le revenu d'une foire qui se tient chaque année à Saint-Georges-du-Bois, le jour de la Saint-Georges. Appartenant à la prévôté de Beaufort, elle rapporte 29 sols, douze deniers, ou un agneau, au choix.
Plus importants sont les revenus des droits de pâturage appartenant à la prévôté dans les herbages de la Vallée. Ils sont estimés à 140 livres tournois, auquel il faut ajouter 61 livres, pour les prés de la Troppée et des Chantiers appartenant en propre à la prévôté.
Les droits de passage sur les marchandises, appelés « trépas », à Beaufort, Porteaux, Saint-Maur-sur-Loire, sont estimés à 15 livres 12 sols ; les droits de garde, appelés « baillies », les join-drages, droits de pâturage pour les jeunes bestiaux, et les trépas de Mazé, Brain, Sorges et d'outre-Loire, sont estimés à 50 livres, sans parler des droits de juridiction.
Les abbés, prieurs et seigneurs des environs doivent aussi au châtelain de Beaufort divers droits en raison de leurs possessions ou usage, dans la Vallée. Ils s'en acquittent en argent ou en nature.
Citons plus particulièrement : l'abbé de Saint-Florent, le prieur de Cunault, le seigneur de l'Etang-de Gennes, le prieur du Guédéniau, le prieur de Saint-Romme, le seigneur du Vergier, le seigneur de Pommereux, la dame de Sazé à Blaison, l'abbesse de Notre-Dame d'Angers, les abbés de Saint-Aubin d'Angers, de Toussaint, de Chaloché, le prieur de Beaufort et les Basilles de Bauné. L'ensemble de ces rentes exprimées en mesure de blé ne dépassent pas, toutefois, un montant estimé à 6 livres 16 sols 7 deniers tournois.
Il faut y ajouter des redevances en jalois de vin, en raison de maisons situées à Trèves et à Gennes et de droits d'usage dans