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Cric-Crac: Roman maritime - Tome II
Cric-Crac: Roman maritime - Tome II
Cric-Crac: Roman maritime - Tome II
Livre électronique147 pages2 heures

Cric-Crac: Roman maritime - Tome II

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À propos de ce livre électronique

Extrait : "Un bâtiment anglais chargé de gros vin de Porto se perdit vers la fin de la dernière guerre, sur la partie la plus dangereuse de cet amas de récifs qui hérissent, de leurs pointes acérées, les côtes de la Basse-Bretagne. Les naturels du pays, en apprenant le naufrage du malheureux navire que la Providence, telle qu'ils la conçoivent, leur avait amené pendant une nuit de tempête, se jetèrent sur les naufragés, qu'ils dépouillèrent..."

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• Livres libertins
• Livres d'Histoire
• Poésies
• Première guerre mondiale
• Jeunesse
• Policier
LangueFrançais
ÉditeurLigaran
Date de sortie8 juin 2015
ISBN9782335068610
Cric-Crac: Roman maritime - Tome II

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    Cric-Crac - Ligaran

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    Le sonneur de cloches de Guitalmezeau

    Un bâtiment anglais chargé de gros vin de Porto se perdit vers la fin de la dernière guerre sur la partie la plus dangereuse de cet amas de récifs qui hérissent, de leurs pointes acérées, les côtes de la Basse-Bretagne. Les naturels du pays, en apprenant le naufrage du malheureux navire que la Providence, telle qu’ils la conçoivent, leur avait amené pendant une nuit de tempête, se jetèrent sur les naufragés, qu’ils dépouillèrent, et sur les restes de la cargaison que la violence du coup de vent disputait encore à leur voracité. C’était alors ainsi que sur les bords de la France occidentale on exerçait quelquefois l’hospitalité ! On détroussait au plus vite les équipages et l’on sauvait ensuite les marchandises pour les revendre clandestinement à d’honnêtes négociants des villes environnantes.

    Peu de jours après le bris, ou je pourrais même dire le dépècement du bâtiment ennemi, nous arrivâmes à bord de notre corsaire, à quelques milles de l’endroit où le sinistre avait eu lieu, et on apercevait à peine au-dessus des flots la carcasse vide du navire dont les riverains avaient entrepris le sauvetage ; nous ne pûmes, quelqu’habitués que nous fussions à expédier vite les choses, nous empêcher d’admirer la rapacité des lurons qui avaient trouvé, en si peu d’heures, le temps nécessaire pour démolir une coque de trois mâts et pour s’approprier les bribes de tout le lourd chargement que le coup de vent avait si brutalement éparpillé sur la côte.

    Quelque rapprochement, que notre qualité de corsaires, parut devoir établir entre nous et les détrousseurs indigènes que nous venions visiter, les maussades habitants du lieu semblèrent d’abord nous accueillir avec défiance, je n’oserais pas dire avec jalousie. Deux ou trois de nos matelots, qui depuis longtemps avaient l’occasion d’étudier ou plutôt de subir les mœurs de nos nouveaux hôtes, attribuèrent leur répugnance à entrer en relation avec nous, à la peur que devaient leur inspirer des gens qui les savaient devenus riches du pillage des navires naufragés, et qui passaient dans leur esprit pour faire à peu près le même métier qu’eux. Les aborigènes de Guissini enfin nous avaient fait l’honneur, nous honnêtes et loyaux corsaires de nous prendre pour d’envieux concurrents. Bientôt cependant, lorsque nos sauvages compatriotes apprirent, en nous espionnant de loin, le motif réel de notre arrivée parmi eux, les craintes que nous leur avions si involontairement inspirées s’évanouirent. Une voie d’eau inquiétante qui s’était déclarée au large dans nos petits-fonds, en essuyant la chasse d’une frégate anglaise, nous avait forcés de chercher une relâche quelconque pour boucher tranquillement notre trou et reprendre ensuite la mer. Le port de Guissini s’étant trouvé le plus rapproché de nous, notre capitaine avait ordonné au pilote-côtier du bord de nous y loger, et nous nous étions fourrés-la, comme nous l’eussions fait ailleurs, pour mettre un instant notre lougre à sec et nos chères existences un peu en sûreté.

    Une fois à terre et en attendant que les calfats du navire eussent trouvé et aveuglé notre voie d’eau, il nous fallut songer à tuer, le moins ennuyeusement possible, le temps que nous avions à passer dans notre relâche. Notre pilote-côtier, qui connaissait un peu la topographie de la contrée, nous assura qu’à deux petites lieues de notre mouillage, nous dénicherions, pour peu que nous voulussions bien nous exposer à pénétrer dans l’intérieur, un village, une bourgade où l’on nous fournirait à souhait et à un prix très modéré toutes les provisions dont nous pouvions avoir besoin. Ce village, presqu’aussi mystérieusement caché dans les sables du pays, que la problématique Tombouctou dans les déserts brûlants de l’Afrique, se nommait très prosaïquement et fort celtiquement surtout Guitalmezeau.

    Après nous être fait répéter plusieurs fois ce nom si durement nouveau pour nos oreilles gallicanes, quatre à cinq jeunes officiers et moi, nous nous mîmes en route pour aller à la découverte du bourg promis, en demandant à tous les grands paysans en petit bon net brun et en larges caleçons que nous rencontrions en chemin, Guitalmezeau ! Guitalmezeau ! à peu près, comme naguère encore, les éclaireurs de la coalisation demandaient si avidement Paris ! Paris ! aux malheureux Champenois dont ils venaient envahir les foyers. Mais moins polis envers nous que les habitants de la Champagne envers les Cosaques de la Sainte-Alliance, nos grands pillards bas-bretons se contentaient de nous regarder stupidement sans daigner même nous répondre, ou nous tournaient le dos pour disparaître plus vite à nos yeux ou pour se soustraire plus promptement à l’importunité des questions que nous leur adressions en français.

    Au bout de deux heures de marche forcée, et de recherches pénibles, nous aperçûmes cependant au-dessus de quelques cahuttes couvertes de chaume noir, un clocher pyramidal surmonté d’un coq tourné le bec au vent. C’était Guitalmezeau, la Jérusalem du désert que nous venions de traverser. En égard à mon origine armoricaine, mes compagnons de voyage me chargèrent de m’entendre autant que je le pourrais avec ceux de mes compatriotes finistériens qui habitaient le village dans lequel nous venions de faire notre bruyante entrée. Quelques mots celtes que j’avais appris à mâcher dans mon enfance, devaient me servir à suivre les négociations diplomatiques que nous nous proposions d’entamer avec les juifs de cette nouvelle Thébaïde.

    Mais dans quelque embarras que dut me placer ma mission, je redoutais beaucoup moins encore les difficultés qu’elle avait pu me présenter, que l’inutilité dont pouvaient devenir mes efforts. L’évènement que m’avait fait déjà prévoir l’habitude que j’avais des mœurs finistériennes ne tarda pas à me confirmer dans les craintes que je m’étais fait un devoir d’exprimer à mes consultants. À notre aspect inattendu, tous les citadins du village s’étaient cachés dans le fond de leurs cabanes comme s’ils avaient eu à redouter notre contact ou notre vue, quoiqu’à bien peser l’état des choses, nous eussions dû avoir beaucoup plus de motifs de nous défier d’eux, qu’ils ne pouvaient en avoir de tant s’effrayer de notre approche.

    Un des nôtres, en voyant la solitude que nous nous étions ainsi faite autour de nous, laissa même échapper en cette conjoncture une remarque assez juste : Et quoi ! s’écria notre observateur, ces gens-là ont donc bien des remords ou tout au moins une grande dose de sauvagerie, puisqu’ils se sauvent de nous comme si nous étions des naufragés revenus sur l’eau ou des voleurs assez sots pour tomber sur un pays où il n’y a rien à voler !

    Un préposé des douanes auquel nous étions loin de nous attendre, quoique nous sussions bien qu’il n’est pas de lieux inaccessibles et inhabités pour la douane, un préposé des douanes, ai-je dit, en entendant la réflexion peu flatteuse de notre camarade sur les vertus hospitalières des Guitalméziens, sortit gravement de je ne sais quel trou pour nous dire d’un ton à peu près officiel :

    « Messieurs, vous êtes Français et moi aussi, et à l’étranger tous les Français sont frères. Vous n’avez qu’à frapper à la porte de cette maison que vous voyez près de l’église, et s’il y a du monde, on vous ouvrira comme à des personnes naturelles. »

    – Merci, monsieur, dis-je au préposé officieux, le seul représentant que la civilisation eût encore eu pour nous dans le pays. Merci, monsieur ; mais quelle est, s’il vous plaît, cette maison que vous avez la complaisance de nous indiquer, en des termes qui nous prouvent que vous au moins vous vous rappelez le précepte de l’Évangile.

    – Cette maison, nous répondit le parabolique fonctionnaire, est la seule et unique qui puisse passer pour ce qu’en France on appelle une auberge. Elle est habitée par le sonneur de cloches de la paroisse, car il y a ici des cloches dont le peuple reconnaît l’usage les dimanches et fêtes.

    Forts de ce renseignement si précis et si précieux, nous allâmes de suite frapper à la porte qui s’était fermée devant nous comme toutes les autres portes du village. Une longue figure, noire hasardée au bout d’un grand cou étranglé par un demi-col de chemise grise, sortit d’une petite lucarne pour nous demander d’un ton à moitié endormi : Qu’est-ce que vous voulez ?

    – Entrer chez vous pour nous reposer et nous rafraîchir en payant, répondîmes-nous.

    L’hôte du logis, après avoir retiré lentement sa longue tête du trou dans lequel il l’avait engagée, alla ouvrir nonchalamment sa porte, et sans nous adresser un mot il nous laissa envahir son domicile, en bâillant de toutes ses forces, pendant que nous nous placions sur le banc étroit qui entourait une lourde table posée près de l’unique croisée du rez-de-chaussée.

    – Avez-vous quelque chose à nous vendre pour manger ? demandai-je d’abord à mon grand bâilleur.

    – Moi, je n’ai rien à vous donner pour le moment, me répondit-il en me regardant à peine.

    – Vendez-vous des œufs, du pain et du vin ?

    – Oui, pour de l’argent, quand j’en ai.

    – Avez-vous des œufs, voyons, pour commencer par quelque chose ?

    – Oui, assez, mais pas trop.

    – Vous avez donc quelque chose à nous donner ?

    – Oui, mais pas de lard ni de vin.

    – Et qui vous demande du lard ?

    – À la bonne heure ; car c’est aujourd’hui vendredi. Des œufs et de l’eau-de-vie à votre service !…

    – Jolie façon de comprendre l’abstinence pour un sonneur de cloches et d’interpréter les commandements de l’Église pour un fonctionnaire notable de la paroisse. Voyons, donnez-nous une omelette, du pain et de l’eau-de-vie, puisqu’il n’y a pas moyen de tirer autre chose du fond de votre sac à charbon.

    – Tenez, voyez-vous, nous cria un de nos camarades, je gagerais bien que ce carillonneur d’enfer avec sa mine niaise et sournoise, après nous avoir refusé de la viande et du vin, finirait par nous vendre tout ce qu’il a et par aller même nous chercher des filles moyennant une récompense proportionnée au service. N’est-ce pas, grand balandeur de cloches enrhumées ?

    – Des filles ! non, foi de Dieu, reprit avec calme l’hôte ainsi interpellé. Aujourd’hui c’est vendredi, et ici ce n’est pas comme à Brest et à Lorient ; il n’y a pas de filles de louage pour les marins.

    – Hein ! quand je vous disais que ce chrétien-là a de l’usage et du monde ! Eh bien ! puisqu’il n’y a pas de filles de louage dans ton chenil à insectes, sers-nous de suite une omelette, nous te tiendrons quitte du reste pour aujourd’hui.

    Une crêpière ou, pour mieux dire, une large plaque de tôle grossièrement arrondie en ovale se trouvait en ce moment sur le feu de la vaste cheminée de la maison. Pour épargner à notre aubergiste l’embarras de nous préparer l’omelette que son inexpérience culinaire l’aurait peut-être conduit à avoir l’audace d’essayer, je me mis à jeter un peu de beurre sur la crêpière brûlante et à fricasser deux douzaines d’œufs dans une large écuelle en bois. Cette double préparation une fois achevée, je commençai avec hardiesse mon opération et en trois minutes mon entremets tourné et retourné tant bien que mal au-dessus des

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