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L'Amulette des Saisons: Héritiers de l'Âge de pierre, #2
L'Amulette des Saisons: Héritiers de l'Âge de pierre, #2
L'Amulette des Saisons: Héritiers de l'Âge de pierre, #2
Livre électronique442 pages6 heuresHéritiers de l'Âge de pierre

L'Amulette des Saisons: Héritiers de l'Âge de pierre, #2

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À propos de ce livre électronique

Zia quitte enfin la ginte où elle a coulé des jours heureux près de la Nouvelle Mer au levant, le cœur empli de sentiments contradictoires. Elle entame son voyage d'initiation de prêtresse et accompagne le cortège funéraire de son grand-père adoré vers la nécropole des Sages. La jeune fille découvre ce lieu sacré à l'architecture saisissante, empreint d'une spiritualité et d'une majesté bouleversantes. Après une rupture difficile avec sa mère et la séparation avec son frère, elle part sur les sentiers qui relient les peuples entre eux le long des rivières. Ses longues discussions avec sa grand-mère qui l'accompagne vers la Grotte Sacrée de la Terre-Mère lui révèlent la sagesse ancestrale et les coutumes des Haganitas, ainsi que les secrets de l'Amulette des Saisons.

Perdu et révolté, Kadmeron se lance sur la piste de Potac avec toute l'énergie de la colère. Devant lui se dresse une nouvelle fois un cours d'eau en furie qu'il doit absolument traverser pour espérer récupérer son cheval. Son ami le protège une fois de plus, l'empêchant de commettre une erreur irréparable. Dans sa quête éperdue, le Marteron parcourt de vastes contrées vers le levant. Les tribus se succèdent et lui permettent de rencontrer l'amour, l'ingéniosité des peuples des grands lacs mais aussi la violence et les massacres perpétrés par d'autres chasseurs. Bouleversé mais résolu, il se lance seul au galop dans les horizons infinis de l'Europe centrale, là où le mènent les mystérieux signes-mots.

Inexorablement, les trajectoires de ces deux jeunes en quête de sens dans un monde en plein chaos les rapprochent. Face aux violences incompréhensibles des humains entre eux, aux bouleversements climatiques qui modifient inexorablement les territoires, sauront-ils tirer les enseignements profonds de leurs rencontres ? Pourront-ils, malgré les dures épreuves, se relever et continuer d'avancer l'un vers l'autre ?

 

Héritiers de l'Âge de pierre – une série qui explore les défis du Mésolithique

 

Il y a plus de six millénaires avant notre ère, l'Europe du Mésolithique est ébranlée par des cataclysmes climatiques. Des pluies diluviennes s'abattent sur le monde, la Mer Méditerranée envahit les côtes. Les eaux de l'Océan Atlantique montent de plusieurs mètres à cause de la fonte massive des glaciers polaires, détruisant des villages et chassant des populations terrifiées. Bien que la partie orientale du continent semble moins touchée, la Mer Noire ne cesse de se remplir et de gagner du terrain sur le littoral.

C'est le début d'une période de migrations forcées qui placent l'humanité dans une situation terrible. Paradoxalement peu documentée et controversée, cette époque méconnue de notre préhistoire ouvre cependant les perspectives de la fabuleuse révolution de l'agriculture et des changements profonds qui suivront dans les sociétés humaines du Néolithique. Et en vérité, les extraordinaires contraintes climatiques, sociologiques et culturelles obligeront nos ancêtres à prendre des mesures drastiques et courageuses. Profondément… humaines. Un message du passé pour les profondes mutations qui se déroulent de nos jours et nous obligent à réagir ?…

LangueFrançais
ÉditeurCristina Rebiere
Date de sortie21 nov. 2023
ISBN9798223220602
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    Aperçu du livre

    L'Amulette des Saisons - C.O. Rebiere

    Préface

    Il y a plus de six millénaires avant notre ère, l’Europe du Mésolithique est ébranlée par des cataclysmes climatiques. Des pluies diluviennes s’abattent sur le monde, la mer Méditerranée envahit les côtes, les eaux de l'Océan Atlantique montent de plusieurs mètres à cause de la fonte massive des glaciers polaires, détruisant des villages et chassant des populations terrifiées. Bien que la partie orientale du continent semble moins touchée, la Mer Noire ne cesse de se remplir et de gagner du terrain sur le littoral.

    C’est le début d’une période de migrations forcées qui placent l’humanité dans une situation où chaque homme, chaque femme devra faire des choix cruciaux qui modifieront à jamais l’avenir de leur peuple. Paradoxalement peu documentée et controversée, cette époque méconnue de notre préhistoire ouvre cependant les perspectives de la fabuleuse révolution de l’agriculture et des changements profonds qui suivront dans les sociétés humaines du Néolithique. Et en vérité, les extraordinaires contraintes climatiques, sociologiques et culturelles obligeront nos ancêtres à prendre des mesures drastiques et courageuses. Profondément... humaines. Un message du passé pour les profondes mutations qui se déroulent de nos jours et nous obligent à réagir ?...

    Comment se sont organisés nos ancêtres pour faire face à la montée des eaux ? Quelles technologies ont-ils développé pour réussir à survivre ? Quelles alliances ont-ils dû forger pour arriver à dépasser ces terribles catastrophes et obstacles ? Quelles croyances ont pu leur donner l'inspiration, la force et la motivation nécessaires pour continuer à lutter contre l'adversité et à transmettre le fruit de leur expérience aux générations suivantes ?

    Ce sont les questions auxquelles la série les « Héritiers de l’Âge de pierre » tentent, humblement, de répondre. Cette série de fiction s’appuie sur certaines découvertes archéologiques mises au jour en Eurasie et, bien évidemment, sur les suppositions et l’imagination de ses auteurs.

    Nous espérons que les aventures de nos héros et héroïnes d'un lointain passé vous aideront à réfléchir aux défis sans précédent qui se posent aujourd'hui aux habitants de cette si merveilleuse biosphère que nous avons en partage.

    Nous, qui sommes leurs héritiers.

    Chapitre 1

    Menodora avait convoqué une réunion exceptionnelle de la ginte* pour annoncer le départ pour Vorna du cortège funéraire qui allait inhumer le corps de son père, Danil. Elle expliqua qu'ils allaient le déposer avec tous les égards dans la Nécropole des Sages, comme son haut rang le demandait. Elle ne s'attarda pas sur les détails, et omit de mentionner l'enterrement du corps sous la maison de ses parents. D'ailleurs, elle s'était arrangée pour convaincre Lidova de procéder à l'ensevelissement du corps de feu son mari pendant la nuit et seulement en présence de la famille proche. Elle ne pouvait pas se résoudre à subir une telle humiliation et surtout risquer le mépris de son peuple face à une telle pratique qu'elle trouvait tout simplement scandaleuse et contraire à la tradition.

    Autour du grand foyer allumé au milieu du village de la Gorge des Ancêtres, toute la ginte écoutait la Matriarche avec respect. L'atmosphère était pesante et même les enfants se taisaient et avaient cessé de rire. En effet, Danil avait été aimé par tous et sa mort avait laissé un grand vide dans les cœurs des Haganitas.

    — Avant de commencer à manger en l'honneur du défunt, je tenais à vous annoncer que Zia, ma fille, débutera son voyage initiatique de Prêtresse et partira avec nous demain aux aurores. Elle ira jusqu'à la source de la Grande Rivière Mère et nous apportera de son périple les connaissances et les techniques qu'elle aura apprises. Elle sera ainsi digne de devenir prêtresse de notre ginte.

    Des exclamations de surprise se firent immédiatement entendre dans la foule et Zia dut se lever, aux signes insistants de sa mère.

    — Je profite de ce moment où nous sommes tous réunis pour vous dire au revoir à tous, ici présents. Je vous promets de faire de mon mieux et de revenir avec des enseignements précieux pour notre peuple, ajouta-t-elle avec une voix tremblante.

    Elle n'avait pas préparé de discours et ne savait pas du tout que sa mère allait lui demander de parler devant tous les villageois. Prise par surprise, elle avait les joues en flammes, mais fut sauvée par les applaudissements qui gagnèrent toute l'assemblée. Zia réalisa avec étonnement qu'elle était l'objet de cette ovation et constata que dans les yeux des gens se lisait une déférence qu'elle n'avait pas eue l'occasion de connaître à son égard. Les Haganitas considéraient sa mère, la Grande Prêtresse de la ginte, avec respect et quelquefois même avec une certaine crainte.

    — Je vous remercie tous pour vos encouragements ! Que les esprits prennent soin de vous et vous protègent pendant mon voyage et j'espère que nous nous retrouverons tous en bonne santé, prononça Zia avant de reprendre place.

    Menodora poursuivit :

    — Mon fils Coson viendra aussi avec nous et continuera sa route avec Oroles, notre Maître Marchand qui le prendra sous son aile pour continuer à lui apprendre les rudiments de son art. Maintenant, mangeons et par ce repas, ensemble, rappelons-nous le Grand Sage qui nous a quittés et qui partira demain dans son voyage vers l'au-delà. Ce festin funéraire sera le dernier hommage que sa ginte lui apportera, alors pensons à lui et offrons aux esprits des ancêtres qui l'accompagneront sur son chemin notre reconnaissance et nos offrandes, finit Menodora en s'approchant du sanglier qui était en train de cuire au-dessus du feu.

    — Je resterai ici avec vous, annonça Duras en se levant à son tour, à la surprise de sa femme qui s'interrompit dans sa démarche. Je devais partir demain à l'aube, comme vous le savez tous, pour le rassemblement des Patriarches et Matriarches qui a lieu à Radova. Toutefois, Menodora doit se rendre à la Nécropole des Sages pour rendre hommage à son père et je ne veux pas que notre ginte soit dépourvue de protection et de guidance, si nécessaire. J'ai décidé de rester pendant quatre jours de plus afin de lui laisser le temps de participer aux funérailles et de rentrer pour veiller sur vous.

    La Matriarche voulut ouvrir la bouche pour lui dire que le délai n'était pas suffisant pour faire la route et une cérémonie qui devait durer plusieurs jours. Duras lui jeta un regard ferme et froid qui ne souffrait aucun doute quant à sa décision. Elle préféra donc ne pas creuser encore davantage la distance qui s'était installée les derniers jours entre eux et s'abstint de tout commentaire. Pour le moment.

    — Maintenant, mangeons tous ensemble le beau sanglier que nos jeunes chasseurs ont rapporté pour amener ce dernier hommage à Danil qui nous était cher à tous, finit-il en faisant signe à sa femme de servir le premier morceau.

    Il était de coutume chez les Haganitas qu'un grand repas fût organisé pour honorer le mort. Habituellement, ce festin funéraire était organisé avant l'enterrement, la dernière nuit que le défunt passait avec les vivants étant hautement symbolique. Un animal était sacrifié à ce genre d'occasion, que ce soit un sanglier ou un cerf si la chasse avait été bonne, soit sinon un mouton, un porc ou un bovin. Ce sacrifice était considéré comme un présent important des vivants envers la personne décédée et les ancêtres. Un témoignage de profond respect collectif. La taille de l'animal ainsi que celle du repas qui s'en suivait était souvent en accord avec le statut du défunt au cœur de sa communauté.

    La personne la plus proche de celle qui avait trépassé bénéficiait du privilège de recevoir le premier morceau de viande et le premier pot d'une boisson alcoolisée à base de raisins que la ginte de la Gorge des Ancêtres fabriquait tous les ans. Ce breuvage rituel était conservé dans de grandes jarres en terre cuite enterrées et couvertes d'une pièce de glaise séchée qui était brisée à cette occasion. Ce liquide destiné aux morts n'était utilisé au départ que lors des cérémonies funèbres. Petit à petit au cours des siècles, de leurs révélations mystiques et de leurs échanges réguliers, les Matriarches successives avaient amélioré les rites et déterminé les quantités précises à offrir en libation aux esprits ainsi qu'à celui du défunt. Un véritable code cérémoniel commençait à prendre jour sur les terres de l'Europe orientale, avec tous ses objets et moments religieux.

    Lidova reçut de Menodora une généreuse part du sanglier sur une assiette en céramique décorée avec des vagues caractéristiques de leur peuple. Duras, à son tour, lui tendit un vase qu'il remplit au préalable de la boisson rituelle. Le récipient était fabriqué dans une pâte claire à base de sable fin et peint avec de fins traits noirs. Sa forme allongée était évasée, concave dans la partie inférieure et présentait un col cylindrique. Muni d'une anse verticale attachée à la base et à sa lèvre, ce vase était d'une épaisseur de seulement quelques millimètres et sa surface soigneusement polie. Merveilles de beauté et de maîtrise artisanale, ces pots à boire finement ouvragés constituaient souvent des cadeaux que les familles les plus importantes recevaient pour les occasions spéciales comme le mariage ou l'enterrement. Ces échanges d'objets précieux soudaient les rapports d'amitié et de confiance, parfois protocolaires mais toujours nécessaires, qui se tissaient au cours des âges non seulement entre les membres d'une même communauté, notamment lors des mariages, mais également entre les différentes gintes et peuples. Reconnue et appréciée dans toute la région pour ses vastes connaissances, ses talents de guérisseuse et ses poteries décorées qui avaient un style unique, Lidova avait réalisé des dizaines de vases de ce type. Elle avait également appris aux femmes de la ginte à en fabriquer des plus basiques pour les besoins quotidiens de chaque famille. Toutefois, celui qu'elle venait de recevoir pour Danil était un récipient réservé uniquement au festin funéraire. Elle prit les offrandes cérémonieusement et se dirigea vers le corps de feu son mari, posé sur une dalle de pierre et entouré par tous les objets qui allaient l'accompagner dans son voyage de l'au-delà. Habillé dans une blouse en lin brodé avec des motifs en vagues bleues et des losanges rouges, le défunt portait un pagne en peau de bison serré d'une ceinture richement décorée avec des coquillages, des dents d’animaux, des perles en pierres polies multicolores ainsi que des morceaux d'os façonnés sous différentes formes. Ces magnifiques habits prouvaient le haut statut dont il avait pu jouir pendant sa vie sur Terre. Le moignon qui témoignait de l'amputation de sa main avait été soigneusement dissimulé par Menodora sous le riche vêtement afin d'éviter toute polémique inutile avec le reste des convives.

    Lidova s'approcha du corps à pas lents. Elle sentait les larmes lui monter aux yeux et les jambes tremblantes, elle s'agenouilla auprès de son mari en déposant l'assiette et le vase près de sa tête nue. Il arborait un sourire apaisé, loin des souffrances terribles et silencieuses qu'il avait endurées pendant les jours précédents avec abnégation. En maîtrisant difficilement ses sanglots, elle prononça les formules cérémonielles avec amour et tristesse dans la voix :

    — Nous partageons avec toi ce dernier repas, Danil. Qu'il puisse te nourrir et t'aider à retrouver la paix parmi les esprits de nos ancêtres, dit-elle en partageant en deux le rôti et en déposant la moitié sur la belle assiette décorée qui se trouvait près de la tête du défunt. C'était le plateau en terre cuite marron avec des courbes, des rubans et des spirales d'un blanc éclatant que Lidova avait peint

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    spécialement pour son mari et que Zia ne manqua pas de reconnaître en regardant avec tendresse sa grand-mère. Elle y avait mis tout son amour, tout comme pour le magnifique vase orné de motifs traditionnels de la ginte de la Gorge des Ancêtres. Lidova y versa la moitié du liquide cérémoniel, puis en prit une gorgée qu'elle avala d'une traite. Ensuite, elle inclina le vase et déposa quelques gouttes sur les doigts de sa main droite. Elle se leva et fit un signe sur le front du défunt avec les doigts imprégnés du breuvage à base de raisins. Elle ferma les yeux et sembla prononcer une prière à voix basse.

    Lidova se releva et s'adressa à tout le monde :

    — Zia, comme tu vas débuter ton voyage initiatique dès demain, avec la permission de notre Matriarche, je pense qu'il serait opportun que tu apprennes un des gestes rituels réservés aux prêtres et prêtresses. Viens allumer les lampes qui éclaireront le chemin de ton grand-père ! l'invita-t-elle avec un sourire chaleureux.

    La jeune fille se leva en regardant sa mère qui acquiesça en signe d'accord. Elle jeta un coup d'œil rapidement autour d'elle et trouva tout de suite un tas de brindilles sèches qui servaient à allumer le feu, mais aussi les lampes à graisse à l'intérieur des habitations. Elle marcha d'un pas décidé et en prit une ramure assez longue qu'elle enflamma dans le grand foyer. Elle se dirigea ensuite vers sa grand-mère qui lui indiqua les creusets en pierre disposés à la tête du défunt. Zia s'agenouilla comme elle l’avait vue faire quelques minutes auparavant sans savoir si c'était la bonne position à adopter. C'était la première fois qu'elle participait activement à une telle cérémonie. Bien sûr, elle avait déjà été témoin d'autres festins funéraires, mais sans accorder beaucoup d'attention à tous les gestes rituels. En plus, les morts lui faisaient peur et leurs corps froids et inexpressifs lui glaçaient le sang comme à plein d'autres enfants. C'était en grande partie à cause des histoires qu'ils se racontaient le soir, au coin du feu, pour se faire peur. Avec des âmes qui revenaient pour les punir pour les bêtises qu'ils avaient faites. D'ailleurs, même les adultes narraient de tels récits et tous craignaient les esprits et leur colère. C'était la raison pour laquelle ils ne manquaient pas de leur faire des offrandes afin de ne pas déclencher leur courroux, manifesté par toutes sortes d'intempéries ou de catastrophes naturelles qu'ils ne savaient pas expliquer, encore moins prévenir. Il fallait donc absolument calmer les esprits lorsque ces calamités arrivaient. La mort, bien qu’inévitable, n'en constituait pas moins une tragédie qu'il était nécessaire de célébrer collectivement pour pouvoir la conjurer et préparer toute la ginte au deuil et à l'acceptation de la perte et de l'absence.

    La jeune fille alluma chacune des quatre lampes à graisse, puis alla jeter la brindille dans le foyer avant de s'asseoir à sa place. Lidova se leva aussitôt, et malgré ses larmes et ses yeux rougis, s'adressa à l'assemblée d'une voix franche et chaleureuse :

    — Comme vous le savez tous, chaque future prêtresse doit réaliser un voyage initiatique en remontant une grande rivière vers sa source pour découvrir si c'est le début du Monde. En plus, elle doit visiter plusieurs lieux sacrés de notre peuple mais aussi des autres gintes et des Ancêtres. Enfin, elle doit apprendre plusieurs rituels, tout comme les savoirs et techniques des peuplades qu'elle rencontre tout au long de son périple. Vous savez qu'elle doit avoir un aîné à ses côtés pour la guider dans sa quête. Je profite de cette occasion pour vous annoncer que j'ai pris la décision d'accompagner ma petite-fille dans son épreuve.

    — Oh, c'est merveilleux Grand-ma ! cria Zia sans pouvoir contenir son enthousiasme et en se jetant dans ses bras tout en l'enlaçant et en l'embrassant.

    Lidova fut heureuse de l'accueillir dans ses bras épuisés et contente que son annonce eût provoqué l'effet escompté auprès de sa petite-fille. Toutefois, Menodora coupa court à cette joie partagée :

    — Je ne pense pas que cela soit une bonne idée, Mère. Comme tu sais, certains Haganitas ont eu l'occasion de remonter la Grande Rivière Mère jusqu'aux grandes montagnes qu'elle perce... C'est un long voyage qui dépasse largement une lune et ils étaient sans doute bien loin d'arriver à sa source. Ton grand âge ne te permet pas de faire un tel trajet.

    — Je te remercie de te soucier de moi, mais je suis en bonne santé et je résiste encore pour tous les rassemblements ou périples que notre ginte fait. Je ne crois pas en avoir manqué une seule expédition ni ralenti quelque cortège. En plus, je pense avoir toutes les connaissances et expériences requises pour être en mesure de guider Zia et lui apprendre ce qu'une prêtresse doit savoir. Sans même parler de celles de Guérisseuse, domaine pour lequel elle est douée et je pense être la mieux placée pour lui transmettre ce savoir. En doutes-tu ? demanda-t-elle à sa fille.

    — Non, bien sûr que non, répliqua-t-elle. Mais cela serait trop fatiguant pour toi. En plus, comment allez-vous faire pour vous nourrir ?

    — Je chasserai, répliqua Zia sans hésitation. Nous allons cueillir des fruits, des racines et des plantes et je me chargerai du feu et de toutes les tâches lourdes qui pourraient fatiguer Grand-ma.

    — Ne sois pas ridicule Zia ! Tu ne pourras pas chasser toute seule et surtout pour nourrir deux bouches, alors que tu es censée apprendre en plus tant de choses pendant ce voyage !

    — Notre fille est une excellente chasseuse et je suis convaincu qu'elle est capable d'assurer la viande nécessaire pendant leur périple, intervint Duras en regardant avec fierté sa fille.

    De surcroît, il était content de pouvoir la soutenir devant Menodora avec qui il avait encore des comptes à régler. La Matriarche avala difficilement ces affronts successifs et finit par céder :

    — Si telle est ta volonté, sois alors la guide de Zia dans son voyage initiatique !

    — Je te remercie de ta compréhension, répondit Lidova. Je vais profiter de cette expédition pour lui faire connaissance avec les peuples que j'ai eu l'occasion de rencontrer par le passé. Nous allons visiter ensemble la Grotte Sacrée de la Terre-Mère si elle le veut.

    Menodora voulut protester, mais la vieille femme continua car elle avait imaginé que sa fille ne serait pas d'accord :

    — Je sais bien que la Grotte Sacrée de la Terre-Mère se trouve loin du lit de la Grande Rivière Mère, mais n'oublie pas qu'une prêtresse doit visiter les lieux sacrés de nos Ancêtres ! Tu y es allée également lors de ton voyage initiatique au long de la Rivière Jumelle, bien qu'elle fût tout aussi éloignée, n'est-ce pas ?

    — Non, c'est faux ! Elle était bien plus proche de la rivière que je devais remonter que de celle que j'ai assignée à Zia !

    — J’en doute fortement... elle était en tout cas dans le sens contraire de la source à laquelle tu étais supposée aller. Tu n'as certainement pas oublié que si la Grande Prêtresse décide de la rivière à suivre, c'est à celle ou celui qui va effectuer le périple de déterminer librement son parcours et aucune obligation de rester près du cours d’eau ne lui est imposée. Je laisserai donc le soin à Zia de choisir son itinéraire et je la guiderai en lui suggérant des endroits à découvrir, des peuples à rencontrer. Nous pourrons faire halte lorsqu'elle le souhaitera et même demeurer plus longtemps auprès des gens qui susciteront son intérêt. Tout voyage initiatique a pour but d'aider la personne qui l'entame à trouver son propre chemin, résuma-t-elle en regardant avec amour sa petite-fille, en posant délicatement sa main sur son épaule.

    Zia était si heureuse de la nouvelle annoncée par sa grand-mère qu'elle n'osait plus dire un mot. Elle se considérait si chanceuse d'avoir une telle sage pour la guider qu'elle admirait encore plus que sa mère. Elle ne s'attendait absolument pas à cet honneur. Tout comme elle s'étonnait en regardant le corps de son grand-père de l'air paisible de son visage. Elle réalisa qu'elle n'avait plus aucune appréhension devant ce mort. Bien au contraire. Est-ce que c'est parce qu'il était mon grand-père que je ne sens plus aucune crainte ? se posa-t-elle silencieusement la question sans savoir quelle était la réponse. Perdue dans ses pensées, elle ne réalisa pas que sa grand-mère la regardait et semblait attendre une réplique de sa part dans le silence qui était descendu sur toute l'assemblée, suspendue à ses lèvres. En faisant un grand effort, Zia se rappela des derniers mots prononcés par Lidova et improvisa sans savoir si c'était bien ce qu'on attendait d'elle :

    — Je serai très heureuse de visiter la Grotte Sacrée de la Terre-Mère dont je ne connais que les nombreuses histoires que j'ai toujours écoutées avec plein d'intérêt. J'espérais qu'un jour je puisse avoir la chance de la voir de mes propres yeux et je suis très contente d'aller avec toi, Grand-ma. Je te remercie d'avoir pensé me la faire découvrir, finit-elle en allant déposer un baiser sur la main de la vieille femme.

    Une larme perla au coin des yeux de Lidova. Elle caressa tendrement les cheveux de Zia, lui prit la tête entre ses mains et s'y plongea dans le regard plein d'étoiles de la jeune fille. Un flot d'émotions fut échangé entre les deux femmes, interrompu par Duras qui avait remarqué sa femme s'apprêtant à couper court à ces effusions sentimentales.

    — Nous pourrons nous rencontrer à Silistra, car en étant seul j’irai plus vite et vous rejoindre rapidement. Nous irons ensuite ensemble jusqu'à Bogeni et à Radova, où tu rencontreras les Grands Sages, Zia. Vous participerez peut-être à certaines de nos réunions car ton opinion, Lidova, est grandement appréciée par tous. Tu nous éclaireras et apporteras tes témoignages car des problèmes importants seront discutés et de difficiles décisions nous attendent, comme tu le sais.

    — Je pense que c'est une excellente idée Duras. Si Zia est d'accord et a envie de suivre ce chemin, je l'accompagnerai volontiers, dit la femme en regardant sa petite-fille et en attendant son consentement.

    Zia ne comprenait pas ce qui se passait et bien qu'elle fût contente de la proposition de son père, elle ne saisissait pas encore ce pour quoi sa grand-mère avait besoin de son accord. Toutefois, elle remarqua à nouveau que tout le monde la dévisageait et semblait attendre une réponse de sa part. Sans savoir exactement quoi dire dans ce genre de situation, elle décida d'être sincère :

    — Bien sûr. Je serai heureuse et honorée de t'accompagner à Radova et de rencontrer les Grands Sages. Mais ne penses-tu pas que je sois trop jeune pour cela ?

    — Zia, tu l'es en effet, mais n'oublie pas que demain à l'aube tu commences une nouvelle étape de ta vie. Tu es une jeune femme qui débute en plus son voyage initiatique de prêtresse, dit Lidova.

    — Ah oui, c'est vrai, répliqua-t-elle en soupirant mais tout en ressentant un certain soulagement de pouvoir décider toute seule de ce qu'elle allait faire.

    — N'empêche que tu ne dois pas oublier les responsabilités qui t'incombent ! Ce n'est pas un voyage pour s'amuser, lui rappela sèchement sa mère. Et tu dois retrouver la source de la Grande Rivière Mère ! tonna-t-elle avec aplomb.

    — Je ferai de mon mieux, répondit-elle d'une voix faible en se sentant écrasée par le poids de ses futures responsabilités que Menodora venait de lui jeter à la figure.

    — Je me permets d'ajouter que le but ultime d'un tel voyage est avant tout de trouver ton propre chemin dans la vie Zia, précisa Lidova en sentant la crainte de sa petite-fille et la lourde responsabilité que sa propre fille posait sur ses frêles épaules. Moi, par exemple, je ne suis jamais arrivée à la source de la Rivière Tourbillonnante. Je me suis arrêtée à Ripiceni, la capitale du peuple des Cutylias puisque j'avais trouvé ce que je cherchais. D'ailleurs, l'amulette des saisons qu'ils m'ont offerte en cadeau témoigne de tous les savoirs que j'ai pu rapporter aux Haganitas à l'issue de mon long périple.

    — C'est vrai, et nous t'en sommes tous si reconnaissants Lidova, affirma avec révérence Duras pour ne pas laisser à Menodora la moindre chance de faire encore des dégâts. Zia, ta grand-mère a entièrement raison, il est plus important de trouver ta propre voie et c’est cela qui doit guider tes pas. Je suis convaincu que Lidova est une des meilleures guides que tu aurais pu jamais avoir. Il serait peut-être bien qu'un homme vous accompagne... ajouta-t-il sans attendre une réponse pour ne pas donner des raisons à Menodora de reprendre le débat. Maintenant, je vous propose que nous buvions une coupe de cornata* pour fêter leur départ avant d'entamer le repas en hommage à Danil qui fut comme un père pour moi.

    Le festin funéraire s'était prolongé jusqu'au milieu de la nuit. Zia profita pour faire ses adieux à plusieurs jeunes de son âge et surtout à Sinna pour laquelle elle avait une tendresse particulière. Elle lui confia ses chèvres qui lui étaient si chères et la jeune fille promit de s'en occuper. Sinna proposa de prendre soin de Cani également, mais Zia lui annonça que son fidèle compagnon allait faire la route avec elle. Elle ne pouvait pas se résoudre à abandonner tout le monde et son quadrupède aurait trop souffert de son absence, elle le savait déjà. En plus, elle aussi tenait beaucoup à lui et ensemble, ils allaient pouvoir chasser plus facilement. Elle avait déjà pu lui enseigner quelques tactiques pour l'aider à rabattre le gibier et ce long trajet serait l'occasion idéale de progresser tous les deux. Elle était pleinement consciente du fait que chasser allait être bien plus difficile sans tous les autres chasseurs de la ginte, mais cela ne lui faisait pas peur. Elle avait confiance en elle et dans les talents de Cani et savait qu'ils allaient se débrouiller très bien. Elle était si heureuse que sa grand-mère avait décidé de l'accompagner et si sereine désormais, qu'elle s'étonna de l'impatience qu'elle ressentait à l'idée de commencer ce voyage initiatique qu'elle avait tellement craint quelques jours auparavant.

    Zia finit par rejoindre sa famille dans la maison des grands-parents, où Danil fut enseveli, accompagné par une partie des objets et présents que Lidova avait préparés pour lui. Elle rangea le reste des offrandes, et notamment le précieux bijou en or et les deux statuettes représentant un homme assis sur son tabouret et une femme accroupie, une jambe repliée sous elle, dans un sac en toile qui contenait déjà la main du défunt. La cérémonie fut simple et se déroula en présence de Menodora, Duras, Zia, Kaigiza et Coson. Les deux hommes descendirent le corps dans la fosse qui avait été préparée et creusée à même le sol de la hutte. Lidova prononça quelques prières et descendit pour arranger les objets auprès de feu son mari. Elle prit soin de les disposer dans un ordre précis afin que Danil pût s'en servir facilement et que les esprits trouvassent leur apaisement.

    Menodora versa ses premières larmes et, à la surprise générale, alla à son tour dans la fosse pour déposer un dernier baiser sur le front de son père. Elle avait apporté également un présent pour lui – un superbe couteau avec une longue lame en silex fixée sur un manche en os finement sculpté. Elle le déposa avec révérence près de la main absente et s'agenouilla en murmurant quelques mots. Zia aurait pu jurer qu'elle l'avait entendu demander pardon à Danil sans vraiment comprendre tout ce que sa mère avait dit.

    La tombe fut ensuite couverte de la terre qui avait été conservée à proximité. Si au départ tous y participèrent, après quelques minutes, Duras constata que Lidova était déjà bien éprouvée par tout ce qu'elle avait enduré ces derniers jours. Il lui proposa alors :

    — Mère, pourquoi ne pas nous laisser finir cette tâche moi et Coson, pendant que vous, les femmes, irez préparer vos sacs de voyage ? Nous avons eu le temps de faire les nôtres pendant que vous vous occupiez du festin.

    — C'est une bonne idée Duras. Je n'ai eu le temps de préparer que mes habits. Et toi Zia, as-tu pu t’occuper de tes bagages ?

    — Oui, Grand-ma, j'ai déjà deux grands sacs, ma besace et ma trousse à plantes. J'ai aussi rempli deux outres d'eau à la rivière. Tu crois que cela sera assez ? Papa, pouvons-nous prendre dans mon voyage deux hydrontins* pour porter une partie de nos affaires ?

    — Oui, bien sûr. Même si nous sentirons leur absence, il est important que vous puissiez avoir de l'aide dans le long périple qui vous attend, ajouta-t-il en sachant que la proposition qu'il avait faite concernant la présence d'un homme n'allait pas se concrétiser.

    — Il y a deux femelles qui attendent des petits, je crois, annonça Zia. Vous aurez de quoi remplacer ceux que nous amènerons. Cani sera du voyage aussi.

    — Très bonne idée Zia ! répliqua Lidova. Il faudra aussi prendre quelques provisions de viande séchée. Tu en trouveras dans ma cuisine. Près du four, tu verras aussi des gâteaux que j'ai préparés hier en même temps que le colac* pour ton grand-père.

    — Zia, si tu ne prends pas Bichette avec toi, puis-je m’en occuper ? demanda Kaigiza, sa petite sœur qui était assez timide et qui n'avait pas osé ouvrir la bouche de la soirée.

    — Bien sûr, Kai ! répliqua-t-elle en embrassant sa petite sœur. J'avais demandé à Sinna de le faire, mais si tu as envie, elle sera contente d'avoir de l'aide. Je suis désolée de ne pas avoir pensé à toi, mais je ne savais pas que tu aimerais t’en charger, expliqua-t-elle en sentant tout à coup une poussée de culpabilité par rapport à sa sœurette dont elle s'était si peu occupée dernièrement.

    — Si, je veux. Je vais souvent la voir au bord de la rivière et je crois qu'elle m'aime bien. Elle me lèche le visage quand je lui parle, dit-elle en souriant, contente que Zia voulait bien lui confier la petite chèvre.

    — Grand-ma, il était très bon ton colac, il faudra que tu m'apprennes à en préparer pendant notre voyage, se rappela Zia en caressant tendrement les cheveux de Kaigiza.

    — Si tu veux. Normalement, c'est une brioche que nous préparons seulement pour les festins funéraires. Le colac aide le défunt à rejoindre les esprits des ancêtres.

    — Moi aussi, j'aime ça, intervint Kaigiza en se blottissant dans les bras de sa grande sœur avec laquelle elle aurait aimé passer plus de temps.

    — Je ne savais pas, même si maintenant que tu le dis, je ne me rappelle pas en avoir mangé de si grands à d'autres occasions que lors des veillées des morts. C'est bien dommage, car moi j'adore ces colaci. D'ailleurs pourquoi il n'y en avait que trois ? Même s'ils étaient grands, nous n'avons pu avoir chacun qu'une petite portion... Il en reste ? demanda Zia en se passant la langue avec gourmandise sur les lèvres.

    — Zia, ce n'est pas le moment ! la remit à sa place Menodora.

    La jeune fille réalisa que sa mère avait raison et rougit de honte en baissant les yeux.

    — Ma petite-fille, toujours aussi gourmande ! éclata de rire Lidova en même temps que Duras qui eut du mal à s'abstenir.

    La grand-mère reprit dans une atmosphère moins tendue, malgré l'intervention de Menodora :

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    — Pour un rituel funéraire, trois grands colaci sont cuits. L'un représente le défunt, le second symbolise son âme et le troisième est l'offrande aux

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