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Le Fell ou la nuit coloniale
Le Fell ou la nuit coloniale
Le Fell ou la nuit coloniale
Livre électronique863 pages13 heures

Le Fell ou la nuit coloniale

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À propos de ce livre électronique

Les ouvrages sur la guerre d’Algérie sont nombreux ; rédigés par des étrangers au conflit, loin des ressentis du colonisé. Ici, c’est l’histoire vécue de Belkacem, résistant à l’occupation de son pays. Elle est relatée sur la base de résultats issus d’une enquête de cinq années avec le souci d’être au plus près du terrain, autant se peut de l’objectivité.
LangueFrançais
Date de sortie19 juil. 2023
ISBN9782312125428
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    Aperçu du livre

    Le Fell ou la nuit coloniale - Dr. A. Bacir Benzair

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    Le Fell

    ou la nuit coloniale

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    Dr. A. Bacir Benzair

    Le Fell

    ou la nuit coloniale

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2023

    ISBN : 978-2-312-12542-8

    Introduction

    La grande majorité des peuples européens, Français métropolitains surtout, ignore le sens réel de la colonisation d’un peuple par un autre, les abus, les méfaits, les crimes du colonisateur sur les colonisés. Elle n’avait  pas la moindre  idée des méthodes utilisées par le Colon pour soumettre, chaque jour plus, le dominé allant de la simple maltraitance à la décapitation, l’expropriation, l’extermination, voire le génocide.

    La communication entre les nations n’était pas ce qu’elle est aujourd’hui avec l’internet, les réseaux sociaux. Elle restait locale, confinée, séquestrée  entre les mains coloniales. De ce fait, la population colonisée était à la merci de l’instinct animalier du Colon, le colonisé étant un exutoire, à plein poumons, des frustrations des éléments coloniaux, de manière incontrôlée et encouragée par une philosophie de prédation sans limite. Souvent ses crimes sont sous tendus par la conviction religieuse de prêcher la bonne parole de sa civilisation supérieure à celles des autres, de son unique Dieu aux dominés, des sauvages, pourtant d’une culture plusieurs fois millénaire et dont le colonialiste piétine les valeurs. Cas des peuples précolombiens, (Incas, Maya, Aztèque) ; Indiens d’Amérique du Nord et du Canada. Peuples Africains (empires du Mali, du Congo, etc), civilisation arabo-musulmane de l’Afrique du Nord et du Moyen Orient, peuples du continent asiatique.

    Le colonialiste, justifie et inculque, à cette majorité, les faux bienfaits qu’il apporte aux sauvages des contrées lointaines, exotiques, colorées de harems et de richesses disponibles à merci. Les bienfaits de nouveaux villages et villes parsemés d’églises, et de missions chrétiennes, accompagnés d’une douce et belle christianisation de ce monde de barbares qui mangent à la main et habite des huttes au torchis. Pour preuve, on organise des expositions où sont exhibés ces animaux qui n’ont rien d’humain en Métropole, ce qui excite les populations qui investissent dans la colonisation et l’exploitation des richesses des terres occupées. Aux crimes qui les accompagnent.  Cette majorité ignore le revers de ces simulacres développés par ces bienfaiteurs de l’humanité. Ainsi, par exemple, le Français, ne découvre les atrocités commises par les siens en Algérie, qu’un siècle après que ce pays ait été envahie. Ces abus ne sont pas portés seulement par le feu des révoltes locales ou dans l’intervalle de deux soulèvements, mais par le quotidien, à vivre, survivre, dans l’infériorisation de sa personnalité, dans l’atteinte à sa dignité, à sa fierté, à son identité même d’être musulman, arabo-berbère, algérien.

    C’est cette survie du quotidien d’un couple, Belkacem et Badra, refusant le fait accompli de la conquête de leur patrie par la horde des armées françaises, résistant à l’occupation de leur pays qui est rapportée, avec modération et auto-censure, ici.

    La consolidation des racines

    Septembre, 1957, fin du mois, l’été freinait toujours l’entrée de l’automne avec son soleil méditerranéen, plein et fort. Les plagistes remplissaient toujours les bords de mer de la côte ouest d’Oran, d’Ain El Turc, de Paradis plage et bien d’autres belles plages, au sable fin et chaud, offrant une insouciance trompeuse, sous un été indien. Les plages étaient envahies surtout par les Pieds Noirs fuyant les torpeurs de la ville ; le peu d’autochtones qui y étaient restaient, des marchands à la sauvette, de rafraîchissants, de gâteaux, de beignets.

    Des écriteaux plantés à l’entrée de certaines plages (paradis plage sur la côte d’Oran) indiquaient sans vergogne l’interdiction d’accès à certaines plages ou parties de plages, aux Indigènes. Une discrimination bien nette. 1957, voilà trois années que la résistance armée a été déclenchée, contre l’occupation, c’était le 1er novembre 1954, Benjamin Stora (1). Ce jour correspond à la Toussaint, une fête chrétienne célébrée qui honore tous les Saints connus ou non. La célébration liturgique (un culte public et officiel institué par l’Église) commence aux vêpres (prière solennelle) le soir du 31 octobre et se termine à la fin du 1er novembre. Les cloches répandaient le souvenir des saints, le soir dans toutes les villes d’Algérie, vers minuit. Les clochers résonnaient partout en terre musulmane, tandis que certaines mosquées étaient interdites de muezzin, appelant à la première prière, celle du « Fajre ». Une atteinte à la foi des autres. L’année 1957 va être, par le chaos qu’entraînera la répression Coloniale, une année charnière d’une guerre qui va durer près de huit ans, l’une des plus meurtrières jusqu’alors contre la résistance algérienne par l’Empire Colonial français. Elle sera le paroxysme de l’effroi dont l’une des marques terribles fut la bataille d’Alger avec ses tortures, innommables, ses exécutions sommaires, extrajudiciaires, ses quatre milles Arabes disparus (chiffre officiel de la préfecture d’Alger), voire en réalité, plus du double, Paul Delouvrier (5). Les assassinats du chef historique que fut Ben M’Hidi, par les services spéciaux du général tortionnaire Aussaresses (59), sous ordre du gouvernement Colonial et celui de Abane Ramdane, par les félons de la Révolution, Yves Courrière (T1), marquera aussi un grand tournant, terrible, de cette guerre dont l’occupant masquait jusqu’au nom, déniant le mot de guerre, Michel Cornaton (95). Mais, est-ce une guerre qui, par définition, oppose deux armées de deux pays à l’équipement et au nombre de militaires et à l’expérience des combats, quasi égaux, équivalents ? Certes, non.

    Des résistants peu ou pas entraînés, non aguerris aux combats, aux affrontements, équipés souvent de vieux fusils de chasse ou d’armes de la Grande Guerre, mal fagotés, parfois chaussés d’espadrilles confectionnées de lianes d’alfa, devant parcourir des dizaines de kilomètres dans les maquis aux chemins caillouteux, aller au devant du grand froid des montagnes ou de la chaleur terrible des plaines sub-sahariennes, des combattants ignorants les notions de stratégie et de tactiques militaires tenaient, par la foi et les convictions patriotiques, face à l’armée Coloniale, depuis plus de trois ans, une confrontation inégale, des affrontement disproportionnés dans toutes ses composantes, nombre de soldats, équipements, logistique, etc. Mais, l’ennemi n’avait ni la conviction dans cette guerre, ni la connaissance du terrain.

    Ces trois années d’un conflit déséquilibré, au rapport de force nettement en faveur du Colonialisme, étaient pour Belkacem plus un succès qu’un échec. Il s’était tracé trois ans de lutte continue pour lui apporter l’assurance définitive que la guerre ira à son terme, qu’elle tiendra dans le temps et l’espace, finira par atteindre ses objectifs fondamentaux, la libération du pays. Aucune des nombreuses révoltes n’avait tenu plus d’un an depuis l’Émir Abdelkader. Sa première crainte était que le soulèvement du 1er novembre ne soit vaincu comme tous ceux qui avaient parsemé la Colonisation dans le temps et l’espace. Une bonne quinzaine réprimée dans le sang et les massacres des Arabes.

    Ces trois années lui avaient apporté l’assurance que la résistance contre l’occupation Coloniale menée aujourd’hui sera la dernière, celle du recouvrement de la dignité d’un peuple humilié depuis plus d’un siècle. Le patriotisme a, durant ces trois années meurtrières, exacerbé le nationalisme, l’a véhiculé à son enracinement profond et stable pour le conduire à sa consolidation définitive et irrémédiable.

    Dans le cas de l’Algérie, cela s’apparentait plutôt à une occupation quasi génocidaire pour les indépendantistes. Grand nombre d’entre eux laissèrent leur vie, irriguèrent la terre de leurs ancêtres de leur sang chaud. Le bilan sera lourd à la fin de la guerre, un soldat Colonial pour dix moudjahidine (résistants). La liberté sera à ce prix, mais sera la lumière pour leur descendance, la fierté des présents. Le sera-t-elle pour les générations suivantes ?

    1957, une année des affres pour les résistants algériens, les maquis réduits au minimum par les barrages électrifiés, les plans Challes, Yves Courrière (T2), la Bleuïte de Paul Alain léger (89), les paras héliportés de Bigeard (55), les bombardements destructeurs de l’aviation-le napalm était de mise, les camps de regroupements concentrationnaires, les tortures, les exécutions silencieuses, extrajudiciaires, etc.

    La nuit du 29 septembre était chaude et moite, à Oran, mitigée dans sa luminosité ; la lune qui se pointait dans le ciel, apportait sa faible lumière, face à un soleil qui lui résistait, à un paysage, ordinaire le jour, mystérieux en cet instant nocturne concurrencé par les deux astres ; le climat, plongé dans un calme trompeur, ignorait les évènements meurtriers qui se déroulaient à peine à quelques kilomètres de là et qui pouvait exploser d’un moment à l’autre.

    Belkacem regardait ce paysage déjà depuis plus d’une heure, par l’unique et étroite fenêtre de la chambre, un carré à peine d’un demi-mètre de côté, une ouverture assimilable à une lucarne, le soleil déclinait sur la Grande Bleue, face à la lune, lui cédant, à regret, son royaume.

    La mer offrait à Belkacem un tableau du crépuscule bord de mer qu’il aurait aimé l’avoir en décoration peinture, une sorte de toile photo accrochée quelque part chez lui. Mais, il n’avait pas un chez lui. Néanmoins le tableau crépusculaire procurait au spectateur, apaisement et émerveillement. Attachement au lieu aussi. Surtout. Rêve et évasion, imagination et espérance pour le futur. Il s’était mis devant l’étroite fenêtre dans l’espoir de dissiper, dans la brise fraîche qui balayait les sommets des immeubles, une insomnie, générée par des inquiétudes exagérées par la chaleur et la moiteur, qui ne le lâchait pas. Elle lui collait au corps, l’agrippait à la tête la nuit venue, déjà depuis bien longtemps, il ne savait depuis combien de jours au juste, un mois, deux mois, un an ? L’insomnie devenait sa hantise lorsque le jour tirait sa révérence ; une compagne collante, une amante qui voulait sa peau. La décoction de valériane, qu’il prenait dans l’herboristerie de Chiekh Ali dans quartier El-Hamri, atténuait quelque peu le trouble de son sommeil, mais ne le supprimait pas. Cet état d’insomniaque l’amena à penser à son voisin de palier d’un de ses multiples refuges, Moussa, un Malien d’origine lointaine, algérien depuis toujours même s’il ne l’était pas (il revendiquait avec vigueur et véhémence son origine malienne et Belkacem, tout en le modérant l’encourageait dans ce sens), qui fabriquait une poudre de racines d’herbes et d’écorces de végétaux, de différentes familles et variétés, dont il ignorait jusqu’au nom, et, qui absorbée en dose de pincée, procurait en moins d’une demi-heure après, un état de relaxation, à peine imaginable, préambule à un sommeil, annoncé apaisant, réparateur. Il avait si besoin, en cet instant, de cette poudre miraculeuse, naturelle ; il n’en disposait pas ! Ce déséquilibre du sommeil ne faisait qu’accentuer sa lassitude physique, une fatigue psychique devenant de plus en plus lourde à supporter ces derniers temps. Cela s’apparentait à la maladie du sommeil, sans pour autant les symptômes de l’infection parasitaire. Moussa était, tout comme son sommeil, devenu introuvable, comme évaporé dans l’espace. Belkacem appréciait Moussa qui se disait de Sikasso, mais de l’ethnie Peulh ; le sourire ne le quittait presque jamais ; souriait-il pour exposer sa belle dentition, régulière, blanche, bien dessinée qui contrastait avec sa peau noire ? Belkacem ne connaissait pas le Mali, ce lointain pays caché derrière les dunes du Sahara, lui aussi Colonisé par la France.

    La prédation coloniale

    On disait du Mali un pays de grande culture, aux multiples ethnies, chacune, par sa spécificité, contribuant à la richesse culturelle de cette grande contrée, lointaine et voisine du nord saharien. De cette grande nation dont l’Histoire du continent porte la lumière Youssouf Tata Cissé (151).

    Le Mali, tout comme la presque totalité des pays du continent noir, n’échappera pas au drame de la Colonisation défini par les Allemands, pour partager et réguler la ruée, de l’Afrique, lors de la conférence de Berlin, sous l’égide de Bismarck, dont le thème fut le dépeçage du continent, en février 1885. Les puissances occidentales en fixèrent les modalités, le sort de tout un continent (Herzberger-Fofana (152), Ibrahima (157)). Au troisième millénaire, elles continuent à régir, sous une autre forme, non moins criminelle, l’avenir de plusieurs millions d’Africains. Le partage d’un patrimoine volé aux Africains, occupé par extermination de larges pans de la population indigène, séquestré par la supériorité matérielle, aucunement morale, d’un occident impérialiste d’une voracité sans fin, jamais rassasiée.

    Le Mali fut un grand empire africain, royaume de mandingue fondé au XIIIe siècle par Soundiata Keita. Très étendu et peuplé par plusieurs ethnies, le Mali fut, par la Colonisation, déstructuré, démembré et distribué, sur la base de frontières artificielles tracées et imposées, par le nouveau maître des lieux, qui coupèrent les ethnies dans leur cœur et leurs terres. L’occupation Coloniale interdit les langues locales, telles le bambara, le soninké, le kagoro, le dogon, le senoufou, etc. pour n’autoriser que le français, langue inconnue dans cette contrée de l’Afrique. Cette dispersion, ajoutée aux interdictions, créa, accentua, les divisions entre ethnies que la Colonisation encouragea et facilita. D’autres pays africains subirent de tels bouleversements conséquents aux partages de la proie africaine, conquise par les Colonisateurs, les prédateurs français, anglais, allemands, hollandais, espagnols, portugais, italiens, russes, turques, autrichiens – hongrois, etc. Évidemment les Africains sont exclus, mis à l’écart de cette réunion prédatrice.

    Moussa était un peulh-touareg disait-il, descendant de ces maîtres du désert, sensibles et généreux, qu’on aimait approcher et qu’on craignait vexer par un mot ou un geste anodin, mal interprété. De la rencontre avec ce Malien, à la fois mystérieux et ouvert, Belkacem, pulsé par son imaginaire, avait voyagé et rencontré les ethnies que lui avait contées et décrites en détail Moussa. Les Peulhs, peuple de grande noblesse et de fierté ; les Sarakollés, grands voyageurs sillonnant le continent ; les Kassonké, les Maures, les Bambaras, les Dogons, les Sonrai, et biens d’autres dont les noms lui échappaient.

    Irai-je jamais un jour rencontrer ces peuples, de l’Afrique profonde, partager avec eux les instants qui font vibrer les forces qui unissent les hommes du monde ? S’imbiber de l’esprit de résistance qui habite le Grand Soudan ; humer la puissance d’un des plus célèbre héros de la résistance africaine contre la Colonisation européenne et véhiculée par El Mehdi se demandait Belkacem ? Le Mali est enfant du Grand Soudan, il conserve aujourd’hui l’esprit de la résistance d’El Mehdi. En septembre 1898, à la suite d’une confrontation entre les troupes Coloniales françaises et anglaises, appelée incident franco-britannique de Fachoda, qui n’est que le choc des prédateurs impérialo-criminels de la proie africaine (154), les deux Colonialistes, anglais et français, conviennent de zones d’influences réciproques, aux détriments du Grand Soudan, entre d’une part l’Égypte et le Soudan et d’autre part le Soudan français devenu depuis le Mali.

    Belkacem était, depuis sa lucarne, tout dans le rêve, le regard plongé et fasciné par la lune en mouvement qui se levait et éclairait de rayons laiteux l’horizon abandonné par le maître soleil. Mais son esprit se cramponnait à celui d’El Mehdi (le rédempteur de l’Islam) qui, à partir de la force fédératrice d’un Islam juste, pur et généreux, qu’il redynamisa et lui rendit sa pureté – et non son orthodoxie, put soulever de nombreuses tribus pour le suivre dans son djihad (l’effort) et remporter plusieurs victoires contre l’impérialisme anglo-égyptien dont les plus marquantes sont celles de Aba en août 1881, de Kordofan le 9 décembre de la même année et surtout celle du 7 juin 1882. Lors cette dernière bataille, durant la nuit du 6 au 7 juin, un camp de 4500 soldats anglo-égyptiens, surpris par les mehdistes, fut anéanti. Les résistants, jusqu’alors sous équipés, armés principalement que d’épées et de machettes, vont s’emparer d’armes, de munitions et d’équipements militaires modernes, qui vont les dynamiser dans leur lutte anticoloniale, chasser, l’une des armées Coloniales la plus puissante, la plus sanguinaire, d’alors. L’armée Coloniale anglaise, à l’image des autres-française et allemande, ne faisait pas de quartier, les prisonniers étaient décapités tout simplement.

    Il avait fallu une dernière bataille pour que les Anglais arrivent enfin à comprendre la puissance de la rébellion soudanaise, que le Soudan est imprenable. Après leur défaite de juin 1882, ils se lancent dans une expédition de 7800 fantassins, 1500 cavaliers, des mitrailleuses et de l’artillerie. Mal payée et indisciplinée, cette armée, face à 30.000 résistants, cette fois bien entraînés et aguerris par l’expérience des batailles précédentes, bien mieux équipée, ira directement au devant d’une débâcle sans précédent dans les guerres Coloniales. Début novembre, les 3 et 4, 1883, les Mehdistes écrasent l’expédition à la bataille d’El Obeid. Il restera environ 500 soldats impérialistes qu’El Mehdi, au nom du pardon prôné par le Livre Saint, le Coran, accordera la vie sauve, mais refoulera en Égypte. C’est cet échec, retentissant en Europe, qui força les anglais de mettre fin à leur présence Coloniale au Soudan et leur ôta toute idée de conquête. Peter Malcolm Holt (156).

    Belkacem n’avait jamais quitté son pays, mais avait voyagé dans plusieurs pays lointains au travers d’un vieil atlas du monde qu’il avait acheté chez un brocanteur de rue, près du cimetière juif du quartier Mdina Djida (ville nouvelle). Il s’était promis de voyager en Afrique Noire, mais avait en cœur de découvrir cette Algérie, si belle, d’abord pour laquelle tant de ses compatriotes avaient donné leur vie, peut-être bientôt la sienne, pour ce pays si riche par sa diversité géographique et ethnique, à la population si hospitalière et généreuse, malgré la misérabilisation (misère, non naturelle, induite par des forces extérieures) que l’occupation lui imposée. La Kabylie qu’on disait montagneuse, aux habitants farouches, mais généreux ; les Aurésiens, peuple austère et fier des montagnes arides des Aurès, partageant facilement leur amitié et le peu qu’ils possèdent avec l’étranger de passage. Les hommes bleus (ils portaient un chèche coloré à l’indigo qui déteignait sur leur peau) des confins sahariens, les Touaregs parcourant le Sahara sur leurs dromadaires sans boussole ou autre instrument scientifique que la position du soleil indiquée par l’ombre d’un bâton planté dans le sable. La maîtrise de l’orientation dans un vaste pays de sable, de dunes mouvantes, impressionne quiconque, étranger à leur groupe, voyageant en leur caravane. Ils restent, au moins pour cela les seigneurs du désert que nul ne peut prétendre à ce grade. Des hommes au visage masqué, des femmes au visage découvert. Une société féodale, matriarcale, farouchement attachée à sa liberté, une liberté exprimée dans la noblesse du nomadisme qui les fait traverser plusieurs pays, ignorants les frontières tracées et imposées par les Colonialistes déstructurant territoires et homogénéité ethnique. Des tracés qui séparèrent des villages, des familles les cantonnant dans deux pays, artificiellement distincts. La solidarité est leur force, leur caractéristique première, certainement développée par l’environnement extrême où ils évoluent, peut-être aussi imposée dans le temps millénaire par le climat et la géographie. Le partage d’eau en plein désert forge la conscience de cette proximité solidaire, fraternelle et humaine avec l’autre. Les Touaregs constituent l’une des ethnies les plus importantes de l’Afrique subsaharienne. Deux millions environ, divisée en plusieurs tribus qui parcourent plusieurs pays frontaliers à l’Algérie : la Mauritanie, le Mali, le Niger, la Libye ; on les retrouve également au Burkina Faso et au Tchad, contrées non frontalières au pays de Belkacem. Dans ce vaste territoire du grand Soudan, le cinquième du continent africain, les Touaregs se sont joués très longtemps des limites artificielles des États dessinées par les impérialistes européens. Ceux-ci avaient pourtant réussi à leur imposer des douanes et des passeports aux détriments d’une culture mentale de liberté millénaire aujourd’hui pas du tout respectée par les nouveaux détenteurs d’un pouvoir illégitime hérité des Coloniaux. Des vassaux qu’ils seront, indépendance acquise, pour leurs anciens maîtres. Le Colonialiste a injecté la restriction de liberté entre les peuples d’Afrique, l’égoïsme dans les sociétés qui vont singer la mentalité européenne inadaptée à leur culture et mœurs et qui va, post indépendance générer des drames aux centaines de milliers de victimes africaines. Conflits inter africains générés par les frontières instaurées par les occupations criminelles des Européens (Congo, Ouganda, etc.). Malgré l’exacerbation du particularisme ethnique entreprise par le Colonialisme à diviser les peuples, les ethnies surent dépasser leurs spécificités sans les renier, bien au contraire, pour s’unir et défendre comme une seule nation, le patrimoine commun. Les ethnies, face aux guerres d’indépendance, chacune à sa manière, jouèrent un rôle essentiel. Ainsi, pendant la guerre d’indépendance algérienne, les Touaregs, par leur connaissance du terrain, la facilité de se déplacer, vont contribuer de manière décisive, au transport vers les maquis algériens de l’armement et équipements militaires, à travers le Sahara, provenant de la Libye et de la Tunisie. Armement provenant de l’étranger par bateaux et débarqué dans les pays voisins à l’Algérie. Les Touaregs laisseront plusieurs centaines de milliers de martyrs assassinés par l’aviation Coloniale, la menace la plus meurtrière qu’ils eurent à affronter. Les avions se régalaient à mitrailler les caravanes à découvert, pas d’abri possible, dans les étendues des sables. Parfois, des caravanes sans le moindre lien avec le soulèvement étaient massacrées. Dans le doute, l’armée Coloniale ne s’abstenait pas. Belkacem avait eu des récits poignants des sacrifices que ces hommes de liberté vouaient chaque jour à la patrie. Mais cependant, il était là, dans la buanderie, le regard perdu au loin à travers la lucarne, à l’horizon de la mer. Après une longue journée, harassante et tendue, à se déplacer d’un lieu à l’autre de la ville d’Oran, journée passée sur le qui vive permanent, tourmentée, chargée d’inquiétudes et difficile à vivre, il avait la sensation que la couronne solaire, qu’il observait avec fascination depuis le carré d’ouverture de son refuge, devenue plus clémente à cette heure du jour, délestait son corps de cette lourde lassitude physique et nerveuse qui l’alourdissait dans ses mouvements, engourdissait sa réflexion, grippait sa force de penser, comme du sable dans les rouages d’un moteur, inhibait sa clairvoyance. Son stress, progressivement, s’estompait, s’évaporait, comme dissout dans l’air devenu lui aussi plus doux, plus clément, moins pénible à respirer. La brise pénétrait dans la pièce par la petite ouverture ; à son passage, elle caressait sa joue, aux poils drus déjà de deux jours, détendit les rides serrées de son visage, relaxait sa mâchoire crispée. L’air frais du soir semblait emporter ses inquiétudes au loin, l’alléger, l’apaiser, le soulager. Les traits de son visage se relâchèrent, son front se lissa comme sous l’effet du regard souriant et pur d’un bébé ; ses lèvres esquissèrent une sorte de sourire nerveux qui fit expulser de son intérieur l’énergie négative accumulée depuis quelques temps le tenaillant et libéra pleinement sa respiration. L’air frais, véhiculé par la brise pénétrait dans la pièce, il s’appliquait à le respirer lentement à pleins poumons, cela tonifiait son esprit, vivifiait son corps. Tel un asthmatique retrouvant l’air libérateur, Belkacem retrouva son aptitude à gérer son environnement comme il le voulait, telle son habitude, telle sa nature de combattant contre les forces du mal, le mal du siècle, le mal Colonial, le mal de l’occupation de son pays plus d’un siècle et vingt sept ans. Un temps d’occupation parsemé de plusieurs soulèvements meurtriers qui n’avaient pas abouti à la libération du pays.

    Cette fois-ci c’était la bonne, elle doit l’être, se disait-il, le soulèvement apportera la liberté et la dignité au peuple ; c’est bien parti, car, pour la première fois depuis l’invasion du pays, la lutte est enfin coordonnée avec les différentes régions du pays. Cela avait demandé beaucoup d’effort, de négociations, de discussions persuasives, de tractations pour convaincre les différentes régions de la nécessité d’effacer le régionalisme incrusté, enraciné, développé par la Colonisation chez les Algériens dont grand nombre restaient l’esprit Colonisé. La division, le régionalisme, furent de tout temps des outils de Colonisation faciles dans leur emploi en face d’une population très peu, voire pas du tout instruite, souvent rendue analphabète dans sa grande majorité par la destruction de l’École du pays. L’occupation Coloniale n’avait pu durer que par défaut de coordination entre les diverses populations du pays. Le transport ne se prêtait pas aux contacts interrégionaux ; les divisions installées par les Colons au sein de la nation représentaient un obstacle réel, la prise de conscience politique restait un mur à casser chez une population rendue inculte, l’ego ethnicité s’ajoutait à rendre la coordination complexe, et bien d’autres facteurs…

    Persuader les autres habitants des autres contrées à adhérer à la lutte, surmonter la fermeture d’esprit par la rhétorique ; vaincre la peur qui éloigne du possible, se détacher d’une appartenance tribale paralysante, surmonter la crispation du refuge ethnique, afin de se cimenter autour de l’intérêt supérieur de l’unité nationale n’avait pas été une tâche allant de soi. L’Islam fut un facteur fédérateur d’une puissance inégalée en face de l’analphabétisme qui constituait un obstacle infranchissable à la persuasion, mais surmontable par le rationnel, de la valeur de l’unité nationale, de la dignité et de la fierté algériennes.

    Il est connu et classique que la division affaiblit d’une part la résistance et renforce, par corollaire, dans le même élan, l’occupation.

    À ce propos, il n’arrêtait pas de répéter et à insister avec véhémence, à ses auditoires, une vérité universelle, une phrase clef qui permettait d’ouvrir les esprits bloqués, auto séquestrés et qu’il se faisait sienne : « L’ennemi réussit là où on échoue », pour ajouter ensuite : « nous n’avons pas échoué et nous n’avons pas le droit à l’échec »

    Il fallait absolument, vitalement, réaliser l’union en face de l’ennemi. L’occupation du pays n’avait pu s’incruster que parce que la résistance avait failli son unité ; l’une des causes principales de la défaite fut certainement l’incohésion et l’incoordination des différentes régions combattantes du pays. Belkacem ne se ménageait aucunement à parcourir les régions de son Oranie, à organiser des réunions discrètes, secrètes, à nombre restreint de quatre ou cinq personnes sûres, pour expliquer, convaincre, et cibler le potentiel des hommes disponibles à s’engager dans un militantisme actif, déterminé pour l’indépendance du pays. Les jours où il ne travaillait pas, il les réservait à parcourir les terres, souvent, désargenté ; il organisait des réunions de militants en lieux proches d’Oran et faisait de grandes distances à pieds, allant à Boutlilis, à El Amria, et bien ailleurs.

    Au 1er novembre tout le territoire s’est embrasé, en même temps, quasiment à la même heure comme convenu. Du symbole qui annonçait la coordination de mouvements régionaux plutôt que le soulèvement d’une armée professionnelle équipée, disciplinée, entraînée. Des ratés, par grand nombre d’attentats en déconfiture, des techniques d’amateurs (des bombes artisanales mal conçues) ou même des paniques injustifiées (des militants prenant peur –souvent sans raison de danger et abandonnant à la dernière minute leurs missions) ; rien de surprenant, rien d’inquiétant aussi ; le but était de crier haut et fort à la France Coloniale la volonté de mettre un terme à l’occupation du pays, que tout le peuple se révolte contre l’oppression et la répression. Rien de grave non plus qui puisse brouiller l’envoi du message voulu à l’occupant : l’Algérie s’est soulevée dans sa totalité pour recouvrer sa dignité, sa liberté. Qu’importe si les dégâts de ce premier signal de révolte étaient ridicules, insignifiants tout à l’image des moyens disponibles, risibles et ridicules. Quelques fermes brûlées, des lignes téléphoniques coupées, des arbres coupés mis au travers des routes, et ce type de casse sans conséquence matérielle, mais néanmoins, d’une portée immense sur la conscience patriotique algérienne par son extension territoriale. Allumer la mèche de l’explosion nationale qui s’alimentera forcément d’une politique Coloniale de répression et d’incompréhension. Peu de temps après, comme à chaque soulèvement, partout les Colons, toujours prompts à massacrer des indigènes, réclament la formation de milices pour « mater » l’Arabe comme ce fut les cas des soulèvements passés à la fois décousus, non coordonnées qui avaient fait la faiblesse du mouvement indépendantiste. C’est en ces circonstances qu’on évalue l’évidence de l’adage selon lequel « l’union fait la force » et le corollaire qu’est son contraire.

    Auparavant, plusieurs insurrections eurent lieu, tous avaient échoué par défaut de communication entre les leaders des soulèvements des différentes régions, de l’ouest à l’est et du nord au sud. Des échecs dus aussi à l’absence du brassage des populations. Les Algériens ne connaissent pas ou très peu leur pays – ainsi Belkacem n’avait que rarement quitté son Oranie et avait conscience de cet isolement découlant aussi d’une mentalité casanière, quelque part propre à la population algérienne qui peut s’expliquer par la restriction de mouvement qui lui fut imposée par l’administration Coloniale dès le début de l’occupation du pays (code de l’Indigénat). Des échecs générés aussi par l’animosité régionaliste injectée, plus encore, inculqués, dans l’esprit des Autochtones par l’occupant, tel du poison se diffusant dans les neurones de la population, d’un peuple indigène et indigent, de gens souvent illettrées faciles et perméables par cela à la manipulation Coloniale. Diviser pour mieux contrôler ; mettre les ethnies les unes contre les autres a toujours été un outil d’enracinement Colonial aisé à installer par l’ignorance et l’analphabétisme portés par le Colonisé. Les occupants détruisaient les centres culturels du pays pour mieux assouvir leur haine et atteindre leur but.

    On verra plus tard (1994), ce que, une telle division instituée et instillée par le Colonialiste hollandais, entraîna en Afrique Centrale, au Rwanda, la plus grande catastrophe génocidaire jamais connue sur le continent noir. Près d’un million de morts en trois – quatre mois, du (7 avril 1994 au 17 juillet 1994) dans une folie auto génocidaire livrée par des Rwandais extrémistes Hutu contre d’autres frères Rwandais Tutsi et où est engagée lourdement la responsabilité de complicité dans le génocide des politiques français, le premier d’entre eux, le Président de la République, François Mitterrand, selon le rapport de Vincent Duclert (155).

    Combien de soulèvements écrasés en Algérie depuis cent vingt sept ans de misère, d’humiliation, de sang versé – vingt, trente ? Néanmoins tous écrasés dans des bains de sang par une répression Coloniale effroyable, outrancière, disproportionnée, impitoyable. Des massacres en catimini du monde extérieur. Pour une ferme brûlée, un pont déjà délabré détruit ou un poteau électrique d’abattu, la répression, toujours collective, sera appliquée sans état d’âme aux bourgs et villages de proximité. Lors de soulèvements ou de manifestations, ce sont des dizaines de musulmans qui seront assassinés dans le silence et à l’abri du regard extérieur. Les Colons régnaient en maîtres, réglaient le problème à leur façon – qu’ils disaient, en vase clos. Une procédure devenue habituelle et naturelle : exécutions sommaires, viols, meurtres, razzias sur les douars, expropriations, exterminations, punitions collectives. À cela s’ajoutait l’impôt de dépouillement, chaque révolte, provoquée souvent par la faim, le mépris, l’injustice, la « hogra » fournissait le prétexte opportun, attendu, provoqué par les Colons, à l’administration Coloniale pour pénaliser lourdement, par des taxes exorbitantes la population soulevée et aux Colons pour exproprier les fellahs (paysans) de leurs maigres lopins de terre, ce qui permettait à l’occupation Coloniale de s’étendre, d’avancer telle une tentacule, d’enraciner et d’intensifier le peuplement de Colons en Algérie. C’est le remplacement, le vrai, le réel, pas celui évoqué (8), celui clamé par l’extrême droite française contre les immigrés de 2023, des kleenex, une fois la France reconstruite par ces esclaves des temps modernes, on n’en veut plus. Ainsi seront repoussés encore plus loin, dans des secteurs de vie encore plus difficile, les Arabes. On obligera le misérable paysan à payer un impôt qu’il ne pourra jamais régler et de là à l’exproprier de son patrimoine pour le voir se transformer en gueux errant, que l’on qualifiera aujourd’hui de SDF (sans domicile fixe), lui et sa famille ; au mieux il ira gonfler le bidonville de l’agglomération la plus proche. Combien parmi ces SDF avaient-ils été poussés au geste fatal mettant fin à leur vie ? Le plus grand déshonneur pour un Algérien, ce n’est pas d’être pauvre, mais d’être détruit, réduit à rien, au néant, d’être humilié, de ne pas pouvoir assumer ses responsabilités familiales.

    De survivre dans la nuit Coloniale. Ne pas pouvoir donner à manger à son enfant ; se trouver, chaque jour plus impuissant qu’hier et pire encore demain, à regarder sa progéniture dépérir, devant ses yeux, de famine, de maladie, d’ignorance devenait insupportable, invivable. Alors, c’est le drame logique qui s’ensuit. La même politique est aujourd’hui appliquée en Cisjordanie occupée par les sionistes contre les Palestiniens. En pire, car soutenus activement par l’Occident, en premiers chefs par les USA, l’Allemagne et la France. Les sionistes, tentaculaires, exproprient, exterminent, occupent la Palestine, ils y pratiquent ouvertement un nettoyage ethnique, ils y installent, à ciel ouvert, un État d’apartheid qu’ils ne renient nullement ; une ségrégation raciale systématique au su et au vue du monde, sans pour autant être, en une quelconque forme, inquiétés.

    Ce comportement ignoble ne pourrait voir le jour sans l’arrogance criminelle sioniste soutenue par l’Occident, avec le silence complice des voix internationales que l’on n’entend, assourdissante, que lorsque l’injustice frappe un non Musulman, plus encore un juif. L’hypocrisie criminelle, honteuse de l’Occident n’a pas son pareil, clamer le respect des droits humains et le piétiner en Palestine. Le double standard, un Musulman devenu le sous homme du Chrétien, du Juif. On vivra encore plus accentué ce double standard lors de la guerre d’Ukraine provoquée par l’Occident « otanique » en tête duquel les USA et la France.

    La forte conviction de Belkacem est que le cri de cette Toussaint de 1954 retentira jusqu’à l’affranchissement du pays ; maintenant l’occupant ne peut plus réprimer dans le sang, en catimini, en cachette, dans le silence, à l’abri du regard extérieur, comme depuis 1830, les manifestations nationalistes quand bien même souvent pacifiques.

    La France d’après guerre, ne pouvait plus ignorer le regard du monde extérieur, en particulier celui des Nations Unies porté sur l’Algérie martyre, occupée, violée chaque jour davantage dans sa dignité. Le monde ne pouvait plus regarder ailleurs, ignorer la nuit Coloniale qui enveloppait le pays.

    La métropole ne pouvait plus se dérober et se devait de tenir compte de l’évolution mondiale des mentalités sociales apportée, malgré elle, voire contre elle, contre l’esprit de la Colonisation. La trilogie énoncée et clamée, combien haut et fort, de liberté, fraternité et égalité, restait utopique, théorique, virtuelle et ne voyait pas le jour de sa pratique, son application, nulle part, pas même en métropole. Une trilogie creuse de sens véhiculant imposture et hypocrisie outrancières. Cette pensée, d’ailleurs combien noble, exhibée en flag international pendant un temps, puis abandonnée, sera reprise par les États-Unis d’Amérique (de manière aussi hypocrite, sinon plus) et d’autres pays dans le monde à leur compte. Les Algériens ne demandaient pas plus que l’application des valeurs humanistes de la Révolution de 1789 ; ils renvoyaient à la France Coloniale l’image qu’en donnait le miroir taché par leur sang, leur souffrance, leur malheur. Face à ses crimes.

    La Colonisation ne pouvait demeurer éternellement dans l’imposture en Algérie en face de la vague des indépendances des ex-pays Colonisés qui déferle sur la planète rendant applicable le paragraphe 2 de l’article premier de la charte des Nations Unies sur l’égalité de droits des peuples et leur droit à disposer d’eux-mêmes. C’est là l’un des principes fondateurs des Nations Unies, issu de la Révolution française de 1789, sans les Français, voire contre eux, et partant du Conseil de sécurité, qui consiste à développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect « du principe de l’égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes ». À légitimer, par référendums et élections, leurs gouvernants. On verra, par la suite, ce principe ignoré, plus piétiné qu’ailleurs, par les teneurs (du clan d’Oujda) du pouvoir de l’Algérie post indépendante qui seront, jusqu’à cet instant de l’écriture de ce manuscrit, soit 60 ans après (2023), jamais légitimes, puisque jamais élus selon une élection digne de ce nom. À l’image des Colons français.

    Ces teneurs du pouvoir post indépendance sont issus d’un coup d’État contre un gouvernement, certes provisoire, mais consensuel, du GPRA. Cette illégitimité fut imposée par une caste complotiste, depuis 1956, juste après le congrès du FLN de la Soummam, constituée à Oujda, au Maroc, par une junte militaire d’ignorants jusqu’à la moindre notion de la démocratie. Cette séquestration du pouvoir continue aujourd’hui avec les héritiers de ce clan mafieux, antipatriote qui plonge le pays dans un désastre sans précédent. Dans ce livre, il sera fait plusieurs fois retour à ce clan criminel et corrompu, incompétent et irresponsable, outrancièrement félon qu’aucun autre pays au monde n’aura connu de semblable.

    Le mythe de l’Algérie française

    L’Histoire montre que l’énoncé fondamental sur le respect de l’autre de la Révolution française n’avait jamais pu être appliqué sur le terrain et fut suivi, bien au contraire, à l’époque de sa déclaration, par une période cruelle, celle de la Terreur qui dura plusieurs décennies, où l’arbitraire sauvage s’exprimait à l’outrance entraînant des dizaines de milliers de victimes. Cette terreur, transmise d’une génération à l’autre, n’a-t-elle pas façonné, formaté, l’esprit Colonial du Français, voire sa génétique, se demandait Belkacem ? Le temps ne le démentira point, par le nombre de résistants algériens qui furent guillotinés sous l’aval de François Mitterrand, alors Ministre de l’intérieur, puis de la justice. Une période rappelant celle de la terreur sous Robespierre où on guillotinait à tour de bras ! François Malye (14).

    Pas question pour F. Mitterrand, comme pour la majeure partie de la classe politique française de gauche, d’envisager l’indépendance de la terre annexée. Devenu ministre de la Justice du gouvernement socialiste de Guy Mollet, il reste un homme d’ordre, fidèle « activiste » à la politique répressive qui s’installe. Lorsqu’il quitte la place Vendôme au mois de mai 1957, pas moins quarante-cinq résistants algériens ont été guillotinés, sous son ultime approbation, en moins d’un an et demi. François Mitterrand n’a pas été, tout comme la majorité qui se clamait de gauche, au rendez-vous de la vague mondiale de la déColonisation qui avait embrasé la terre algérienne. Un rendez-vous raté avec l’Histoire, comme il va faillir plus tard, en toutou des USA de Bush, dans la guerre d’Irak, en décidant seul, la mobilisation de l’armée du pays avec des pertes financières énormes que le petit contribuable paiera. Là on voit combien le pouvoir présidentiel est anti-démocratique, passant outre la consultation de la représentation de la nation et la nécessité de revoir la Constitution de la V ème qu’avait construite le Général.

    Ces éléments nouveaux apportés par le monde extérieur à l’Empire Colonial, couplés à une lutte armée coordonnées entre toutes les régions du pays donnaient non seulement l’espoir, mais aussi la certitude d’une issue positive au soulèvement armé de novembre 1954.

    Le Colonisateur, pensait Belkacem, avait perdu tout crédit quant aux valeurs humanistes, pour autant qu’il ne les avait jamais eues, dont il se clame dans le mensonge et la tromperie. Aucun principe issu de la Révolution ne fut appliqué nulle part dans les Colonies, bien au contraire, les oppressions battaient les records par leurs méfaits sur les Colonisés. En Algérie, les oppressions furent sous tendues, exacerbées aussi par le mythe de l’intégration. Rappelons que le 4 mars 1948 l’Algérie est considérée comme partie intégrante du territoire français et le 9 décembre les provinces d’Alger, de Constantine et d’Oran deviennent trois départements de la Métropole. Lâcher ce pays, c’est perdre des pans de la Métropole ! Cet esprit va rendre la guerre plus dure. Les paras vaincus au Viet Nam transférés en Algérie seront dans la fureur d’emporter la victoire sur la résistance dans les maquis, histoire de se racheter un honneur qui n’en n’est pas un, mais bien au contraire dans l’abaissement de la valeur du soldat au vue de l’esprit révolu, archaïque qui les guidait, dans les crimes odieux.

    Si le soulèvement armé avait fait connaître au monde la volonté des Algériens de se libérer du joug Colonial, la France demeurée sourde aux appels, aveugle à la lumière des luttes des Colonisés. La France Coloniale s’était éloignée de la réalité, de l’actualité, de l’évolution mondiale pour en être étrangère. Inadaptation de sa pensée à la période. Sa trilogie n’est qu’un mythe trompeur, un mythe de vacuité, de l’inconsistance. Elle était atteinte d’une pathologie s’apparentant à la schizophrénie, défendre liberté et rester dans l’apartheid, clamer la fraternité et appliquer la discrimination, s’inscrire pour l’égalité et faire vivre aux Indigènes l’injustice, le code de l’Indigénat. Elle plongeait d’une part dans le délire de la pacification, de l’assimilation, de l’intégration, plus tard de l’association… lorsque les assassinats de masses, les exterminations, les expropriations ne pouvaient plus répondre à ses rêves. Rêves de toujours Coloniser plus, d’occuper, d’exploiter, de piller, pays et population indigènes, dans le secret et la tranquillité, pour une durée illimitée, apportée par une répression permanente dans sa répétition, sa récurrence, lorsque cette répression constituait des cauchemars répétitifs chez les Arabes. C’est l’apport civilisationnel des Chrétiens aux Musulmans barbares qui mangeaient avec leurs mains, sans cuillères ! Tous ces éléments, et bien d’autres, contribueront à libérer le pays de cette occupation assassine, criminelle en nourrissant les indigènes du meilleur carburant nationaliste. L’avenir fera plier le Colonisateur ; l’impact de la pression du monde extérieur sur la France Coloniale, son pseudo prestige sera d’une force considérable qui mènera à l’indépendance de l’Algérien à se dégager de la tutelle Coloniale, de se libérer du boulet Colonial, le monde extérieur, à son tour, contribua de manière décisive au recouvrement de la souveraineté algérienne en maintenant une pression antiColoniale contre la France, en particulier venant des USA, protecteurs et alliés de la France.

    L’apport des USA à la fin de la guerre

    L’époque après guerre de 1945 était à la reconnaissance des libertés fondamentales, et chose surprenante, ce sont les USA, principal pays impérialiste et génocideur de l’humanité, qui en prenaient la direction du monde et en devenaient le leader. Là aussi, la France aura raté les lettres nobles de l’Histoire, les laissant à d’autres.

    Ce qui, quelque part irrita la fierté coloniale de De Gaulle et accéléra chez ce dernier son projet de « libérer la France » une seconde fois, cette fois-ci du joug algérien. Ubuesque ! Le 2 juillet 1957, le sénateur Kennedy monte à la tribune de la chambre haute (Sénat) pour y prononcer ce qui reste sans doute le discours le plus important de sa jeune (et brève) carrière. Son thème – la guerre d’Algérie – et son contenu.

    John Fitzgerald Kennedy 35e président des États-Unis fit une déclaration au Sénat américain qui changea la donne pour l’Algérie en guerre (158). Elle imposa une nouvelle configuration géopolitique à son allié européen. La guerre d’Algérie a cessé de représenter un problème purement français, et les Américains sont directement concernés par le conflit. Non sans intérêt que l’indépendance de ce pays Nord Africain. Pourquoi ce discours ? Depuis peu, le contexte a changé aux États-Unis, et la guerre d’Algérie vient de sortir de l’anonymat qui était le sien depuis son déclenchement où la France la maintenait, la cloitrait, l’y enfonçait. Début 1957, plusieurs éléments ont transformé la guerre d’Algérie en question d’actualité. Le ton a été donné par le vice président. Du 28 février au 21 mars, Richard Nixon s’est en effet rendu en Afrique, à l’occasion de l’indépendance du Ghana. Et si, à son retour, il remet au président Eisenhower un rapport sans surprise sur le continent noir, le bruit commence à se répandre, dans les milieux bien informés, qu’il s’accompagne d’un volet très critique sur la politique française en Algérie – et favorable à l’indépendance algérienne. Dans le même temps, le FLN mène aux États-Unis une campagne d’information intensive sur les méfaits de la Colonisation en Algérie, ses crimes, son apartheid et son oppression, orchestrée par deux hommes, formidables par leur intelligence et leur dévouement patriotiques exemplaires, Mohammed Yazid et Abdelkader Chanderli auxquels l’Algérie, libérée du joug Colonial, doit beaucoup. Ces deux combattants à la cravate et aux beaux costumes (payés de leurs propres deniers, à l’opposé des dirigeants illégitimes, voleurs, qui séquestrent aujourd’hui le pays) maîtrisaient parfaitement les techniques de communication occidentales, et par laquelle l’organisation combattante cherche à attirer la sympathie du public américain. Et le sensibiliser aux souffrances, à l’injustice que vivait le peuple algérien. Le travail continu de ces deux patriotes finira par avancer, de manière significative, la cause indépendantiste du pays.

    Une stratégie qu’aurait due adopter la résistance palestinienne depuis 1948 à la place de quoi elle avait laisser, et laisse, les sionistes s’accaparer des médias des USA et prendre en mains les institutions américaines qui contrôle le Monde, afin de mieux mener leur crime Colonial et impérialiste en grignotant dans le vol, les terres de la Palestine avec le soutien silencieux de l’Occident, des USA et de l’Europe en particulier de la France.

    La stratégie des Algériens est simple, mais efficace. Tout d’abord – et c’est essentiel dans une période de guerre froide –, ils cherchent à récuser toute collusion avec le communisme dans le contexte du maccarthysme du moment (politique anticommuniste mise en place aux États-Unis par le sénateur républicain Joseph Mc Carthy au début des années 1950).

    Ensuite, ils tentent de montrer un parallélisme entre la révolution algérienne et la révolution américaine. Le troisième élément est sans doute, en termes d’impact médiatique, le plus important. Le 31 mai, les populations de Wagram et de Mélouza, deux villages MNA, sont massacrées par le FLN.

    Les réactions dans la presse américaine sont immédiates et les plus grands organes, New York Times et le New York Herald Tribune, y consacrent leur éditorial. Si les méthodes du FLN sont condamnées sans ménagement, l’ensemble de la presse émet de sérieux doutes sur la politique menée par les Français. Enfin, et le dernier événement est contemporain du discours, il faut ajouter à cette liste le cinquième congrès de la CISL, la Confédération Internationale des Syndicats Libres. Au milieu des années 1950 les syndicats américains atteignent le sommet de leur popularité.

    Au sujet du Colonialisme, les syndicats, et notamment le plus puissant d’entre eux, l’AFL-CIO, soutiennent une position sans équivoque. Pour eux, en effet, la domination Coloniale fait le lit du communisme. Ce qui est réel, puisque les pays indépendants se tournent vers les pays de l’Est, ainsi ira, malheureusement, pour l’Algérie séquestrée par les illégitimes du clan mafieux d’Oujda. Aussi leur apparaît-il urgent d’y mettre un terme. Ce congrès de la CISL se tient à Tunis au début de juillet 1957. Et au sujet du Colonialisme, les syndicats, et notamment le plus puissant d’entre eux, l’AFL-CIO (American Federation Labor and Congress of Industrial Organisation),, soutiennent une position sans équivoque. Pour eux la Colonisation facilite l’expansion du communisme ; le lieu de la conférence n’est pas anodin et est évidemment d’une extrême importance – et, à lire la presse de l’époque, la guerre d’Algérie est le thème central de la conférence ; Maxime de Person (156). Belkacem admirait grandement les deux hommes, au travers des informations qu’il recevait ; Mohammed Yazid et Abdelkader Chanderli, orchestraient un combat à l’extérieur aussi important que complémentaire à celui que menaient les maquisards de l’intérieur et enregistraient des résultats spectaculaires dans les avancées des objectifs du soulèvement du 1er novembre 1954.

    Les massacres en catimini qu’opéraient les Colons sur l’Arabe en Algérie ne pouvaient continuer. Les 45,000 assassinés de Kérata, Sétif, Guelma, Bougie étaient passés inaperçus en 1945. Ceux de Madagascar en 1947, 90.000 victimes des exactions des Colons français, on n’en évoqua à peine qu’un entrefilet dans un ou deux journaux provinciaux.

    Ailleurs, les répressions du Colonialisme anglais suivaient la même logique, massacrer les Colonisés, dans l’indifférence du reste d’un monde plongé dans son confort, aveugle et sourd, enrobé dans la désinformation propagée par les gouvernements Coloniaux. L’exemple de la rébellion Mau-Mau, du nom donné par les Anglais aux guérilleros kényans qui se prirent aux Colons entre 1952 et 1960, s’attaquant notamment aux fermiers blancs reflète la barbarie de la réponse répressive Coloniale des Anglais. Si leurs attaques ont été brutales, la répression a été terrible. Les Mau-Mau, résistants au Colonialisme des British ont fait 32 morts chez les Blancs, mais entre 80 000 et 90 000 Kényans ont été tués, 200,000 à 300 000 selon certaines sources. Dans le même temps, 160 000 d’entre eux étaient emprisonnés sans procès dans des camps où les exécutions, la torture, la castration, le viol et les mauvais traitements étaient courants, quotidiens.

    Les Coloniaux ignorent le mot « humanité » qu’ils soient Anglais, Français, Allemands, Hollandais, Italiens, Espagnols, Portugais ou autres. Néanmoins, si certains d’entre eux, très tardivement au XXIe, avaient fini par reconnaître, plus ou moins à mi-mots leurs crimes impérialistes, cas de l’Angleterre en juin 2013 sur les Mau-Mau, présenté des excuses et fait face à des réparations, ou la Hollande et les Allemands, les autres, la France en particuliers, reste globalement dans le déni global du mal qu’elle avait engendré dans ses anciennes Colonies, notamment et surtout en Algérie. L’Algérie fut la Colonie qui a le plus souffert de la Colonisation en Afrique dans sa brutalité et sa durée : 132 ans et trois mois.

    L’innommable : la torture et les massacres

    Déjà, ces trois années de 1954 à 1957, qui avaient fortifié l’enracinement de la lutte armée et réactivé un nationalisme silencieux, une rage cryptique, mais toujours vivace et présent, ont été les scènes de trop de drames déroulés et de milliers de victimes martyrisés, héros de la vraie liberté, de la dignité, de l’égalité, tombés sous les atrocités des exactions Coloniales. Le combat extérieur, international, permettra de raccourcir le temps du conflit et épargnera la perte de vies inutilement, dans une guerre idiote qui n’avait pas raison d’être, imposée par l’absurdité de l’archaïsme Colonial, l’inadaptation des politiques métropolitains, l’archaïsme de la République, la dormance de l’Empire sur ses lauriers du siècle passé avec la glue de « l’Algérie à papa » dans le cerveau des Colons, comme le dénoncera plus tard le Général acculé à céder l’Algérie à leur propriétaire légitime, le peuple algérien.

    Trois ans de bouleversement et la France reste toujours et encore figée dans sa vision du temps révolu et nostalgique que lui renvoyait le miroir de l’Empire Coloniale, celle de Napoléon Bonaparte (Joseph Charles Paul) ou pire, celle de Bugeaud de sinistre mémoire pour l’Algérie et la Commune.

    L’un comme l’autre estimant que le faible doit être encore plus affaibli pour être encore mieux exploité. Napoléon laissa dans ses folies guerrières plus d’un million de morts en Europe et rétablit l’esclavage, alors déjà aboli. Bugeaud qui se fit remarquer lors de la Commune de Paris avec les massacres des Communards, un antirépublicain notoire, laissera une l’Algérie en feu et à sang avec des dizaines de milliers de résistants assassinés, avec grand nombre de décapités sauvagement, notamment par le Colonel Lucien de Montagnac, de sinistre mémoire, disciple du non moins bourreau Bugeaud. Ce Colonel bourreau écrira : « Pour chasser les idées qui m’assiègent parfois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes ». Voir figure donnée dans ce livre.

    La France gesticule dans le turn-over des gouverneurs généraux de l’Algérie, le pouvoir exécutif de l’administration Coloniale, qui reflète l’instabilité politique de la IVe République déboussolée dans la recherche d’un gouverneur capable de mater les résistants, d’apporter la solution au conflit algérien, par l’emploi encore de méthodes « traditionnelles » qui avaient donné de bons résultats : la répression aveugle, outrancière, débridée, dans la certitude qu’elle apporterait une tranquillité quand bien même temporaire de 5 ou 10 ans, comme la toute dernière, celle de mai 1945 dans l’est du pays qui sévit dans plusieurs régions de Sétif, Khérata, Guelma, Bougie, etc.… qui avait apporté un répit de neuf ans et qui prépara… la Toussaint de novembre 1954.

    « Je vous ai donné la paix pour dix ans ; si la France ne fait rien, tout recommencera en pire et probablement de façon irrémédiable », avait averti le général Duval, maître d’œuvre de la répression criminelle de 1945.

    Déjà quatre gouverneurs, désignés par les présidents du conseil, se sont succédés : Roger Léonard qui fit ses valises trois mois après le starting de la lutte armée (janvier 1955), jugé trop vieux, incapable et dépassé pour juguler, ce que la France nommait, les évènements d’Algérie. Il est remplacé par Jacques Soustelle arrivé à Alger d’où il repartira moins d’un an après (janvier 1956), pour céder son trône à Georges Catroux, ce dernier ne durera à peine qu’un mois (janvier à février 1956) en chef de l’exécutif, réfuté, contesté, puis chassé même, par les Colons qu’ils jugent bradeur de l’Empire. Robert Lacoste, enfin, prendra sa place, dans la fonction de ministre résident. Il prendra possession de son poste juste après la visite de Guy Mollet, président du conseil, à Alger où il sera accueilli agressivement par les Colons, lui jetant divers projectiles (certains rapports notent des jets de tomates par erreur, car ce n’était pas la saison de ce fruit) en le huant, le jugeant également bradeur de l’Algérie. Partisan du maintien de l’Algérie dans la République française, le ministre résident, Robert Lacoste, dit ministre de la torture, implacable, sera l’un des principaux acteurs et auteurs de la répression contre les indépendantistes, durant tout le long de son séjour en Algérie. Sa méthode, basée sur deux axes, la pacification (complètement dépassée) et le développement économique.

    La carotte et le bâton en somme ! Mais la dignité de l’homme n’obéit pas à cet esprit ; elle refuse l’un et combat l’autre. Le ministre de la torture défendra et encouragea – évidemment sans ordre écrit, l’emploi de la torture et des liquidations extrajudiciaires par l’armée française et la police, héritières des méthodes de la Gestapo qui sera général et généralisé sur tout le territoire algérien. Il ira jusqu’à déclarer le 7 juillet 1957 à Alger devant d’anciens combattants Pieds Noirs, parlant des partisans contre la torture :

    … sont responsables de la résurgence du terrorisme, qui a fait à Alger, ces jours derniers, vingt morts et cinquante blessés, les exhibitionnistes du cœur et de l’intelligence qui montèrent la campagne contre les tortures. Je les voue à votre mépris, Robert Lacoste-159.

    Il se justifie en disant que « la torture n’est pas née avec moi, elle n’est pas morte après moi ». Il est vrai qu’elle était née avec le comte de Bourmont (commandant en chef du corps expéditionnaire), lors de l’invasion de l’Algérie et surtout intensifiée par Robert Bugeaud contre la résistance algérienne. On ne portera pas un jugement sur la moralité de ce socialiste, syndicaliste des ouvriers de France ! L’expédition d’Alger est une campagne militaire livrée de juin à juillet 1830 par la France contre la régence d’Alger. Alger était, au XIXe siècle, un état autonome de l’Empire ottoman. Le roi de France, Charles X, et le président du conseil, le prince de Polignac, prennent la décision d’entreprendre une expédition militaire dans le Nord de l’Afrique au printemps 1830, au plus tard le 11 avril, date de l’ordonnance nommant le comte de Bourmont commandant en chef du corps expéditionnaire. Cette décision relève de raisons tenant plus à la politique intérieure catastrophique du royaume de France qu’à la dégradation de ses relations avec la régence d’Alger. Cela avait permis de détourner la colère du peuple de France « misérabilisé » par le royaume.

    Elle débute le 14 juin, date à laquelle le corps expéditionnaire français débarque à Sidi-Ferruch, après une attente des bateaux de l’envahisseur en rade d’Alger depuis le mois de mars. Elle prend fin 21 jours plus tard, le 5 juillet, date à laquelle, après plusieurs batailles, le dey d’Alger, Hussein, signe à El Biar un acte de reddition, la capitulation d’Alger. Puis les troupes françaises entrent dans la ville le 9 juillet : Alger est prise. Elle constitue le premier épisode de la conquête de l’Algérie par la France, la suivante sera assumée par Bugeaud avec l’expansion de l’armée Coloniale à l’intérieur du pays.

    L’armée ottomane, occupante du pays, Coloniale elle aussi, s’est particulièrement mal préparée à l’expédition française, le dey surestimant sa propre puissance, sous estimant celle de Bourmont, ne fit appel qu’à la moitié des troupes dont il disposait. La conquête de l’Algérie fut une guerre atroce. Bugeaud restera dans la sinistre mémoire des crimes de masses en Algérie. Sa ligne de conduite : (24 janvier 1845) « Je brûlerai vos villages et vos moissons » Le général Bugeaud écrit le 18 janvier 1843 au général Louis Juchault de Lamoricière : « Plus d’indulgence, plus de crédulité dans les promesses. Dévastations, poursuite acharnée jusqu’à ce qu’on me livre les arsenaux, les chevaux et même quelques otages de marque… Les otages sont un moyen de plus, nous l’emploierons, mais je compte avant tout sur la guerre active et la destruction des récoltes et des vergers… Nous attaquerons aussi souvent que nous le pourrons pour empêcher Abd el Kader de faire des progrès et ruiner quelques unes des tribus les plus hostiles ou les plus félonnes. »

    Le 24 janvier il écrit au même de Lamoricière : « J’espère qu’après votre heureuse razzia le temps, quoique souvent mauvais, vous aura permis de pousser en avant et de tomber sur ces populations que vous avez si souvent mis en fuite et que vous finirez par détruire, sinon par la force du moins par la famine et les autres misères. »

    Bugeaud déclare dans un discours à la Chambre le 24 janvier 1845 : « J’entrerai dans vos montagnes ; je brûlerai vos villages et vos moissons ; je couperai vos arbres fruitiers, et alors ne vous en prenez qu’à vous seuls. » (Robert Louzon)

    Les « Colonnes infernales » de Bugeaud et de ses adjoints mettent largement à exécution ces menaces à l’égard des populations. L’objectif était de vider l’Algérie de ses habitants, de n’y tolérer que les soumis, des esclaves.

    Les lettres de Saint-Arnaud, disciple de Bugeaud, qui devait devenir maréchal de France (en reconnaissance de son héroïsme sur des civils sans armes) :

    « Nous resterons jusqu’à la fin de juin à nous battre dans la province d’Oran, et à y ruiner toutes les villes, toutes les possessions de l’émir. Partout, il trouvera l’armée française, la flamme à la main. » (Mai 1841)

    « Mascara, ainsi que je te l’ai déjà dit, a dû être une ville belle et importante. Brûlée en partie et saccagée par le maréchal Clauzel en 1855. »

    « Nous sommes dans le centre des montagnes entre Miliana et Cherchell. Nous tirons peu de coups de fusil, nous brûlons tous les douars, tous les villages, toutes les cahutes. L’ennemi fuit partout en emmenant ses troupeaux. »

    « Entouré d’un horizon de flammes et de fumée qui me rappelle un petit Palatinat en miniature, je pense à vous tous et je t’écris. Tu m’as laissé chez les Brazes, je les ai brûlés et dévastés. Me voici chez les Sindgads, même répétition en grand, c’est un vrai grenier d’abondance… Quelques-uns sont venus pour m’amener le cheval de soumission. Je l’ai refusé parce que je voulais une soumission générale, et j’ai commencé à brûler. » (Ouarsenis, octobre 1842).

    « Des tas de cadavres pressés les uns contre les autres et morts gelés pendant la nuit ! C’était la malheureuse population des Beni-Naâsseur, c’étaient ceux dont je brûlais les villages, les gourbis et que je chassais devant moi. » (Région de Miliana, 1843)

    « J’ai laissé sur mon passage un vaste incendie. Tous les villages, environ deux cents, ont été brûlés, tous les jardins saccagés, les oliviers coupés. » (Petite Kabylie, mai 1851). Eaudi in (1) ; Mehdi Lallaoui (98)

    L’héritage criminel de Bugeaud se retrouvera incrusté dans les gènes même de Robert Lacoste qui, comme ministre résident en Algérie, ne mentionnera jamais les quatre milles algérois portés disparus entre les mains des paras de Bigeard et de Massu. Ce nombre avait été pourtant reconnu officiellement par la préfecture d’Alger (par Jean Vaujour, alors responsable de la sûreté de l’Algérie, opposé à la politique criminelle de son supérieur). Sachant que ce chiffre avait été fortement minoré, il faut admettre, pour s’approcher de la vérité, au moins le double voire le triple du nombre d’assassinés enfouis dans des charniers ou largués lestés de poids lourds, souvent vivants, dans la mer par hélicoptères et avions, Jean Vaujour (9). Une méthode introduite par Bigeard qui occupera, à sa mort, une place au Panthéon, en reconnaissance de ses exploits dans les tueries des résistants algériens.

    Bien après la libération de l’Algérie, Robert Lacoste, nostalgique et frustré, conservera le goût du mal et de la vengeance dans la tête, voire de la haine dans le cœur. Ainsi, témoignant pour la défense du général Salan, confondu comme tortionnaire et chef d’une organisation criminelle de Pieds Noirs – l’OAS, lors de son procès, le 19 mai 1962, il déclare à propos des partisans du FLN et des accords d’Evian :

    « J’ai quand même le droit de dire cette espèce d’écœurement que j’ai aujourd’hui parce que ceux-là qui ont tué femmes et enfants à la terrasse des cafés, aux arrêts d’autobus, à la sortie des Écoles, dans les stades et dans les bals populaires, sont amnistiés »

    Il omettra, par sa notoire mauvaise foi, que l’amnistie (accordée par le général De

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