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Le Duc de convenance: Les Secrets des ducs, #3
Le Duc de convenance: Les Secrets des ducs, #3
Le Duc de convenance: Les Secrets des ducs, #3
Livre électronique465 pages5 heuresLes Secrets des ducs

Le Duc de convenance: Les Secrets des ducs, #3

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À propos de ce livre électronique

Un dévergondé surprotecteur. Un bas-bleu audacieux. Un mariage de convenance entre deux contraires… qui deviennent fous l'un de l'autre.

Se marier ? « Non merci ! » a toujours été la réponse de lady Calliope Seaton. Mais elle doit accéder à des documents navals pour sauver son frère Spencer. Et elle ferait n'importe quoi pour les trouver — même épouser Nathaniel Fitzgerald, officier de la marine peu recommandable et duc de Kelford.

L'audacieux bas-bleu obsède Nathaniel depuis qu'elle s'est introduite dans son bureau. Et pour obtenir son héritage, il a besoin d'une épouse et d'un héritier. Il propose donc un mariage de convenance. Emménager dans le manoir délabré de Mayfair de Nathaniel et prendre en charge ses trois sœurs non instruites mettrait au défi même la plus brave des épouses. Mais très vite, Calliope répare sa demeure, conquiert ses sœurs, et séduit son cœur.

Les vifs sentiments que Nathaniel ressent pour son audacieuse épouse éveillent en lui un puissant instinct protecteur. En particulier lorsqu'il apprend qu'elle attend peut-être un enfant — et qu'un inconnu menaçant envoie des assaillants armés de couteaux.

Calliope ne se laissera jamais emprisonner, et l'envie de la protéger transforme Nathaniel en un tyran qu'il déteste. Leurs différences les détruiront-elles, ou l'amour peut-il vaincre la peur ?

 

Tous les tomes de la série Les Secrets des ducs :

0 – Vendue au duc (préquel)

1 – La Belle et le Duc

2 – La Fausse fiancée du lord débauché

3 – Le Duc de convenance

4 – Le Pari du lord vaurien

4,5 – La Seconde chance du duc (nouvelle de Noël)

Chaque livre peut être lu indépendamment et dans n'importe quel ordre. Fin heureuse garantie !

LangueFrançais
ÉditeurMariah Stone
Date de sortie22 nov. 2024
ISBN9798230062271
Le Duc de convenance: Les Secrets des ducs, #3

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    Aperçu du livre

    Le Duc de convenance - Mariah Stone

    CHAPITRE 1

    Londres, 1813

    La chaleur qui émanait de la tasse de thé dans les mains de lady Calliope ne suffisait pas à chasser les frissons qui remontaient le long de son échine. L’air chaud du mois de juin dans le salon jaune baigné de soleil de sa demeure, Sumhall Place, non plus.

    William King, le marquis de Huntingham, était assis de l’autre côté de la table à thé et la retenait captive de son regard froid. Même avec sa grand-mère dans la pièce, ainsi que Preston et Penelope, l’épouse de Preston depuis deux mois, son cœur tambourinait d’une panique qu’elle n’avait pas ressentie depuis ses douze ans — la dernière fois qu’elle avait vu William.

    Quelle erreur que de permettre la visite de William ! pensa-t-elle. Cependant, elle ne pouvait prévenir sa famille de la véritable nature de cet homme, car cela révélerait son secret honteux. Le secret que détenait William.

    — Nous avons tous appris pour votre cher père, dit la duchesse douairière, la grand-mère de Calliope, penchant son élégante tête aux cheveux argentés parfaitement coiffés tout en grattant l’oreille d’un chat persan au poil soyeux couché sur ses genoux.

    En dépit des caresses, que Miss Furrington adorait d’ordinaire, la chatte ne montrait aucun signe de son bonheur habituel ; au lieu de cela, elle fixait Huntingham avec de grands yeux, les pupilles dilatées. Calliope ressentait la même chose.

    — Comme c’est terrible pour vous ! ajouta sa grand-mère. Pour toute votre famille, cher William.

    William, c’était le prénom qu’elle avait connu à l’époque. Même si c’était aussi le prénom que sa grand-mère avait utilisé, cet homme n’était plus William. La douceur d’un garçon de quinze ans avait quitté son visage.

    À la place, le visage agréablement anguleux d’un homme la fixait, avec des pommettes hautes et de grands yeux marron encadrés de cils sombres. Sa bouche large et séduisante — fermement pincée, la lèvre supérieure toujours légèrement courbée — laissait deviner son arrogance, et les lignes autour dénotaient un homme très critique. Sa mâchoire carrée était parfaitement bien rasée, et ses épais cheveux marron foncé étaient élégamment coiffés en coup de vent.

    Bien qu’il soit indéniablement beau, la surface immaculée cachait un intérieur froid. Lui apportant le courage dont elle avait tant besoin, le souvenir d’un autre homme fit déferler une vague de chaleur en elle. Seulement quelques jours auparavant, elle dansait dans les bras de Nathaniel, le duc de Kelford, au bal de la marine royale. Les cheveux dorés, grand, musclé et magnifique, il avait été époustouflant dans son uniforme de la marine. Elle n’avait pu s’empêcher d’avoir l’impression de voler dans ses bras. Que son cœur était rempli de papillons qui battaient des ailes. Elle avait brûlé sous l’intensité de son regard turquoise, et sa peau l’avait picotée sous les paumes du duc. Si seulement ce charmant débauché était assis en face d’elle en ce moment, et non ce serpent…

    Les larges épaules de William montraient sa force, et il avait les cuisses musclées d’un cavalier. Mais Nathaniel était beaucoup plus imposant, avec d’épais muscles sous son uniforme — peu de gentlemen avaient une telle carrure. Les yeux de Calliope se posèrent sur les grandes mains de William. L’une d’elles reposait sur l’accoudoir du fauteuil aux gravures complexes, désinvolte et détendue. Pourtant, elle savait à quel point cette main pouvait être cruelle. Un frisson la parcourut à ce souvenir.

    Et son frère aîné, Spencer, n’était pas là pour défendre son honneur comme il l’avait fait à l’époque. Il était le seul à savoir ce qui s’était passé.

    — Grand-mère, dit Preston avec un sourire d’excuses. Il faut l’appeler Huntingham à présent.

    — Je sais, répondit-elle en caressant Miss Furrington. Huntingham, j’espère que vous me pardonnerez mon manque de formalité. C’était une marque d’affection. Nos familles étaient auparavant très proches.

    Un autre frisson dévala l’échine de Calliope. Tout cela était vrai… jusqu’à ce que leurs familles s’éloignent — à cause d’elle.

    Preston hocha la tête, une sincère tristesse voilant ses yeux sombres.

    — Je vous présente également mes condoléances, Huntingham. Nos pères étaient très bons amis et voisins. Je me souviens bien de lui.

    Assise à côté d’elle sur le canapé, Penelope, qui était rapidement devenue l’une de ses meilleures amies, plissa les yeux en observant Calliope avec inquiétude. Penelope était magnifique avec ses jolis cheveux blond foncé et son impeccable robe en soie violette digne de la duchesse qu’elle était à présent. Mais ce qui la rendait encore plus belle, c’était le bonheur qui irradiait pratiquement d’elle, tout comme de Preston.

    Huntingham hocha la tête sans une once de chagrin.

    — Oui. Mon père nous manquera grandement.

    La duchesse douairière ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais Huntingham n’avait pas terminé.

    — Bien que nous soyons encore tous en deuil, cependant, je ne puis me permettre de m’apitoyer sur mon sort plus longtemps, déclara-t-il, avant de lancer un regard à Preston. Grandhampton, je suis certain que vous comprenez étant donné que vous avez récemment hérité de votre titre et que vous connaissez toutes les responsabilités.

    Il adressa un sourire froid à Penelope.

    — Vous avez trouvé une épouse peu de temps après votre deuil, comme il se doit.

    Un pli barra le front de Preston et les coins de sa bouche se baissèrent, trahissant la tension qu’il n’était pas censé montrer sur son visage d’ordinaire calme. Leur union, à Penelope et lui, n’avait pas été un mariage normal comme le croyaient les gens. Preston l’avait épousée pour venger la mort de Spencer, pensant qu’il ruinerait son père. Mais la femme qu’il avait prise pour son ennemie était devenue son grand amour.

    — Oui, dit-il poliment.

    — Maintenant que je suis le nouveau marquis et que le deuil est terminé, je dois faire comme vous et trouver une épouse.

    Lorsqu’il prononça le mot « épouse », son regard intense se posa de nouveau sur Calliope, et un frisson glacé descendit lentement dans son dos. Voulait-il… l’épouser ?

    C’était fini ; elle n’en pouvait plus. Elle allait sauter sur ses pieds, les couvrir de honte, sa famille et elle, et s’enfuir.

    Mais elle ne s’autorisa pas à perdre son sang-froid.

    Calliope eut l’étrange sensation de sortir de son corps et de se regarder comme si elle était une autre invitée. La jeune femme calme ne montrait pas un signe de la détresse qui faisait rage dans son âme. Sa tasse de thé d’un blanc immaculé ne fit pas un bruit quand elle la reposa sur la soucoupe sur la table. Son dos était parfaitement droit, elle gardait la tête haute, et ses jambes ne tremblaient pas sous l’envie de bondir et de s’enfuir. Elle parvint même à refouler le besoin de respirer aussi profondément et rapidement que possible. Seule la couleur de ses joues pourrait trahir son trouble, mais celles de Penelope étaient également un peu rouges, sans doute à cause de la chaleur estivale dans la pièce.

    Preston parcourut rapidement l’homme d’un regard évaluateur.

    — Veuillez m’excuser d’être aussi franc, mais je dois admettre que votre visite aujourd’hui m’a surpris, étant donné que nos familles ne sont plus en contact depuis des années.

    Une colère fugace retroussa la lèvre du marquis. Il ne le leur dirait pas, si ? Non, certainement pas. Mais même s’il gardait le silence — comme depuis toutes ces années —, il détenait quand même cette information, comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Calliope.

    — Oui, vous étiez dans cette pension en Écosse, dit Huntingham, posant l’une de ses longues jambes sur l’autre.

    Ciel, qu’il était grand ! Il était peut-être même plus grand que ses frères, néanmoins, sans doute pas aussi bien bâti.

    — Vous ignorez donc que feu votre frère et moi avons eu un désaccord.

    Depuis septembre, Calliope, sa famille et le monde entier avaient cru Spencer mort. Ensuite, depuis juin, ils le cherchaient sans savoir s’il était vraiment mort ou vivant. S’il avait vraiment été racolé ou non. Le regard de Calliope se posa sur l’imposant fauteuil aux gravures complexes près de l’âtre, le fauteuil favori de Spencer, et sa poitrine lui fit mal tant son frère aîné lui manquait. S’il avait été présent, William n’aurait pas osé se montrer ici.

    Spencer, qui avait alors été âgé de dix-huit ans et qui pratiquait la boxe depuis des années, lui avait, avec seulement quelques coups précis et magistraux, fendu la lèvre, poché un œil et brisé une côte, d’après la vitesse à laquelle William s’était enfui en se tenant le flanc. La famille King n’était plus jamais retournée à Grandhampton Court.

    — Quel était le sujet de ce désaccord, si je puis me permettre ? demanda Preston.

    Les yeux d’un marron aux tons chauds de William semblaient glacés lorsqu’ils se posèrent de nouveau sur Calliope. Il ne répondit pas, l’observant, la maintenant dans le souvenir atroce du jour qui avait changé la trajectoire de sa vie entière.

    Le jour où de longs rideaux s’étaient balancés alors qu’une chaude brise estivale entrait par les portes-fenêtres ouvertes de la bibliothèque. Le jour où elle avait senti la douce couverture en cuir d’un livre dont elle n’était pas censée s’approcher à l’âge de douze ans. La première fois de sa vie qu’elle avait ressenti cela : cette brûlure, cette souffrance, et elle avait touché la partie la plus intime de son corps en imaginant que le garçon aux yeux marron lui faisait les choses qu’elle lisait…

    Puis deux mains fortes lui avaient arraché le livre… Et les yeux marron qui la fixaient n’étaient plus le fruit de son imagination. Deux doigts lui avaient caressé le cou, la merveilleuse surprise la faisant frissonner…

    Puis un puissant pincement douloureux en bas de son cou avait remplacé ce sentiment par un choc glacial. Et les yeux étaient passés de chaleureux à énervés, dégoûtés.

    Et il avait murmuré quelque chose qui avait fait se recroqueviller son âme :

    « Sale putain. »

    Calliope frissonna à ce souvenir, agrippant la jupe en mousseline vert pastel de sa robe.

    — Le désaccord…, dit lentement William King, son regard tel des griffes acérées qui s’enfonçaient dans la peau de Calliope. Je ne m’en souviens pas. Et vous, lady Calliope ?

    C’était la première fois qu’il s’adressait à elle ; la gorge de Calliope se noua et ses lèvres étaient si crispées qu’elle ne pouvait les bouger. Ce n’était pas elle. Personne ne lui faisait cela. C’était une femme forte et intelligente, qui avait l’intention de devenir enquêteur, de combattre le crime et de chercher les gens disparus. Comment une seule personne pouvait-elle la faire se sentir aussi sale et insignifiante ?

    Pourtant, l’endroit en bas de son cou où William l’avait pincée la brûlait. C’était comme si elle était retenue par des chaînes qu’elle ne pouvait briser.

    Il sentait probablement sa détresse ; les commissures de ses fines lèvres remontaient dans un sourire satisfait à peine perceptible.

    — Je ne m’en souviens pas non plus, finit-elle par répondre.

    Sa voix n’avait jamais été si faible.

    William hocha la tête, ses épaules s’affaissant alors qu’il se détendait visiblement. Un air triomphant sur son visage montrait qu’il savait qu’il la contrôlait. Un mot à propos de ce qu’il avait vu, un mot et il causerait un scandale qui ternirait pour toujours son nom et celui de sa famille.

    — Cela devait être un simple malentendu, conclut William. Quelle importance, de toute façon ? Je crois que nos familles peuvent de nouveau être amies comme avant. À vrai dire, je me demande si nos familles pourraient être unies par des liens plus profonds que l’amitié.

    Le silence s’abattit sur la pièce. Calliope entendait l’horloge dans le couloir. Les fenêtres ouvertes apportaient le bruit d’un cheval qui trottait et le cliquetis des roues d’une voiture sur les pavés. La duchesse douairière se figea, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte. La main de Penelope s’arrêta, sa tasse de thé à mi-chemin de sa bouche. Miss Furrington leva la tête, les oreilles dressées et pointées vers William. Les yeux sombres de Preston s’arrondirent dans une expression agréablement surprise. Il lui cherchait un époux depuis des semaines.

    Preston se redressa dans son fauteuil, un sourire étirant ses lèvres.

    — Je me demande la même chose. La lignée des marquis de Huntingham est ancienne et respectable. N’êtes-vous pas d’accord, ma sœur ?

    Calliope n’avait certainement pas envie de se marier. Un époux désapprouverait complètement les projets qu’elle avait pour sa vie. Même ses frères étaient convaincus que ce serait dangereux qu’elle ouvre une agence d’enquête et qu’il fallait l’en empêcher.

    Mais William serait pire que n’importe quel époux. S’il l’avait pincée pour avoir lu un livre obscène, que lui ferait-il lorsqu’elle lui appartiendrait ?

    Elle devait se défendre. Elle ne pouvait les laisser l’emprisonner dans un mariage avec quelqu’un comme lui.

    La gorge de Calliope lui semblait aussi sèche que du papier. Elle eut l’impression d’avaler une pierre lorsqu’elle déglutit avant d’essayer de s’efforcer de parler. Perdant le contrôle pour la première fois depuis l’arrivée de William, elle bougea sa jambe et heurta la table à thé, ce qui projeta sa tasse et sa soucoupe par terre. William bougea brusquement vers elle pour les attraper.

    La tasse se brisa bruyamment.

    Miss Furrington se leva, fit le dos rond et cracha férocement sur William, puis elle se jeta sur sa main — la main qui avait pincé Calliope —, la mordant et y enfonçant ses griffes acérées.

    Il bondit et hurla en agitant la main, la fourrure et la queue blanche de Miss Furrington fendant l’air comme un gros manchon duveteux.

    — Miss Furrington ! s’écria la grand-mère de Calliope en se précipitant pour récupérer la chatte.

    — Oh non ! cria Penelope en sautant également sur ses pieds.

    — Damnation ! marmonna Preston.

    Il saisit la chatte, qui s’accrocha plus fermement à la main de William en continuant de cracher. Quand Miss Furrington fut enfin assez détendue pour rentrer ses griffes, des égratignures ensanglantées recouvraient la main de William et il la serrait contre son torse, ses yeux marron écarquillés et sombres. Avec une satisfaction coupable, Calliope se dit qu’il avait la même allure que quand Spencer l’avait roué de coups.

    Miss Furrington sauta des bras de Preston, laissant des poils blancs sur son manteau sombre immaculé, et se roula en boule sur les genoux de Calliope en lançant un regard d’avertissement à William.

    — Je suis navrée, Huntingham, dit la duchesse douairière en fouillant dans son réticule pour en sortir un mouchoir. Miss Furrington n’est jamais ainsi. Elle doit être angoissée, car Sumhall est sa nouvelle demeure temporaire en attendant que lady Calliope se marie.

    Quand Richard — le frère de Calliope et Preston, qui avait vécu à Sumhall avec Calliope — s’était marié et était parti en voyage de noces deux jours auparavant, leur grand-mère et Miss Furrington avaient emménagé afin que quelqu’un gère la propriété pour la jeune femme non mariée.

    William prit le mouchoir et l’enroula autour de sa main en fixant Calliope avec une colère à peine dissimulée.

    — Vous devez faire examiner votre main par votre médecin, dit Calliope en le considérant et en caressant la douce fourrure chaude de sa petite protectrice. Immédiatement.

    Il ne détourna pas les yeux, dardant sur elle un regard assassin.

    — Non, répondit-il en se rasseyant. Quelque chose d’aussi infime que des griffures de chat ne suffira pas à me dissuader de ma mission.

    — Je vous présente mes excuses, Huntingham, dit Preston, se dirigeant vers la cloche des domestiques et la sonnant.

    — Sottises. Vous pouvez oublier que cela s’est produit, déclara William.

    Leur grand-mère se rassit également, son regard vif posé sur Calliope et Miss Furrington.

    — Cette chatte vous aime assurément, ma chère, murmura-t-elle.

    — Retournons à la question qu’a posée votre frère, lady Calliope, insista William. Que pensez-vous du fait de renouer les liens d’amitié entre nos familles ?

    — L’amitié est une chose. En ce qui concerne les liens plus profonds, ne pensez-vous pas que nous devrions attendre le retour de Spencer avant d’envisager de telles décisions, mon frère ?

    L’ombre du sourire de Preston disparut. Évidemment, il n’y avait aucune certitude que Spencer reviendrait un jour. La famille était convenue d’agir comme s’il était vivant, mais perdu, et faisait tout ce qui était en son pouvoir pour le récupérer. Si Spencer revenait, Preston resterait duc, car le titre ne pouvait être rendu, mais sans lui, la famille était comme un corps auquel il manquait un membre.

    En outre, en sachant ce qui s’était produit par le passé, Spencer ne laisserait jamais William l’épouser.

    Ce dernier blêmit, et son regard intense et prédateur s’effaça.

    — Votre frère n’est-il pas… mort ? Veuillez m’excuser pour cette question indiscrète.

    — Nous sommes certains qu’il est en vie, déclara Calliope en dardant sur lui le regard le plus froid possible. Et nous le cherchons.

    — Vous ignorez donc s’il est mort ou vivant ? Et où il est ? demanda William.

    — Nous l’ignorons, répondit Preston. Mais comme l’a dit ma sœur, nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour le récupérer. Et je ne pense pas que nous ayons besoin d’attendre le retour de Spencer pour prendre une décision concernant votre avenir, Calliope. Je sais que vous ne souhaitez pas prendre un époux, mais Huntingham n’est pas un inconnu. Vous le connaissez depuis toujours. N’étiez-vous pas amis avant ?

    Calliope regarda William en haussant un sourcil.

    — Nous l’étions, en effet. Chaque année, nous avons passé l’été ensemble, étant donné que le marquis a le même âge que Richard.

    — Dans ce cas, je suis certain de pouvoir vous persuader de changer d’avis, déclara William en la fixant encore une fois. D’être de nouveau amis. D’oublier le malentendu.

    Il mentait. Elle sentait pratiquement le jugement, le ressentiment, la moquerie. Elle ne comprenait pas pourquoi quelqu’un comme lui, un marquis, riche et noble, voudrait épouser une fille qu’il avait qualifiée de putain.

    Calliope déglutit avec difficulté, refusant de montrer le moindre signe de faiblesse devant lui, en dépit de ses joues brûlantes.

    — Par exemple, nous pourrions renouer des liens grâce à notre amour mutuel pour les livres, continua lentement William. Votre bibliothèque ici à Sumhall est-elle aussi bien fournie que celle de Grandhampton Court ?

    La gorge de Calliope se dessécha tant que cela fut douloureux. Ses joues étaient en feu.

    — Je n’avais pas conscience que vous aimiez les livres, déclara Preston. Le saviez-vous, Calliope ?

    Son dos était trempé de sueur. Le poids de Miss Furrington sur ses genoux n’était plus rassurant.

    — Non. J’ignorais que la lecture intéressait Huntingham.

    — Vous sentez-vous bien, ma chère ? demanda doucement Penelope. Vous êtes si pâle.

    Il la transformait en cette couarde blême qu’elle n’allait pas être. Un mot prononcé par William au moment le plus intime et le plus vulnérable de sa vie l’avait brisée. Pouvait-il encore exercer une telle emprise sur elle quatorze ans plus tard ?

    Elle ne le laisserait pas faire. Elle contrôlait sa vie et elle ne le laisserait pas lui dérober ce contrôle.

    Un peu trop abruptement, elle retira une Miss Furrington mécontente de ses genoux. Libérée de sa petite protectrice, elle se leva, détestant d’être incapable d’affronter William, et se résolut à fuir.

    — En effet, je me sens mal, ma sœur. Veuillez m’excuser, Huntingham. Je serai fort occupée les semaines à venir. À vrai dire, je quitterai probablement Londres. Je vous souhaite du succès dans votre recherche d’une épouse qui ne sera, malheureusement, pas moi.

    Ayant l’impression d’être une sorcière pourchassée par l’Inquisition, et par le bruit des pieds de Preston et de William, qui se levèrent brusquement, elle se hâta de quitter le salon et de monter les marches menant à sa chambre.

    C’était sérieux, pensa-t-elle en gravissant l’escalier, qui semblait infini. Elle ne pouvait parler du comportement passé de William à Preston, car elle ne supportait pas l’idée de perdre son estime lorsqu’il apprendrait qu’elle avait lu un tel livre à un si jeune âge.

    Sa seule option pour éviter William et veiller à ce qu’il ne lui fasse pas de chantage pour qu’elle l’épouse, c’était de trouver Spencer dès que possible. Pas seulement pour qu’il la protège, mais aussi pour sauver Spencer de tout danger mortel qu’il pourrait courir.

    Et pour le trouver, elle devait aller voir Nathaniel à l’amirauté et lui demander de l’aider à trouver des informations sur l’endroit où pouvait se trouver Spencer et sur ce qui pouvait lui être arrivé.

    Et elle devait faire cela sur-le-champ.

    Elle s’arrêta dans l’escalier et regarda en bas. Quel meilleur moment que quand elle était « souffrante » et qu’ils la laisseraient tranquille pour qu’elle se rétablisse ? Elle se retourna et descendit les marches, se glissant hors de la maison avant même que Teanby, leur majordome, ne le remarque.

    CHAPITRE 2

    Lorsque huit paires d’yeux d’hommes se posèrent sur elle, Calliope se demanda pour la première fois si elle avait, peut-être, commis une erreur en se rendant seule à l’amirauté. Les conversations et les rires graves et masculins s’étaient tus quand elle avait ouvert la porte du bureau de la conscription.

    Ils étaient tous fort élégants avec leurs uniformes bleu marine foncé ornés de galons dorés. Deux étaient assis devant d’imposants bureaux en acajou couverts de papiers, d’encriers et de piles de registres. Six autres formaient un groupe dans l’allée entre deux rangées de bureaux, certains debout, d’autres appuyés sur les plateaux.

    Calliope plaqua un sourire assuré sur ses lèvres tout en parcourant rapidement la grande pièce du regard.

    Les murs étaient ornés de cartes, de drapeaux et de portraits à l’huile de héros et de commandants de la marine, et les fenêtres offraient une vue des rues encombrées dehors. L’odeur de l’encre, du papier et de la sueur masculine emplit les narines de Calliope. Trois imposantes bibliothèques étaient chargées de volumes en cuir et d’instruments nautiques comme des sextants, des boussoles et des longues-vues. Plusieurs navires miniatures trônaient sur les étagères.

    Elle devait être la seule femme dans l’immense bâtiment, où les soldats et les officiers de la marine vivaient, s’entraînaient, mangeaient, dormaient et faisaient d’autres choses masculines. Un sentiment de malaise lui serra le ventre à cette pensée.

    Bon sang ! Elle avait été si pressée de s’éloigner de William et de résoudre le problème que posait son intention de l’épouser qu’elle s’était montrée fort impulsive. Elle n’aurait pas dû venir seule, après tout. Une femme non mariée sans chaperonne… Si cela s’apprenait, cela ternirait sa réputation parmi la haute société, ainsi que celle de sa famille.

    D’un côté, amoindrir ses perspectives de mariage pourrait lui être utile, car William serait moins enclin à la courtiser. Et le mariage ne l’intéressait pas le moins du monde ; elle ne se fierait jamais assez ni n’accorderait jamais assez sa confiance à un homme pour lui permettre de contrôler sa vie.

    Cependant, une mauvaise réputation l’exclurait d’importants cercles sociaux, et cela serait fort dérangeant quand elle ouvrirait son agence d’enquête et aurait besoin d’avoir accès à des informations exclusives.

    Mais bien qu’il soit risqué de venir ici seule, elle ne pouvait attendre plus longtemps. Elle devait retrouver Spencer.

    Des talons de bottes émirent des bruits secs sur le sol en marbre lorsque les officiers se mirent au garde-à-vous, et les visages détendus se figèrent en des masques polis, dissimulant des questions.

    — Puis-je vous aider, madame ? demanda l’un des officiers. Êtes-vous perdue ? Votre époux… ou votre chaperonne… est-il non loin d’ici ?

    Le regard de Calliope se posa sur l’unique homme qui ne lui prêtait pas attention, et elle se sentit fondre, bon sang, car seulement quelques jours auparavant, il avait dansé une valse avec elle au bal de la marine royale, et elle avait été dans son étreinte puissante et musclée, en train de respirer son odeur.

    Quel vif contraste avec William !

    Nathaniel Fitzgerald, le duc de Kelford, était assis à un bureau et continuait de griffonner sur du papier. Ses cheveux dorés étaient attachés sur sa nuque, comme lors du bal, et ses larges épaules étaient tels des rochers alors qu’il écrivait. Son visage ciselé lui fit se demander l’espace d’un bref instant s’il n’était pas une statue grecque qui avait pris vie.

    Au bal, les yeux de Nathaniel avaient été rivés sur elle pendant qu’ils dansaient… Cela avait été comme être en présence d’un soleil qui ne brillait que pour elle. Le timbre de sa voix… la façon dont il lui avait parlé… cela avait été comme s’il n’avait d’yeux que pour elle.

    Mais elle savait qu’il ne valait mieux pas succomber à de tels charmes. C’était un débauché. Les frères de Calliope l’avaient mise en garde à son sujet et ils avaient raison. Il parlait probablement ainsi à toutes les femmes, avec cette voix grave et veloutée aussi douce que le meilleur brandy français.

    — Madame ? répéta l’officier.

    Elle s’arracha à sa contemplation de Kelford, carra les épaules et regarda l’officier droit dans les yeux. Peut-être William l’avait-il ébranlée, mais elle devait se rappeler qu’elle n’était pas une petite fille effrayée. Elle était sans peur. Elle était sur le point d’ouvrir sa propre affaire, et elle était prête à remuer ciel et terre pour trouver son frère.

    Elle réfléchit rapidement. Aucun d’eux, à part Kelford, ne savait qui elle était, ni si elle était mariée ou si elle avait une chaperonne.

    — Je ne suis pas perdue, dit-elle, la tête haute. Et ma chaperonne est…

    Elle était sur le point de dire que sa chaperonne allait la rejoindre quand un autre officier, aussi grand qu’une colonne, se pencha vers ses amis et murmura :

    — Encore une qui n’arrive pas à se passer de Kelford.

    Les joues de Calliope devinrent écarlates. Évidemment, Kelford était un charmeur et il ne s’intéresserait jamais à quelqu’un comme elle. Elle n’était probablement qu’une femme avec qui jouer, pour voir à quelle vitesse il arrivait à séduire un bas-bleu. Elle préférerait passer le temps avec un bon livre plutôt que de danser des quadrilles à des bals, se promener à Bond Street ou à Hyde Park, et essayer d’être vue et remarquée.

    Alors, Kelford leva la tête et leurs regards se croisèrent. Un mélange d’émotions passa sur son visage. Une agréable surprise. La perplexité. Puis, enfin, un intense mécontentement.

    Il se leva de son bureau, grand et majestueux, ses cheveux dorés et les galons de son uniforme créant un contraste saisissant avec le bleu marine foncé de son manteau.

    — Lady Calliope, dit-il. L’un de vos frères se joindra-t-il à vous ?

    — Je dois discuter d’une affaire assez urgente. Puis-je vous parler ?

    Les autres officiers pouffèrent et ricanèrent comme des enfants.

    Kelford les foudroya du regard.

    — Laissez la dame tranquille et retournez servir votre pays.

    Ils cessèrent de ricaner et s’affairèrent à leurs bureaux. Nathaniel, aussi élégant soit-il, aussi magnifique soit-il, était peut-être la clé pour retrouver le frère de Calliope et la libérer de William.

    Elle alla plus avant dans la pièce, ses petits talons cliquetant sur le marbre alors qu’elle se frayait un chemin entre les imposants bureaux pour le rejoindre.

    — J’ai besoin de votre aide, Kelford, dit-elle en s’arrêtant devant lui.

    Bonté divine, il sentait tout comme au bal : une odeur de plantes, terrestre et fraîche. Elle ressentit l’étrange envie de plaquer sa bouche sur la peau de Kelford afin de voir s’il serait aussi délicieux que son odeur.

    — Quand nous nous sommes rencontrés, je n’avais pas conscience que vous serviez au bureau de la conscription…

    Il la fixa avec ses yeux turquoise époustouflants, un mélange insolite de vert et de bleu avec des éclats d’or autour des pupilles. Comme la mer sur les plages blanches écossaises.

    — Lady Calliope, vous ne devriez pas être ici, dit-il, tendant le bras vers la porte. Vous devriez partir. Si vous voulez bien…

    Elle releva le menton.

    — Mon frère aîné, Spencer, le onzième duc de Grandhampton… Nous avons appris qu’il a fort probablement été enrôlé dans la marine. C’était le 3 septembre 1812, et j’ai besoin de votre aide pour découvrir à bord de quel navire il est.

    Un pli barra le front de Kelford.

    — Veuillez m’excuser, mais n’était-il pas mort ?

    — C’est ce que nous croyions tous, mais nous nous trompions. Nous pensons à présent qu’il a été racolé.

    Nathaniel laissa échapper un petit rire.

    — Madame, vous vous méprenez. Ce que vous avancez est inconcevable. Un duc ne se ferait pas racoler.

    — Autorisez-vous le racolage ?

    — Oui.

    Il y avait quelque chose de dérangeant dans le fait qu’il existait une loi permettant que n’importe qui de n’importe quel rang soit forcé de partir à la guerre, mais c’était une autre histoire. En cet instant, elle devait se concentrer sur une seule victime.

    — Et vous êtes certain de ne pas avoir signé cette autorisation ? s’enquit-elle.

    Le petit rire de Nathaniel se fit plus profond et il la parcourut d’un regard qui lui donna l’impression que son corset se resserrait.

    — Vous êtes tel un petit amiral, murmura-t-il. Vous exigez des choses que vous n’êtes en aucun droit de demander. Mais je compatis. Si l’une de mes sœurs disparaissait, je prendrais d’assaut tous les lieux nécessaires.

    Le débauché avait des sœurs pour qui il ferait la même chose. Qui l’aurait cru ?

    — Mais je vous répondrai, et ensuite, me promettez-vous de partir ? Je tiens à votre réputation, même si elle vous importe peu. Si vous

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