Dans la pénombre précédant l’aube, les guerrières se faufilent entre les broussailles qui entourent le village de Zogbo, à 3 km au nord de Cotonou, la capitale du Bénin d’aujourd’hui. Armées de coutelas, de sabres, de lances, elles approchent silencieusement le fortin de pisé où sont cantonnés les avant-postes de l’armée française. Au signal, la troupe passe à l’attaque. Sans hésitation, une jeune femme transperce de sa sagaie le maréchal des logis et les deux tirailleurs sénégalais chargés de faire le guet. Bientôt, tous les autres hommes sont capturés sans un coup de feu. En ce jour de mars 1890, alors que l’armée du roi Béhanzin marche sur Cotonou, le premier acte de la guerre coloniale franco-dahoméenne vient de se jouer.
Un royaume prédateur
Fondé au début du XVIIe siècle dans le sud de l’actuel Bénin, autour de la cité d’Abomey, à 130 km – soit 24 heures de marche – de la côte du golfe de Guinée, l’ancien royaume du Dahomey est un cas à part dans l’Histoire. D’abord parce que son ascension est intimement liée à la traite des esclaves en Afrique de l’Ouest. Les rois de la dynastie des Agassouvi, qui dirigent cet État africain dominé par l’ethnie fon, le comprennent très tôt: au XVIe siècle, leur pays occupe une position stratégique à proximité de la « côte des Esclaves » à une époque où les colonies d’Amérique et des Caraïbes dévorent la main-d’oeuvre servile.
Le regard féroce, les guerrières entourent le roi à chacune de ses sorties.
Multiplier les razzias chez ses voisins et ennemis et échanger les prisonniers de guerre contre des biens rapportés par les Portugais, les Anglais, les Hollandais ou les Français dans les comptoirs négriers – tissus et étoffes, eau-de-vie, tabac et surtout