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Le secret de Sarek (traduit)
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Le secret de Sarek (traduit)
Livre électronique349 pages5 heures

Le secret de Sarek (traduit)

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À propos de ce livre électronique

- Cette édition est unique ;
- La traduction est entièrement originale et a été réalisée pour l'Ale. Mar. SAS ;
- Tous droits réservés.

Le secret de Sarek, également connu sous le nom de L'île aux trente cercueils, est le dixième roman de la série Arsène Lupin de Maurice Leblanc. Publié pour la première fois en 1919, il raconte l'histoire de Véronique d'Hergemont. Quatorze ans auparavant, son propre père a enlevé son bébé pour se venger du mariage de Véronique, et son père et son enfant se sont noyés en mer. En regardant un film, elle aperçoit la signature de son enfance sur le côté d'une cabane à l'arrière-plan d'une scène, et après avoir visité l'endroit où le film a été tourné, elle se retrouve piégée dans un mystère de prophéties, de forces sinistres, de relations perdues depuis longtemps et d'anciens secrets.
LangueFrançais
Date de sortie26 juin 2024
ISBN9791222603537
Le secret de Sarek (traduit)
Auteur

Maurice Leblanc

Maurice Leblanc (1864-1941) was a French novelist and short story writer. Born and raised in Rouen, Normandy, Leblanc attended law school before dropping out to pursue a writing career in Paris. There, he made a name for himself as a leading author of crime fiction, publishing critically acclaimed stories and novels with moderate commercial success. On July 15th, 1905, Leblanc published a story in Je sais tout, a popular French magazine, featuring Arsène Lupin, gentleman thief. The character, inspired by Sir Arthur Conan Doyle’s Sherlock Holmes stories, brought Leblanc both fame and fortune, featuring in 21 novels and short story collections and defining his career as one of the bestselling authors of the twentieth century. Appointed to the Légion d'Honneur, France’s highest order of merit, Leblanc and his works remain cultural touchstones for generations of devoted readers. His stories have inspired numerous adaptations, including Lupin, a smash-hit 2021 television series.

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    Aperçu du livre

    Le secret de Sarek (traduit) - Maurice Leblanc

    Table des matières

    Avant-propos

    I. La cabane abandonnée

    II. Au bord de l'Atlantique

    III. Le fils de Vorski

    IV. Les pauvres de Sarek

    V. "Quatre femmes crucifiées

    VI. Tout va bien

    VII. François et Stéphane

    VIII. L'angoisse

    IX. La chambre de la mort

    X. L'évasion

    XI. Le fléau de Dieu

    XII. L'ascension du Golgotha

    XIII. "Eloi, Eloi, Lama Sabachthani !

    XIV. L'ancien druide

    XV. La salle des sacrifices souterrains

    XVI. La salle des rois de Bohême

    XVII. Prince cruel, obéissant au destin

    XVIII. La pierre de Dieu

    Le secret de Sarek

    Maurice Leblanc

    Avant-propos

    La guerre a entraîné tant de bouleversements que peu de gens se souviennent aujourd'hui du scandale d'Hergemont, il y a dix-sept ans. Rappelons-en les détails en quelques lignes.

    Un jour de juillet 1902, M. Antoine d'Hergemont, auteur d'une série d'études bien connues sur les monuments mégalithiques de Bretagne, se promenait dans le Bois avec sa fille Véronique, lorsqu'il fut assailli par quatre hommes, recevant au visage un coup de canne qui le fit tomber à terre.

    Après une courte lutte et malgré ses efforts désespérés, Véronique, la belle Véronique, comme l'appelaient ses amis, fut entraînée et emportée dans une automobile que les spectateurs de cette scène très brève virent partir en direction de Saint-Cloud.

    Il s'agissait d'un simple cas d'enlèvement. La vérité fut connue le lendemain matin. Le comte Alexis Vorski, jeune noble polonais de réputation douteuse mais d'une certaine importance sociale et, selon ses propres dires, de sang royal, était amoureux de Véronique d'Hergemont et Véronique de lui. Repoussé et plus d'une fois insulté par le père, il avait planifié l'incident à l'insu et sans la complicité de Véronique.

    Antoine d'Hergemont, qui, comme le montrent certaines lettres publiées, était un homme au caractère violent et morose et qui, par son tempérament capricieux, son égoïsme féroce et son avarice sordide, avait rendu sa fille extrêmement malheureuse, jura ouvertement qu'il se vengerait de la manière la plus impitoyable.

    Il donne son accord au mariage, qui a lieu deux mois plus tard, à Nice. Mais l'année suivante, une série d'événements sensationnels se produisit. Tenant sa parole et entretenant sa haine, M. d'Hergemont enlève à son tour l'enfant né du mariage Vorski et s'embarque sur un petit yacht qu'il avait acheté peu de temps auparavant.

    La mer est agitée. Le voilier coule en vue des côtes italiennes. Les quatre marins de l'équipage sont recueillis par un bateau de pêche. Selon leur témoignage, M. d'Hergemont et l'enfant avaient disparu dans les flots.

    Lorsque Véronique reçoit la preuve de leur mort, elle entre dans un couvent de carmélites.

    Tels sont les faits qui, quatorze ans plus tard, devaient conduire à l'aventure la plus effrayante et la plus extraordinaire, une aventure parfaitement authentique, bien que certains détails revêtent, à première vue, un aspect plus ou moins fabuleux.

    Mais la guerre a compliqué l'existence à un point tel que les événements qui se produisent en dehors d'elle, comme ceux relatés dans le récit suivant, empruntent à la grande tragédie quelque chose d'anormal, d'illogique et parfois de miraculeux.

    Il faut toute la lumière éblouissante de la vérité pour redonner à ces événements le caractère d'une réalité somme toute assez simple.

    I. La cabane abandonnée

    Dans le pittoresque village du Faouet, situé en plein cœur de la Bretagne, arriva un matin du mois de mai une dame dont l'ample manteau gris et l'épais voile qui couvrait son visage ne parvenaient pas à dissimuler la remarquable beauté et la parfaite grâce de sa silhouette.

    La dame déjeuna à la hâte à l'auberge principale, puis, vers onze heures et demie, elle pria le propriétaire de garder son sac pour elle. Puis, vers onze heures et demie, elle pria le propriétaire de s'occuper de son sac, demanda quelques renseignements sur les environs et traversa le village pour se rendre en rase campagne.

    La route se divise presque aussitôt en deux, dont l'une mène à Quimper et l'autre à Quimperlé. Choisissant cette dernière, elle s'enfonça dans le creux d'une vallée, remonta et aperçut sur sa droite, à l'angle d'une autre route, un panneau portant l'inscription Locriff, 3 kilomètres.

    C'est l'endroit, se dit-elle.

    Néanmoins, après avoir jeté un coup d'œil autour d'elle, elle s'étonne de ne pas trouver ce qu'elle cherche et se demande si elle n'a pas mal compris ses instructions.

    Il n'y avait personne près d'elle ni personne à portée de vue, aussi loin que portait le regard sur la campagne bretonne, avec ses prairies bordées d'arbres et ses collines ondulantes. Non loin du village, s'élevant dans la verdure naissante du printemps, une petite maison de campagne dressait sa façade grise, les volets de toutes les fenêtres fermés. À midi, les cloches de l'angélus sonnèrent dans l'air et furent suivies d'une paix et d'un silence absolus.

    Véronique s'est assise sur l'herbe rase d'un talus, a sorti une lettre de sa poche et a lissé les nombreux feuillets, un par un.

    La première page est titrée :

    AGENCE DUTREILLIS.

    Salles de consultation.

    Demandes de renseignements privés.

    "Discrétion absolue garantie.

    Vient ensuite une adresse :

    "Madame Véronique, couturière, BESANÇON.

    Et la lettre a été publiée :

    "MADAM,

    "Vous ne croirez pas le plaisir que j'ai eu à remplir les deux commissions que vous avez eu la bonté de me confier dans votre dernière faveur. Je n'ai jamais oublié les conditions dans lesquelles j'ai pu, il y a quatorze ans, vous apporter mon aide concrète à un moment où votre vie était endeuillée par des événements douloureux. C'est moi qui ai réussi à obtenir tous les faits relatifs à la mort de votre honorable père, M. Antoine d'Hergemont, et de votre fils bien-aimé François. Ce fut mon premier triomphe dans une carrière qui devait en compter tant d'autres brillantes.

    "C'est moi aussi, vous vous en souvenez, qui, sur votre demande et voyant combien il était indispensable de vous soustraire à la haine de votre mari et, si j'ose dire, à son amour, ai pris les mesures nécessaires pour vous faire admettre au couvent des Carmélites. Enfin, c'est moi qui, lorsque votre retraite au couvent vous eut montré que la vie religieuse ne convenait pas à votre tempérament, vous ai procuré une modeste occupation de couturière à Besançon, loin des villes où s'étaient écoulées les années de votre enfance et les mois de votre mariage. Vous aviez le goût et le besoin de travailler pour vivre et vous évader de vos pensées. Tu devais réussir, et tu as réussi.

    "J'en viens maintenant aux faits, aux deux faits en question.

    "Commençons par votre première question : qu'est devenu, dans le tourbillon de la guerre, votre mari, Alexis Vorski, Polonais de naissance, selon ses papiers, et fils de roi, selon ses propres dires ? Je serai brève. Après avoir été suspecté au début de la guerre et emprisonné dans un camp d'internement près de Carpentras, Vorski réussit à s'évader, se rend en Suisse, revient en France et est à nouveau arrêté, accusé d'espionnage et condamné pour être allemand. Au moment où il semble inévitable qu'il soit condamné à mort, il s'échappe pour la deuxième fois, disparaît dans la forêt de Fontainebleau et finit par être poignardé par un inconnu.

    "Je vous raconte l'histoire assez crûment, Madame, connaissant bien votre mépris pour cette personne qui vous a abominablement trompée, et sachant aussi que vous avez appris la plupart de ces faits dans les journaux, bien que vous n'ayez pas été en mesure de vérifier leur authenticité absolue.

    "Eh bien, les preuves existent. Je les ai vues. Il n'y a plus de doute. Alexis Vorski est enterré à Fontainebleau.

    "Permettez-moi, en passant, Madame, de faire une remarque sur l'étrangeté de cette mort. Vous vous souviendrez de la curieuse prophétie sur Vorski dont vous m'avez parlé. Vorski, dont l'intelligence incontestable et l'énergie exceptionnelle étaient gâtées par un esprit insincère et superstitieux, facilement en proie aux hallucinations et aux terreurs, avait été fortement impressionné par la prédiction qui surplombait sa vie et qu'il avait entendue de la bouche de plusieurs personnes spécialisées dans les sciences occultes :

    Vorski, fils de roi, tu mourras de la main d'un ami et ta femme sera crucifiée.

    "Je souris, Madame, en écrivant le dernier mot. Crucifié ! La crucifixion est un supplice qui n'est plus guère à la mode ; et je suis tranquille en ce qui vous concerne. Mais que pensez-vous du coup de poignard que Vorski a reçu selon les ordres mystérieux du destin ?

    Mais assez de réflexions. J'en viens maintenant...

    Véronique laissa tomber un instant la lettre sur ses genoux. Les formules prétentieuses et les plaisanteries familières de M. Dutreillis blessaient sa réserve pointilleuse. De plus, elle était obsédée par l'image tragique d'Alexis Vorski. Un frisson d'angoisse la traverse au souvenir hideux de cet homme. Elle se maîtrisa cependant et poursuivit sa lecture :

    "J'en viens maintenant à mon autre commission, Madame, à vos yeux la plus importante des deux, car tout le reste appartient au passé.

    Exposons les faits avec précision. Il y a trois semaines, lors d'une de ces rares occasions où vous avez consenti à rompre la louable monotonie de votre existence, un jeudi soir, alors que vous emmeniez vos assistants au cinéma, vous avez été frappé par un détail vraiment incompréhensible. Le film principal, intitulé Une légende bretonne, représentait une scène qui se déroulait, au cours d'un pèlerinage, devant une petite cabane déserte au bord de la route, qui n'avait rien à voir avec l'action. Cette cabane était manifestement là par hasard. Mais quelque chose de vraiment extraordinaire a attiré votre attention. Sur les planches goudronnées de la vieille porte, il y avait trois lettres, tracées à la main : V. d'H. , et ces trois lettres étaient précisément votre signature avant votre mariage, les initiales avec lesquelles vous signiez vos lettres intimes et que vous n'avez pas utilisées une seule fois au cours des quatorze dernières années ! Véronique d'Hergemont ! Il n'y a pas d'erreur possible. Deux capitales séparées par le petit d et l'apostrophe. Et, en plus, la barre de la lettre H.", ramenée sous les trois lettres, a servi de fleuron, exactement comme elle le faisait avec vous !

    "C'est la stupéfaction due à cette surprenante coïncidence qui vous a décidée, Madame, à invoquer mon aide. Elle était à vous sans que vous l'ayez demandée. Et vous saviez, sans rien dire, qu'elle serait efficace.

    "Comme vous l'aviez prévu, Madame, j'ai réussi. Et là encore, je serai bref.

    Ce que vous devez faire, Madame, c'est prendre l'express de nuit de Paris qui vous amène le lendemain matin à Quimperlé. De là, vous vous rendrez au Faouet. Si vous avez le temps, avant ou après votre déjeuner, visitez la très intéressante chapelle Sainte-Barbe, perchée sur un site des plus fantastiques et qui a donné lieu au film La légende bretonne. Ensuite, vous suivrez à pied la route de Quimper. Au bout de la première montée, un peu avant la route paroissiale qui mène à Locriff, vous trouverez, dans un demi-cercle entouré d'arbres, la cabane déserte avec l'inscription. Elle n'a rien de remarquable. L'intérieur est vide. Il n'y a même pas de plancher. Une planche pourrie sert de banc. Le toit est constitué d'une charpente vermoulue qui laisse passer la pluie. Une fois de plus, il ne fait aucun doute que c'est le hasard qui l'a placée dans le champ d'action du cinématographe. Je termine en ajoutant que le film Légende bretonne" a été pris en septembre dernier, ce qui signifie que l'inscription date d'au moins huit mois.

    "C'est tout, Madame. Mes deux commandes sont terminées. Je suis trop modeste pour vous décrire les efforts et les moyens ingénieux que j'ai employés pour les réaliser en si peu de temps, mais pour lesquels vous trouverez certainement presque ridicule la somme de cinq cents francs, qui est tout ce que je me propose de vous demander pour le travail accompli.

    "Je demande à rester,

    Madame, &c.

    Véronique replia la lettre et resta quelques minutes à ressasser les impressions qu'elle éveillait en elle, impressions douloureuses, comme toutes celles que ravivaient les jours horribles de son mariage. Une surtout avait survécu et était encore aussi forte qu'à l'époque où elle avait tenté d'y échapper en se réfugiant dans la pénombre d'un couvent. C'était l'impression, en fait la certitude, que tous ses malheurs, la mort de son père et la mort de son fils, étaient dus à la faute qu'elle avait commise en aimant Vorski. Certes, elle avait lutté contre l'amour de cet homme et ne s'était décidée à l'épouser que lorsqu'elle y avait été obligée, par désespoir et pour sauver M. d'Hergemont de la vengeance de Vorski. Pourtant, elle avait aimé cet homme. Néanmoins, au début, elle avait pâli sous son regard : et cela, qui lui semblait maintenant un exemple impardonnable de faiblesse, lui avait laissé un remords que le temps n'avait pas réussi à affaiblir.

    Voilà, dit-elle, assez rêvé. Je ne suis pas venue ici pour verser des larmes.

    Le besoin d'information qui l'avait fait sortir de sa retraite de Besançon lui redonna de la vigueur, et elle se leva, résolue à agir.

    Un peu avant la route paroissiale qui mène à Locriff... un demi-cercle entouré d'arbres, dit la lettre de Dutreillis. Elle a donc dépassé l'endroit. Elle revint rapidement sur ses pas et aperçut aussitôt, sur la droite, le bouquet d'arbres qui lui avait caché la cabane. Elle s'approcha et la vit.

    C'était une sorte de cabane de berger ou de cantonnier, qui s'effritait et tombait en morceaux sous l'action des intempéries. Véronique s'en approcha et constata que l'inscription, usée par la pluie et le soleil, était beaucoup moins nette que sur la pellicule. Mais les trois lettres étaient visibles, ainsi que la fioriture, et elle distingua même, en dessous, ce que M. Dutreillis n'avait pas observé, le dessin d'une flèche et d'un chiffre, le chiffre 9.

    Son émotion s'accrut. Si l'on n'avait pas cherché à imiter la forme de sa signature, c'était bien sa signature de jeune fille. Et qui aurait pu l'apposer là, sur une cabane déserte, dans cette Bretagne où elle n'avait jamais mis les pieds ?

    Véronique n'a plus d'ami au monde. Par un concours de circonstances, tout son passé de jeune fille avait pour ainsi dire disparu avec la mort de ceux qu'elle avait connus et aimés. Alors comment le souvenir de sa signature a-t-il pu survivre en dehors d'elle et de ceux qui étaient morts et disparus ? Et surtout, pourquoi cette inscription était-elle là, à cet endroit ? Que signifiait-elle ?

    Véronique fait le tour de la cabane. Aucune autre marque n'est visible, ni sur la cabane, ni sur les arbres environnants. Elle se souvient que M. Dutreillis a ouvert la porte et n'a rien vu à l'intérieur. Elle voulut néanmoins s'assurer qu'il ne s'était pas trompé.

    La porte était fermée par un simple loquet de bois qui se déplaçait sur une vis. Elle le souleva et, chose étrange, elle dut faire un effort, non pas physique mais moral, un effort de volonté, pour tirer la porte vers elle. Il lui semblait que ce petit acte allait la faire entrer dans un monde de faits et d'événements qu'elle redoutait inconsciemment.

    Eh bien, dit-elle, qu'est-ce qui m'en empêche ?.

    Elle a tiré d'un coup sec.

    Un cri d'horreur lui échappe. Il y avait le cadavre d'un homme dans la cabine. Et, à l'instant, à la seconde exacte où elle voit le corps, elle prend conscience d'une particularité : il manque une main au cadavre.

    C'était un vieillard, avec une longue barbe grise en éventail et de longs cheveux blancs tombant sur son cou. Les lèvres noircies et une certaine couleur de la peau tuméfiée suggérèrent à Véronique qu'il avait peut-être été empoisonné, car aucune trace de blessure n'apparaissait sur son corps, à l'exception du bras, qui avait été coupé net au dessus du poignet, apparemment quelques jours auparavant. Ses vêtements étaient ceux d'un paysan breton, propres, mais très usés. Le cadavre était assis sur le sol, la tête appuyée contre le banc et les jambes relevées.

    Autant de choses que Véronique nota dans une sorte d'inconscience et qui devaient plutôt ressurgir plus tard dans sa mémoire, car, en ce moment, elle se tenait là toute tremblante, les yeux fixés devant elle, et bégayant :

    Un cadavre !... Un cadavre !...

    Soudain, elle se dit qu'elle s'était peut-être trompée et que l'homme n'était pas mort. Mais, en touchant son front, elle frissonna au contact de sa peau glacée.

    Néanmoins, ce mouvement la sort de sa torpeur. Elle résolut d'agir et, puisqu'il n'y avait personne dans les environs immédiats, de retourner au Faouet et de prévenir les autorités. Elle commença par examiner le cadavre à la recherche d'un indice qui lui permettrait d'en connaître l'identité.

    Les poches étaient vides. Les vêtements et le linge ne portaient aucune marque. Mais, lorsqu'elle déplaça un peu le corps pour faire sa recherche, il se trouva que la tête tomba en avant, entraînant avec elle le tronc, qui tomba sur les jambes, découvrant ainsi la partie inférieure de la banquette.

    Sous ce banc, elle aperçut un rouleau composé d'une feuille de papier à dessin très fine, froissée, gondolée et presque tordue. Elle prit le rouleau et le déplia. Mais elle n'avait pas fini de le faire que ses mains se mirent à trembler et qu'elle bégaya :

    Oh, mon Dieu !... Oh, mon Dieu !...

    Elle rassembla toutes ses énergies pour essayer de s'imposer le calme nécessaire pour regarder avec des yeux qui pouvaient voir et un cerveau qui pouvait comprendre.

    Le plus qu'elle ait pu faire, c'est de rester là quelques secondes. Et pendant ces quelques secondes, à travers un brouillard de plus en plus épais qui semblait envelopper ses yeux, elle a pu distinguer un dessin en rouge, représentant quatre femmes crucifiées sur quatre troncs d'arbres.

    Et, au premier plan, la première femme, la figure centrale, le corps à vif sous ses vêtements et les traits déformés par la douleur la plus épouvantable, mais encore reconnaissable, la femme crucifiée, c'était elle ! Sans le moindre doute, c'était elle, Véronique d'Hergemont !

    En outre, au-dessus de la tête, le haut du poteau portait, selon l'ancienne coutume, un parchemin avec une inscription bien lisible. Il s'agissait des trois initiales, soulignées d'un trait de plume, du nom de jeune fille de Véronique, V. d'H., Véronique d'Hergemont.

    Un spasme la parcourut de la tête aux pieds. Elle se releva, tourna les talons et, sortant de la cabane en titubant, tomba sur l'herbe, évanouie.

    *****************************************************

    Véronique était une femme grande, énergique, saine, à l'esprit merveilleusement équilibré, et jusqu'à présent aucune épreuve n'avait pu altérer sa belle santé morale ni sa splendide harmonie physique. Il fallait des circonstances exceptionnelles et imprévues comme celles-ci, ajoutées à la fatigue de deux nuits de voyage en chemin de fer, pour produire ce trouble dans ses nerfs et sa volonté.

    Cela ne dura pas plus de deux ou trois minutes, au bout desquelles son esprit redevint lucide et courageux. Elle se leva, retourna dans la cabine, prit la feuille de papier à dessin et, certes avec une angoisse indicible, mais cette fois avec des yeux qui voyaient et un cerveau qui comprenait, la regarda.

    Elle examina d'abord les détails, ceux qui lui paraissaient insignifiants, ou dont la signification du moins lui échappait. A gauche, une colonne étroite de quinze lignes, non écrite, mais composée de lettres sans formation définie, dont les traits descendants sont tous de la même longueur, le but étant évidemment de remplir. Cependant, en divers endroits, quelques mots étaient visibles. Et Véronique lut :

    Quatre femmes crucifiées.

    Plus bas :

    "Trente cercueils.

    Et la ligne de fond de tout le ran :

    "La pierre de Dieu qui donne la vie ou la mort.

    L'ensemble de cette colonne était entouré d'un cadre composé de deux lignes parfaitement droites, l'une tracée à l'encre noire, l'autre à l'encre rouge, et il y avait aussi, également en rouge, au-dessus, une esquisse de deux faucilles attachées ensemble avec un brin de gui sous le contour d'un cercueil.

    La partie droite, de loin la plus importante, était occupée par le dessin, un dessin à la craie rouge qui donnait à l'ensemble de la feuille, avec sa colonne adjacente d'explications, l'aspect d'une page, ou plutôt d'une copie de page, de quelque grand livre ancien enluminé, dans lequel les sujets étaient traités plutôt dans le style primitif, avec une ignorance totale des règles du dessin.

    Et il représentait quatre femmes crucifiées. Trois d'entre elles se détachaient en perspective décroissante sur l'horizon. Elles portaient des costumes bretons et leurs têtes étaient surmontées de bonnets également bretons, mais d'une mode particulière qui dénotait l'usage local et qui consistait surtout en un grand nœud noir dont les deux ailes se détachaient comme dans les nœuds des Alsaciennes. Et au milieu de la page se trouvait l'effroyable chose dont Véronique ne pouvait détacher ses yeux terrifiés. C'était la croix principale, le tronc d'un arbre dépouillé de ses branches inférieures, avec les deux bras de la femme tendus à droite et à gauche.

    Les mains et les pieds n'étaient pas cloués mais attachés par des cordes enroulées jusqu'aux épaules et à la partie supérieure des jambes nouées. Au lieu du costume breton, la femme portait une sorte de drap d'enroulement qui tombait jusqu'au sol et allongeait la silhouette mince d'un corps émacié par la souffrance.

    L'expression du visage était déchirante, une expression de martyre résigné et de grâce mélancolique. Et c'était bien le visage de Véronique, surtout tel qu'il était à l'âge de vingt ans et tel que Véronique se souvenait de l'avoir vu à ces heures sombres où une femme contemple dans un miroir ses yeux désespérés et ses larmes qui débordent.

    Autour de la tête, il y avait la même vague de ses cheveux épais, qui descendaient jusqu'à la taille en courbes symétriques :

    Et au-dessus, l'inscription V. d'H..

    Véronique est restée longtemps à réfléchir, à interroger le passé et à scruter l'obscurité pour relier les faits réels aux souvenirs de sa jeunesse. Mais son esprit restait sans la moindre lueur. Des mots qu'elle avait lus, du dessin qu'elle avait vu, rien ne prenait pour elle la moindre signification ni ne semblait susceptible de la moindre explication.

    Elle examina encore et encore la feuille de papier. Puis, lentement, toujours en réfléchissant, elle la déchira en petits morceaux qu'elle jeta au vent. Lorsque le dernier morceau fut emporté, sa décision fut prise. Elle repoussa le corps de l'homme, ferma la porte et marcha rapidement vers le village, afin que l'incident ait la conclusion légale qui s'imposait pour le moment.

    Mais, lorsqu'elle revient une heure plus tard avec le maire du Faouet, le gendarme rural et tout un groupe de curieux attirés par ses déclarations, la cabane est vide. Le cadavre a disparu.

    Et tout cela était si étrange, Véronique sentait si bien que, dans l'état désordonné de ses idées, il lui était impossible de répondre aux questions qui lui étaient faites, ou de dissiper les soupçons et les doutes que ces gens pouvaient et devaient entretenir sur la vérité de son témoignage, sur la cause de sa présence et sur sa raison même, qu'elle cessa sur-le-champ tout effort et toute lutte. L'aubergiste était là. Elle lui demanda quel était le village le plus proche qu'elle atteindrait en suivant la route et si, ce faisant, elle arriverait à une gare qui lui permettrait de rentrer à Paris. Elle retint les noms de Scaër et de Rosporden, ordonna à une voiture d'apporter son sac et de la dépasser sur la route et partit, protégée contre tout mauvais sentiment par son grand air d'élégance et par sa grave beauté.

    Elle partit, pour ainsi dire, au hasard. La route était longue, des kilomètres et des kilomètres. Mais sa hâte d'en finir avec ces événements incompréhensibles, de retrouver sa tranquillité et d'oublier ce qui s'était passé, était telle qu'elle marchait à grands pas, inconsciente du fait que cet effort fatigant était superflu, puisqu'elle était suivie par une voiture.

    Elle allait par monts et par vaux et ne réfléchissait guère, refusant de chercher la solution de toutes les énigmes qu'on lui posait. C'était le passé qui remontait à la surface de sa vie ; et ce passé, qui allait de son enlèvement par Vorski à la mort de son père et de son enfant, lui faisait horriblement peur. Elle ne voulait penser qu'à la vie simple et humble qu'elle avait réussi à mener à Besançon. Là, il n'y avait pas de chagrins, pas de rêves, pas de souvenirs ; et elle ne doutait pas qu'au milieu des petites habitudes quotidiennes qui l'enveloppaient dans la modeste maison qu'elle avait choisie, elle oublierait la cabane abandonnée, le corps mutilé de l'homme et l'affreux dessin avec sa mystérieuse inscription.

    Mais, un peu avant d'arriver au grand bourg de Scaër, comme elle entendait le grelot d'un cheval trottant derrière elle, elle aperçut, à l'embranchement de la route qui menait à Rosporden, un mur brisé, l'un des vestiges d'une maison à demi détruite.

    Et sur ce mur brisé, au-dessus d'une flèche et du chiffre 10, elle lit à nouveau l'inscription fatidique : V. d'H..

    II. Au bord de l'Atlantique

    L'état d'esprit de Véronique se modifia brusquement. Autant elle avait fui résolument la menace du danger qui semblait se dresser devant elle depuis le mauvais passé, autant elle était maintenant décidée à poursuivre jusqu'au bout la route redoutable qui s'ouvrait devant elle.

    Ce changement était dû à une petite lueur qui brillait brusquement dans l'obscurité. Elle réalisa soudain le fait, assez simple, que la flèche indiquait une direction et que le chiffre 10 devait être le dixième d'une série de nombres qui marquaient un parcours menant d'un point fixe à un autre.

    S'agit-il d'un signe posé par une personne dans le but de guider les pas d'une autre ? Peu importe. L'essentiel était qu'il y avait là un indice capable de conduire Véronique à la découverte du problème qui l'intéressait : par quel prodige les initiales de son nom de jeune fille avaient-elles réapparu dans cet enchevêtrement de circonstances tragiques ?

    La voiture envoyée par le Faouet la rattrape. Elle y monte et dit au cocher d'aller très lentement jusqu'à Rosporden.

    Elle arriva à temps pour le dîner, et ses prévisions ne l'avaient pas trompée. Par deux fois, elle vit sa signature, chaque fois devant une division de la route, accompagnée des chiffres 11 et 12.

    Véronique a dormi à Rosporden et a repris ses recherches le lendemain matin.

    Le chiffre 12, qu'elle trouva sur le mur d'une cour d'église, lui fit prendre la route de Concarneau, qu'elle avait presque atteint avant de voir d'autres inscriptions. Pensant s'être trompée, elle revint sur ses pas et perdit une journée entière en recherches inutiles.

    Ce n'est que le lendemain que le chiffre 13, presque effacé, l'oriente vers Fouesnant. Elle abandonna alors cette direction, pour suivre, toujours en obéissant aux panneaux, des chemins de campagne dans lesquels elle se perdit à nouveau.

    Enfin, quatre jours après avoir quitté le Faouet, elle se retrouve face à l'Atlantique, sur la grande plage de Beg-Meil.

    Elle passa deux nuits dans le village sans recueillir la moindre réponse aux questions discrètes qu'elle posait aux habitants. Enfin, un matin, après avoir erré parmi les groupes de rochers à demi enterrés qui entrecoupent la plage et sur les falaises basses, couvertes d'arbres et de bosquets, qui l'enserrent, elle découvrit, entre deux chênes dépouillés de leur écorce, un abri de terre et de branchages qui avait dû servir à une époque aux douaniers. Un petit menhir se trouvait à

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