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Seule a cappella
Seule a cappella
Seule a cappella
Livre électronique176 pages2 heures

Seule a cappella

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À propos de ce livre électronique

Il n’y a pas d’âge pour penser, aimer et souffrir. Léna a onze ans et se sent perdue dans un monde qui ne veut pas d’elle : la solitude ponctue depuis longtemps son noir passé. Pourtant au creux de la violence, il suffit d’une seule main tendue pour pouvoir oser sa voix. Même sans la musique du monde. Même a cappella.

À PROPOS DE L'AUTRICE

Alyss Dembreville est passionnée de musique et d’équitation. Son approche autonome de l’apprentissage fait de sa scolarité une contrainte réductrice. Après deux ans dans un lycée sport-étude, elle s’isole afin d’achever "Seule a cappella", son premier roman.
LangueFrançais
Date de sortie29 mai 2024
ISBN9791042228927
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    Seule a cappella - Alyss Dembreville

    Alyss Dembreville

    Seule a cappella

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Alyss Dembreville

    ISBN : 979-10-422-2892-7

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Pour Maëlle,

    la première qui est restée.

    Et pour Dartagnan,

    le plus beau cheval du monde.

    Léna

    La vérité, c’est que je suis seule. Personne ne me connaît vraiment. Mes tuteurs ne me parlent presque pas. Et moi, au collège, dans la rue, à la maison ; je ne dis rien, jamais.

    Dure est l’année de sixième, car j’ai plus de professeurs et plus d’élèves autour de moi : plus de gens pour me haïr. Et ceux qui ne me détestent pas m’ignorent, ce qui représente finalement le même danger. Les retombées seront d’autant plus agressives lorsque je commettrai, immanquablement, une faute qu’ils prendront comme prétexte pour me remarquer. Alors ils me jugeront, comme d’autres avant eux. Mais le verdict ne varie pas plus que lexicalement. Pour eux, je suis insignifiante, une poussière, un microbe, une rien du tout.

    Quand quelqu’un me dit quelque chose, je ne réagis pas. Cela agace les autres, un peu, et je sais que cela aggrave parfois la situation ; mais c’est ainsi qu’ils se lassent le plus vite d’essayer de m’atteindre. Je sais trop bien ce qui risque d’arriver si je leur accorde la moindre attention, alors je me tais. De toute manière, j’ai bien trop peur ; et j’ai de solides raisons pour cela. Le monde est cruel : on ne s’intéresse à moi que pour me tourmenter, voire pire. Alors je me cache derrière ma frange et mes cheveux châtains.

    Je suis invisible. C’est comme ça que je survis.

    Ryan

    Moi je suis normal, comme les autres, un garçon et c’est tout. Je ressemble aux gens de mon âge, j’agis comme eux, je parle comme eux. Mais je ne me sens pas comme eux, et de loin. Déjà, je la vois. Les autres s’appliquent à l’ignorer. Tous la contournent, sans la regarder. Sans même s’apercevoir qu’elle est là, on dirait.

    Ils ne savent pas ce qu’ils ratent, parce que Léna, elle est spéciale ; on le voit tout de suite quand on prend la peine de s’intéresser à elle un minimum. Et puis, sa détresse irradie tellement fort que je pourrais la détecter à l’autre bout du pays. Il y a des signes qui ne trompent pas. C’est comme les symptômes d’une maladie, que personne ne pense à soigner. On dirait que tout le monde s’en fiche.

    C’est une fille qui reste passive, comme si elle était ailleurs. Mais en fait, je crois qu’elle est aux aguets. Elle a le regard prudent de quelqu’un qui a déjà trop vécu pour son âge ; trop vécu de malheurs, certainement. Ses yeux bleus sont deux morceaux de la tristesse qu’elle veut dissimuler. Mais c’est impossible, il y en a bien trop : elle déborde et l’envahit toute entière, la faisant parfois trembler sans qu’elle puisse s’arrêter. Sa chevelure lui arrive à peine aux épaules et forme de douces boucles châtain légèrement cendré qui encadrent son visage rond. Ses traits sont toujours tendus, elle a constamment un air de profonde réflexion. J’imagine qu’elle ne pense pas comme les autres. C’est sans doute pour cela que tout le monde l’évite. Les humains n’acceptent pas la différence.

    Cependant, ce qui m’étonne le plus – car aux yeux des autres l’apparence vaut pour beaucoup – c’est que personne ne se rende compte à quel point elle est belle. Ça va par contre bien plus loin que le physique, et beaucoup plus profond. Dès le premier jour, je l’ai remarqué. De sa présence, elle impose une opposition qui doit en déranger plus d’un : alors qu’elle s’applique à se rétrécir, chaque chose sur laquelle elle pose son attention se met aussitôt à exister davantage.

    Léna

    Je sens qu’il m’observe et je suis terrorisée. Au collège, je n’ai plus un instant de répit. Avant, j’arrivais parfois, quand personne ne faisait attention à moi, à penser à autre chose qu’au malheur ; plus maintenant. À présent, je dois sans cesse être sur mes gardes ; vérifier, sans le regarder, la distance qui nous sépare, me tenir éloignée, toujours garder mon masque je-suis-occupée-ne-venez-pas-me-déranger. Au fond, je crains qu’il ne soit déjà trop tard : il me porte un trop grand intérêt. Il va m’agresser bientôt, ce n’est qu’une question de semaines ; de jours, peut-être.

    J’essaye tant bien que mal de me rassurer, de me convaincre que je délire, qu’il va se lasser, me laisser tranquille et m’oublier. Pourtant, je n’y parviens pas. Et chaque minute qui passe, je ressens cette angoisse oppressante qui m’écrase et m’anéantit, m’enserrant dans une étreinte de tourments, et faisant ressurgir en moi des souvenirs des plus violents.

    On pourrait penser qu’à force, on s’habitue à tout – même au pire. Qu’au fil des ans, les coups et les insultes atteignent moins, et qu’une chose aussi insignifiante qu’un regard ne fait plus aucun effet. Pourtant, ce sont bien les yeux que je crains le plus. On n’est jamais en sécurité quand ils braquent sur nous leurs faisceaux incandescents. Les fuir est l’unique façon de se préserver, mais que faire lorsqu’emprisonnée par les murs du collège, je n’ai que le silence derrière lequel me dissimuler à leur hargne ?

    Depuis longtemps, j’ai perdu tout espoir. Le monde entier n’est que douleur, atrocité et perfidie. On ne peut faire confiance à personne. C’est ainsi et cela ne changera jamais.

    Ryan

    On est en français, c’est le seul cours où je peux l’observer. Le reste du temps, elle est toujours derrière moi, en dehors de mon champ de vision. Là, elle est deux tables devant moi, et un cran sur la gauche. Chaque fois qu’elle glisse un regard triste vers la fenêtre, qu’elle se perd dans la contemplation du mur bleu et vide de la classe ; chaque fois qu’elle se tend, ou qu’elle baisse la tête et reste immobile, comme pour moins exister ; ou que ses épaules s’affaissent dans un soupir presque imperceptible, je le vois. Léna s’efforce de monter un visage neutre, mais à l’intérieur, elle pleure.

    Le collège, c’est l’enfer pour les élèves. Bien sûr, il y en a qui apprennent plus ou moins vite, et on n’y met pas tous la même volonté. Mais je ne pense pas me tromper en affirmant que l’ensemble des élèves, cancres comme surdoués, s’ennuie ferme. Ce n’est pas parce qu’on réussit qu’on aime, mais ça, les professeurs ne le comprendront jamais.

    Pour Léna, c’est encore pire. J’ai l’impression qu’elle aurait de très bonnes notes si elle ne fournissait pas tant d’efforts pour ne pas trop bien réussir. En fait, son but semble être de se rapprocher de la moyenne, le dix sur vingt tout rond. Son problème, c’est toujours le même : ne pas se faire remarquer.

    Pourtant elle est quelqu’un qui « sait » par nature, ça se voit dans ces yeux. Cette attention spécifique que j’ai déjà décrite, cela s’appelle l’intérêt ; et le sien a l’air de s’accrocher un peu malgré elle, même aux choses désintéressantes. J’admets qu’elle le cache plutôt bien. Pour ma part, c’est volontairement que j’étudie les autres, et j’ai appris à reconnaître ce genre de nuances. Mais c’est bien la première fois que j’ai à décoder quelqu’un d’aussi complexe.

    La détresse où je la vois m’est difficilement supportable et me pousse vers elle avec insistance, mais ce n’est pas si simple. Depuis quelques jours, je crois qu’elle s’est rendu compte que je faisais attention à elle, et je vois bien que ça la stresse encore plus. D’autre part, elle contrôle strictement son espace personnel, et recule littéralement dès que quiconque s’apprête à y poser un orteil. L’approcher est déjà un défi. Je voudrais tellement lui parler, la convaincre qu’elle n’a pas à s’inquiéter, que je veux juste l’aider.

    Plus facile à dire qu’à faire. J’ignore quels mots employer pour ne pas aggraver la situation.

    Léna

    Le cours touche à sa fin, c’est bientôt l’heure de la récréation. Le professeur nous recommande de bien apprendre la conjugaison des verbes irréguliers pour la prochaine fois, mais je les ai déjà tous retenus durant la leçon. Si seulement je pouvais les oublier ! C’est plus fort que moi, les informations s’impriment dans mon cerveau et je n’arrive pas à répondre de travers aux évaluations. Alors, la seule solution que j’ai trouvée, c’est de n’en faire que la moitié, mais je sais que les professeurs trouvent ça bizarre, parce que les réponses que je donne sont toujours justes. Ils notent souvent sur mes copies : « La leçon est sue, mais il faut travailler plus vite » ou alors « N’hésitez pas à proposer une réponse à toutes les questions, même si vous n’êtes pas sûre ».

    De toute évidence, ils n’ont rien compris et c’est tant mieux. Ce qui est important, c’est que les autres élèves ne sachent pas que j’ai volontairement une moyenne médiocre. Je pense qu’en effet, ils n’en ont pas conscience et que de toute manière, ils s’en fichent. Ils ne savent pas non plus que j’existe, je suis invisible et cela me convient très bien. Alors pourquoi est-ce que lui, il me voit ? Qu’ai-je de spécial pour mériter une telle attention ? Et lui, qu’a-t-il de spécial ? Je ne me défais pas de la sensation que son regard est différent des autres. Cette idée n’est pas rassurante pour autant : sans doute cela présage-t-il un danger plus grand encore.

    La sonnerie retentit, je sursaute. Le bruit soudain me surprend toujours, même si je suis prévenue. Il faut dire aussi que cela interrompt le fil de ma mélodie interne ; c’est comme si je me réveillais brusquement. Je ne sais pas si je suis la seule ainsi, mais dans ma tête, c’est plutôt bruyant. Souvent, une mélodie tourne en arrière-plan, même si je ne m’en préoccupe pas. J’ai aussi parfois l’impression que mon cerveau harmonise automatiquement les bruits ambiants avec des sons imaginaires pour mieux les comprendre. Je suis en équilibre sur une trame musicale.

    Comme d’habitude, je range mes affaires un peu moins vite que les autres pour sortir la dernière et ne pas me retrouver accidentellement sur le chemin de quelqu’un. Quand je relève la tête de mon cartable, il ne reste plus qu’un seul autre élève dans la classe ; lui, comme par hasard. Il discute avec le professeur, qui le scrute de ses petits yeux sournois. Pourtant, il a l’air très à l’aise et absolument pas intimidé. Comme je l’envie ! Moi, j’ai toujours peur de tout. Mais je serais déjà un peu rassurée si je n’étais plus dans la même pièce que lui, alors je ramasse mon sac et je quitte la salle le plus vite possible.

    Je descends les escaliers lentement, marche après marche,

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