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La lettre écarlate (version traduite en Français avec biographie de l'auteur)
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Livre électronique357 pages5 heures

La lettre écarlate (version traduite en Français avec biographie de l'auteur)

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À propos de ce livre électronique

"La Lettre Écarlate" de Nathaniel Hawthorne est un chef-d'œuvre intemporel de la littérature américaine, un roman qui plonge le lecteur dans l'atmosphère austère et rigide de la Nouvelle-Angleterre puritaine du XVIIe siècle. L'histoire commence ave

LangueFrançais
Date de sortie3 juin 2024
ISBN9782487438316
Auteur

Nathaniel Hawthorne

Nathaniel Hawthorne (1804-1864) was an American writer whose work was aligned with the Romantic movement. Much of his output, primarily set in New England, was based on his anti-puritan views. He is a highly regarded writer of short stories, yet his best-known works are his novels, including The Scarlet Letter (1850), The House of Seven Gables (1851), and The Marble Faun (1860). Much of his work features complex and strong female characters and offers deep psychological insights into human morality and social constraints.

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    Aperçu du livre

    La lettre écarlate (version traduite en Français avec biographie de l'auteur) - Nathaniel Hawthorne

    LA LETTRE ÉCARLATE

    DE

    NATHANIEL HAWTHORNE.

    Traduit par Julien Lafargue

    Le texte est du domaine public. Les modifications et la mise en page de cette version sont protégées par le droit d'auteur © 2024 par Éditions Renard. Les éditeurs ont déployé tous les efforts raisonnables pour garantir que ce livre est effectivement dans le domaine public dans tous les territoires où il a été publié, et s'excusent pour d'éventuelles omissions ou erreurs commises. Des corrections pourront être apportées aux futures impressions ou publications électroniques.

    Table des matières

    LE BUREAU DE DOUANE

    LA PORTE DE LA PRISON

    LA PLACE DU MARCHÉ

    LA RECONNAISSANCE

    L’ENTREVUE

    HESTER et SON AIGUILLE

    PEARL

    CHEZ LE GOUVERNEUR

    L’ENFANT-LUTIN ET LE PASTEUR

    LE MéDECIN

    LE Médecin et son patient

    L’intérieur d’un cœur

    La veillée du pasteur

    une hester vue différemment

    Hester et le médecin

    Hester et pearl

    une promenade en forêt

    le pasteur et sa paroissienne

    Flot de rayons lumineux

    l’enfant du côté du ruisseau

    le pasteur dans un dédale

    le jour férié en Nouvelle-angleterre

    le cortège

    la révélation de la lettre écarlate

    conclusion

    BIOGRAPHIE

    LE BUREAU DE DOUANE

    INTRODUCTION À « LA LETTRE ÉCARLATE »

    Il est peu remarquable, — bien que je ne sois pas enclin à parler à outrance de moi-même et de mes problèmes au coin du feu, ainsi qu’à mes propres amis, — qu’un élan autobiographique puisse à deux reprises dans ma vie avoir autant pris possession de moi, lorsque je m’adresse au public. La première fois remonte à trois ou quatre ans, lorsque j’ai favorisé le lecteur, — et ce, de manière impardonnable, et sans raison particulière, que le lecteur indulgent ou l’auteur indiscret peuvent imaginer, — en effectuant une description sur ma manière de vivre dans la profonde quiétude d’un vieux Presbytère. Et maintenant, — parce qu’au-delà de mes desserts, j’étais assez heureux de trouver à la première occasion une ou deux personnes à l’écoute — j’ai de nouveau attiré l’attention du public, en abordant le sujet de mon expérience de trois ans dans un Bureau de Douane. L’exemple du célèbre « P. P., Clerk of this Parish », par Alexander Pope, n’a jamais été aussi fidèlement respecté. Cependant, la vérité qui se cache derrière cela est que, lorsque l’auteur jette ses feuilles au vent, il s’adresse, non pas au grand nombre de personnes qui mettront de côté son volume, ou qui ne le reprendront jamais, mais il s’adresse aux quelques personnes qui le comprendront, mieux que ses camarades de classe ou de vie. En effet, certains auteurs vont plus loin et se livrent à des révélations d’une telle profondeur confidentielle qui pourraient justement être adressées, uniquement et exclusivement, au cœur et à l’esprit d’une parfaite sympathie ; comme si le livre imprimé, relâché dans ce vaste monde, était certain de comprendre la partie divisée de la propre nature de l’auteur, et d’accomplir son cycle de vie en le faisant entrer en communion avec lui. Or, il n’est guère décent de parler de tout, même lorsque nous parlons de manière impersonnelle. Mais tandis que les pensées sont gelées et l’énonciation engourdie, à moins que l’énonciateur ne se positionne dans une sorte de vraie relation avec son public, le fait d’imaginer qu’un ami, bienveillant et craintif, mais pas l’ami avec qui l’on est le plus proche, écoute notre discours, peut être excusable ; et ensuite, alors qu’une réserve innée serait remplacée par cette conscience incroyable, nous pourrions discuter des circonstances qui planent autour de nous, et même de nous-mêmes, mais tout en gardant le Moi intime derrière son voile. De cette manière, et en restant dans ces limites, un auteur, me semble-t-il, peut être autobiographique, sans violer ni les droits du lecteur, ni les siens.

    De ce fait, on constatera que l’esquisse de ce Bureau de Douane possède certaines convenances, d’un style retrouvé en permanence dans la littérature, ce qui explique comment une majeure partie des pages entre en ma possession, et qui offre des preuves de l’authenticité du récit que l’on retrouve ici. Ceci, en effet, — c’est-à-dire un désir de rentrer moi-même dans la peau de l’écrivain, ou à peine plus, du plus prolixe des récits qui composent mon volume, — ceci, et aucune autre, est l’unique raison pour laquelle j’assume une relation personnelle avec le public. Pour atteindre l’objectif principal, il a semblé possible, grâce à quelques touches supplémentaires, de donner une esquisse pour représenter un mode de vie qui n’a pas été décrit jusqu’ici, ainsi que certains des personnages qui y évoluent, parmi lesquels l’auteur s’est trouvé en faire partie.

    Dans ma ville natale de Salem, à l’extrémité de ce qui, il y a un demi-siècle, à l’époque du vieux Derby, était un quai animé, — mais où pullulent désormais des entrepôts en bois pourris et qui montrent peu, voire aucun signe de vie commerciale ; sauf peut-être un trois-mâts ou un brick, à mi-chemin de sa longueur mélancolique, déchargeant des peaux ; ou plus proche encore, une goélette provenant de la Nouvelle-Écosse dont on décharge une cargaison de bois — eh bien, à l’extrémité de ce quai délabré, où la marée déborde souvent, et le long duquel, au pied et à l’arrière de la rangée d’immeubles, la trace de nombreuses années de langueur est visible sur la bordure d’une misérable pelouse. Ici, avec une vue depuis ses fenêtres avant sur cette perspective peu réjouissante, et de là sur le port, se dresse un édifice immense en briques. Depuis le point le plus élevé de son toit, pendant précisément trois heures et demie chaque matinée, le drapeau de la république flotte et pend dans le vent ou le calme ; mais avec ses treize rayures à la verticale, au lieu d’horizontale, ainsi indique-t-il qu’un civil, et non un poste militaire du gouvernement de l’Oncle Sam, y est implanté. Sa façade est ornée d’un portique d’une demi-douzaine de colonnes en bois, qui soutiennent un balcon, en dessous duquel un escalier de marches en granit larges descend face à la rue. Un spécimen gigantesque de l’aigle américain, dont les ailes sont déployées et un bouclier se situant devant son bréchet, plane au-dessus de l’entrée, et si je me souviens bien, une myriade d’éclairs s’entremêlant et des flèches aiguisées dans chaque serre. Avec l’infirmité habituelle du mauvais caractère qui définit cette oiseau sauvage malheureux, il semble, par la férocité de son bec et ses yeux, et par la cruauté générale de son attitude, qu’il menace de faire du mal à la communauté inoffensive ; et plus particulièrement de mettre en garde tous les citoyens, soucieux à leur sécurité, contre une intrusion sur les lieux qu’il recouvre avec l’ombre de ses ailes. Néanmoins, aussi irascible qu’il paraît, maintes personnes cherchent, à ce moment précis, à se protéger sous les ailes de cet aigle fédéral ; en s’imaginant, je suppose, que son bréchet possède toute la douceur et l’intimité que l’on retrouve dans un coussin duveteux. Cependant, il n’a pas beaucoup de tendresse, même dans ses meilleures humeurs, et tôt ou tard, — ou plutôt tôt que tard, — il est capable de tuer rapidement ses oisillons, d’une griffure de sa serre, d’un coup de bec, ou d’une plaie vive causée par ses flèches aiguisées.

    La chaussée tourne autour de l’édifice décrit précédemment, — que l’on peut aussi appeler directement le Bureau de Douane du port, — et possède suffisamment d’herbe qui pousse dans ses fissures pour montrer qu’il n’a pas été usé, ces derniers temps, par une multitude de personnes en voyage d’affaires. Toutefois, certains mois de l’année, il arrive souvent qu’une matinée soit plus animée que les autres. De telles occasions pourraient rappeler aux plus anciens des citoyens cette période avant la deuxième guerre contre l’Angleterre, quand Salem était un port en soi ; pas méprisé, comme il l’est aujourd’hui, par ses propres marchands et armateurs, qui laissent leurs noix de broche tomber en ruines, tandis que leurs entreprises risquées vont développer, inutilement et imperceptiblement, le puissant flot commercial à New York et à Boston. Durant des matinées telles que celles-ci, quand il se trouve que trois ou quatre navires arrivent en même temps, — généralement en provenance d’Afrique ou d’Amérique du Sud, — et sont sur le point de partir du port, on entend un bruit de pas habituels, qui traverse vivement de haut en bas les marches en granit. Ici, avant que sa propre femme ne l’ait salué, on peut saluer le capitaine du navire en pleine effervescence, qui vient d’arriver au port, avec les papiers de son navire sous le bras, dans une boîte en fer-blanc tannée. Ici aussi, son propriétaire arrive, enjoué ou sombre, gracieux ou qui boude ; en conséquence, si son projet de voyage, aujourd’hui réalisé, s’est concrétisé en marchandises qui se transformeront facilement en or, ou s’il l’a enseveli sous une masse d’inconvénients, dont personne ne se souciera de s’en débarrasser. Ici, également, — où prédomine le germe du marchand aux sourcils froncés, à la barbe grisonnante et usé par le temps, — nous avons le jeune greffier intelligent, qui a le goût pour le commerce tel un louveteau l’a pour le sang, et qui raconte déjà des aventures sur les navires de son capitaine, alors qu’il ferait mieux de manœuvrer des bateaux de ce type sur des retenues de moulin. Autre personnage dans cette scène : le marin attaché à l’étranger en quête de protection, ou le dernier arrivant, pâle et faible, recherchant un passeport pour l’hôpital. N’oublions pas non plus les capitaines des petites goélettes rouillées qui amènent du bois depuis les provinces britanniques ; un ensemble de bâches à l’apparence grossière, sans la vivacité de l’aspect Yankee, mais qui apporte un élément d’une importance non négligeable à notre commerce en déclin.

    Regroupez tous ces individus, comme ils le sont parfois, avec d’autres personnes tiers afin de diversifier le groupe et, pour le moment, le Bureau de Douane se transforme en scène vibrante. Cependant, plus fréquemment, en descendant les marches, vous découvrirez une rangée de personnages vénérables, assis sur des chaises à l’ancienne, dont les pieds s’appuyaient contre le mur. Cela se passait dans l’entrée, si c’était en plein été, ou dans les pièces correspondantes, en plein hiver ou en cas de mauvais temps. Maintes fois, ils étaient endormis, mais nous pouvions parfois les entendre parler ensemble, d’une voix entre la parole et le ronflement, et avec ce manque d’énergie qui différencie les occupants des hospices et tous les autres êtres humains dont leur simple existence dépend de la charité d’autrui, du travail monopolisé, ou de quoi que ce soit d’autre que leurs propres efforts indépendants. Ces vieux messieurs — assis, comme Matthew, à la réception des droits de douane, mais peu susceptibles d’être convoqués cependant, comme lui, pour des commissions apostoliques — étaient en réalité des agents du Bureau de Douane.

    En outre, sur la gauche quand vous entrez par la porte d’entrée, vous pénétrez dans une certaine pièce ou bureau, d’environ un mètre carré et demi et d’une hauteur imposante. Deux de ses fenêtres arquées offrent une vue du précité quai délabré et la troisième fenêtre donne sur une ruelle étroite et sur une partie de Derby Street. Toutes les trois laissent entrevoir des boutiques d’épiciers, de fabricants en maçonnerie, de vendeurs de vêtements abordables et de marchands d’articles nautiques. Autour des portes, on voit généralement, riant et bavardant, des groupes de vieux loups de mer, et d’autres types de rôdeurs qui hantent le Wapping d’un port maritime. La pièce elle-même est recouverte de toiles d’araignées et ternie par de vieilles peintures. Du sable gris est dispersé sur le sol, de telle sorte que la pièce est tombée en désuétude depuis longtemps. À partir du désordre général des lieux, alors est-il aisé de conclure qu’il s’agit d’un sanctuaire auquel la gent féminine, avec leurs outils magiques, le balai et la serpillère, n’a que très rarement accès. En termes de meubles, il y a un poêle comportant une cheminée volumineuse, un vieux bureau en bois de pin avec son tabouret à trois pieds, ainsi que deux ou trois chaises fragiles dans un piteux état dont les pieds sont en bois ; et, — sans oublier la librairie, — nous retrouvons sur quelques étagères une vingtaine de volumes des lois du Congrès, et un énorme Répertoire sur les Lois de Finances. Un tuyau en fer-blanc s’élève à travers le plafond et forme un moyen de communication avec les autres parties de l’édifice. Et ici, il y a environ six mois, — se déplaçant d’un coin à un autre, ou se prélassant sur le tabouret à longs pieds, un coude sur le bureau et ses yeux parcourant les rubriques du journal arrivé ce matin-ci, — vous l’avez peut-être reconnu, cher lecteur, le même individu qui vous a accueilli dans son petit bureau joyeux, où le soleil laisse passer ses rayons de manière si agréable à travers les branches du saule, du côté ouest du vieux Presbytère. Mais maintenant, si vous alliez le chercher là-bas, vous demanderiez en vain l’Inspecteur du Locofoco. Le vent de la réforme l’a chassé de son bureau et un successeur plus méritant porte sa dignité, et par la même occasion, empoche ses profits.

    Cette bonne vieille ville de Salem, — ma terre natale, bien que j’eût vécu très loin d’elle, pendant mon enfance, ainsi que lorsque j’étais adulte — possède, ou a possédé, une emprise sur mes sentiments, dont je n’ai jamais réalisé la force au cours des saisons où j’ai résidé ici. En effet, en ce qui concerne son aspect physique, ma ville natale se caractérise par sa surface plane et uniforme, recouverte principalement de maisons en bois, dont peu, voire aucune ne prétendent à la beauté architecturale, — par son irrégularité, qui n’est ni pittoresque, ni surannée, mais seulement ennuyeuse, — par sa longue rue paresseuse, se traînant péniblement sur toute l’étendue de la péninsule, avec Gallows Hill et New Guinea d’un côté, et une vue sur l’hospice de l’autre — il serait tout aussi raisonnable de s’attacher sentimentalement à un damier désordonné. Et pourtant, bien que toujours plus heureux ailleurs, il existe en moi un sentiment pour le vieux Salem, que, faute de meilleure expression, je dois me contenter d’appeler affection. Je peux probablement associer ce sentiment aux profondes racines anciennes que ma famille a planté dans la terre. Cela fait maintenant presque deux siècles et un quart depuis que le britannique originel, le premier émigrant de mon nom, a fait son apparition sur ces terres sauvages et entourées de forêts, qui se sont transformées depuis en ville. Et ici, ses descendants sont nés et morts, et ont mêlé leur substance pragmatique avec la terre ; jusqu’à ce qu’une majeure partie de celle-ci s’apparente à un cadre mortel avec lequel, pendant un petit moment, j’arpente les rues. Par conséquent et en partie, cet attachement dont je parle ne correspond qu’à la sympathie sensuelle de la poussière pour la poussière. Quelques-uns de mes compatriotes savent de quoi je parle ; ils n’estiment pas non plus qu’il soit souhaitable de le savoir, étant donné que la migration fréquente peut être meilleure que de rester.

    Cependant, ce sentiment possède aussi sa qualité morale. La personnalité de ce premier ancêtre, une grandeur obscure et crépusculaire conférée par tradition familiale, était présente dans mon imagination d’enfant, aussi loin que je puisse me souvenir. Cela me hante toujours, et provoque une sorte de sentiment d’appartenance avec le passé, que je ne revendique guère en ce qui concerne la phase actuelle de la ville. Il semble que j’aie un plus grand droit de résidence ici grâce à cet ancêtre grave, barbu, vêtu d’un manteau en zibeline et d’un chapeau dont la forme rappelle un clocher, — qui arriva il y a si longtemps, avec sa Bible et son épée, foula cette rue neuve avec un port si imposant, et fit si grande impression, tel un homme de guerre et de paix — un plus grand droit que pour moi-même, dont le nom est rarement entendu et le visage à peine reconnu. Il était soldat, législateur, juge ; il était chef de l’Église ; il avait tous les traits des Puritains, à la fois bons et mauvais. De même, c’était un persécuteur amer, comme en témoignent les Quakers, qui l’ont mentionné dans leurs histoires, et ont raconté un épisode de sa dureté envers une femme de leur secte qui durera plus longtemps. Il est à craindre qu’aucun compte rendu de ses mauvaises actions, bien qu’elles aient été nombreuses, ne soit possible. Son fils aussi a hérité de son esprit persécuteur, et a fait de lui un être si visible dans le martyre des sorcières que l’on peut affirmer que leur sang a laissé une tache sur son histoire. Une tache si profonde, en effet, que ses vieux os secs, dans le cimetière de Charter Street, doivent toujours la retenir ; encore faut-il qu’ils ne se soient complétement transformés en poussière ! Je ne sais pas si ces ancêtres que sont les miens ont pensé à se repentir et ont demandé pardon au Ciel pour leur cruauté ; ou s’ils gémissent aujourd’hui sous les lourdes conséquences de leurs actions, dans un autre état d’être. Quoi qu’il arrive, moi, l’actuel écrivain, en tant que leur représentant, par la présente, j’accepte cette honte en moi dans leur intérêt, et j’espère qu’aucune malédiction encourue par eux, — comme je l’ai entendu dire, et comme l’état morne et peu prospère de la race, pendant de longues années, semble l’indiquer, — soit dorénavant supprimée.

    Cependant, il ne fait aucun doute que chacun de ces Puritains austères et aux sourcils noirs auraient estimé qu’il s’agissait d’un châtiment suffisant pour leurs péchés, que, après un si grand laps de temps, le vieux tronc de l’arbre généalogique, avec autant de mousse vénérable sur lui, aurait dû porter, comme sa branche la plus haute, c’est-à-dire un fainéant tel que moi. Ils ne reconnaîtraient comme étant louable aucun des objectifs que jamais je n’ai poursuivi. Ils n’auraient jugé aucune de mes réussites, — si ma vie, au-delà de son cadre domestique, n’avait jamais été égayée par un succès, — comme étant sans valeur, voire totalement déshonorante.

    Qu’est-il donc ? murmure une ombre grise de mes ancêtres à l’autre. Un écrivain de livre d’histoires ! Quelle sorte d’activité dans la vie, — quelle manière de glorifier Dieu, ou d’être au service de l’humanité à son époque et dans sa génération, — cela peut-il bien être ? Voyons, ce dégénéré aurait tout aussi bien pu devenir violoniste !

    Tels sont les compliments que mes grands-parents échangent avec moi dans le gouffre du temps ! Et pourtant, qu’ils me méprisent comme ils veulent, des traits puissants de leur nature se sont mêlés à la mienne.

    Implantée profondément, dans les premiers débuts de la naissance de la ville, par ces deux hommes sérieux et énergiques, la race s’est depuis lors maintenue ici ; toujours, aussi, de manière responsable ; mais jamais, pour autant que je sache, déshonorée par un quelconque membre indigne ; mais rarement ou jamais, cependant, après les deux premières générations, accomplissant un acte mémorable, ou même prétendant à l’attention du public. Peu à peu, ils ont presque disparu de la circulation, tout comme les vieilles maisons qui, ici et là autour des rues, sont recouvertes jusqu’à l’avant-toit par l’accumulation de terre nouvelle. De père en fils, pendant plus de cent ans, ils ont suivi la voie de la mer ; un capitaine de bateau grisonnant, à chaque génération, se retirant de la plage arrière vers les terres, tandis qu’un garçon de quatorze ans prend la place sur le bateau dont il a hérité, bravant les embruns de la mer et les tempêtes, qui se sont abattues sur son père et son grand-père. Le garçon, lui aussi, est passé en temps voulu du gaillard d’avant à la cabine, a vécu une vie d’homme tumultueuse et est revenu de ses aventures dans le monde pour vieillir, mourir et mêler ses cendres avec sa terre natale. Cette connexion de longue date avec une famille à partir d’un seul endroit, c’est-à-dire son lieu de naissance et là où elle est enterrée, crée une parenté entre l’être humain et le lieu, qui ne dépend pas vraiment d’un charme du paysage ou de circonstances morales qui l’entourent. Il ne s’agit pas d’amour, mais d’instinct. Le nouvel habitant, qui est venu de lui-même d’une région étrangère, ou dont le père ou le grand-père est venu, n’a que peu de droit pour se faire appeler habitant de Salem. Il n’a aucune idée de la ténacité inflexible avec laquelle un vieux colon, sur lequel elle dépasse son troisième siècle, s’accroche à l’endroit où ses générations successives se sont implantées. Peu importe que l’endroit soit sans joie pour lui, qu’il soit las de voir des vieilles maisons en bois, de la boue et de la poussière, du niveau zéro en termes de lieu et de sentiments, du vent d’est paisible, et de l’atmosphère sociale la plus froide qui soit. Tous ces phénomènes, et n’importe quels défauts qu’il peut voir ou imaginer en plus, ne correspondent à rien dans l’objectif. Le sort survit, avec autant de puissance que si la ville natale était un paradis sur Terre. Il en a été de même pour moi. J’ai senti que c’était mon destin de faire de Salem ma maison. Ainsi, alors qu’un représentant de la race se couchait dans sa tombe, et un autre assumait, pour ainsi dire, le défilé de sentinelle le long de Grand-Rue, la forme des traits et le caractère qui ont toujours été familiers ici pourraient encore, à mon époque, être vus et reconnus dans l’ancienne ville. Néanmoins, ce même sentiment prouve que la connexion, qui s’est transformée en une dernière malsaine, devrait finalement être rompue. La nature humaine ne s’épanouira pas, pas plus qu’une pomme de terre, si elle est plantée et replantée, sur une trop longue série de générations, dans le même sol usé. Mes enfants sont nés à d’autres endroits, et tant que je pourrais contrôler leurs fortunes, ils plongeront leurs racines dans la terre vierge.

    En sortant du vieux Presbytère, j’ai surtout ressenti cet attachement étrange, indolent, pénible pour ma ville natale, qui m’a amené à remplir mon rôle dans l’édifice en briques de l’Oncle Sam, quand je pouvais aussi, voire aurait dû m’en aller ailleurs. Mon sort était scellé. Ce n’était pas la première fois, ni la seconde, que je m’en allais, — comme je pensais, définitivement, — mais plutôt que je revenais, comme le mauvais demi-penny ou comme si je représentais Salem comme le centre inévitable de l’univers. Alors, un beau matin, j’ai gravi l’étage de marches en granit, avec la commission du Président dans la poche, et je suis allé me présenter au corps de messieurs qui étaient là pour m’épauler dans ma lourde responsabilité en tant qu’Inspecteur en chef du Bureau de Douane.

    Je doute fort, ou plutôt pas du tout, qu’un fonctionnaire public des États-Unis, que ce soit dans le domaine civil ou militaire, n’ait jamais eu sous ses ordres un corps de vétérans aussi patriarchal que le mien. Le lieu où se trouvait le plus vieil habitant a été immédiatement déterminé lorsque je les ai regardés. Pendant plus de vingt ans avant cette époque, la position indépendante du Directeur avait préservé le Bureau de Douane de Salem du tourbillon des fluctuations politiques qui rendent généralement le mandat si fragile. Le soldat le plus distingué de la Nouvelle-Angleterre se tenait fermement sur le piédestal de ses bons et loyaux services ; et, lui-même assuré de la sage libéralité des administrations successives par lesquelles il avait exercé ses fonctions, il avait été la sécurité de ses subordonnés lors des nombreuses heures de danger et de peur. Le Général Miller était extrêmement conservateur. C’était un homme dont la nature bienveillante était influencée par l’habitude. Il s’attachait fortement aux visages familiers, et n’était pas enclin au changement, même lorsque celui-ci aurait pu apporter une amélioration avérée. C’est ainsi que lorsque j’ai pris la direction de ce département, je n’ai trouvé que peu d’hommes dont la majorité étaient âgés. C’étaient pour la plupart des anciens capitaines de navire qui, après avoir été secoués sur chaque mer et avoir résisté solidement aux souffles tumultueux de la vie, se sont finalement retrouvés dans ce coin silencieux, où, avec peu d’éléments perturbateurs, sauf les terreurs périodiques d’une élection présidentielle, ont tous regagné une nouvelle jeunesse. Bien qu’ils ne soient pas moins exposés que leurs confrères à l’âge et aux accidents, ils avaient manifestement un talisman ou un autre élément qui tenait la mort à distance. Deux ou trois d’entre eux, m’a-t-on assuré, atteints de la goutte ou de rhumatismes, voire peut-être grabataires, n’ont jamais rêvé de faire leur apparition au Bureau de Douane pendant une majeure partie de l’année. Or, après un hiver écrasant, ils s’éclipsaient sous le soleil chaud du mois de mai ou de juin, vaquaient paresseusement à ce qu’ils appelaient devoir et, à leur guise, se remettaient au lit. Je dois plaider coupable pour avoir abrégé le souffle officiel de plus d’un de ces vénérables serviteurs de la république. Ils étaient autorisés, par mon accord, de se reposer après leurs durs labeurs, et peu de temps après, rejoindre un monde meilleur, — comme si leur unique principe dans la vie a été le zèle au service de leur pays, ce que véritablement je pense que cela était. Il s’agit d’une pieuse consolation pour moi, que, par mon intervention, un espace suffisant leur ait été autorisé pour se repentir des actions mauvaises et corrompues dans lesquelles, en toute logique, tout agent de Bureau de Douane est censé tomber. Ni l’entrée principale, ni l’entrée secondaire du Bureau de Douane ne s’ouvre sur les routes du Paradis.

    La majeure partie de mes agents étaient des whigs¹. Il était bon pour leur vénérable confrérie que le nouveau Directeur ne soit pas un homme politique, et que bien que démocrate par principe, il n’ait ni reçu ni exercé ses fonctions en vue d’un quelconque service politique. En aurait-il été autrement, — si un homme politique actif avait été nommé à ce poste influent, pour assumer la tâche facile de faire face à un Directeur whig, dont les incapacités l'empêchaient de gérer personnellement son travail, — s’il n'y avait guère eu d'homme de l'ancien corps qui aurait repris le souffle de la vie officielle, un mois après que l'ange exterminateur eut gravi les marches du Bureau de Douane. Selon le code reçu en la matière, il aurait été du devoir d’un homme politique de

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