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Ludomanie
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Livre électronique324 pages4 heures

Ludomanie

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À propos de ce livre électronique

Ludovic Balmont est un joueur pathologique. Ancien capitaine des Stups, il est contraint à démissionner. Sa hiérarchie le soupçonne d’être impliqué dans le braquage d’une transaction de drogue pour rembourser d’importantes dettes de jeu. Reconverti en détective privé, il enquête sur la disparition du jeune fils d’un politicien qui brigue la mairie de Paris. Son investigation le conduit sur la piste d’un site de rencontre gay, alors que dans le même temps, Balmont s’évertue à laver son honneur au sein de la police en prouvant son innocence.
LangueFrançais
Date de sortie10 oct. 2023
ISBN9782312139999
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    Ludomanie - David Dumay

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    Ludomanie

    David Dumay

    Ludomanie

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2023

    ISBN : 978-2-312-13999-9

    Chapitre 1

    Je m’appelle Lucas Balmont. J’ai quarante-cinq ans et je souffre de ludomanie.

    Pour être clair, le jeu est pathologique chez moi. J’éprouve toutes les peines du monde à ne pas miser de l’argent, en dépit des terribles répercussions de ce vice sur mon existence.

    Il y a deux ans, cette assuétude m’a conduit à vouloir mettre un terme à mes jours, après qu’elle m’eut fait perdre ma femme, mes gosses et mon job.

    Pendant près de vingt ans, j’ai officié à Paris, à la brigade des Stups du 36, quai des Orfèvres. Très tôt parvenu au grade de capitaine, j’étais promis à un bel avenir au sein de cette unité où je gravissais les échelons à pas de géant. Néanmoins, mon addiction eut raison de moi, me contraignant à démissionner.

    À cette époque, selon les informations d’un de mes indics, j’avais été alerté sur une juteuse transaction d’héroïne prévue dans un entrepôt de la Porte de Clignancourt. Avec mon équipe, j’étais intervenu juste à temps pour intercepter la marchandise et l’argent du deal, lequel représentait la coquette somme de 250 000 euros.

    Au retour, nous étions tombés dans une embuscade au niveau de la rue des Poissonniers. Un de nos assaillants avait réussi à tirer comme un forcené à l’intérieur de notre véhicule, pendant que son complice avait subtilisé notre précieuse saisie. Mes trois coéquipiers avaient succombé. Par miracle, je demeurais le seul à avoir réchappé à ce carnage. Je m’en étais sorti sans la moindre égratignure, le corps d’un de mes collègues m’ayant servi de bouclier en s’effondrant sur moi.

    Bien qu’il n’y eût aucune preuve formelle m’incriminant, je fus très vite suspecté d’être à l’origine de ce sanglant guet-apens. Mes colossales dettes de jeu n’étant un secret pour personne, je fus soupçonné avec injustice, de ce drame. Et même si l’IGPN (la police des polices) me blanchit, la majorité des types que je dirigeais vit la tragédie d’un autre œil, persuadée de ma responsabilité dans la mort de leurs collègues.

    J’encaissai le coup. J’étais convaincu que toutes ces années de bons et loyaux services envers ma brigade finiraient par jouer en ma faveur ; il n’en fut rien.

    Ma dépendance au jeu m’avait condamné. J’avais perdu le respect et la confiance de mes équipiers : deux des ingrédients fondamentaux pour exercer cette profession avec sérénité. Lors d’une opération périlleuse, je sentis que mes arrières n’étaient plus couverts ; ma décision de quitter la police m’apparut irrévocable.

    Personne ne tenta de me retenir. Aucune once de compassion ne me fut accordée par ma hiérarchie. Au contraire, ma démission fut accueillie avec soulagement par ceux qui furent un temps les miens. L’épine dans le pied que je représentais pour mes supérieurs venait de s’enlever d’elle-même et à leur plus grande joie.

    Niveau réconfort et solidarité à la maison, ma femme Claire demeura aux abonnés absents.

    Cette abdication ne représentait rien d’autre à ses yeux qu’un aveu évident de ma faiblesse. Une absence consternante de pugnacité face à l’adversité. Mais surtout, dans son esprit, ma démission témoignait de ma culpabilité dans le braquage.

    Pour elle, qui s’était toujours efforcée de vivre tant bien que mal avec mon addiction, cet événement fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase et qui précipita notre divorce.

    On lui accorda, sans grande difficulté, la garde de nos jumeaux Paul et Sarah, alors âgés de treize ans, ce qui acheva de me crucifier.

    Pour noircir encore un peu plus ce tableau digne d’un Goya au sommet de sa gloire, Claire réussit à leur mettre dans le crâne que leur père n’était qu’un « Ripou » sans le sou, un misérable, incapable de lui verser une pension alimentaire décente, et qui ne gagnait vraiment pas à être connu. À force de leur marteler ces propos à longueur de journée, mes chérubins commencèrent à s’en faire une raison, et à me voir sous un autre angle.

    Il faut dire que le quatre pièces dans lequel nous vivions, rue du Faubourg Saint-Antoine, lui appartenait. Aussi, lorsque je me retrouvai au chômage, mes finances ne me permirent pas de leur offrir mieux, lors de mes jours de garde, qu’un accueil dans mon studio de la rue Brochant. Du coup, mes moments d’intimité avec mes enfants s’avérèrent fictifs. Je dus me contenter d’un petit fast-food suivi d’un cinéma une à deux fois par mois, et encore, la plupart du temps juste en bas de chez eux à la Bastille.

    L’absence de motivation qu’ils éprouvaient à l’idée de passer un moment avec leur père m’aida à réaliser que je ne représentais plus que honte et dégoût à leurs yeux.

    Alors que j’étais à deux doigts de commettre l’irréparable, à force de ne plus supporter l’image que me renvoyait mon miroir, Mai-Linh, une Vietnamienne de trente-cinq ans, fit irruption dans ma vie, comme par enchantement.

    Son frère Danh, chez qui je me perfectionnais à l’art du Viet Vo Dao dans son dojo, étant un jour grippé, il la chargea de le remplacer. Sa cinquième Dang lui octroyait avec aisance ce droit. Nous nous étions immédiatement plu et à la fin de l’entraînement, après plusieurs cocktails dans un bar brésilien, nous avions terminé la soirée chez elle. Ce qui n’aurait pu être que l’histoire d’une nuit, facilitée par les effets de l’alcool, prit en réalité une différente tournure. Nous tombâmes amoureux avec Fleur sacrée (telle était la signification de son nom en français) et, après cette soirée, nous ne fîmes rapidement plus qu’un.

    Depuis plusieurs années, elle dirigeait son propre cabinet d’agence de recherche privée, après avoir longtemps travaillé en tant que garde du corps de célébrités du Show-Biz. Elle était spécialisée dans les affaires pénales qui comprenaient différents domaines d’intervention : le vol, l’escroquerie, l’abus de confiance, le chantage, l’extorsion de fonds et la prise illégale d’intérêts. Mais aussi l’atteinte aux bonnes mœurs, l’abus de faiblesse, les faux et usage de faux. Et enfin, la contre-enquête pénale, la recherche de témoignages, et l’audition de témoins.

    En ce qui me concernait, depuis mon départ du « 36 », ma seule activité consistait à perdre au jeu, et de façon assidue, les faibles aides que me versait mon pays. Aussi, lorsqu’elle me proposa de nous associer, j’acceptai sans hésiter une seule seconde et ma jubilation fut totale.

    À présent, de l’eau a coulé sous les ponts et mon exaltation est quelque peu redescendue, étant chargé des affaires familiales dans le cabinet. De manière assez récurrente, démasquer et prouver l’adultère dans un couple appartient à mon quotidien. Car loin des idées reçues, la violation du devoir de fidélité entre époux constitue encore un grief toujours retenu par les juges.

    Mais par bonheur, pour pimenter un peu plus mes journées, d’autres branches d’investigations passionnantes s’offraient aussi à moi : la recherche de bénéficiaires d’assurance vie, la garde alternée de l’enfant, les prestations compensatoires, les pensions alimentaires, ou encore, l’enquête prénuptiale, la surveillance d’adolescents dont le comportement semble inquiétant, surtout quand le sexe ou la drogue se joignent à leurs vies. Se rajoutaient la charge des études patrimoniales et successorales et, les jours où la chance me souriait, la recherche des personnes disparues, ce qui se révélait de loin être mon domaine de prédilection. Seul ce secteur d’activité me permettait de m’évader, en m’imaginant dans la peau d’un Philip Marlowe ou d’un Sam Spade menant à bien leurs missions.

    Néanmoins, même si j’admettais volontiers que mon emploi ne me passionnait guère, au contraire de mon ancien job, je ne m’en plaignais pas, car je possédais la chance de travailler aux côtés de la femme que j’aimais. Ma Maï-Linh, celle qui représentait tout pour moi, et pour laquelle j’étais prêt à donner ma vie, après qu’elle m’ait extirpé de justesse du royaume des morts. Un peu comme Nick et Nora Charles dans « Monsieur et Madame détective », car il arrivait que nous bossions ensemble sur certains dossiers ; je crois que l’on pouvait s’accorder à dire que nous formions une bonne équipe. Et puis nos recettes nous permettaient d’entretenir un train de vie honorable. Très rares apparaissaient les fins de mois où nous devions nous serrer la ceinture. En plus, nous habitions et exercions dans les beaux quartiers de Paris. Maï-Linh avait hérité de ses grands-parents d’un appartement sur le boulevard Saint-Michel, en face du jardin du Luxembourg. Ses aïeux s’étaient enrichis dans la restauration, en dirigeant l’une des meilleures tables vietnamiennes de la capitale. Quant à l’agence, elle se situait juste à côté, rue Madame, ce qui rajoutait du crédit à notre affaire, quand un client repérait notre adresse.

    À l’exception de Sarah qui sympathisa très vite avec Maï-Linh, et qui me donnait surtout l’impression de venir me voir pour être à ses côtés, Paul présentait toujours une bonne excuse pour m’éviter. Il se transformait en adolescent et je ne parvenais même pas assister à sa mutation hormonale.

    Après notre divorce, Claire, infirmière en chef dans un grand hôpital parisien, avait épousé Thierry. Un chirurgien bon chic bon genre, avec lequel elle vivait à présent, en compagnie de ma progéniture, dans le beau Saint-Cloud. Ce spécialiste en ophtalmologie les avait inscrits tous les trois au Paris Country club, où ils séjournaient chaque week-end. Afin de se mettre encore un peu plus mon rejeton dans la poche, Thierry avait pris pour eux deux, un abonnement en tribune présidentielle au Parc des Princes, pour assister aux matchs du PSG. Ainsi, Paul ne jurait plus que par son beau-père et par Zlatan. À coup sûr, je ne faisais pas le poids.

    Seuls les bons petits plats vietnamiens que confectionnait Maï-Linh au déjeuner attiraient Paul dans nos filets, certains mercredis. À part Sarah, qui nous accordait un peu de son temps après ces festins exotiques, dès que Paul se sentait repu, il s’éclipsait.

    Je souffrais beaucoup du manque d’affection et de considération de mes enfants. Cependant, j’étais surtout torturé par l’idée que les responsables du massacre de la rue des Poissonniers n’avaient pas encore été appréhendés. De plus, la dope et l’argent s’étaient volatilisés dans la nature. Je restais donc toujours le principal suspect dans cette affaire. Par conséquent, tant que je ne serais pas lavé de tous soupçons, mes enfants n’auraient aucune raison d’estimer leur père, s’ils le suspectaient d’être à l’origine de cette macabre affaire.

    J’avais tenté, en cavalier seul, de mener mon investigation pour démasquer mes bourreaux. Hélas, n’étant plus capitaine de police, je ne bénéficiais pas de la même force de persuasion qu’avant, pour obtenir des renseignements. Par ailleurs, je ne disposais plus de saisies de drogue pour délier les langues de mes anciens indics, camés jusqu’à la moelle et prêts à tout balancer pour une simple dose.

    Je n’avais pas caché mon passé à Maï-Linh, ni même ma dépendance au jeu. Elle ne croyait pas en mon implication dans le guet-apens que j’aurais pu tendre à mes équipiers. En revanche, elle réalisait mes faiblesses, quand il s’agissait de miser sur des canassons, un boxeur ou un brelan. De ce fait, afin d’envisager un partenariat serein à l’agence, Maï-Linh avait exigé que je sois suivi par un psychiatre, pour essayer d’éradiquer mon vice.

    Alors, depuis un an et demi, et à raison d’une fois par mois, le docteur Laforge, expert en port de chaussettes dépareillées, s’occupait du phénomène que je représentais. Je m’étais focalisé sur lui, dans l’espoir qu’il me vienne en aide. J’avais refusé les groupes de parole qu’il m’avait proposés en accompagnement de notre thérapie. Je ne désirais pas me confronter à une salle truffée de clones dépressifs. De plus, beaucoup de ces pauvres types avaient un sérieux penchant pour la bouteille. Alors, l’idée de me retrouver dans une réunion style alcooliques anonymes, m’effrayait. Maï-Linh se doutait que je n’étais pas guéri et que je continuais à jouer dans son dos. Toutefois, le docteur Laforge paraissait le seul à entrer vraiment dans la confidence. En même temps, je le payais pour cette raison, et son bureau m’offrait les vertus d’un confessionnal. Nos séances avaient porté leurs fruits pendant plus d’un an. Car outre quelques parties de cartes très exceptionnelles dans des tripots clandestins, j’étais resté presque abstinent depuis le début de nos échanges. Je m’étais surtout contenté de grilles de Loto, ou de quelques jeux de grattage par-ci par-là. J’avais réussi à ne plus pousser la porte d’un cercle ou d’un casino pendant de longs mois, et j’avais clos mes comptes de Poker en ligne. Cette bonne « hygiène de vie », insufflée par ma rencontre avec Maï-Linh me fut d’autant plus bénéfique, qu’elle me permit de solder les dettes que j’avais engrangées au fil du temps. D’ailleurs, même si mon ex-femme prospérait aux côtés de son chirurgien, je fus presque content de pouvoir lui verser une vraie pension. Cet effort eut au moins le mérite de faire remonter ma côte de popularité au sein de son couple, même si j’aspirais à ce qu’elle grimpe auprès de mes enfants.

    Malheureusement, mon addiction avait refait surface il y a peu, anéantissant tous mes beaux efforts en l’espace de quelques heures. Après avoir jubilé au blackjack dans une petite salle de jeu en province, j’avais très vite déchanté au poker, à une table parisienne illégale. J’étais violemment retourné à la case départ et demeurais de nouveau endetté au plus haut point.

    Chapitre 2

    J’avais planqué jusqu’au petit matin dans ma voiture, non loin d’un palace parisien et réussi à obtenir avec brio les clichés compromettants que je souhaitais. On y voyait un homme bedonnant entrer et sortir de ce prestigieux hôtel, bras dessus bras dessous en compagnie de sa maîtresse, et la bécotant. Une jolie demoiselle, qui aurait très bien pu être la fille de cet avocat de renom ! La femme de cette crapule avait flairé l’adultère, et avec le beau petit diaporama que je venais de concocter pour les juges, nul doute qu’un divorce en sa faveur lui serait accordé.

    Ces longues heures à attendre dans une caisse, que ma proie sorte de son trou, me donnaient la nostalgie de mes anciennes années passées aux Stups. Comme pour la pêche, le secret d’une bonne prise réside dans la patience et l’expérience.

    L’heure du déjeuner approchait. J’attendais à présent mon futur client au bureau, lequel se faisait désirer. Belvaux, son nom ne m’avait pas laissé indifférent. C’était l’homonyme d’un député très conservateur, aux idées nauséabondes et que j’exécrais. En prime, ce dernier avait les velléités de se présenter à la mairie de Paris. Le type avec qui j’avais rendez-vous, un peu paranoïaque à mon goût, n’avait pas souhaité me dire au téléphone de quoi il retournait. Aussi, je pris le pari d’une énième affaire d’infidélité. Ne jouant qu’avec moi-même, j’estimais être en droit de m’autoriser ce petit plaisir, même si je savais que le docteur Laforge y trouverait peut-être matière à contestation. « Tâchez de bannir tout ce qui peut s’apparenter de près ou de loin au pari et au jeu, Lucas », me répétait-il sur un ton toujours très solennel. À l’écouter, même le Monopoly et la Bonne Paye semblaient « haram ».

    Tandis que je pensais que le gars m’avait posé un lapin, l’interphone retentit, c’était lui. Monsieur Belvaux comptabilisait plus de quarante-cinq minutes de retard, sans m’avoir prévenu. Je m’apprêtai à marquer mon mécontentement. Toutefois, mes intentions s’envolèrent lorsque j’actionnai la poignée de la porte. Je découvris alors que le personnage devant moi n’était autre que celui qui briguait l’hôtel de ville.

    Grand et mince, le cheveu blond, il arborait un somptueux costume trois pièces, de toute évidence réalisé sur mesure. Derrière ses petites lunettes carrées se cachait un regard glacial, qui tendait à déstabiliser ses interlocuteurs.

    – Monsieur Balmont, me lança-t-il d’un air précieux, veuillez m’excuser pour mon manque de ponctualité !

    – Ce n’est pas grave Monsieur Belvaux, dis-je de mauvaise foi, tant la présence de cet illustre parlementaire m’impressionnait. Entrez, je vous en prie.

    Il me tendit sa main gantée assez peu courtoisement. Je l’attrapai néanmoins sans sourciller et la serrai avec poigne. Je l’invitai à me suivre jusqu’à mon cabinet où nous prîmes place sans plus attendre. La décoration des lieux, œuvre de Maï-Linh, inspirée par ses nombreux voyages en Asie, ne le laissa pas indifférent.

    – J’aime beaucoup l’aménagement de vos locaux ! On se croirait au musée Guimet, me souffla-t-il avec un regard de connaisseur. Vous êtes bouddhiste ?

    – Oui, depuis peu.

    Pratiquante, Maï-Linh appartenait à l’école Zen Soto qui était surtout basée sur la pratique de la méditation. Elle avait en partie réussi à me convertir à sa religion, même si c’était surtout l’aspect philosophique du bouddhisme, qui m’avait amené à me tourner vers lui.

    – Une révélation ?

    – Une femme plus exactement.

    – Ah ! Je vois !

    – Et vous, fervent catholique, si je ne m’abuse ?

    – On ne peut rien vous cacher.

    Édouard Belvaux était connu pour être un farouche opposant au mariage pour tous. Lors des manifestations pour abroger cette loi, il s’était affiché sans pudeur aux côtés de personnalités et de dignitaires religieux, dont la violence des propos me consternait.

    – Je lis la presse et regarde les actualités comme tout le monde.

    – Détrompez-vous, monsieur Balmont, les Français sont beaucoup moins instruits que vous ne le pensez.

    – Si vous le dites, Monsieur le Député ! Mais, si vous le voulez bien, venons-en à ce qui motive votre présence ici. Que me vaut l’honneur de votre visite ?

    – Mon fils Charles a disparu, m’avoua-t-il, sans laisser poindre une quelconque tristesse ou inquiétude, pourtant de circonstance, au vu de la gravité de la situation.

    – Quel âge a-t-il ?

    – Il est encore jeune. Il est entré dans sa quinzième année, la semaine dernière.

    – Et depuis combien de temps êtes-vous sans nouvelles ?

    – Samedi. Voilà maintenant quatre jours qu’il n’a plus regagné le foyer familial.

    – Il est coutumier de ce style d’escapade ?

    – Non, c’est la première fois qu’il me fait le coup.

    – Je suppose que vous avez déjà signalé sa disparition à la police ?

    – Non, je ne l’en ai pas informé !

    – Ah oui ! Et pourquoi donc ? demandai-je, interloqué.

    Étant donné ses fonctions, un dispositif particulier aurait forcément été mis en place, pour accélérer les recherches.

    – Je ne souhaite pas que cette histoire s’ébruite dans les médias. Je désire qu’elle se règle dans la plus grande discrétion. D’ailleurs, son école pense qu’il est grippé. Vous savez que je postule pour la mairie de Paris ?

    – En effet.

    – Aussi, tout ce qui peut donner du grain à moudre à mes adversaires est à éviter. Je ne souhaite pas qu’ils profitent de la fugue de mon fils, pour me présenter tel un mauvais père. J’incarne certaines valeurs pour mes électeurs, et la cohésion familiale en fait partie.

    – Vous présumez donc qu’il s’est enfui de chez vous ?

    – Oui, ce genre d’infantilité serait bien de son âge.

    – Avez-vous constaté qu’il manquait des affaires dans sa chambre ? Comme un sac ou des vêtements par exemple ?

    – Non, rien de flagrant.

    – Pensez-vous qu’il puisse avoir beaucoup de liquidités sur lui ?

    – Je ne crois pas. Et de toute façon, je dois être présent pour qu’il accède à son livret jeune. Il ne détient pas encore de chéquier ou de carte bancaire.

    – A-t-il un téléphone portable ?

    – Oui, toutefois, je crains qu’il ne l’ait coupé. On tombe à chaque fois sur sa boîte vocale, quand on l’appelle.

    – C’est la meilleure des choses à faire, s’il ne veut pas qu’on le localise. Vous êtes-vous disputés avant qu’il n’ait mis les voiles ?

    – Oui, jeudi dernier, pendant que nous fêtions son anniversaire avec mes deux autres enfants.

    – Et puis-je connaître l’objet de votre altercation ?

    – Non, ce litige ne regarde que nous, fulmina-t-il, sur la défensive.

    – Soit, mais apprenez que ce type d’information me serait d’une précieuse utilité. Notamment, pour savoir dans quel sens orienter mon enquête. Si par exemple, vous l’avez empêché de se rendre samedi soir à une fête, il a très bien pu décider d’y aller sans votre accord. Dans ce cas, je devrais creuser autour de cette party. Vous comprenez ?

    – Parfaitement.

    – Il sembla réfléchir un instant à ce qu’il me confierait, avant de passer aux aveux.

    – Bon ! enchaîna-t-il. Vous me donnez votre parole que tout ce que je vous raconterai restera entre nous ?

    – Oui, monsieur Belvaux !

    – Mon ami François Renard m’a recommandé de faire appel à vous. Il m’a assuré que vous vous étiez montré d’un grand professionnalisme en vous chargeant de retrouver sa fille, et sans que sa disparition ne s’ébruite.

    Émilie Renard ; je me souvenais de cette pauvre fille, comme si c’était hier. Âgée de dix-huit ans à l’époque, elle s’était entichée durant les grandes vacances, d’un bellâtre italien de dix ans son aîné et avec un casier judiciaire long comme le bras. Malgré qu’elle ne soit plus une mineure, ses parents lui avaient interdit de le fréquenter. Alors, lorsque Roméo, cela ne s’invente pas, dut rentrer chez lui à Naples, elle avait décidé de le suivre pour s’installer avec lui. Il l’avait saignée à blanc, et les économies colossales que possédait cette gamine, en dépit de son âge, étaient parties en fumée. Par chance, j’avais réussi à la localiser dans un petit studio juste à côté de la Piazza Garibaldi, avant que cette belle histoire d’amour ne tourne au cauchemar. Son prince charmant, peu scrupuleux, et n’ayant plus rien à lui soutirer, s’apprêtait à s’en débarrasser au profit d’un proxénète ukrainien.

    – Rassurez-vous, ce que vous me dévoilerez ne sortira pas de cette pièce.

    – Très bien. Vous connaissez ma position sur le mariage homosexuel ?

    – Oui, j’ai cru comprendre que ce n’était pas votre tasse de thé.

    – En effet. Les noces se révèlent sacrées, pour nous les catholiques. L’union entre un homme et une femme incarne une des plus belles preuves d’amour qui existe. Et le guignol qui nous sert de président ne devrait pas s’amuser à vouloir remettre en question ce sacrement. Donc, pour me provoquer, mon fils m’a expliqué que si la loi sur l’alliance des pédérastes était votée, il en profiterait pour épouser un de ses petits copains de classe, dont il a prétendu être amoureux. Inutile de vous dire que la pilule n’est pas du tout passée !

    – Je n’en doute pas une seconde, affirmai-je, tentant de rester sérieux, alors qu’une profonde envie de m’esclaffer me tenaillait.

    – Depuis le décès, l’année dernière, de Catherine, ma femme, nos relations battent de l’aile avec Charles. Dès que l’occasion se présente d’entrer en conflit avec moi, il s’en donne à cœur joie. J’ai l’impression qu’il cherche à me faire porter la responsabilité de la mort de sa mère, alors que la malheureuse a

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