1 LE FOND DE L’AFFAIRE
Aux XII e et XIIIe siècles, le royaume de France est éclaté en nombreuses principautés largement indépendantes du roi, dont le pouvoir se limite à réclamer – sans certitude de les obtenir complètement – l’aide militaire et financière due selon le droit féodal. Le duché de Bretagne est l’une de ces principautés, mais pas la plus puissante. Émietté en baronnies rivales, il devient la cible d’une lutte d’influence entre les rois de France et d’Angleterre. Le très puissant Henri II Plantagenêt (1133-1189, roi en 1154) réussit à s’attacher le duc Conan IV (v.1135-1171, duc en 1156) en lui offrant le très riche fief de Richemont (Richmond, Yorkshire, au nord de l’Angleterre). Puis il lui sauve la mise contre ses vassaux révoltés, soutien payé au prix fort: en 1166, Henri force Conan à promettre Constance, son héritière de 5 ans, en mariage à son fils Geoffroy, âgé de 7 ans. Puis le roi d’Angleterre confisque le gouvernement du duché au nom des deux enfants… Conan est forcé d’abdiquer et le roi de France, Louis VII, ne peut que reconnaître la prééminence des Plantagenêts dans tout l’ouest de son royaume en 1169.
Louis VII était faible… ce qui n’est pas le cas de son fils Philippe II. Celui qu’on qualifiera plus tard d’Auguste profite en 1202 des tensions entre le nouveau roi d’Angleterre Jean sans Terre et les Bretons. Allié à ces derniers, le roi de France conquiert la Normandie.
Et le duché de Bretagne quitte l’orbite des Plantagenêts pour entrer dans celle des Capétiens. Affirmant dès 1206 « tenir en main propre toute la Bretagne », le roi de France marie en 1213 son cousin Pierre de Dreux (v.1187-1250, duc par alliance de 1213-1237, puis régent) à l’héritière du duché, Alix de Thouars (1200-1221).
En dépit d’une brève révolte contre la centralisation royale au début du règne de saint Louis, la nouvelle dynastie se fait surtout remarquer par sa loyauté sans faille envers les Capétiens. Ainsi, alors que la plupart des princes estiment que les ordonnances des rois de France ne s’appliquent qu’au domaine royal, les ducs de Bretagne les appliquent en nombre sans rechigner. Philippe le Bel est même autorisé à lever un impôt direct sur les Bretons en 1303 pour financer sa guerre contre la Flandre. Le roi peut revendiquer non seulement la suzeraineté, mais aussi la souveraineté sur la Bretagne: tout justiciable mécontent d’une sentence de la justice bretonne peut en effet saisir le parlement de Paris, cour d’appel suprême du royaume. En 1297, la loyauté des ducs de Bretagne est récompensée par le titre de « pair de France » qui les élève à la même dignité que les comtes de Flandre, les ducs de Bourgogne ou de Guyenne, incomparablement plus puissants.
La guerre de Succession de Bretagne peut être interprétée comme la rupture de ce processus de soumission croissante au roi de France, et comme le retour dans le jeu du rival anglais qui semblait définitivement écarté.
2 LE CASUS BELLI
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